M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Serge Dassault. Dans ces conditions, nous pourrons avancer.

Telles sont les observations que je souhaitais formuler sur le plan de relance, au demeurant très utile, même s’il faudrait sans doute quelque peu l’infléchir pour qu’il soit plus adapté à la situation et plus efficace en termes de créations d’emplois.

Quoi qu’il en soit, je vous garantis que les entreprises n’embauchent pas et que le chômage va malheureusement encore augmenter. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’année 2008 restera celle où notre pays est entré dans une crise mondiale et financière de très grande ampleur, probablement sans précédent.

Dans ces conditions, l’année 2009 qui commence s’annonce particulièrement redoutable pour notre économie, pour les Français bien sûr, mais également pour les collectivités territoriales, qui sont en première ligne face à la crise et à ses conséquences.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 2009 sera une année perdue pour notre économie, puisque qu’elle sera l’année de la pire récession depuis 1945, renvoyant 1993 au rayon des accidents de parcours ! En effet, les prévisions actuelles, dont on peut craindre qu’elles ne soient optimistes, tablent sur une récession de 1,8 % en 2009 pour notre pays, soit le double de celle de 1993.

Parce que la crise n’attend pas, parce que ses effets se font ressentir sur le niveau de notre activité, parce que sa violence sociale agit chaque jour sur les ménages les plus modestes, il y a urgence à agir ! Aucune solution ne doit être rejetée a priori. Tout ce qui peut être envisagé doit être mis en place. Il faut aller vite, et faire beaucoup !

Dans ces conditions, le plan de relance a surtout le mérite d’exister et d’être là. C’est sans doute son principal atout. Et c’est probablement aussi la principale raison pour ne pas s’y opposer. En effet, il est très difficile pour des parlementaires responsables et parfaitement conscients de la situation et de son urgence de s’y opposer.

Toutefois, comme il n’est pas dans les habitudes des membres de mon groupe de céder au biais d’une lecture partisane et doctrinale, il convient de relever les mérites de ce plan, mais également d’en souligner les insuffisances et les lacunes bien réelles. On ne peut que regretter son caractère inachevé et en demi-teinte. Il est certain que vous pouviez, et que vous deviez, faire mieux ! La plupart des amendements déposés par les sénateurs vous y inviteront, monsieur le ministre.

Le plan de relance qui nous est proposé s’élève à 26 milliards d’euros, ce qui correspond à quelque 1,3 % de notre PIB, quand l’Union européenne a demandé un effort de 1,2 % à chacun de ses États-membres. Comme souvent quand il s’agit d’Europe, notre zèle est très limité. Par conséquent, notre effort budgétaire pour ce plan de relance l’est tout autant. Seuls les tenants d’une certaine orthodoxie budgétaire s’en féliciteront, mais à quel prix, ou plutôt à quel coût pour notre économie et nos emplois, mes chers collègues !

Aussi, on ne peut bien évidemment que regretter un réel manque d’ambition, surtout quand on voit nos voisins allemands débloquer 50 milliards d’euros. Et je ne parle même pas du plan annoncé outre-Atlantique par le président Barack Obama, qui s’élèvera, lui, à plus de 800 milliards de dollars !

De plus, le plan de relance qui nous est proposé est exclusivement un plan de relance par l’investissement. Et il est d’ailleurs assumé comme tel par le Président de la République. Là encore, je crains que vous ne fassiez les choses à moitié, monsieur le ministre. Il manque à ce plan un second volet, celui d’une relance par la demande et par la consommation.

Bien entendu, l’investissement apportera une réponse indispensable et attendue à de réelles difficultés rencontrées par les entreprises, notamment par les plus petites d’entre elles. Et je ne doute pas que la plupart des mesures contenues dans ce plan renforceront notre compétitivité, qui en a bien besoin.

Mais pourquoi privilégier le seul investissement au détriment de la consommation ? Pourquoi les opposer ? Pourquoi ne pas les associer et les utiliser de manière complémentaire comme deux leviers majeurs sur le chemin du retour vers la croissance ? Je ne partage pas la vision contenue dans ce plan de relance selon laquelle un euro d’investissement public aurait un plus grand effet d’entraînement sur la croissance qu’un euro d’aide à la consommation.

