M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Je préférerais que la commission émette un avis favorable sur l’amendement no 197 rectifié bis, afin que celui-ci soit adopté. De ce fait, l’amendement no 206 n’aurait plus de raison d’être puisqu’il serait d’ores et déjà nécessaire de faire appel à un médecin ne s’occupant pas quotidiennement des personnes détenues pour pratiquer tout acte autre que médical.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Monsieur le rapporteur pour avis, entendons-nous bien sur la signification de l’expression : « un acte dénué de lien avec les soins ou expertises médicales ». En effet, il ne faudrait pas que cette disposition empêche à l’avenir les médecins de participer à des réunions portant, par exemple, sur la prévention du suicide…

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Pas du tout !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. … ou d’échanger avec les personnels de l’administration pénitentiaire des informations professionnelles et non pas médicales !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Monsieur le rapporteur, la commission des affaires sociales estime bien évidemment que les exemples que vous venez de citer entrent tout à fait dans la catégorie des actes liés à la mission de soins des personnels visés et sont dans l’intérêt de la santé des détenus dont ils ont la charge.

Pourquoi viser « un acte dénué de lien avec les soins ou expertises médicales » ? Imaginons que le directeur d’une prison appelle le médecin de l’unité de consultations et de soins ambulatoires afin qu’il effectue la fouille corporelle d’un détenu, ce qui comporte l’examen des cavités corporelles. S’il se livre à une telle opération de sécurité, quelle crédibilité aura ce médecin, lui qui soigne cette personne au quotidien ? Il n’en aura plus !

Une fouille corporelle ne constitue en aucun cas un acte de soin et ne peut donc pas être demandée au médecin traitant du détenu.

En revanche, l’amendement no 197 rectifié bis n’interdit pas, bien sûr, les réflexions, les entretiens, les concertations entre professionnels visant à assurer la meilleure santé possible de l’ensemble des détenus.

M. le président. Monsieur le rapporteur, quel est désormais l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. J’éprouve quelque difficulté à parler au nom de la commission des lois puisque cette dernière, pour l’instant, n’a émis d’avis favorable que sur l’amendement no 206 et n’a pas pu examiner l’amendement no 197 rectifié bis, qui tient compte de ses préconisations.

Même si nous anticipons un peu sur le déroulement de nos travaux, j’aimerais éclairer nos collègues sur l’amendement no 206, déposé à l’article 24, qui est relatif au problème des fouilles.

Le texte de l’article 24 adopté par la commission des lois prévoit que « les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé », et que, le cas échéant, elles ne peuvent être réalisées « que par un médecin requis à cet effet ».

L’amendement no 206 tend à disposer que le médecin appartient à l’hôpital de rattachement – j’imagine qu’il s’agit d’éviter des difficultés que je ne préciserai pas, M. le président nous l’ayant interdit… (Rires.) – et ne participe pas aux soins en milieu carcéral, le but étant d’éviter toute confusion entre le médecin qui, sur réquisition, exerce un rôle de sécurité et le médecin traitant, qui ne peut qu’avoir un rôle de soins.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cela étant dit, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Sur le fond, le Gouvernement n’est pas opposé à l’amendement no 197 rectifié bis. Il souhaite cependant attirer votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les conséquences de son éventuelle adoption.

Nous avons connu les plus grandes difficultés pour faire travailler ensemble milieu médical et milieu pénitentiaire, notamment pour assurer la sécurité des personnes détenues. Je prendrai un exemple. La responsabilité de l’affectation d’un détenu dans une cellule incombe au chef d’établissement, qui, pour pouvoir prendre sa décision, doit disposer d’une information dénuée de lien avec l’acte de soins. Pourtant, il est impératif que les médecins donnent leur avis si l’on veut pouvoir éviter qu’un drame ne frappe un détenu ou un membre du personnel pénitentiaire !

Je comprends bien l’esprit de l’amendement no 197 rectifié bis. Néanmoins, s’il est adopté dans sa rédaction actuelle, demain, les médecins ne seront plus obligés de participer aux commissions pluridisciplinaires que nous avons eu la plus grande difficulté à mettre en place dans les établissements pénitentiaires et qui contribuent à la réinsertion des personnes détenues en donnant un avis au magistrat, notamment au juge de l’application des peines, lorsqu’un aménagement de peine est envisagé ou en éclairant les conseillers d’insertion et de probation ainsi que les associations.

