M. le président. L'amendement n° 763 rectifié, présenté par MM. Pointereau, Revet, Bizet, Pierre et Bailly et Mme Procaccia, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Cette étude, basée sur des données scientifiques sera menée en concertation avec les acteurs concernés.

La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. Cet amendement vise l’étude qui a été évoquée tout à l’heure et qui concernerait l’aménagement ou l’effacement des obstacles les plus problématiques pour la migration de poissons.

Nous souhaitons que cette étude soit menée en concertation avec les acteurs locaux concernés. Il est vrai que les riverains des cours d’eau, qui sont des acteurs de terrain permanents, ont une connaissance incomparable des problèmes rencontrés et de leurs causes, et qu’ils peuvent, grâce à leur expérience, compléter les approches administratives en proposant des solutions pragmatiques.

Il s’agit, finalement, d’un amendement de bon sens. Les données scientifiques élaborées dans un bureau, c’est bien, mais la connaissance du terrain, c’est mieux ! On ne doit pas imposer l’élimination des barrages ou des stations hydroélectriques, construits parfois récemment– il y a quinze ans – aux frais soit de personnes privées soit des collectivités locales, sans l’aval des acteurs locaux privés, mais aussi des élus locaux, qui sont présents dans des syndicats de rivières et qui ont réalisé des investissements importants.

Je ne me vois pas aujourd’hui supprimer d’un coup de baguette magique, sans concertation, un certain nombre d’obstacles ou de barrages qui ont été construits voilà peu de temps.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Nous abordons un point important, et je m’efforcerai de donner l’avis de la commission sur les différents amendements le plus clairement possible.

Les amendements identiques nos 218 et 655 vont à l’encontre de ceux sur lesquels la commission a émis un avis de sagesse. La commission n’estime pas opportun de supprimer la possibilité d’aménager les obstacles les plus problématiques pour la migration des poissons. Je demande donc aux auteurs de ces amendements de les retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Les trois amendements identiques nos 187 rectifié bis, 465 rectifié bis et 516 rectifié tendent à supprimer l’objectif d’effacement des obstacles les plus problématiques à la migration des poissons. La commission a émis un avis de sagesse sur ces amendements pour les raisons suivantes.

En tant que président de la mission commune d’information créée en 2007 sur la sécurité d’approvisionnement électrique de la France, je ne peux tout d’abord que rappeler la position constante du Sénat, qui est de chercher à concilier les exigences environnementales et la nécessité de développer l’énergie hydroélectrique. L’importance de celle-ci est double.

D’une part, elle permet d’accroître la part des énergies renouvelables, puisqu’elle représente pour l’instant plus de 90 % de l’électricité d’origine renouvelable. Elle participe ainsi à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

D’autre part, elle contribue à la sécurité d’approvisionnement de la France, notamment en apportant un appoint décisif pour les pics de consommation. Si, au mois de novembre 2006, nous avons pu redresser la situation malgré les éoliennes, qui ont mis la « pagaille » dans tout le réseau français, c’est grâce à l’apport massif de l’hydroélectricité. Sinon, le réseau se serait complètement effondré.

En tant que rapporteur du projet de loi sur l’eau et les milieux aquatiques, je ne peux que rappeler les nombreuses dispositions que nous avons adoptées voilà tout juste deux ans, afin de garantir la continuité écologique des cours d’eau, notamment en réglementant les débits réservés. Il faut faire respecter la loi ! On nous dit que l’Allier – j’ai bien noté qu’il s’agit de l’ancien Allier – est un cloaque à certains endroits. Or, sauf exception, il ne s’agit pas de ce département ! Il ne devrait donc pas y avoir de problème, puisque c’était l’avis du ministère de l’environnement de l’époque.

Dans le cadre de l’examen du projet de loi sur l’eau et les milieux aquatiques, nous avons également réformé les procédures concernant le classement des cours d’eau.

Est-il vraiment opportun et urgent, dans ces conditions, alors que la France s’est fixé des objectifs ambitieux en matière de production d’énergies renouvelables, de prendre une décision de principe sur l’effacement des ouvrages et de l’inscrire dans ce projet de loi de programme ?

