Appartenance politique :
Membre du Groupe socialiste
État civil :
Né le 30 mars 1928
Décédé le 9 février 2024
Profession :
Avocat, professeur d'Université
Département :
Hauts-de-Seine
Vème République

Ancien sénateur de la Ve République


Travaux parlementaires

Ve République  (Extrait du Dictionnaire des parlementaires français)

Ve République


BADINTER (Robert)

Né le 30 mars 1928 à Paris

Décédé le 9 février 2024 à Paris

Garde des Sceaux, Ministre de la Justice du 23 juin 1981 au 18 février 1986

Président du Conseil constitutionnel de 1986 à 1995

Sénateur des Hauts-de-Seine de 1995 à 2011

Robert Badinter voit le jour le 30 mars 1928 à Paris dans une famille juive originaire de Bessarabie. Fuyant les pogroms et le régime bolchevique, son père s'est réfugié en 1919 en France, où il est devenu commerçant en pelleteries en gros à Paris et a épousé une femme également originaire de Bessarabie. Robert Badinter étudie au lycée parisien Janson-de-Sailly de 1936 à décembre 1940, date à laquelle sa famille quitte Paris pour s'installer à Lyon, alors en zone libre.

Sa famille est très durement éprouvée par la barbarie nazie. Arrêté le 9 février 1943 par la Gestapo à Lyon, son père est déporté au centre de mise à mort de Sobibor, en Pologne, où il est tué. Sa grand-mère maternelle meurt pendant sa déportation et son oncle est également tué dans un camp d'extermination. Robert Badinter parvient, lui, avec sa mère et son frère à fuir et à se réfugier à Cognin, une petite commune savoyarde, où il vit sous un nom d'emprunt de mars 1943 à août 1944.

Après la Libération, il reprend ses études à l'université de Paris. Licencié en lettres en 1947 et en droit en 1948, il étudie ensuite à l'université Columbia, à New York, dont il sort diplômé en 1949. En 1951, inscrit comme avocat au barreau de Paris, il rejoint le cabinet d'Henry Torrès, ancien député des Alpes-Maritimes et alors sénateur de la Seine. Puis, en 1952, il devient docteur en droit, en soutenant une thèse sur les conflits de lois en matière de responsabilité civile dans le droit des États-Unis. Obtenant l'agrégation de droit privé en 1965, il enseigne aux facultés de droit de Dijon (1966), de Besançon (1968-1969) et d'Amiens (1969-1974), ainsi qu'à l'École de droit de la Sorbonne (1974-1981). Parallèlement à sa carrière universitaire, il fonde en 1965 un cabinet d'avocats avec Jean-Denis Bredin, qui devient rapidement l'un des plus renommés de Paris. Il y exerce jusqu'en 1981, s'occupant principalement du droit de la presse, du droit d'auteur et du droit des sociétés.

En 1972, il défend Roger Bontems, accusé de complicité de meurtres d'un surveillant et d'une infirmière de la centrale de Clairvaux, mais il ne parvient pas à éviter sa condamnation à la peine de mort. Profondément marqué par cette condamnation à mort d'un individu n'ayant pourtant pas lui-même tué, histoire qu'il raconte dans L'Exécution en 1973, il s'engage dès lors résolument en faveur de l'abolition de la peine de mort. Il accepte ainsi d'être l'avocat de plusieurs personnes poursuivies pour meurtre, dont Patrick Henry, accusé de l'assassinat d'un enfant en 1976. Sa plaidoirie contre la peine de mort lors du procès de Patrick Henry en 1977 a pour effet d'épargner la peine capitale à l'accusé, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.

Robert Badinter est également engagé en politique. Il adhère à la Convention des institutions républicaines, fondée par François Mitterrand, et s'inscrit en 1967 à la Fédération de la gauche démocrate et socialiste. C'est sous son étiquette qu'il se présente aux élections législatives du 5 mars 1967 dans la première circonscription de Paris. Arrivant en quatrième position au premier tour avec 16,36 % des suffrages exprimés, il se retire pour le second tour, qui voit la réélection du candidat gaulliste Pierre-Charles Krieg. Il adhère ensuite au Parti socialiste (PS) en 1971, lors du congrès d'Épinay. En 1973, il échoue à obtenir l'investiture du PS pour la deuxième circonscription d'Eure-et-Loir aux élections législatives, le parti lui préférant Maurice Legendre. Robert Badinter se tient dès lors en retrait des scrutins électoraux pendant plus de vingt ans. Il poursuit son engagement militant comme membre du comité central de la Ligue des droits de l'homme de 1976 à 1981 et de celui de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme de 1979 à 1981.