Je crains, eu égard à la rédaction actuelle de l’amendement no 197 rectifié bis, que les médecins ne participent plus à rien au motif que leur consultation ne correspond pas à un acte médical ou à un soin. Or ces commissions pluridisciplinaires, mises en place au terme de longues années, ont permis des améliorations majeures des droits des personnes détenues.

Pour ce qui concerne l’amendement no 206, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse du Sénat. Il considère cependant que l’adoption de l’amendement no 197 rectifié bis marquerait une régression pour les détenus et pour leur réinsertion.

Je le répète, ne serait-ce que pour apprécier le comportement des détenus, le juge de l’application des peines ou la commission d’application des peines ont besoin d’informations, transmises notamment par les médecins, qui ne sont d’ailleurs pas forcément des renseignements de nature médicale.

Après une consultation, les médecins doivent pouvoir attirer l’attention de l’administration pénitentiaire et lui demander de ne pas confier telle ou telle activité à un détenu ou de ne pas autoriser un placement extérieur, ou même une permission de sortie. Or, si cet amendement est adopté dans sa rédaction actuelle, plus aucun médecin ne s’associera au travail du juge ni ne donnera d’information !

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous mets en garde : l’adoption de cet amendement serait une véritable régression pour les personnes détenues. J’émets donc un avis résolument défavorable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Monsieur le président, je suis certes un ancien élève des jésuites,…

M. le président. Personne n’est parfait ! (Sourires.)

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. … mais, tout de même, j’ai l’impression de percevoir la différence qui existe entre l’accomplissement d’un acte et la participation éventuelle à des actions de concertation, comme des réunions.

Quand on me dit : « Veuillez fouiller à corps cette personne et examiner ses cavités corporelles », je sais ce que cela signifie. Et quand on me dit : « Acceptez-vous de participer à une réunion de travail pour étudier l’insertion de ce détenu, ou pour savoir dans quelles conditions on peut éventuellement le mettre dans la même cellule qu’un autre prisonnier ? », je n’ai pas du tout le sentiment que l’on exige de moi un acte !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Bien sûr que si !

Si vraiment n’était en cause que l’intérêt du patient, nous pourrions nous contenter de l’amendement no 206 ; malheureusement, ce n’est pas possible. En effet, la disposition que j’avais initialement envisagée n’aurait pas survécu à l’article 40 de la Constitution parce qu’elle imposait de faire appel à un médecin extérieur. Pour contourner l’obstacle, et puisque l’hôpital de rattachement est responsable de la santé des détenus, j’ai proposé de faire appel à l’un des médecins de cet établissement : dans la mesure où c’est précisément le rôle de ces praticiens, une telle mesure ne coûterait rien. C’est pourquoi est précisé dans le texte de l’amendement no 206 qu’il s’agit d’un « médecin ne participant pas aux soins ».

Toutefois, j’ai le sentiment que, contrairement à ce que certains voudraient faire croire, tout le monde ici comprend ce que je veux dire, à savoir qu’il doit être interdit de demander aux médecins de pratiquer des fouilles à corps. Mais peut-être pouvons-nous garder cette idée en tête et y revenir plus tard… Ainsi, l’affaire sera réglée et personne ne pourra prétendre n’avoir pas compris ! Les médecins pourront participer à toutes les actions, à toutes les réunions, mais ne pourront pas réaliser les actes visés ; et vous constaterez, madame le garde des sceaux, que ceux qui, aujourd’hui, ne perçoivent pas la signification de cette notion d’acte comprendront soudain ce que c’est que procéder à une fouille à corps !

M. Robert Badinter. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je tiens à préciser les risques que fait courir cette disposition.

Quand un médecin affirme que l’état d’un détenu n’est pas compatible avec son placement en quartier disciplinaire, est-ce un acte ou une action ?

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Vous savez très bien que les médecins s’y refusent !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ce n’est pas vrai !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Ils se prononcent sur le maintien en quartier disciplinaire, mais ils se refusent à être à l’origine de la punition !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. À Melun, par exemple, quand la commission pluridisciplinaire procède à une évaluation de dangerosité, les médecins participent aux réunions et signent les documents. Est-ce un acte ou une action ?