D’après les informations qui nous ont été communiquées, cet effacement concernerait non seulement quelques grands barrages jugés problématiques, mais aussi, d’après le recensement effectué par l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA, de nombreux petits ouvrages. Or, s’il est assez facile de traiter le problème des grands ouvrages, il n’est pas toujours pertinent de supprimer les petits ouvrages.

Monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, nous vous donnons acte des travaux engagés dans le cadre de la convention sur l’hydroélectricité, qui prévoit un développement de cette énergie. Mais, même dans ce cadre, il semble que la notion d’effacement des ouvrages ne fasse pas consensus et qu’elle suscite l’inquiétude de toute la filière de la petite hydroélectricité, qui voit dans l’inscription de ce principe dans la loi un danger juridique pour toutes les installations, et qui s’interroge sur l’imprécision juridique et scientifique du terme « problématiques ».

D’ailleurs, la petite hydroélectricité n’est pas si petite que cela ! J’évoquerai à cet égard la picohydroélectricité, dont les petites turbines au fil de l’eau produisent tout de même 45 à 50 kilowattheures d’électricité.

M. Roland Courteau. Comme les petites éoliennes !

M. Bruno Sido, rapporteur. La commission est consciente qu’il s’agit là d’un engagement du Grenelle de l’environnement, et c’est pourquoi elle a émis un avis de sagesse. Elle estime toutefois que ce n’est pas une raison suffisante pour rejeter les présents amendements et qu’on ne peut demander purement et simplement au Parlement de ratifier les accords du Grenelle, faute de quoi on pourrait s’interroger sur l’utilité même de l’examen du texte.

J’ajouterai que les questions d’hydroélectricité ne sont pas les seules à se poser. S’il n’y avait pas le barrage de Suresnes, en été, on traverserait la Seine à pied sec au niveau de Notre-Dame ! Des dizaines de milliers de petites retenues en France, qui font parfois un mètre de haut, ont une utilité certaine, ne serait-ce que sanitaire. Le sujet est donc extrêmement compliqué.

Par conséquent, je le répète, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur ces trois amendements identiques, mais elle attend surtout des explications de la part du Gouvernement.

La commission sollicite le retrait de l’amendement n° 219, dans la mesure où le critère de migration des poissons lui paraît suffisant.

Enfin, la précision prévue par l’amendement n° 763 rectifié paraît tout à fait utile. La commission émet donc un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Nous élaborons un texte d’ordre général, même si les conséquences peuvent être particulières : il s’agit de redonner vie à nos cours d’eau. Ainsi, l’article 24 concerne les « eaux résiduaires urbaines », et toutes les collectivités se sont mobilisées.

J’ajoute, mais ce n’est pas l’objet du texte, qu’un certain nombre de produits ont autrefois été déversés dans nos fleuves et nos rivières. Or chacun sait à quel point il est difficile de récupérer un bon état écologique de ces cours d’eau.

On sait aussi qu’un certain nombre d’obstacles, liés à l’histoire, n’ont plus de vocation véritable, mais qu’ils sont toujours là. Ils appartiennent parfois à une personne privée, parfois à une collectivité, à l’État ou aux départements.

Il existe sur nos fleuves et nos rivières 50 000 obstacles, dont 48 420 n’ont aucun rapport avec l’hydroélectricité, c’est-à-dire 97 % ou 98 %. À vrai dire, notre seul véritable problème est de mettre en place une mission partenariale d’identification pour savoir si certains de ces obstacles peuvent avoir un intérêt, par exemple en cas de crue, et de trouver des moyens de financement pour rétablir la fluidité de nos cours d’eau, nos fleuves, nos rivières et nos ruisseaux.

L’unique objet de ce texte est d’étudier les différents obstacles, et ce sera compliqué. On a demandé à l’ONEMA de commencer à les identifier : certains obstacles présentent des avantages et des inconvénients ; d’autres, et ils sont nombreux, posent des problèmes de pollution élémentaire, ce qui impose leur destruction.