Selon un rapport rédigé par notre excellent collègue Bernard Angels au nom de la délégation du Sénat pour la planification – je fais partie de cette instance, qui est présidée avec brio par notre collègue Joël Bourdin –, dans le contexte actuel, celui d’un véritable choc de demande, l’effet d’une relance directe par la consommation est plus efficace.

Nous savons combien la demande commande l’investissement privé, selon le principe de l’accélérateur. Selon ce même principe, on peut craindre un effondrement de l’investissement à cause de perspectives de demandes dégradées.

Certains objectent qu’une relance de la consommation profiterait d’abord à nos partenaires commerciaux. La réalité est beaucoup plus complexe. Il convient de relativiser la déperdition de la relance nationale au profit des pays fabriquant des produits importés en France. Comme vous le savez, monsieur le ministre, ce phénomène est largement compensé par nos exportations, à plus forte raison dans un contexte mondial de relance, comme c’est le cas aujourd’hui. Nous profiterons donc des plans de relance massifs de certains de nos voisins européens, dont plusieurs prévoient justement le fameux volet « consommation » qui nous fait défaut.

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. Yvon Collin. Au-delà des raisonnements macro-économiques, qui peut aujourd'hui réellement penser qu’une politique d’aide à la consommation pour les ménages les plus modestes profiterait d’abord à l’épargne ? Ou encore que ces mêmes ménages s’empresseraient, dans le contexte actuel, d’acheter des écrans plats de fabrication chinoise ?

Non ! Une aide à la consommation pour les plus modestes, et même pour les classes moyennes, servirait, me semble-t-il, directement à l’achat de biens de première nécessité, soutenant ainsi un pouvoir d’achat fortement dégradé depuis maintenant deux ans !

Mme Nicole Bricq. Bien sûr !

M. Yvon Collin. L’autre lacune de ce plan de relance est sa limitation dans le temps pour l’essentiel de ses mesures, qui sont – il faut le reconnaître – des mesures de bon sens.

Je pense, par exemple, à la simplification et à l’assouplissement de certaines procédures pour les entreprises. Je pense également aux contrats de partenariat pour les sites classés et pour l’urbanisme. Mais, monsieur le ministre, certaines de ces mesures ne suffiront pas à soutenir en profondeur une relance digne de ce nom. Par conséquent, je pense que d’autres plans de relance devront être envisagés d’ici à 2010.

Pourquoi se priver d’un grand plan de relance par l’investissement public, aux effets immédiats et aux conséquences sur le long terme ? Encore une fois, pourquoi se priver d’une plus grande marge de manœuvre ?

De la même manière, il faudrait accélérer les quelques mesures soutenant les investissements publics, qui, elles, ne créeront pas d’effets avant deux ou trois ans, au mieux.

Monsieur le ministre, à la lecture de votre plan, il ne semble pas que vous ayez pris la mesure de l’ampleur et de la durée de la crise qui nous frappe !

À crise exceptionnelle, mesures exceptionnelles ! Or votre plan de relance est trop timide. Il est évidemment nécessaire, mais il n’est pas suffisant. Il lui manque donc la dimension exceptionnelle que nécessitent l’appréciation et la dimension de la crise.

C’est pourquoi les sénateurs membres de mon groupe attendent beaucoup de la discussion des articles et de l’examen des amendements. Il est encore possible d’améliorer et de renforcer le plan de relance et d’y introduire peut-être des mesures en faveur d’une relance par la consommation.

