M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame et monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, c’est sous la forme d’un amendement de dernière minute, non présenté devant la commission des affaires économiques, que, le 14 décembre 2007, le Gouvernement avait souhaité préciser sous quelles modalités les attributions des fréquences UMTS seraient en quelque sorte utilisées.

Cet amendement précisait, par ailleurs, que le produit des droits d’entrée comme des redevances acquittés par les opérateurs était affecté au Fonds de réserve des retraites, ou FRR.

Trois opérateurs – Orange, SFR et Bouygues – ont acquitté 619 millions d’euros pour obtenir l’une des trois premières fréquences.

Cette attribution, outre le droit d’entrée indiqué, est l’objet d’une redevance fondée sur le chiffre d’affaires, à hauteur de 1 % de celui-ci. Sans surprise, Orange, suivi de SFR et enfin de Bouygues, est le principal contributeur, disposant de la part de marché la plus importante.

Reste posée la question de la quatrième licence.

Dans un premier temps, le Gouvernement est intervenu dans le débat, lors de la discussion du projet de loi de modernisation de l’économie, pour prévoir expressément des conditions particulières d’attribution.

Cela fut réglé, d’une certaine manière, par les articles 114 et 119 de la loi de modernisation de l’économie qui, au-delà des critères habituels de qualité de couverture du territoire et de service rendu aux usagers de la téléphonie, permettaient de mettre en œuvre, sous la responsabilité de l’Autorité de régulation, une procédure de mise aux enchères de la quatrième licence.

Cette procédure de mise aux enchères prévoyait de facto des critères autonomes pouvant fort bien déroger aux contraintes de service public, dérogation allant évidemment jusqu’à un partage de la fréquence et, en conséquence, de conditions particulières de prix d’entrée !

Le cadre juridique de la loi Châtel est donc clairement fixé.

Il reste une fréquence disponible, et il est question, pour des raisons d’adaptation de l’offre de services aux capacités des candidats, de la partager.

Dans les faits, ce qui risquait d’arriver, avec le schéma choisi par la loi Châtel – comme quoi il faut toujours se méfier de l’urgence et de la précipitation en matière législative –, c’était un recours contre le niveau des enchères proposées au nouvel intervenant sur les fréquences de troisième génération, intervenant dont le nom circulait : le groupe Iliad, propriétaire, entre autres, de la marque Free.

Un prix d’ami, peu élevé, tel que celui qui pouvait être proposé à Iliad, et c’était immédiatement le recours des trois premiers attributaires devant la Commission européenne, pour non-respect des principes de concurrence libre et non faussée !

Alors, le Gouvernement a opté pour la solution de mise en place de conditions spécifiques d’attribution. Ce choix consiste à partager la quatrième fréquence en trois parties, ce qui pourra in fine justifier bien entendu que Free ne s’acquitte pas du même droit d’entrée que les autres.

Sans surprise, Free annonce aujourd’hui être prêt à payer 206 millions d’euros, soit le tiers de la somme payée par les autres opérateurs.

Quant à l’imposition du chiffre d’affaires, elle peut rester identique, là n’est pas la question.

Nous avons donc pu voir, dans cette affaire, la mise en œuvre d’une des formes les plus répandues de la loi ces derniers mois : l’adaptation du texte aux décisions stratégiques des groupes susceptibles de tirer parti de tel ou tel dispositif.

Nous avons débattu voilà peu d’un plan de relance dont les majors du secteur du bâtiment et des travaux publics attendent clairement le maintien de leur profitabilité. Il ne faut donc pas s’étonner d’en être arrivé là s’agissant de la téléphonie mobile !

La presse de ce mois de janvier est d’ailleurs explicite. Le 12 janvier dernier, Les Échos, journal qu’on ne peut guère taxer d’être partisan de la dissolution du capitalisme, titrait ainsi : Le quatrième opérateur mobile : le résultat d’une intense bataille de lobbying.

L’objectif du débat qui nous est donc proposé ce jour est parfaitement factuel. Il s’agit simplement de prendre acte d’une décision du Gouvernement qui, via l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, dont le président vient d’ailleurs de changer, va permettre, au nom du développement de la concurrence au profit des consommateurs, à un nouvel opérateur d’ajouter à ses prestations de services comme fournisseur d’accès internet une offre de téléphonie mobile.