S’agissant de l’hydroélectricité, notre pays compte 2 000 barrages hydroélectriques. D’ailleurs, la position constante du Gouvernement, notamment celle du Grenelle de l’environnement, est assez claire : l’hydroélectricité fait partie des énergies renouvelables de notre pays.

Du reste, nous avons pris un décret de renouvellement des concessions hydroélectriques françaises en prenant en compte quatre critères : la performance énergétique – plus 12 % – la qualité des turbines, la sécurité – un certain nombre de barrages ont plus de soixante-quinze ans – et le respect des normes environnementales. Cela ne pose pas de problème majeur, puisqu’un consensus s’est dégagé, me semble-t-il.

De grâce, écartons l’idée que nous opposons l’hydroélectricité à la récupération de nos fleuves et de nos rivières : il y a peut-être un ou deux cas particuliers où l’obstacle pose un problème pour l’hydroélectricité ou la petite hydroélectricité. De toute façon, ces cas emblématiques sur le territoire national seront traités non pas par ce texte, mais par le renouvellement ou non de la concession, qui est la seule réalité dépendant de l’action de l’État. Et cette décision ne sera prise qu’après concertation avec les élus. D’ailleurs, une réunion aura lieu prochainement avec M. Gouteyron, M. Boyer, et M. Proriol, député.

Il s’agit de deux problèmes distincts ! Ne mélangeons donc pas un texte de philosophie générale avec un cas particulier, qui aura son traitement propre !

Je suis même prêt à proposer un amendement à cet article pour indiquer que l’étude concerne tous les ouvrages, à l’exception de ceux concernant les barrages hydroélectriques régulièrement autorisés au titre de l’article L. 214-4 du code de l’environnement. Il faut sortir de cette espèce d’angoisse !

Un ou deux sujets concernant l’énergie hydraulique doivent faire l’objet d’une véritable discussion entre nous. Par ailleurs, une étude est proposée sur l’ensemble des obstacles – près de 50 000 – de nos fleuves et nos rivières.

Il faut dédramatiser le débat ! Au mois de septembre, un accord est intervenu entre tous les hydroélectriciens, y compris de la petite hydroélectricité ou de la picohydroélectricité, les fédérations de pêche, amateurs et professionnels, les élus, au travers de l’ANEM et de l’ARF, ainsi que les ONG. Nous soutenons la filière hydroélectrique française : il n’y a aucune ambigüité sur ce point !

Il nous reste une petite décennie pour parvenir à 23 % d’énergies renouvelables. Il n’est donc pas question de toucher à nos capacités énergétiques.

En revanche, ce qui est ici demandé à la Haute Assemblée, c’est de poser une pétition de principe pour que soit réalisée une mission d’étude portant sur ces obstacles. Je rappelle que 93 % d’entre eux n’ont pas de rapport avec l’hydroélectricité !

Adresser un signal contraire en refusant de mener l’analyse de ces 50 000 obstacles à la biodiversité serait quelque peu étonnant. C’est pourquoi, je le répète, je suis prêt à vous proposer un amendement visant à compléter le premier alinéa de cet article par les mots : « à l'exception de ceux concernant les barrages hydroélectriques régulièrement autorisés au titre de l'article L. 214-4 du code de l'environnement ». Cela ne nous empêchera pas de mener notre discussion en toute loyauté et franchise.

M. Pointereau le soulignait, il faut tenir compte de la réalité du terrain, qui inclut parfois des aspects liés au patrimoine, à des habitudes… Je suis tout à fait disposé à entendre de tels points de vue, mais les deux sujets sont totalement distincts. Je vous propose donc de les disjoindre et de lancer cette grande étude sur les obstacles, puisque nous n’y échapperons pas.