En résumé, nous ne doutons pas que la Haute Assemblée aura à cœur de donner à ce plan plus de souffle et d’ambition, d’y apporter sa plus-value, comme ce fut le cas sur de nombreux textes. Nous avons ainsi pu nous en rendre compte la semaine dernière à propos du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

Compte tenu de la situation dans laquelle se trouve notre économie, et alors que nous mesurons davantage chaque jour les effets dévastateurs d’une crise qu’il sera difficile d’enrayer à court terme, voire à moyen terme, les sénateurs du groupe du RDSE, en responsabilité et dans leur grande majorité, ne souhaitent pas s’opposer à l’adoption de ce plan de relance, qui, malgré ses nombreuses insuffisances, constitue malgré tout un premier pas et va, de notre point de vue, dans le bon sens. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.

M. François Rebsamen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à cet instant de la discussion générale, beaucoup d’éléments ont déjà été soulignés. Vous me pardonnerez donc un certain nombre de répétitions.

Mais, et cela permettra au moins de le montrer, l’ensemble des sénateurs font bien souvent le même constat : notre pays est plongé dans l’une des plus graves crises économiques et sociales de son histoire, en tout état de cause la plus grave depuis la dernière guerre mondiale.

J’ai relu avec attention les différents commentaires ou analyses sur le sujet datant de l’été dernier. J’ai constaté, à ma grande surprise, que M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique annonçait à l’époque un déficit budgétaire de l’ordre de 2,5 % du PIB pour 2009, et qu’il déclarait même espérer le ramener à 2 %.

M. Philippe Marini, rapporteur général. La crise mondiale est passée par là depuis !

M. François Rebsamen. J’entends bien, mon cher collègue. Mais cela prouve au moins qu’il n’avait pris la mesure des événements en préparation.

Pourtant, nous étions déjà confrontés à une crise économique. Certes, la crise financière a emporté tout cela. Mais, d’un point de vue budgétaire, notre pays a du mal à faire face à la terrible récession qui frappe nos entreprises et nos concitoyens et qui va occasionner une cohorte de plans sociaux et de chômeurs supplémentaires.

Vous me permettrez de rappeler que, qu’il s’agisse du budget de l’État, des comptes sociaux ou du commerce extérieur, les déficits explosaient déjà avant l’éclatement de cette crise financière. De tels résultats – je le dis très sereinement – traduisaient l’échec des choix économiques effectués par le Président de la République et le Gouvernement. Je pense notamment au fameux paquet fiscal de 15 milliards d’euros, qui était tourné essentiellement vers les plus aisés de nos concitoyens

Depuis, le chômage bondit et les plans sociaux se succèdent. Ainsi, dans ma propre ville – je suppose que vous êtes tous au courant, et j’ai tenté de sensibiliser ceux qui ne l’étaient pas à travers une carte de vœux –, le groupe Unilever, qui a réalisé plus de 4 milliards d’euros de bénéfices pendant les trois premiers trimestres de l’année 2008, a annoncé un plan de près de 300 licenciements chez Amora-Maille, alors même que les bénéfices sont au rendez-vous !

Par conséquent, et nous le voyons bien, il y a à la fois une véritable crise, profonde, et des effets d’aubaine dont profitent certaines grandes entreprises, voire multinationales.

À la lecture de l’article 2 du projet de loi de finances rectificative pour 2009, que nous examinons actuellement, le déficit budgétaire prévisionnel s’élèverait à près de 79 milliards d’euros. Hier, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique a réajusté cette prévision à 86 milliards d’euros, sur une hypothèse de croissance positive comprise entre 0,2 % et 0,5 %. Nous aimerions que cette estimation soit juste, mais tous les économistes savent qu’un tel objectif de croissance n’est pas tenable. Il est donc à craindre que, à la fin de 2009, le déficit n’atteigne 100 milliards d’euros et la dette 70 % du PIB.

Compte tenu de ces éléments, j’ai examiné avec nos collègues ce plan destiné à soutenir notre économie, que vous avez chiffré à hauteur de 26 milliards d’euros. Le rapporteur général l’estime d’ailleurs plutôt à environ 23 milliards d’euros, mais là n’est pas l’essentiel.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela ne change pas les ordres de grandeur !

M. François Rebsamen. C’est bien ce que je disais ; merci de ce complément que j’apportais moi-même ! Ce n’est pas là un sujet de débat. Il ne s’agit pas non plus, comme Mme Bricq l’a rappelé tout à l'heure, d’une course aux annonces chiffrées !