Après sa victoire à l'élection présidentielle le 10 mai 1981, François Mitterrand le nomme garde des Sceaux, ministre de la Justice le 23 juin 1981 au sein du deuxième gouvernement de Pierre Mauroy. Robert Badinter conserve ensuite ses fonctions ministérielles dans le troisième gouvernement Mauroy (1983-1984), puis dans celui de Laurent Fabius (1984-1986). Dès septembre 1981, il présente le projet de loi portant abolition de la peine de mort, concrétisant ainsi un engagement de campagne de François Mitterrand et défendant une cause qui lui est devenue particulièrement chère. Le 17 septembre 1981, dans un discours aux accents vibrants, Robert Badinter s'exclame à la tribune du Palais-Bourbon : « J'ai l'honneur, au nom du gouvernement de la République, de demander à l'Assemblée nationale l'abolition de la peine de mort en France1. » Et de proclamer toute son aversion pour la peine de mort : « Cette justice d'élimination cette justice d'angoisse et de mort, décidée avec sa marge de hasard, nous la refusons. Nous la refusons parce qu'elle est pour nous l'anti-justice, parce qu'elle est la passion et la peur triomphant de la raison et de l'humanité2 ». Adoptée à l'Assemblée nationale par 363 voix contre 117 le 18 septembre 1981, puis au Sénat le 30 septembre suivant par 160 voix contre 126, la loi portant abolition de la peine de mort est promulguée le 9 octobre 1981.

Le garde des Sceaux porte aussi le projet de loi supprimant en 1981 la Cour de sûreté de l'État, créée pendant la guerre d'Algérie. Il dépénalise également l'homosexualité en 1982. Robert Badinter oeuvre également afin de permettre la saisine directe de la Cour européenne des droits de l'homme, dans le cadre d'un recours individuel. Il est en outre à l'origine de la suppression d'une partie des dispositions de la loi sécurité et liberté qu'Alain Peyrefitte, l'un de ses prédécesseurs au ministère de la Justice, avait fait adopter en 1981. Enfin, à son initiative, une loi portant son nom instaure un régime spécial et autonome d'indemnisation des victimes d'accidents de la route en 1985.

Le 18 février 1986, Robert Badinter quitte le ministère de la Justice. Il est en effet nommé président du Conseil constitutionnel par le président de la République François Mitterrand, le 4 mars 1986. Succédant à Daniel Mayer, il préside le Conseil constitutionnel jusqu'au 4 mars 1995, avant d'être lui-même remplacé par un Roland Dumas.

Parallèlement, il oeuvre pour la paix et le respect des droits de l'homme dans plusieurs instances internationales. Il est ainsi nommé président de la commission d'arbitrage pour la paix en Yougoslavie, créée en 1991 par la Communauté européenne. Entre 1991 et 1993, cette instance, réunissant cinq présidents de cours constitutionnelles européennes et communément appelée « commission Badinter », rend quinze avis sur des questions juridiques découlant de la fragmentation de la Yougoslavie. De 1995 à 2013, Robert Badinter est également président de la Cour européenne de conciliation et d'arbitrage de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Il est aussi président du comité de célébration du cinquantenaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme en 1998 et membre du comité éthique du Comité international olympique de 1999 à 2007.

Il ne renonce cependant pas jouer un rôle actif dans la vie politique française. Ainsi, le 24 septembre 1995, il se présente aux élections sénatoriales dans les Hauts-de-Seine, après avoir été investi par le PS face à la sénatrice sortante Françoise Seligmann. La liste socialiste qu'il conduit remportant un siège avec 311 des 1 909 voix, Robert Badinter est élu sénateur des Hauts-de-Seine : il obtient son tout premier mandat électif à l'âge de soixante-sept ans. L'ancien président du Conseil constitutionnel est ensuite réélu lors des élections sénatoriales du 26 septembre 2004 : la liste socialiste qu'il conduit pour la seconde fois conserve son siège à la Haute Assemblée en réunissant 310 des 1 966 suffrages exprimés.

