M. le président. Madame le ministre, mes chers collègues, nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané, troisième séquence de cette discussion, qui sera l’occasion pour Mme le ministre et les représentants de la mission temporaire de réagir, y compris aux propos tenus précédemment.

Je rappelle que les questions ne doivent pas excéder deux minutes trente – voir deux minutes –, afin que le débat soit réellement interactif.

La parole est à Mme Catherine Troendle.

Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, ma question a trait à la suppression de la taxe professionnelle.

Certaines communes et communautés de communes sont actuellement en phase de réflexion, voire de réalisation, s’agissant de la création de zones d’activités. Bien que l’objectif premier soit de créer des emplois, elles se posent légitimement la question suivante : quid des recettes escomptées de la taxe professionnelle à venir pour alimenter leur budget ?

Le Gouvernement nous a assuré qu’une compensation serait prévue. Cependant, dans ce cas de figure, il ne peut y avoir compensation, puisque la taxe professionnelle n’existe pas encore.

Face à cette incertitude, certaines collectivités risquent ne pas réaliser ces zones d’activités, ce qui serait bien dommage.

M. le président. La parole est à Mme le ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Le Président de la République, le Premier ministre et moi-même nous sommes engagés, je le rappelle, à une compensation intégrale de la taxe professionnelle.

Le cas plus spécifique que vous soulevez, madame le sénateur, sera évoqué le 25 mars par la conférence nationale des exécutifs. Tout d’abord, une période transitoire sera nécessaire pour permettre aux collectivités de s’adapter. Ensuite, nous affinerons la solution à ce problème, qui trouvera sa traduction concrète en loi de finances.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, rapporteur.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. Madame le ministre, soyons clairs : les élus, dans leur ensemble, ne veulent pas de compensation de la taxe professionnelle. Ils veulent un impôt local (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP et du groupe socialiste.)

M. Jacques Gautier. C’est clair !

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. …lié au développement et à l’équipement économiques, afin qu’il y ait un rapport entre le territoire et l’entreprise. Des compensations, nous en avons déjà beaucoup et nous savons ce qu’elles sont ! Cette solution serait donc une erreur.

En fait, votre réponse, qui se voulait apaisante, ne rassure pas du tout les élus ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’Union centriste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC-SPG)

M. le président. La parole est à Mme le ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Quand je parle de compensation intégrale, il s’agit du montant et non pas du support.

Nous verrons dans le cadre de la réforme de la fiscalité globale quels impôts doivent correspondre à certaines compétences et aux collectivités qui les exercent. À ce moment-là, nous prendrons aussi en compte le produit global de la taxe professionnelle.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb.

M. Gérard Collomb. Deux minutes, c’est peu pour construire une métropole de deux millions d’habitants…

Je suis de ceux qui préconisent de bouger, car la réalité a changé. Lorsque je regarde l’agglomération lyonnaise – non pas ses institutions, mais le quotidien de celles et de ceux qui l’habitent –, je vois qu’elle s’étend aujourd’hui sur quatre départements. Notre aéroport, quant à lui, s’étend sur trois départements. Nous ne pouvons donc pas rester statiques.

Cela étant, madame le ministre, il vous faut rassurer nos collègues qui voient, derrière ce grand projet de réforme, la volonté de modifier les modes de scrutin. (M. Dominique Braye proteste.) Vous le savez bien, il y a toujours des gens que le doute habite …

M. Dominique Braye. Mais vous n’en faites pas partie ! (Sourires.)

M. Gérard Collomb. Le mode de scrutin régional actuel, par exemple, permet d’élaborer des projets globaux d’envergure, qui sont stratégiques pour notre pays, loin de ces projets qui ne seraient qu’un saupoudrage à l’échelle de « supercantons ».

En outre, comme le rapport d’étape de la mission temporaire le montre bien, si nous voulons progresser et mener à bien la réforme, il faut que la diversité des territoires appelle une diversité des solutions. À cet égard, j’aime beaucoup le mot de Fernand Braudel, rapporté par Jean-Pierre Chevènement : « la France se nomme diversité ».

M. le président. Veuillez conclure !

M. Gérard Collomb. On ne peut en effet pas traiter les départements à dominante rurale comme les départements à dominante urbaine.