Nous souhaitons vous soumettre des éléments de réflexion portant sur trois points.

Tout d’abord, ce plan contient des mesures insuffisantes en matière de soutien à l’investissement.

Ensuite, plus curieux, je note une erreur de méthode.

Enfin, on peut le dire sans se faire immédiatement taxer de vouloir grever le déficit du commerce extérieur, il convient de souligner l’oubli de mesures de soutien en faveur des Françaises et des Français les plus défavorisés, sachant que 7 millions de personnes qui vivent aujourd'hui à la limite voire au-dessous du seuil de pauvreté dans notre pays, seront les plus touchés par la crise.

Tout d’abord, s’agissant de l’insuffisance des mesures de soutien à l’investissement, l’effort de l’ordre de 4 milliards d’euros que vous nous proposez, monsieur le ministre, ne prend pas assez en compte la dimension du développement durable, alors même qu’interviendra prochainement au Sénat l’examen du projet de loi relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.

Il aurait été utile de lier la volonté d’accélérer la construction de logements à l’efficacité énergétique et à la lutte contre les effets de serre. Une approche plus intégrée permettrait de lancer une nouvelle économie de la production dont notre pays a bien besoin.

D’une manière plus générale, nous pourrions convenir que la priorité doit être donnée aux efforts d’investissements ayant un effet social fort et un impact économique immédiat ou, en tout cas, dans l’année qui suit, en particulier lorsqu’il s’agit d’investissements pour le logement social ou de ceux des collectivités locales.

Je prendrai quelques exemples dans le domaine du logement.

Le projet de loi de finances initiale pour 2009, tout en affirmant la priorité du Gouvernement en faveur du logement, réduisait en réalité les crédits affectés à ce secteur de plus de 6 %.

Avec l’évolution de la crise qui frappe l’ensemble de notre économie, le Gouvernement redécouvre, et c’est tant mieux, les vertus du logement, facteur de développement de l’activité et de l’emploi, car ceux-ci ne sont pas délocalisables.

Le renforcement de la construction doit avoir pour objectif non pas seulement de répondre aux risques d’asphyxie de la branche économique du bâtiment, mais de mettre à la disposition de nombre de nos concitoyens les nouveaux logements qui leur font cruellement défaut. Tel doit être le double objet de ce plan.

Ce plan aurait pu développer une nouvelle méthode, disais-je, en s’appuyant directement sur les attentes et les besoins des collectivités locales, mais aussi des bailleurs sociaux en ce qui concerne le logement social.

Au lieu de construire un plan descendant, qui part du national, il me paraît nécessaire d’adopter une démarche ascendante qui se fonde sur des projets existants ayant une application concrète, faute de quoi le plan se heurtera à la réalité du terrain.

Par exemple, le présent projet de loi de finances rectificative prévoit le financement de 15 000 prêts locatifs à usage social, PLUS, et prêt locatifs aidés d'intégration, PLAI, supplémentaires. Or la loi de finances pour 2009 avait ramené le nombre des PLUS-PLAI à 78 000, contre 100 000 initialement. Si le financement de ces dispositifs par le biais du présent collectif se révèle plus favorable, l’effet de levier ne se fera sentir que lorsque le volume de production initiale de 78 000 logements sera atteint.

Par conséquent, la priorité à la production, telle qu’elle est affichée, est remise en cause.

En outre, ni la loi de finances pour 2009 ni le projet de loi de finances rectificative pour 2009 n’abordent l’objectif de rénovation énergétique du parc locatif social, qui constitue cependant un enjeu essentiel au regard des préoccupations tant environnementales que sociales de ce secteur.

Dans ce domaine, la loi de finances prévoit que le parc privé pourra bénéficier d’un éco-prêt à taux zéro à hauteur de 30 000 euros. C’est une mesure très favorable, mais qu’en est-il du parc locatif social qui accueille principalement les ménages les plus modestes ? Je vous soumets ce sujet de réflexion.