Si cet amendement était adopté dans sa rédaction actuelle, il marquerait une véritable régression pour les détenus, je le crains. À chacun de prendre ses responsabilités !

D’ailleurs, vous le savez bien, monsieur About, nous éprouvons déjà les plus grandes difficultés à faire participer les médecins à la prévention du suicide, à l’amélioration de la sécurité des détenus ! Or, souvent, ceux-ci leur livrent des informations qui, n’étant pas de nature médicale, peuvent être portées à la connaissance des autres acteurs présents dans l’établissement pénitentiaire.

L’article 24 du projet de loi porte sur la fouille à corps ; l’amendement no 197 rectifié bis y trouverait bien davantage sa place. Mais dans tous les cas, je le répète, si cet article additionnel était inséré dans le projet de loi, ce serait une régression pour les détenus, parce que les médecins signent certains documents, parce qu’ils sont impliqués dans les commissions d’application des peines, et parce que le juge de l’application des peines peut leur demander certaines informations avant de prendre une décision.

Quant à la différence entre « acte » et « action », je doute fort qu’elle soit pertinente aux yeux de tous ceux qui travaillent dans les établissements pénitentiaires ! Certains ne se poseront pas la question et considéreront que, en l’absence de lien avec les soins, ils ne devront réaliser aucun acte, ne signer aucun document et ne donner aucune information. Ainsi, je le répète, les drames que nous avons connus par le passé se reproduiront !

M. le président. Mes chers collègues, je salue l’intérêt d’un débat dont je comprends toute l’importance, mais il me semble qu’il faut maintenant envisager de le trancher.

Soit nous réalisons un travail de commission, auquel cas je suspendrai la séance et demanderai à la commission de proposer un autre texte, soit nous en restons à cette rédaction, et je vous demanderai de vous prononcer.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Nous sommes au cœur du volet « santé » de ce projet de loi pénitentiaire, me semble-t-il. Il s’agit pour moi de l’élément le plus important du texte. C’est pourquoi je me permets de prendre un peu de temps.

Pour éviter toute confusion, je souhaite rectifier mon amendement et préciser que l’on ne peut demander d’acte « dénué de lien avec les soins, la préservation de la santé du détenu ou les expertises médicales ». Ainsi seront couvertes toutes les situations possibles.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement no 197 rectifié ter, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, qui est ainsi libellé :

Après l’article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un acte dénué de lien avec les soins, la préservation de la santé du détenu ou les expertises médicales ne peut être demandé aux médecins et aux personnels soignants intervenant en milieu carcéral.

La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. Je tiens à rassurer M. About : nous sommes tout de même un certain nombre à avoir compris de quoi il parlait ! Je crois qu’il a raison d’insister sur l’importance de cet amendement.

Un débat s’est engagé, de multiples arguments, parfois techniques, ont été échangés. Sans vouloir me situer en retrait par rapport à l’amendement de M. le rapporteur pour avis, je formulerai une suggestion : ne pourrions-nous pas – mais peut-être n’est-ce pas conforme à la procédure parlementaire ! – examiner dès maintenant l’amendement no 128 rectifié tendant à insérer un article additionnel après l’article 21 ? En effet, il est étrangement lié à l’amendement dont nous discutons et nous permettrait peut-être de régler certaines des questions que soulève celui-ci.

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

M. Hugues Portelli. En réalité, nous avons bien compris l’objectif de M. About : au-delà de la question du statut du médecin, il vise le problème que nous aborderons tout à l’heure lors de l’examen de l’article 24. Or si nous parvenons, comme je le souhaite, à proscrire dans tous les cas les investigations corporelles internes, la difficulté sera réglée !

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.

M. Claude Jeannerot. En complément des propos de mon collègue Alain Anziani, j’indiquerai que deux arguments au moins militent en faveur de l’amendement de M. About, et peut-être plus encore de notre propre amendement no 128 rectifié.

Tout d’abord, comme Mme le garde des sceaux le rappelait tout à l’heure à juste raison, c’est la loi du 18 janvier 1994 qui organise l’accès aux soins des détenus et dispose que le secteur public hospitalier assure la prise en charge médicale de ces derniers.