Pourquoi l’opérateur Free n’a-t-il pas les moyens de payer plus que prévu, ou de s’acquitter du même droit d’entrée que les autres ?

Peut-être tout simplement parce que le groupe Iliad s’est attaché, ces dernières années – avant même d’améliorer la qualité de service à la clientèle, qui, pour certains aspects, semble aussi low cost que les tarifs d’abonnement –, à absorber peu à peu les opérateurs qui étaient présents sur le marché national mais n’avaient pas réussi à y faire leur place. Ainsi, pour ne donner qu’un exemple, le groupe fondé par Xavier Niel, en exploitant des services télématiques de mise en relation de personnes, a acquis l’ensemble des marques lancées sur le marché français par Telecom Italia, telles que Alice, Infonie ou Liberty Surf, par exemple.

Par ailleurs, Iliad s’était positionné sur le segment du renseignement téléphonique, en réservant l’un des numéros mis en vente, et s’est retiré de cette activité moins de six mois après l’attribution d’un service par l’Autorité de régulation !

Nous avons donc mis la loi au service des impératifs de développement d’un groupe dont l’image publique est pourtant assez nettement détériorée et qui doit d’abord faire face à des exigences de rendement, avant toute autre considération, et notamment avant toute couverture du territoire en termes de qualité de service de téléphonie mobile ! Drôle de manière de faire de la loi l’expression de l’intérêt général !

Les quelques dizaines d’emplois créés par Iliad risquent de n’être rien par rapport aux centaines d’emplois qu’on peut s’attendre à perdre dans l’ensemble de la filière des télécommunications.

Reste le cas des finances publiques. Ce soudain empressement à faire la courte échelle pour permettre à Iliad de trouver la voie de la profitabilité grâce au développement d’une offre globale – internet et téléphonie mobile – rencontre, pure coïncidence sans doute, la crise financière.

Je rappelle que les droits d’entrée et les redevances des opérateurs alimentent le Fonds de réserve des retraites. Dans le même temps, la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision prévoit de taxer le chiffre d’affaires des opérateurs de communications électroniques, ce qui fait de l’attribution de la quatrième licence un petit gisement de ressources fiscales de plus !

Or, le Fonds de réserve des retraites vient de souffrir de la crise financière, sur la place boursière de Paris comme dans la maison mère, c’est-à-dire Wall Street.

En effet, en utilisant les surplus des comptes sociaux des années précédentes et les redevances versées par les opérateurs de téléphonie, le Fonds de réserve des retraites a essentiellement placé ces ressources sur le marché des actions. Pour le moment, la capitalisation de ces actions est en chute de 20 %, à hauteur de 6,8 milliards d’euros, pour l’ensemble de l’année 2008 ! Cette déperdition, même virtuelle, amène à s’interroger sur la capacité d’intervention du FRR à l’échéance 2020, où il est censé faire face au déséquilibre démographique du papy-boom. En conséquence, cette soudaine accélération de l’attribution de la quatrième fréquence arrive au bon moment.

Pour l’ensemble de ces raisons, qu’il s’agisse de la loi adaptée aux desiderata d’une entreprise comme d’un mauvais usage des deniers publics, le groupe CRC-SPG ne peut que manifester son opposition au schéma retenu dans le cadre de l’attribution de la quatrième licence de téléphonie mobile.

En conclusion, comment ne pas s’étonner que, treize ans après l’adoption de la loi Fillon-Larcher de réglementation des télécommunications, et malgré la concurrence libre et non faussée, nous ayons encore autant de zones blanches pour l’accès internet et une qualité médiocre de couverture mobile ?

À moins que – permettez-moi de le dire à tous les partisans du libéralisme sans rivages ni entraves – la réponse ne soit dans la question !

Un jour prochain, il faudra bien, mes chers collègues, que nous interrogions cette logique européenne qui, notamment dans les pays voisins, se traduit par un approfondissement continu de la fracture numérique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.

M. Bruno Sido. Monsieur le président, madame et monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, dans le cadre du débat qui nous est proposé aujourd’hui, je souhaiterais formuler quelques réflexions et adresser une demande au Gouvernement.

Tout d’abord, on peut à bon droit se demander si le marché de la téléphonie mobile en France a besoin de plus de concurrence.