Au Palais du Luxembourg, Robert Badinter siège au sein du groupe socialiste. D'abord membre de la commission des lois (1995-2008), il rejoint ensuite celle des affaires étrangères (2008-2011). Il est également membre de la Délégation sénatoriale pour l'Union européenne de 1995 à 2011, de la commission des affaires européennes de 2008 à 2011 et de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation de 1995 à 2004. Il est à l'origine, avec le sénateur du Morbihan Josselin de Rohan, du Comité de déontologie parlementaire du Sénat, dont il devient le premier président de 2009 à 2011.

En 2007, il est tout naturellement choisi pour rapporter le projet de loi constitutionnelle relatif à l'interdiction de la peine de mort. À cette occasion, il plaide avec vigueur pour l'inscription de la prohibition de la peine de mort dans la Constitution.

Il soutient, en 1996, l'institution d'un tribunal international en vue de juger les personnes présumées coupables d'actes de génocide deux ans auparavant au Rwanda, puis, en 1999, la création de la Cour pénale internationale. Il dépose en 2001 une proposition de loi relative à la coopération avec cette juridiction pénale internationale, puis une autre en 2003 sur les crimes de guerre. Par ailleurs, il est rapporteur, en 1997, de la proposition de loi proposant d'édifier un monument au mont Valérien portant le nom des résistants et des otages fusillés dans ces lieux entre 1940 et 1944.

Robert Badinter ne cesse également de se battre pour l'amélioration des conditions de vie en prison. Il dépose ainsi deux propositions de résolution tendant à créer des commissions d'enquêtes, la première en 2000 sur les conditions de détention dans les maisons d'arrêt, la seconde en 2002 sur l'augmentation des suicides en milieu carcéral. Il déplore régulièrement les effets néfastes de l'emprisonnement et les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires, notamment lors de l'examen de la proposition de loi relative à ces conditions en 2001. En 2007, il se prononce en faveur du projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Membre de la commission consultative des archives audiovisuelles de la justice de 1998 à 2004, il s'exprime lors de la discussion au Sénat de tous les textes intéressant la justice. Il intervient ainsi en séance publique à propos de la répression du terrorisme (1996), de la détention provisoire (1996), de la réforme de la procédure criminelle (1997), du Conseil supérieur de la magistrature (1998), de la protection de la présomption d'innocence et des droits des victimes (1999, 2000 et 2002), de la carrière des magistrats (2000), de la sécurité quotidienne (2001), du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice (2002), des juges de proximité (2002), du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (2003 et 2004), du traitement de la récidive des infractions pénales (2005), de la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs (2007) ou de la garde à vue (2011).

D'autres questions retiennent l'attention du sénateur des Hauts-de-Seine, telles que l'immigration et la dénonciation des mesures répressives à l'encontre des étrangers en situation irrégulière (1997 et 1998), les droits du conjoint survivant (2001), l'autorité parentale (2002) et la réforme des successions (2005 et 2006).

Lors des scrutins publics au Sénat, il vote en faveur de la loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution (Constitution européenne) en 2005, la loi autorisant la ratification du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne et certains actes connexes en 2008. En revanche, il se prononce contre la loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail en 1998, la loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République en 2002, la loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République en 2008 et la loi de réforme des collectivités territoriales en 2010. Il ne prend pas part au vote de la loi constitutionnelle relative à l'égalité entre les femmes et les hommes en 1999 et de la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet en 2009. Il s'abstient sur la loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion, en 2008.

Robert Badinter ne se représente pas aux élections sénatoriales du 25 septembre 2011. Lors de sa toute dernière intervention devant la Haute Assemblée, le jour même de son départ, le 30 septembre 2011, qui coïncide avec une séance exceptionnelle consacrée au trentième anniversaire du vote définitif par le Sénat de l'abolition de la peine de mort, il revient sur ce vote qu'il qualifie d'« essentiel » et d' « historique3 » : « En réalité, c'est le Sénat qui, en votant le 30 septembre 1981 le texte déjà adopté par l'Assemblée nationale, a aboli ce jour-là la peine de mort en France4 », affirme l'ancien garde des Sceaux. Et de déclarer : « Ma conviction est absolue : comme la torture, dont elle est l'expression ultime, la peine de mort est vouée à disparaître de toutes les législations. Et les générations nouvelles verront un monde libéré de la peine de mort5. »