Ensuite, j’en viens à l’erreur sur la méthode. Vous avez appelé les élus à jouer un rôle capital dans la mise en œuvre de ces projets, et c’est normal. Notre collègue Edmond Hervé est longuement intervenu à ce sujet.

Il est déjà oublié le temps pas si lointain où le Gouvernement pointait du doigt les collectivités locales, les accusant d’être trop dépensières et responsables en partie de l’endettement public.

Pourtant, chacun sait que l’endettement des collectivités locales est tourné uniquement vers l’investissement : ces dernières assurent aujourd’hui près de 75 % de l’investissement public dans notre pays !

Si vous voulez qu’elles prennent toute leur place, monsieur le ministre, il faut, d’une part, les associer à ces projets en amont et non a posteriori et, d’autre part, cesser de les déstabiliser en permanence, car elles ont besoin, tout comme les entreprises, de visibilité, de lisibilité pour investir.

Mais elles n’ont pas été associées par les services que vous avez mis en place, vous appuyant sur ceux du préfet, à l’élaboration de ce plan, dont elles sont pourtant les premiers acteurs puisqu’elles savent avec précision quels projets d’investissement peuvent être réellement accompagnés, soutenus et lancés rapidement.

C’est pourquoi je vous propose de réunir dès ce début d’année 2009 des conférences territoriales avec l’ensemble des grandes collectivités qui investissent dans chaque région.

Une grande incertitude pèse sur les collectivités locales quant à leur avenir, leur architecture, leurs finances, et ce manque de lisibilité les empêche d’avancer, malgré toute leur bonne volonté.

Pourtant, il vous faudra bien leur faire confiance si vous voulez que les mesures que vous présentez en matière d’investissement aient un impact.

Évitez de créer des mécanismes trop complexes, qualifiés d’ « usines à gaz » par Nicole Bricq.

Il aurait été plus simple, plus efficace et plus rapide de miser sur la confiance en augmentant les dotations de l’État aux collectivités locales pour permettre à ces dernières de réaliser des investissements gelés ou de nouveaux investissements, et de contrôler a posteriori l’utilisation du surcroît de dotations.

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. François Rebsamen. Mais, visiblement, la confiance n’est pas là, monsieur le ministre. Pourtant, si vous proposez aux collectivités locales un vrai pacte de relance avec l’État, elles répondront présent.

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. François Rebsamen. Enfin, dire que le soutien à la consommation est le troisième pilier indispensable d’un plan de relance ne doit pas prêter à moquerie.

Nos concitoyens, en particulier les ménages à revenus modestes, vivent difficilement la crise actuelle. Cessons de prétendre qu’en leur distribuant du pouvoir d’achat, on creuse le déficit du commerce extérieur en favorisant l’achat d’écrans plats !

Mme Nicole Bricq. C’est scandaleux !

M. François Rebsamen. Ne pointons pas systématiquement du doigt des mesures permettant en réalité l’accession à des produits de première nécessité.

D’ailleurs, les primes à la casse versées pour l’achat d’une voiture neuve étrangère creusent-elles moins le déficit du commerce extérieur ? J’ai cru comprendre à un moment que vous-même, avant d’occuper vos fonctions actuelles, aviez quelques doutes sur l’efficacité d’une telle mesure !

Je prendrai un dernier exemple, monsieur le ministre, qui montre qu’il n’est parfois pas inutile de savoir faire machine arrière. Ainsi, n’est-il pas absurde de dépenser 4 à 5 milliards d’euros pour défiscaliser des heures supplémentaires alors qu’elles suppriment des emplois ?

Mme Nicole Bricq. C’est une absurdité !

M. Daniel Raoul. C’est absurde !

M. François Rebsamen. Selon une étude de l’INSEE, cette mesure a conduit à la suppression ou à la non-création de 16 000 à 60 000 emplois. Il est temps de la revoir.