Les opérateurs actuels ont répondu à la forte croissance du marché en assurant un bon niveau de service et un prix qui se situe dans la moyenne européenne. Dont acte.

Seulement, le taux de pénétration du téléphone mobile en France est encore inférieur à la moyenne européenne, et l’évolution des prix est moins favorable au consommateur que sur certains marchés étrangers.

Les trois opérateurs actuels constituent – ce n’est faire offense à personne que de le dire – une sorte d’oligopole, comme l’a souligné Pierre Hérisson. Ils ont d’ailleurs été condamnés en 2007 pour entente.

En quoi la situation a-t-elle changé aujourd’hui ? Si les innovations existent, et c’est indéniable, chacun copie cependant chacun, si bien que l’offre reste quasi identique, sans bénéfices pour les consommateurs.

Ce marché a besoin des stimuli d’une concurrence renforcée, et ce pour servir les intérêts des consommateurs. (M. Jean Desessard s’exclame.) Alors comment faire ? Accorder une plus grande part du marché aux MVNO ou créer un quatrième réseau ?

Force est de constater la part marginale des MVNO : 5 % du marché de la téléphonie mobile contre 25 % en Allemagne et 15 % au Royaume-Uni.

Pourtant, il n’y a pas si longtemps, les MVNO étaient présentés comme la solution alternative pour renforcer la concurrence. Pourquoi n’ont-ils pas rempli cette fonction ? Leurs offres restent concentrées sur les cartes prépayées et les forfaits de faible durée, comme personne ne l’ignore. Comme l’indique le plan France numérique 2012, « les MVNO n’exercent pas de concurrence frontale sur le cœur de l’offre des trois opérateurs de réseau, constitué de forfaits avec engagement de douze ou vingt-quatre mois permettant d’appeler de façon illimitée certains numéros. »

Ainsi que le Conseil de la concurrence le relevait aussi en juillet dernier, des conditions contractuelles particulièrement contraignantes ont été accordées par les opérateurs de réseaux aux MVNO.

Tout d’abord, « les tarifs négociés pour l’utilisation des réseaux permettent aux opérateurs de réseau de contrôler la pression concurrentielle par les prix susceptible d’être exercée par les MVNO ».

Ensuite, « les opérateurs hébergés ne maîtrisent aucun élément de réseau et sont contraints de transmettre des informations commerciales clés ».

Enfin, « la combinaison des clauses d’exclusivité souvent très longues – allant parfois jusqu’à dix ans –, des durées des contrats et des droits de priorité accordés à l’opérateur hôte, empêche les MVNO de renégocier ces conditions d’hébergement en faisant jouer la concurrence entre opérateurs de réseau ».

En outre, selon le Conseil de la concurrence, l’arrivée de nouveaux opérateurs à l’occasion de futurs appels d’offres en matière de fréquences serait susceptible de profiter aux MVNO. Nous y sommes, enfin presque.

Ce marché a donc besoin d’un renforcement de la concurrence, et cet objectif sera à mon sens atteint par la concurrence réelle entre les MVNO et les opérateurs, mais aussi par l’attribution d’une quatrième licence, comme l’a décidé très justement M. le Premier ministre.

Seulement, nous le savons tous, l’entrée d’un nouvel opérateur ne signifie pas forcément une concurrence renforcée. Par exemple, Bouygues, troisième opérateur, arrivé sur le marché seulement un an et demi après les deux premiers, a été condamné, quelques années plus tard, pour entente avec ces derniers.

J’appelle donc l’attention du Gouvernement sur cette question, ne doutant pas que le cahier des charges permettra de prendre de solides garanties.

Je m’interroge également sur la capacité aussi bien financière que pratique de ce nouvel opérateur à déployer un nouveau réseau, ce qui coûte tout de même de 1,5 à 2 milliards d’euros. D’autant que nous ne savons pas si l’arrêt de la cour d’appel de Versailles condamnant Bouygues à démonter une des ses antennes dans le Rhône fera ou non jurisprudence.

La cour d’appel invoque l’incertitude relative à un éventuel impact sur la santé des riverains. Il me semble aujourd’hui essentiel de savoir si, oui ou non, les antennes comportent un risque pour la santé. J’ai d’ailleurs bien noté, madame la secrétaire d’État, votre idée d’un « Grenelle des antennes ». Ce serait absolument nécessaire sur ces questions.