Retiré de la vie politique, il demeure néanmoins actif. Il continue de présider la Cour de conciliation et d'arbitrage de l'OSCE jusqu'en 2013. Il fonde par ailleurs en 2011 un cabinet, Corpus consultants, composé de professeurs agrégés de droit reconnus chargés de mettre leurs compétences au service des professionnels du droit. Robert Badinter s'adonne également à l'écriture : il publie aussi bien le livret de l'opéra Claude en 2013, inspiré du roman Claude Gueux de Victor Hugo, que Le travail et la loi avec le juriste Antoine Lyon-Caen, en 2015, ouvrage plaidant pour réformer le Code du travail, ou Idiss en 2018, livre qui rend hommage à sa grand-mère victime de la Shoah. Avant sa retraite politique, il avait déjà publié plusieurs ouvrages, dont Condorcet. Un intellectuel en politique, en 1989, coécrit avec sa femme Élisabeth, femme de lettres, philosophe et féministe, qu'il avait épousée en 1966.

Le 9 octobre 2021, R. Badinter participe, auprès du président de la République Emmanuel Macron, au Panthéon, à la commémoration du quarantième anniversaire de la loi portant abolition de la peine de mort. Il prononce alors un discours consacré à son combat le plus emblématique.

Il s'éteint dans la nuit du 8 au 9 février 2024, à Paris, à l'âge de quatre-vingt-quinze ans. Avec lui disparaît un « infatigable combattant de la liberté » et un « républicain exigeant6 », selon les mots du président du Sénat Gérard Larcher. Un hommage national lui est rendu le 14 février 2024, place Vendôme, à Paris devant le ministère de la Justice, en présence du président de la République Emmanuel Macron.

1 : Journal Officiel, comptes rendus des débats de l'Assemblée nationale, première séance du 17 septembre 1981, p. 1138.

2 : Ibid., p. 1142.

3 : Ibid., séance du 30 septembre 2011, p. 11.

4 : Ibid.

5 : Ibid., p. 13.

6 : Ibid., séance du 13 février 2024, p. 825.

Hommage lors de la séance du 13 février 2024. Journal officiel n° 12 du 14 février 2024, p. 824-826.

Sources

Archives du Sénat : dossier personnel de sénateur.

Discours intégral de Rober Badinter à l'Assemblée nationale le 17 septembre 1981 en faveur de l'abolition de la peine de mort : https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/peine-de-mort-discours-robert-badiner-integral.

Bibliographie

Who's who in France, plusieurs éditions.

Ouvrages écrits par Robert Badinter

L'Exécution, Paris, Grasset, 1973,

Condorcet. Un intellectuel en politique, avec Élisabeth Badinter, Paris, Fayard, 1988.

Une autre justice, Paris, Fayard, 1989.

Libres et égaux. L'émancipation des Juifs (1789-1791), Paris, Fayard, 1989.

La prison républicaine (1871-1914), Paris, Fayard, 1992.

C.3.3. et Oscar Wilde ou l'injustice, Arles, Actes Sud, 1995.

Un antisémitisme ordinaire, Paris, Fayard, 1997.

L'abolition, Paris, Fayard, 2000.

Une constitution européenne, Paris, Fayard, 2002.

« Le plus grand bien... », Paris, Fayard, 2004.

Contre la peine de mort, Paris, Fayard, 2006.

Les épines et les roses, Paris, Fayard, 2011.

Le travail et la loi, avec Antoine Lyon-Caen, Paris, Fayard, 2015.

Idiss, Paris, Fayard, 2018.

Théâtre I, Paris, Fayard, 2021.

Affaire classée. Théâtre II, Paris, Fayard, 2023.

Vladimir Poutine. L'accusation, avec Bruno Cotte et Alain Pellet, Paris, Fayard, 2023.

La démocratie illibérale, Paris, Fayard, 2024.

Elu le 24 septembre 1995
Réélu le 26 septembre 2004
Fin de mandat le 30 septembre 2011 (ne se représente pas)

Garde des sceaux

Membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées
Membre de la commission des affaires européennes
Membre du Groupe socialiste

Extrait de la table nominative

Résumé de l'ensemble des travaux parlementaires
de Robert BADINTER

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