Ensuite – cet argument est décisif et suffirait à justifier la proposition de M. About –, l’article 105 du code de déontologie médicale dispose :

« Nul ne peut être à la fois médecin expert et médecin traitant d’un même malade.

« Un médecin ne doit pas accepter une mission d’expertise dans laquelle sont en jeu ses propres intérêts, ceux d’un de ses patients, d’un de ses proches, d’un de ses amis ou d’un groupement qui fait habituellement appel à ses services. »

Autrement dit, une étanchéité absolue est nécessaire entre les fonctions de médecin traitant – c’est de cela qu’il s’agit en l’espèce – et les fonctions d’expertise qui peuvent être mobilisées par l’administration pénitentiaire.

Pour ma part, mes chers collègues je vous invite à vous rallier à l’amendement no 128 rectifié.

M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Mme Virginie Klès. Je crois que nous nous sommes quelque peu perdus dans la définition des « actes » et des « actions ». Ce qui compte, c’est l’objectif visé par ces actes, actions, participations à des commissions pluridisciplinaires et autres interventions.

S’il s’agit d’évaluer l’état de santé d’un détenu, de savoir s’il est capable ou non de supporter un placement en quartier disciplinaire, s’il se trouve dans un état « propice » au suicide…, nous sommes bien dans le cadre des soins, de la prévention, de la santé. La question n’est donc pas de savoir si la disposition qui nous est proposée relève des « actes » ou des « actions », mais si l’acte ou l’action participe ou non de la santé et du soin.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Mes chers collègues, j’ai l’impression que nous sommes tous d’accord pour estimer qu’il est hors de question de demander au médecin traitant d’assurer des fonctions de sécurité, notamment de pratiquer des fouilles corporelles, car nous comprenons parfaitement qu’un tel acte est de nature à rompre l’indispensable lien de confiance que le praticien entretient avec son malade.

Je constate que Mme le garde des sceaux craint, et je comprends son point de vue, que la disposition dont nous débattons n’emporte des conséquences graves sur le fonctionnement quotidien de la prison.

Par exemple, si nous adoptons l’amendement no 197 rectifié ter, le médecin ne pourra-t-il pas se défausser, en quelque sorte, quand on lui demandera s’il est particulièrement dangereux de mettre tel détenu en encellulement collectif ? Je garde en mémoire le drame de Rouen, notamment.

À l’inverse, le médecin sera-t-il encore obligé, en pratique, de donner son avis quand on lui demandera s’il ne convient pas de placer en encellulement collectif un détenu qui présenterait des tendances suicidaires ?

Or, comme Hugues Portelli, je relève que dans quelque temps nous examinerons un autre amendement de M. About qui tendrait à satisfaire notre souhait unanime, pour lequel le Gouvernement semble s’apprêter à s’en remettre à la sagesse du Sénat, et que nous serions tous prêts à voter.

N’avons-nous pas là l’occasion de sortir de cette difficulté, soit en demandant à M. le rapporteur pour avis de bien vouloir retirer son amendement, soit en ne lui accordant pas notre vote – non pas pour le censurer, mais pour mieux lui donner satisfaction dans quelques instants ?

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement no 197 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. J’ai un problème : le texte de l’amendement no 206, que vient d’évoquer M. le rapporteur, n’est pas du tout satisfaisant.

En effet, pour contourner l’article 40 de la Constitution, j’ai été obligé d’écrire une stupidité et d’expliquer que cette disposition ne coûterait rien puisque nous demanderions l’intervention non pas d’un médecin extérieur, mais du praticien de l’hôpital de rattachement.

Or, avant que cet établissement n’envoie un médecin, de l’eau risque de couler sous les ponts ! Mes chers collègues, soyons sérieux, car on n’écrit pas de bêtises dans la loi.

Soit, pour contourner l’article 40 de la Constitution, le Gouvernement dépose un amendement reprenant les dispositions de l’amendement no 206 sans la mention de l’hôpital de rattachement, et dans ce cas je m’y rallierai et retirerai l’amendement no 197 rectifié ter ; soit nous adoptons l’amendement no 206 en sachant qu’il est dépourvu de portée pratique, mais en espérant qu’il évitera au moins aux médecins des unités de consultations et de soins ambulatoires et des services médico-psychiatriques régionaux, les UCSA et les SMPR, ainsi qu’aux personnels infirmiers – l’amendement socialiste ne les vise pas –, de se voir demander des actes qui, à mon avis, ne sont pas de leur ressort.