Je rappelle d’ailleurs, pour lever toute ambiguïté, que le mot « effacement » n’est pas synonyme de « destruction » : il s’agit simplement de rétablir la continuité de la circulation de l’eau de manière à préserver la diversité. J’en avais tout à l’heure un exemple sous les yeux, à L’Isle-Adam, où je me trouvais avec le Président de la République : il s’agit d’un barrage concernant une écluse, pour lequel la continuité a été rétablie grâce à la mise en place d’un ascenseur. C’est strictement le cas qui nous intéresse, et le mot « effacement » a même été utilisé !

Si nous dissocions les deux aspects de la question, il sera possible de progresser sur cette étude, qui ne représente tout de même pas un engagement « massif ».

J’ai entendu les inquiétudes qui se sont manifestées. Je rappelle que c’est la France qui a inventé ce mode de production d’énergie et que le premier barrage hydroélectrique fut français !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Les oppositions ne sont donc peut-être pas aussi fortes qu’il y paraît.

Il reste que nous avons 50 000 obstacles à la biodiversité ! Afin de dédramatiser la situation, je présente un amendement destiné à lever toute ambiguïté en excluant les barrages hydroélectriques du champ de l’étude.

M. le président. Je suis donc saisi de l’amendement no 817, présenté par le Gouvernement, qui est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa de cet article par les mots :

à l'exception de ceux concernant les barrages hydroélectriques régulièrement autorisés au titre de l'article L. 214-4 du code de l'environnement

Quel est l’avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Je partage tout à fait le sentiment de M. le ministre d’État : le problème n’est pas l’hydroélectricité, dont le cas a été réglé de façon satisfaisante dans la loi sur l’eau et les milieux aquatiques. Aujourd’hui, seuls quelques barrages ne sont pas aménagés.

Le problème, ce sont les 50 000 obstacles, ou prétendus obstacles, à la migration des poissons. Or, monsieur le ministre d’État, l’expérience que j’ai vécue dans mon canton m’incite à vous mettre en garde : il se trouvera toujours des personnes, disons très zélées, pour, localement, déclencher la révolution en montant, par exemple, les pêcheurs contre les « écolos », alors qu’en réalité tout le monde est d’accord. Vous êtes sur le point d’ouvrir la boîte de Pandore, et personne ne sait ce qui en sortira.

Personnellement, je suis bien sûr favorable à ce qu’une étude soit conduite : qui pourrait voter pour l’obscurantisme ? Mais il nous faudra veiller scrupuleusement, lors de la deuxième lecture de ce texte ou de la discussion du Grenelle II, à ce que les choses soient bien « bordées ». Le diable se cachant dans les détails, ce n’est pas l’hydroélectricité qui suscitera des difficultés : ce seront bel et bien les 50 000 petits barrages qui provoqueront autant de petites révolutions en France.

M. Jean Desessard. On n’a qu’à en faire une grande et bonne !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. À vrai dire, le Gouvernement partage la position initiale de la commission, qui estimait que l’article 26 était parfait en l’état. Il émet donc un avis défavorable sur tous les amendements, excepté sur l’amendement no 763 rectifié, auquel il est favorable.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 218 et 655.

Mme Marie-Christine Blandin. L’amendement no 655 tendait à inscrire dans la loi la nécessité de supprimer les obstacles les plus problématiques. Les positions sur cette question sont plus que contrastées puisque trois amendements ont un objet inverse et que, finalement, la sagesse nous invite à en rester à la rédaction de l’article 26. Cette attitude me paraît être effectivement la plus intéressante.

Si nous nous en tenons au texte actuel de la loi, le cas échéant amendé par le Gouvernement, seront donc mis à l’étude l’aménagement et l’effacement éventuel des obstacles les plus problématiques. Cela m’amène à repréciser certains points.

Premièrement, les obstacles concernés sont de vieux et grands barrages. Je vous invite à vous reporter au rapport du député Christian Kert, établi au nom de l’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur l’amélioration de la sécurité des barrages et ouvrages hydrauliques. La lecture en est particulièrement instructive !

Deuxièmement, nombreux sont ceux qui chantent les louanges des passes à poissons ; or 60 % d’entre elles ne laissent pas passer les poissons ! Nous avons devant nous bien des études à réaliser sur l’aménagement !