Toujours est-il que ce nouvel opérateur se trouvera confronté à diverses difficultés pour mettre en place et/ou utiliser par mutualisation les équipements de réseau nécessaires.

Enfin, et c’est pour moi l’essentiel, l’octroi d’une quatrième licence doit nécessairement être synonyme d’une meilleure couverture pour le milieu rural. Cela a déjà été dit, mais je me permets d’insister.

Auteur de la proposition de loi sur l’itinérance ou « roaming » – ces deux termes ne sont cependant pas exactement synonymes –, proposition devenue loi en 2002, je voudrais savoir comment et en quoi ce nouvel opérateur améliorera la couverture de téléphonie mobile en zone rurale, alors même que les phases 2 et 3 de cette loi sur l’itinérance ne sont pas encore terminées.

Je suis d’accord avec le Gouvernement pour considérer l’augmentation de la concurrence comme une possible baisse de prix pour le consommateur.

Mais il ne faut pas l’oublier, aujourd’hui, dans certaines zones rurales, territoires où les opérateurs n’investissent pas forcément de manière prioritaire, nous en sommes non pas à comparer lequel des trois opérateurs est le moins cher, mais à nous féliciter qu’au moins l’un d’entre eux passe, et à tenter de convaincre l’un des trois de couvrir telle ou telle petite commune. Je pense notamment aux communes dites associées, issues de la loi Marcellin.

Les opérateurs, accompagnés d’ailleurs par les collectivités départementales, l’État et l’Europe, ont fait des efforts en ce domaine. Mais le débat ne doit pas s’articuler uniquement autour de la question du prix du service, alors que la fourniture du service en lui-même n’est pas encore effective, loin s’en faut, sur l’ensemble du territoire. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Madame la secrétaire d’État, vous nous avez manqué, lors de l’examen du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement ! (Sourires.)

L’attribution de nouvelles fréquences de réseaux mobiles pose une sérieuse question de santé publique. En effet, qui dit nouvelles fréquences, dit forcément nouvelles antennes-relais. Or, aujourd’hui, on ne peut plus nier l’existence de risques pour la santé, liés aux ondes électromagnétiques émises par les antennes-relais de téléphonie mobile.

M. Bruno Sido. Ce n’est pas prouvé, monsieur Desessard !

M. Jean Desessard. C’est d’autant plus vrai que le développement récent de la technologie mobile, notamment avec l’apparition de la 3G, a conduit les opérateurs à augmenter considérablement la puissance de leurs antennes, soumettant les populations riveraines à des rayonnements de plus en plus nocifs. Leurs craintes et leurs interrogations, légitimes, quant à leur santé et à celle de leurs enfants méritent des réponses claires et rapides.

En effet, ces dernières années, monsieur Sido, de nouvelles preuves scientifiques se sont accumulées quant à la nocivité de ces ondes pour les organismes.

M. Jean Desessard. Vous n’ignorez pas, madame la secrétaire d’État, les conclusions du rapport international Bioinitiative, publié en août 2007 par un groupe de scientifiques européens, indépendants des pressions des opérateurs et des constructeurs de téléphonie mobile.

Ce rapport extrêmement précis et rigoureux synthétise de nombreuses études scientifiques et démontre que les normes actuelles ne protègent en rien la population.

Ces normes ne prennent aujourd’hui en compte que les effets thermiques des ondes électromagnétiques et laissent de côté les effets non-thermiques, dont les mécanismes ne sont pas encore complètement connus, je vous l’accorde.

Des cancérologues, dont l’éminent professeur Dominique Belpomme, ont constaté depuis dix ans une augmentation significative du nombre de cancers des glandes salivaires, qui ne sont pas protégées par la boîte crânienne lors de l’utilisation du téléphone portable.

De plus, l’utilisation intensive des téléphones mobiles provoque l’accumulation de molécules toxiques dans le cerveau, par un mécanisme physiologique appelé « ouverture de la barrière hémato-encéphalique ».

Ces agressions sont à l’origine de tumeurs du cerveau et pourraient également avoir un lien avec le développement précoce de maladies neurodégénératives telles la maladie d’Alzheimer.

M. Jean Desessard. On constate également une hausse suspecte des cas de leucémie chez les enfants. Enfin, des risques pour les fœtus ont été mis en évidence, ce qui nécessite que des précautions soient prises par les femmes enceintes.