On devrait plutôt prendre les mesures réclamées, par exemple, par les constructeurs automobiles et leurs sous-traitants, touchés par la crise, qui regrettent de ne pas avoir en France le mécanisme de la Casa integrazione guadani, ou CIG, permettant d’apporter un soutien aux mesures de chômage partiel ou technique qu’ils sont obligés de prendre, avec le maintien du salaire et la dispense de formations en période économique particulièrement difficile.

M. François Rebsamen. Ce projet me semble quelque peu déconnecté de la vie réelle de nos concitoyens, parce qu’il passe à côté de la relance par la consommation, le pouvoir d’achat et la création d’emplois.

Trop modeste, je le crains, pour stimuler la demande et trop peu ambitieux pour relancer l’investissement, il fait le pari risqué d’une récession courte. Sans doute nous reverrons-nous très prochainement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.

M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise financière, devenue une crise économique, oblige le Gouvernement et le Parlement à s’affranchir quelque peu des règles valables en période de croissance pour éviter de tomber dans une récession durable et pour limiter l’aggravation du chômage.

Les deux présents projets de loi, en discussion commune, vont dans ce sens et je les approuve, en souhaitant que, compte tenu de la difficulté dans laquelle nous sommes, une très large majorité les vote, sous la réserve de quelques amendements.

À ce point du débat, je ne reviendrai pas sur les différentes mesures qui nous sont proposées.

Il s’agit, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2009, de consacrer une somme importante – 26 milliards d’euros – pour faciliter le redémarrage de l’activité et, dans le projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, de faire sauter quelques-uns – je dis bien « quelques-uns » – des verrous qui gênent les investisseurs publics et privés, …

M. Charles Revet. Il y a beaucoup de verrous !

M. Jean-Pierre Fourcade. …afin de développer nos investissements.

Je n’entrerai pas dans le débat sur le pouvoir d’achat, la stimulation de la consommation et le développement des investissements.

Ceux qui regardent et jugent l’économie française de l’extérieur, depuis la Commission européenne, les États-Unis ou d’autres pays, et observent notre déficit budgétaire dépassant 85 milliards d’euros et nos comptes sociaux en déséquilibre, donc une prévision de déficit global à hauteur de 100 milliards d’euros à la fin de 2009, ne se posent pas la question de la relance par la consommation dans notre pays, car cela participerait de la gageure !

M. Charles Revet. Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très juste !

M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le ministre, plutôt que de ressasser tout ce qui a été dit, je souhaite vous faire part de deux inquiétudes et, partant, de deux propositions.

En premier lieu, et je rejoins les propos tenus par mon ami Serge Dassault, l’investissement des entreprises privées ne me paraît pas suffisamment encouragé dans les deux textes.

Même si l’on essaie d’améliorer le partenariat public-privé, que l’on prévoit la suspension de la taxe professionnelle – sa mort est d’ailleurs annoncée –, le remboursement anticipé des dettes de l’État, ainsi que des garanties d’emprunt, il n’en demeure pas moins que l’action menée en faveur du logement, de la construction automobile et des PME ne s’attaque pas suffisamment aux deux défis auxquels sont confrontées toutes nos entreprises.

Premier défi, depuis quelques années, notre part de marché sur le plan mondial en matière d’exportations a reculé : le déficit du commerce extérieur apparaît donc comme l’un des problèmes de notre pays, le déficit budgétaire en étant un autre.

Second défi, tout le monde l’a bien compris, nous sommes obligés de prendre un chemin différent vers le développement durable, en essayant de mieux réfléchir à nos problèmes énergétiques, de biodiversité et à l’ensemble de notre vie sociale.

Je suis frappé par le fait que, aujourd'hui, la France ne dispose pas d’une capacité de production suffisante pour répondre aux objectifs du développement durable adoptés par l’Assemblée nationale dans le cadre du Grenelle de l’environnement – le Sénat examinera ce texte dans quelques semaines –, à savoir la lutte contre les changements climatiques et le surcoût de l’énergie.

Si nous voulons appliquer un certain nombre de prescriptions du Grenelle de l’environnement, nous sommes obligés d’importer, car nous n’avons pas de capacité de fabrication sur place. (M. François Rebsamen s’exclame.)