Troisièmement, M. Mézard conteste notre amendement au motif que l’expression « les plus problématiques » serait un non-sens juridique. Mais si je devais citer tous les termes du projet de loi qui sont un non-sens juridique, ils représenteraient la moitié du texte !

Prenons l’exemple de l’article 24 ! Sont mentionnés les « besoins essentiels des citoyens » en eau : s’agit-il de l’eau que l’on boit, de l’eau avec laquelle on fait la vaisselle, de celle avec laquelle on se lave, de celle avec laquelle on lave la voiture ?… Ce n’est pas très juridique !

Les « acteurs compétents », qui est-ce ? Le terme est-il juridiquement bien cadré ? Pas du tout !

La « diffusion des connaissances » : qu’est-ce que la diffusion ? À destination de qui et comment ?

Nous pourrions donc nous renvoyer à l’infini ce type d’argument. Mieux vaudrait trouver ensemble une bonne solution.

Enfin, l’article 26, dans sa rédaction actuelle, ne vise qu’à une mise à l’étude. Sur d’autres questions beaucoup plus conflictuelles, par exemple celle des OGM, il a souvent été reproché aux écologistes de vouloir entraver la recherche, qui doit pouvoir être poursuivie librement. Aujourd’hui, je renvoie le compliment : une mise à l’étude n’a jamais fait de mal à personne, et je n’imagine pas que cela commence avec celle des aménagements, voire des effacements ; en outre, comment savoir si elle n’aboutira pas à la conclusion qu’il ne faut rien effacer ?

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Nous sommes d’accord sur les aménagements !

Mme Marie-Christine Blandin. Par souci d’apaisement, je retire mon amendement, mais j’invite tous mes collègues à s’en tenir à la rédaction actuelle de cet alinéa de l’article 26.

M. le président. L'amendement no 655 est retiré.

Madame Didier, l'amendement no 218 est-il maintenu ?

Mme Évelyne Didier. Je rejoindrai ma collègue, car le débat a permis d’éclairer divers aspects.

Je souhaite auparavant insister sur un point : je ne voudrais pas que l’on imagine, parce que j’ai défendu la circulation des poissons, que je suis contre l’hydroélectricité ! Qu’est-ce que cette façon manichéenne de poser les problèmes ? Je ne suis pas contre l’hydroélectricité, je suis pour la circulation des poissons ! Ce n’est pas tout à fait la même chose !

Il faut trouver des solutions. M. le ministre d’État a précisé que les études se feraient au cas par cas. C’est effectivement ce qui est nécessaire : la généralité n’est pas de mise en la matière. Je souhaiterais qu’en contrepartie les défenseurs de l’hydroélectricité à tout crin, de la grande, de la petite, de la micro et même de la picohydroélectricité, conviennent aussi qu’il pourrait être intéressant de défendre la circulation de l’eau, la biodiversité et, tout simplement, la vie dans les rivières !

M. Jean Desessard. Bien sûr !

Mme Évelyne Didier. Pourquoi vouloir absolument opposer les deux ? Peut-être faut-il chercher du côté du lobby de l’hydroélectricité ! Je l’ai vu à l’œuvre lors de la discussion de la loi sur l’eau : il est très organisé ! Est-ce un hasard si l’on retrouve les mêmes mots dans divers amendements ?

Par souci d’apaisement, je retire mon amendement ; pour autant, notre position sur l’hydroélectricité ne doit pas être systématiquement caricaturée.

Je voudrais, pour terminer, revenir sur la suppression des obstacles. Soyons précis ! Certaines petites retenues, pour lesquelles le mot « obstacle » est peut-être même excessif, permettent qu’en été, au moment des étiages, il reste de l’eau dans les rivières. Ces obstacles-là, il ne faut pas les effacer !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Les études servent à ça !

Mme Évelyne Didier. Exactement ! Il faudra, au contraire, être attentifs à ne pas vouloir subitement tout effacer, parce qu’il pourrait se trouver des ayatollahs dans l’autre camp !