Alors, qui devons-nous croire ? Les opérateurs de téléphonie mobile et les industriels, qui, intéressés à développer toujours plus leur chiffre d’affaires, s’obstinent à nier que les ondes électromagnétiques représentent un risque sanitaire ? Ou bien les scientifiques et les médecins, qui, jour après jour, apportent de nouvelles preuves de ces risques pour la santé et demandent la simple application du principe de précaution ?

Nous ne pouvons pas nous permettre de rester les bras croisés face à une possible catastrophe sanitaire d’ici quelques années !

Le récent arrêt de la cour d’appel de Versailles, qui, considérant qu’une antenne-relais de Bouygues Telecom provoquait un trouble anormal de voisinage, a ordonné son démontage, nous impose de prendre nos responsabilités et d’agir rapidement. Avec cette jurisprudence, les contentieux vont se multiplier sur tout le territoire ; d’ailleurs, depuis qu’elle est intervenue, nombre de nos concitoyens contactent les associations telles que Robin des Toits, PRIARTEM, Écologie sans frontière, Agir pour l’environnement, CRIIREM,…

M. Pierre Hérisson, au nom de la commission des affaires économiques. Les Amis de la Terre…

M. Jean Desessard. … pour faire part de leurs inquiétudes quant à la présence d’innombrables antennes-relais au-dessus de leurs têtes et de leur intention d’engager eux aussi des procès contre les opérateurs.

M. Pierre Hérisson, au nom de la commission des affaires économiques. Il faut raser la tour Eiffel !

M. Jean Desessard. De nombreuses villes ont déjà mis en place, par le biais de chartes, des seuils d’exposition maximum. À Paris, le plafond d’exposition est fixé à 2 volts par mètre en moyenne par vingt-quatre heures, mais cela ne règle pas le problème des dépassements qui se produisent dans la journée. À Valence, dans la Drôme, le maire, pour protéger les enfants, a pris un arrêté créant des zones d’exclusion dans un rayon de cent mètres autour des écoles, en application du principe de précaution.

L’insécurité juridique est donc désormais trop grande, tant pour les élus locaux que pour les opérateurs. Il est temps pour nous de régler la question en fixant au niveau national de nouvelles normes plus protectrices de la santé de nos concitoyens.

Actuellement, la France se contente de suivre la recommandation de la Commission européenne qui propose des taux d’émission allant de 41 volts par mètre à 61 volts par mètre, selon la technique. Ces seuils sont trop élevés par rapport à ceux qu’appliquent nos voisins européens : 4 volts par mètre en Suisse, 3 volts par mètre au Luxembourg, et même 0,6 volt par mètre en Toscane en Italie, à Salzbourg en Autriche, ou à Valence en Espagne.

Les nouvelles technologies ne doivent pas être à l’origine de handicaps supplémentaires. Ce sont souvent les plus modestes de nos concitoyens qui se voient imposer l’implantation des antennes à proximité de leurs habitations : les opérateurs de téléphonie mobile n’arrivant plus à convaincre les syndicats de copropriété d’installer ces antennes sur leurs toits malgré les loyers qu’ils promettent, ils se tournent aujourd’hui vers les organismes d’HLM. Ainsi, des inégalités environnementales viennent se superposer aux inégalités sociales, les immeubles concernés étant parfois couverts de véritables forêts d’antennes.

Outre la question de la puissance des rayonnements, c’est donc bien celle de l’accumulation des antennes-relais qui doit être posée : avec l’attribution de nouvelles fréquences, le risque est grand d’en voir apparaître encore davantage.

Madame la secrétaire d’État, face au développement continu de ces antennes, il est urgent de mettre en place une politique fondée sur le principe de précaution. Cette politique devrait s’appuyer sur une autorité nouvelle, indépendante des opérateurs, dont la mission serait de recevoir les plaintes de nos concitoyens concernant les dépassements de seuils ou les installations non conformes et qui serait habilitée à sanctionner les opérateurs ne respectant pas les règles. Cette autorité aurait le pouvoir d’effectuer des mesures sur place et de faire respecter les normes en ordonnant soit le démontage des antennes, lorsque ce serait nécessaire, soit la modification des installations litigieuses. Elle pourrait également mener, en coopération avec les autorités sanitaires, les scientifiques et les associations, des études épidémiologiques afin d’identifier les zones de surexposition.