L’amendement no 197 rectifié ter est donc maintenu.

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je vais tenter, dans une ultime tentative, de vous convaincre, mesdames, messieurs les sénateurs.

De gros efforts sont réalisés pour prévenir le suicide des personnes détenues, pour éviter la violence non seulement entre elles, mais aussi envers les personnels pénitentiaires, et pour favoriser leur réinsertion. Ces efforts n’auront de chances d’être couronnés de succès que si le maximum d’informations est recueilli.

Dans les établissements pénitentiaires, certains médecins ont pour habitude de refuser de communiquer des informations, ou bien de ne les distiller qu’au compte-gouttes…

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Oui !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. … au prétexte que, la demande n’étant pas d’ordre médical, ils ne sont pas tenus d’y satisfaire.

Or, il est indispensable de recueillir le maximum d’informations pour lutter contre la récidive, pour favoriser la réinsertion ou encore pour procéder au classement des détenus, préalable à l’exercice d’une activité. Pour agir au mieux de leurs intérêts, il est nécessaire de connaître leur personnalité. Les médecins peuvent apporter un précieux éclairage.

Je comprends ce que les auteurs de cet amendement entendent par « acte dénué de lien avec les soins », je comprends la distinction entre acte et action ; mais, dans un établissement pénitentiaire, tout le monde est amené à travailler de concert en faveur de la réinsertion des personnes détenues. Ne restreignons pas nos possibilités en la matière !

Je crains que l’actuelle rédaction n’entraîne un nouveau cloisonnement entre le personnel médical et l’administration pénitentiaire, alors que le simple bon sens veut qu’ils travaillent main dans la main.

Ne leur imposons donc pas des textes qui vont les amener à s’interroger et à hésiter à prendre leurs responsabilités quand il s’agira de savoir si telle ou telle personne relève du quartier disciplinaire, doit être placée à l’isolement ou pas, peut pratiquer une activité… ! Le médecin risque de prendre prétexte du fait que cette demande n’a pas de lien avec le soin qu’il prodigue au détenu pour ne pas répondre. Et, s’il y a un suicide, ce sera encore l’administration pénitentiaire qui en portera la responsabilité.

Les nombreuses et lourdes responsabilités que les personnels pénitentiaires ont déjà à assumer – le classement des détenus, leur affectation dans les cellules, notamment – requièrent qu’ils disposent d’un maximum d’informations.

J’insiste : je souhaiterais que cet amendement ne soit pas adopté.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Après avoir écouté avec attention mes collègues, M. le rapporteur et Mme la garde des sceaux, j’ai le sentiment que nous sommes tous d’accord entre sénateurs, mais je ne suis pas sûr que nous soyons d’accord avec Mme la garde des sceaux.

Toutefois, puisqu’il m’apparaît que nous nous entendons sur un même objectif, à savoir préciser dans un amendement ultérieur qu’aucun personnel soignant ne peut être contraint à effectuer d’investigations corporelles internes, je retire cet amendement (Protestations sur les travées du groupe socialiste.), en insistant, mes chers collègues, sur le fait que nous devrons être tous solidaires, le moment venu, pour avancer à nouveau les mêmes arguments.

Je ne voudrais pas être tenu pour responsable d’une rupture des relations entre les professionnels du milieu médical et ceux du milieu carcéral, rupture dont certains, ici, ont fait planer la menace. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) Excusez-moi, mais je sais ce qu’il en est de ces relations : elles sont bonnes quand les gens sont intelligents et mauvaises quand ils ne sont, à mon avis, pas à la hauteur. Elles tiennent non pas aux textes de loi, mais aux individus.

Nous « resservirons » – pardonnez-moi, madame la garde des sceaux ! – tout ce que vous venez de nous exposer lorsque nous en arriverons à l’examen de l’article concernant les fouilles à corps.

M. le président. L’amendement no 197 rectifié ter est retiré.

M. Alain Anziani. Je le reprends, monsieur le président.

M. le président. Il s’agit donc de l’amendement no 197 rectifié quater.

Je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 20.