Soyons mesurés, écoutons-nous les uns les autres, mais, par pitié, ne caricaturons pas !

M. le président. L'amendement n° 218 est retiré.

La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 187 rectifié bis, 465 rectifié bis et 516 rectifié.

M. Paul Raoult. Je voudrais apporter mon témoignage en tant que pilote du COMOP « Trame verte et bleue ».

Nous sommes en train de débattre de questions pour lesquelles certaines régions sont déjà passées à la pratique. J’ai entendu des exposés sur les régions Alsace, Nord–Pas-de-Calais et Picardie : les études sur l’éventuel effacement des barrages y ont déjà été réalisées et, dans les deux dernières régions, les conclusions sont déjà mises en œuvre !

C’est en concertation avec les conseils régionaux, avec les départements, avec les communes, que les études ont été menées, à partir de cartographies très précises de l’ensemble des barrages existants, par exemple sur la Cauche, sur l’Authie, ou encore sur les affluents de la Sambre, en particulier les deux Helpe. Ces barrages, généralement d’anciens moulins à eau, remontent parfois au XIXe, au XVIIIe, au XVIIe, voire au XVIe siècle. Aujourd’hui, ils ne sont plus utilisés, mais, parce que souvent leur entretien laisse à désirer, ils constituent des freins à la fluidité de la biodiversité, des obstacles à l’écoulement de l’eau, et, de plus, ils bloquent tous les types de pollution, solides ou autres, en certains endroits précis.

Les élus des communes concernées doivent donc intervenir. Or ces ouvrages appartiennent souvent à des propriétaires privés, si bien que, alors même que l’écoulement des eaux relève de l’intérêt général, il est difficile pour la puissance publique d’intervenir.

Cessons cette espèce de guerre idéologique ou religieuse sur le sujet ! Il est évident qu’il nous faut tous défendre l’hydroélectricité. Pour autant, la géographie naturelle de la France est extrêmement diverse. Je puis vous assurer que les études auxquelles j’ai eu accès, que ce soit pour la Picardie ou pour le Nord–Pas-de-Calais, démontrent que l’effacement est nécessaire pour certains barrages qui, alors qu’ils ne mesurent pas plus d’un mètre ou deux, parfois trois, constituent des points de blocage. Or les élus ont pour seul interlocuteur un particulier qui n’a pas les moyens suffisants pour régler le problème, mais qui place la puissance publique dans l’impossibilité d’intervenir !

M. Michel Mercier. Très bien !

M. Paul Raoult. Je vous en conjure, mes chers collègues, soyons pragmatiques, examinons les situations au cas par cas en nous fondant sur les études qui auront été réalisées par la région, en collaboration avec les départements et les communes.

Le texte est-il bien rédigé ? Je l’ignore ! Il est vrai que la formulation proposée suscite certaines craintes ; nous y avons travaillé dans le cadre du COMOP, et nous y travaillons encore. L’enjeu n’a rien à voir avec l’hydroélectricité ! Il faut prendre en compte la réalité géographique de nos rivières, mais pas seulement !

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. J’ai écouté avec beaucoup d’attention M. Raoult et j’approuve certains de ses propos. Il donne toutefois le sentiment que seule la Picardie travaille sur ce sujet.

J’ai présidé pendant dix ans l’Établissement public d’aménagement de la Loire et de ses affluents dans une période difficile ;…

M. Éric Doligé. … j’ai succédé à quelqu’un d’important, Jean Royer. Les constructions et les effacements de barrages, on connaît !

Les choses ont beaucoup évolué depuis, me semble-t-il. Les esprits se sont apaisés, on a su effacer des barrages, notamment celui de Maison Rouge, après une étude qui avait été réalisée avec Alain Juppé, Premier ministre à l’époque.

L’association des collectivités locales, départementales ou régionales a permis de créer des établissements publics importants sur la Garonne, sur la Saône, sur le Rhône ou sur la Loire. La France est désormais bien couverte et nous pouvons nous féliciter, les uns et les autres, des résultats obtenus dans la concertation. À l’époque, celle-ci était un peu tendue ; aujourd’hui, elle est apaisée.