Il faudrait aussi revoir les procédures d’installation des antennes-relais en mettant en place un processus de décision démocratique qui passe par une autorisation préalable du maire, sur le modèle du permis de construire, avec l’obligation de réaliser une étude d’impact sanitaire et environnemental.

Les scandales sanitaires passés, comme ceux de l’amiante ou des éthers de glycol, doivent nous enseigner que l’on ne peut négliger la santé à long terme et que le principe de précaution – il est inscrit, je le rappelle, dans la Constitution – doit s’appliquer.

M. Jean Desessard. Nous devons veiller à empêcher que les intérêts économiques ne prédominent sur la nécessité de sauvegarder la santé publique.

En conclusion, madame la secrétaire d’État, je salue l’idée que vous avez lancée d’un « Grenelle des antennes » associant non seulement les opérateurs et les autorités sanitaires, mais aussi les élus locaux et les associations qui luttent pour le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. Je souligne néanmoins que, si l’idée sous-tendant une telle concertation est qu’internet est aussi fondamental pour l’espèce humaine que l’eau – c’est ce que vous avez indiqué tout à l’heure, et cela me paraît tout à fait exagéré –, il sera effectivement difficile de l’organiser dans de bonnes conditions.

L’effet et la nocivité des ondes électromagnétiques doivent encore être étudiés. Pour autant, il nous faut aujourd’hui partir du principe de précaution, car nous savons que, en multipliant les antennes, nous multiplions les risques et que les effets sont cumulatifs dans le temps. Alors, soyons prudents ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Monsieur le président, madame et monsieur les secrétaires d’État, naturellement, comme vient de le rappeler mon prédécesseur à cette tribune, chacun est attentif à tous les risques, médicaux ou autres, lorsqu’il s’agit de technologies nouvelles.

Aujourd’hui, il est question de la quatrième licence mobile, sujet important qui suscite de nombreuses interrogations et a d’importantes implications pour notre société, notre économie et nos nouveaux usages. C’est en fait le défi de la fin de la fracture numérique qui est posé.

Compte tenu du rôle structurant joué par les nouvelles technologies en milieu rural, un objectif doit être atteint en 2012 : le haut débit, la téléphonie mobile et la télévision numérique terrestre devront desservir l’ensemble du territoire.

Un quatrième opérateur permettrait-il une meilleure couverture des zones blanches ? Y aurait-il une mission de service universel pour une couverture totale du territoire ? Telles sont les deux principales questions que nous posons.

Le Gouvernement a souhaité, à travers ce débat, nous donner sa vision en matière de numérique, notamment du point de vue de l’aménagement du territoire. Nous avons eu un éclairage utile sur le plan France numérique 2012 et l’avancement de sa mise en place sur le territoire national, dans les zones rurales notamment, ainsi que sur les projets du Gouvernement en matière de couverture des zones blanches de la téléphonie mobile, d’extension des réseaux en fibre optique et de développement de la télévision mobile personnelle.

Une question se pose tout de même : le passage au tout numérique sera-t-il effectif le 30 novembre 2011 ? Le contexte financier venant de changer du fait de la crise mondiale, on peut s’interroger sur les moyens financiers qui ont été prévus !

Il est bien évident que dans nos territoires les plus reculés, que l’on appelle les « zones rurales sensibles », ou « fragiles », et où le téléphone mobile passe très mal, les populations connaîtront un véritable bouleversement dans leur quotidien : le 30 novembre 2011 – si le délai est tenu ! –, leur vieux téléviseur analogique à tube ne fonctionnera plus, et il faut espérer pour elles que la TNT et le téléphone mobile arriveront à l’heure dite. Sans cela, jamais la fracture numérique n’aura été aussi criante.

Madame et monsieur les secrétaires d’État, les départements aussi s’inquiètent : seront-ils sollicités financièrement pour la TNT ? J’aimerais entendre votre point de vue sur la question.