C’est pourquoi je souhaite que l’on ajoute à la gamme des mesures déjà prises une réduction drastique des rythmes d’amortissement pour les investissements qui sont directement liés aux dispositifs du Grenelle de l’environnement.

J’irai jusqu’à prévoir un amortissement en deux ans, sur 2009 et 2010, de manière à permettre la création, en France, de capacités de production, le tout associé aux garanties d’emprunt considérables que nous avons votées. Ce serait intéressant pour l’avenir, et cela nous permettrait de faire face en 2011 et en 2012 à une compétition internationale. Nous pourrions peut-être également associer à cette mesure des actions spécifiques du fonds d’investissement stratégique. Cela nous donnerait, en sortie de crise, des capacités de production en cellules photovoltaïques, en panneaux thermiques, en systèmes de chauffage air-air ou solaire, en système d’échangeurs de chaleur, en géothermie, etc. De la sorte, nous disposerions du matériel nécessaire pour faire face, à partir des années 2012-2013, aux problèmes auxquels nous serons confrontés en matière d’environnement.

Cette mesure fiscale pourrait être prise soit dans le cadre de l’examen de ce texte, soit lors de la discussion d’un texte ultérieur.

En publiant une liste des investissements pouvant donner lieu à une réduction des rythmes d’amortissement, nous donnerions un signal aux entreprises privées et nous nous orienterons vers un secteur et des spécifications utiles à la sortie de crise.

Ma deuxième préoccupation tient évidemment au financement de notre dette.

M. Woerth nous a annoncé tout à l’heure que le déficit s’élevait à plus de 85 milliards d’euros, ce qui signifie que la somme que nous allons être obligés d’emprunter sur le marché national ou international en 2009 sera proche de 200 milliards d’euros : 145 milliards d’euros pour amortir la dette à moyen et à long terme et 55 milliards d’euros pour faire face au financement du déficit. Mes chiffres sont un peu approximatifs, mais l’ordre de grandeur est exact.

Les derniers résultats que nous avons constatés en ce qui concerne le placement des obligations du Trésor sur le marché international sont un peu inquiétants.

D’abord, l’offre de capitaux a beaucoup décru. Ainsi, pour une émission de 2 à 3 milliards d’euros, nous avons actuellement quelque 4 milliards d’euros de demande, contre de 6 à 7 milliards d’euros de demande au début de l’année dernière.

Le niveau des taux ne bouge pas encore. Nous empruntons sur le marché intérieur des bons du Trésor sur un an pour un taux de l’ordre de 2 %. Nous empruntons à moyen et à long terme sur le marché international à des taux qui dépassent 4 % en moyenne : 4,10 %, 4,11 %, voire 3,60 % lorsque les maturités sont plus courtes.

Si nos taux sont inférieurs à ceux de l’Espagne ou de l’Italie, ils sont supérieurs à ceux de l’Allemagne. Comme tous les pays vont se précipiter sur le marché mondial pour financer leur déficit et leur relance, je crains que nous n’ayons un problème de contraction en cours d’année.

C'est la raison pour laquelle – et j’en viens ainsi à ma seconde proposition –, il faudrait inciter la direction générale du Trésor et de la politique économique et l’Agence France Trésor à sortir un peu des systèmes habituels.

Nous pourrions inventer un système d’emprunt à cinq ans, sous forme de bons émis à des taux d’intérêt faibles – je pense notamment au taux d’intérêt de 2,5 % des caisses d’épargne –, à condition de leur donner un sort fiscal favorable, c'est-à-dire de les exonérer de toute fiscalité.

Ces bons à cinq ans constitueraient un élément intermédiaire entre, d’une part, l’emprunt sur le marché mondial et, d’autre part, les bons du Trésor à un an, qui fonctionnent à l’heure actuelle très bien, les gens se précipitant sur ce produit. Nous avons ainsi eu près de 50 milliards d’euros de bons du Trésor à un an en 2008, avec une très forte augmentation en fin d’année.