Le débat d’aujourd’hui me réjouit, car, il y a quinze ans, il se serait déroulé autrement.

M. Bruno Sido, rapporteur. Il n’est pas encore fini !

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron, pour explication de vote.

M. Adrien Gouteyron. Je me réjouis, moi aussi, de ce débat. J’ai apprécié les interventions de M. le ministre d’État et de M. le rapporteur. Je demanderai peut-être à M. le ministre d’État d’apporter des précisions s’agissant de la clause qu’il nous propose d’insérer.

Mes chers collègues, je ne me reconnais pas dans les propos de certains d’entre vous. Sans esprit systématique, sans caricaturer et sans appartenir au lobby de l’électricité, j’aurais cependant plus de confiance dans les études si, parfois, ceux qui les réclament ne me semblaient pas animés par certains préjugés ; je le dis très clairement et je vais essayer d’en apporter quelques preuves.

Permettez-moi de faire référence à un cas particulier. On évoque, pour un certain barrage de mon département, la remontée des saumons.

Je rappellerai d’abord que c’est dans ce département qu’a été construit un équipement que tout le monde apprécie : la salmoniculture de Chanteuge ; c’est un établissement unique ! Le département et l’Établissement public de la Loire ont largement contribué à son financement ; les collectivités de base sont intervenues à la mesure de leurs moyens.

Par conséquent, ne croyez pas que nous ne soyons pas attachés à la continuité écologique, à la remontée des saumons. D’autant que, dans le passé, la présence des saumons dans l’Allier a été un argument économique et touristique extrêmement important, et nous aimerions que ce soit encore le cas aujourd'hui. Mais nous ne voulons pas que les décisions se fondent sur des préjugés.

Il a été fait allusion au barrage de Poutès ! Mettons-nous une fois pour toutes dans la tête que ce n’est pas ce barrage qui empêche la remontée des saumons. Je dispose de quelques chiffres et j’aimerais profiter de cette occasion pour vous les communiquer.

Au XIXsiècle, c’étaient des milliers de saumons qui remontaient dans la Loire et qui s’engouffraient dans l’estuaire. Ils sont beaucoup moins nombreux aujourd'hui et ils doivent franchir un certain nombre d’obstacles, dont le premier, tout le monde le sait, est le bouchon vaseux de l’estuaire. J’ai lu, voilà quelque temps, quelques pages du SAGE de l’estuaire qui mettent effectivement l’accent sur la nocivité et la turbidité de ce bouchon vaseux ; il constitue un obstacle considérable à la remontée des saumons. Savez-vous combien, parmi ces saumons qui tentent de remonter la Loire, puis l’Allier, parviennent au pied du barrage de Poutès ? Ils sont non pas des milliers, mais seulement quelques dizaines, et ils arrivent en piteux état.

Nous sommes prêts, nous aussi, à regarder la réalité en face, mais que l’on ne nous oppose pas des arguments ne s’appuyant sur aucune considération scientifique.

Mon département a fait l’expérience de l’arasement du barrage de Saint-Étienne-du-Vigan ; nous ne nous y sommes pas opposés à l’époque, et nous avons peut-être eu tort.

Monsieur le ministre d’État, il faudrait être capable de mesurer les conséquences, sur l’écosystème, de l’arasement d’un barrage. Vous n’employez pas le mot « destruction », soit, mais l’arasement du barrage de Saint-Étienne-du-Vigan n’a pas été sans effets sur l’écosystème ; les habitants de la région vous le diront !

L’arasement d’un barrage comme celui de Poutès – que je refuse avec vigueur – aurait des conséquences très importantes sur l’écosystème et je m’étonne que certains, dans cette assemblée, n’y réfléchissent pas. Et je ne parle pas du coût, que l’on ne prend pas suffisamment en compte.

Par conséquent, n’invoquons pas de mauvais arguments ! Je le répète, ce n’est pas le barrage de Poutès qui empêche la remontée des saumons ; les chiffres le montrent clairement.