Nous sommes en 2009, et la volonté de mettre un terme à la désertification d’un certain nombre de territoires et de créer une nouvelle dynamique au profit des espaces ruraux n’existe réellement que depuis quelques années. Je rappellerai simplement le Comité interministériel pour l’aménagement et le développement du territoire, ou CIADT, de 2001, à l’occasion duquel le Premier ministre de l’époque, Jean-Pierre Raffarin, avait proposé de nouvelles orientations pour l’aménagement numérique des territoires, ainsi que la signature de conventions avec les trois opérateurs mobiles, qui marqua le grand départ de leur implantation. D’autres textes liés à l’aménagement du territoire et au développement des territoires ruraux sont parus en 2003, en 2004, en 2005 et en 2006 ; nous avons ainsi manifesté notre volonté de donner à ces territoires des chances nouvelles.

La feuille de route du CIADT de 2001 avait donc pour objet de permettre aux habitants de nos campagnes de bénéficier du même niveau de services, de la même ouverture permanente au monde que les habitants de nos villes. Qu’ils soient agriculteurs, commerçants, artisans, salariés, chefs d’entreprise ou enseignants, ils doivent à l’évidence avoir accès à toutes les techniques nouvelles pour s’implanter sur un territoire, pour s’y développer, ou tout simplement pour pouvoir y rester.

La complémentarité entre le monde rural et le milieu urbain a été sans cesse prêchée, mais elle n’a pas été appliquée aussi souvent qu’on veut bien le dire ! Certes, les disparités entre les communes rurales et les communes urbaines s’atténuent lentement, progressivement. Mais, nous le savons très bien, il subsiste encore un grand fossé entre les moyens des communautés de communes et les moyens des communautés d’agglomération ! (M. Jean Desessard approuve.)

L’essor des technologies de l’information et de la communication est essentiel à l’attractivité et au développement des territoires ruraux, notamment pour inciter les entreprises à s’installer et pour encourager leurs collaborateurs à y rester. Il s’agit d’une question de fond, mais aussi d’une question de survie !

Nous ne pouvons plus nous autoriser quelque retard que ce soit dans l’application de toutes ces techniques modernes alors qu’il nous a déjà été suffisamment reproché d’avoir pris trop de temps pour les mettre en œuvre.

S’agissant du problème de la téléphonie mobile, il faut reconnaître que les opérateurs ne se sont pas bousculés pour installer des pylônes dans la « France profonde », préférant, parce que c’était bien plus rentable financièrement, couvrir l’ensemble des villes. Or, je le rappelais à l’instant, nous savons que la couverture en téléphonie mobile des zones rurales défavorisées est un facteur essentiel du développement. Souvenez-vous, madame et monsieur les secrétaires d’État : vos prédécesseurs avaient envisagé de réaliser la couverture de la totalité des communes françaises par le réseau de téléphonie mobile d’ici à la fin de 2007 ; et puis, l’échéance a été reportée…

Voilà où nous en sommes ! D’un côté, trois opérateurs de téléphonie mobile prospèrent ; d’un autre, des territoires et des citoyens subissent une situation d’inégalité que rien ne saurait continuer de justifier.

Comme mes collègues, j’appelle donc de mes vœux un engagement du Gouvernement, ferme et suivi d’effets, et je souhaite que, si nécessaire, l’État impose aux opérateurs chargés de réaliser cette couverture de consentir l’effort d’équipement requis : ils en ont tout à fait les moyens, pour peu qu’ils veuillent bien y consacrer les financements nécessaires, financements dont ils disposent d’ailleurs d’ores et déjà !

Madame et monsieur les secrétaires d’État, nous attendons de vous que cette évolution soit accélérée et que le problème soit effectivement réglé en 2012, comme cela a été annoncé.

L’attribution d’une quatrième licence de téléphonie mobile 3G ne peut que réjouir le consommateur – selon une étude, les tarifs devraient diminuer d’environ 7 % –, surtout le consommateur habitant des zones rurales non encore couvertes. Je regrette cependant que ce projet semble plutôt mal accueilli par les trois opérateurs en place, qui évoquent déjà des suppressions d’emplois. Pourtant, les abonnements à la téléphonie mobile ont fait un tel bond depuis quelques années qu’il est tout à fait vraisemblable qu’un quatrième opérateur trouvera sa place sans nuire aux trois autres, dans un objectif commun de service universel.

La concurrence va faire « bouger » les trois opérateurs et ne peut qu’être stimulante : il y a en effet un marché non pas seulement à se partager avec les trois opérateurs, mais aussi à créer. Par conséquent, cette décision me paraît bonne. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – M. Bruno Retailleau applaudit également.)