M. Gérard Collomb. M. Mercier a très justement mis l’accent sur ce point, tout à l’heure.

Enfin, vos métropoles ont 400 000 habitants ; la communauté urbaine de Lyon, quant à elle, compte déjà 1,3 million d’habitants. Nous voulons donc essayer de constituer une « supermétropole » comprenant à la fois – tous les partenaires en sont d’accord – la communauté urbaine de Lyon, Saint-Étienne métropole, la communauté d’agglomération des pays isérois. C’est à cette condition que nous serons compétitifs face à des villes comme Turin, Milan ou Manchester. Bref, nous pourrons alors rivaliser avec les grandes métropoles européennes. C’est un enjeu fondamental pour notre pays.

Le débat est donc non pas simplement national, mais également européen. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme le ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. L’objectif principal de cette réforme est de permettre à notre démocratie républicaine d’être plus vivante et plus en rapport avec le XXIe siècle, en renforçant le poids et le rôle de nos collectivités dans la vie économique et sociale, dans le cadre d’une concurrence européenne et mondiale.

Monsieur le sénateur, je vous entends nous prêter des arrière-pensées électoralistes, mais je vous rappelle que le comité Balladur était composé de façon pluraliste. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, bipartiste !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Nous n’aurions pas créé une commission pluraliste si nous avions ce type d’arrière-pensées. Maintenant que vous, vous en ayez, c’est un autre problème…

Le débat auquel je n’ai malheureusement pu que partiellement assister a été, me semble-t-il, d’un autre niveau. Je préfère donc en rester là pour répondre aux questions que vous avez posées.

Le comité Balladur propose en effet un changement des modes de scrutin, mais il l’inscrit dans le cadre d’une réflexion sur la redéfinition des compétences. Ne nous focalisons donc pas sur ce point, car il existe bien d’autres propositions. Quoi qu’il en soit, c’est un sujet dont nous discuterons dans la concertation, mais ce n’est certainement pas celui par lequel il faudra commencer. Selon moi, la question du mode de scrutin doit venir bien après la redéfinition des compétences, par exemple.

Vous avez également évoqué la nécessité de prendre en compte la diversité des territoires.

Oui, le pragmatisme doit nous conduire à introduire plus de souplesse ! Le système actuel nous le montre bien : appliquer exactement la même solution à une commune de quelques centaines d’habitants, à la ville de Lyon, à un département rural ou à un département urbain aboutit nécessairement à des distorsions.

Le rapport Balladur préconise l’introduction d’une certaine forme de souplesse, mais dans le cadre de la République. Nous aurons certainement des ajustements à trouver.

Nous devons à la fois respecter l’égalité républicaine – à défaut, le Conseil constitutionnel nous censurerait – et trouver le nécessaire assouplissement pour tenir compte des réalités.

C’est tout l’intérêt du travail que nous allons devoir réaliser avant l’été, dans le cadre de la concertation, puis pendant l’été, sur la base des propositions que je vous soumettrai.

Quant aux métropoles, elles ne doivent pas être trop nombreuses pour constituer des ensembles qui pèsent vraiment. Il nous reste cependant à en donner une définition précise.

Vous évoquez une métropole s’étendant sur quatre départements. Il est évident qu’une telle situation entraîne de nombreux problèmes d’organisation, en particulier en ce qui concerne les rapports entre la métropole et les communes « inframétropolitaines », mais aussi les départements, voire les régions.

Ces points n’ont pas été précisés dans le rapport Balladur, qui présentait des pistes de réflexion. C’est le rôle du législateur, et en particulier du Sénat, représentant des collectivités locales. (MM. Adrien Gouteyron et Dominique Braye applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Dans cette mission, le Sénat développe sa propose réflexion sur la réforme des collectivités territoriales. Pour ma part, avec mes collègues Jean-Pierre Caffet et Philippe Dallier, je ne peux m’empêcher de m’interroger sur le Grand Paris. L’enjeu est de taille !

Le millefeuille administratif parisien, si j’en crois M. Christian Blanc, coûte de 1,5 à 2 points de croissance à la région capitale. L’Île-de-France représente 30 % du PIB français et 40 % des brevets d’invention déposés chaque année en France. La zone de Saclay serait le troisième pôle de recherche mondial, avant la Silicon Valley.

Fort de cet actif et suivant la logique des « villes monde » décrite par l’OCDE – Paris, New York, Tokyo et Londres –, Paris devrait tirer la croissance française. Or ce n’est pas le cas, puisque la croissance de la région d’Île-de-France est la même que celle de Paris.

Cette situation s’explique par l’absence de stratégie globale ainsi que par l’immense complexité administrative. En matière de lutte contre le chômage, par exemple, la chambre de commerce et d’industrie de Paris dénombre quatre-vingts structures de développement de l’emploi dans les quatre départements du Grand Paris : c’est complètement surréaliste !

Pour vous citer un autre exemple, le Syndicat des eaux d’Île-de-France peut doubler sa production d’eau, mais Paris conserve sa propre production, et certaines usines font double emploi. Les exemples ne manquent pas, hélas !, que ce soit en matière de logement ou d’urbanisme, comme en témoigne le rapport d’information de M. Dallier.

In fine, ce sont les franciliens qui paient !

Paris, ville riche s’il en est avec un budget de quelque 7 milliards d’euros, va pourtant augmenter ses impôts locaux de 24 % d’ici à l’année prochaine. La ville de Boulogne, quant à elle, devrait augmenter les siens de 10 % à 12%.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur Belot, que compte faire la mission sur la question du Grand Paris, qui a déjà fait l’objet d’un rapport d’information de M. Dallier ? Madame le ministre, quelle est la position du Gouvernement sur la question du Grand Paris ?

M. le président. La parole est à M. le président de la mission temporaire.

M. Claude Belot, président de la mission temporaire. Mon cher collègue, au sein de la mission, nous sommes convaincus qu’il ne sera pas possible de laisser très longtemps le problème de Paris à l’écart. Le Président de la République souhaite d'ailleurs engager une réflexion sur ce point.

Les membres de la mission appartenant au Grand Paris ne nous ont pas permis d’y voir suffisamment clair (M. Jean Desessard rit.) en raison d’affrontements qui, je tiens à le souligner, n’ont pas grand-chose à voir avec l’intérêt général.

MM. Huchon et Delanoë ont accepté d’être prochainement auditionnés par notre mission. M. Christian Blanc, secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale, n’a pas souhaité intervenir avant d’avoir déposé ses conclusions ; nous devrions le recevoir à la fin du mois d’avril.

Actuellement, l’Île-de-France est la région où l’intercommunalité fonctionne le plus mal.

M. Jean-Jacques Hyest. Il n’y a pas d’intercommunalité !

M. Claude Belot, président de la mission temporaire. Il faudra sans doute, au nom de l’intérêt général, que cela change !

M. le président. La parole est à Mme le ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Le Grand Paris sera-t-il réalisé ? Oui. Quand cette réalisation sera-t-elle annoncée par le Président de la République ? D’ici à quelques semaines. Quelle forme prendra-t-elle ? Des projets concrets seront rapidement lancés, puis les structures chargées de les porter seront définies.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si la mission sénatoriale est pluraliste, je tenais à préciser que le comité Balladur ne l’était pas, puisque les élus de notre sensibilité politique n’étaient pas représentés.

Je soulèverai deux points.

La révision constitutionnelle et la loi organique ayant posé le principe de l’évaluation de toute loi, quels travaux ont été – ou seront – entrepris pour démontrer que les nouvelles structures coûteront moins cher en frais de fonctionnement à nos concitoyens ? À moins que vous ne vouliez tout simplement diminuer la dépense publique, c’est-à-dire les services que les collectivités locales rendent à la population, ce qui est tout à fait différent…

Comment pouvez-vous invoquer la souplesse, alors que la réforme envisagée par le comité Balladur rigidifie les structures par la logique des blocs de compétences ?

M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger, rapporteur.

M. Yves Krattinger, rapporteur. La première question est essentielle, puisqu’elle est sous-jacente à la commande passée à la représentation nationale, au comité Balladur, etc.

L’Assemblée des départements de France a interrogé un cabinet spécialisé pour évaluer ce que rapporterait la fusion des départements et des régions. Il en ressort que, au début, cela coûtera plus cher et que, ensuite, cela rapportera très peu ! Il serait donc souhaitable que les propositions qui nous seront faites soient préalablement évaluées.

M. Roland du Luart. Il faudrait généraliser l’évaluation !

M. Yves Krattinger, rapporteur. Ce n’est pas contradictoire avec les recommandations antérieures.

M. Bernard Frimat. Ça, c’est une réponse !

M. le président. La parole est à Mme le ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Le comité Balladur a auditionné des élus de toutes les sensibilités politiques, madame Borvo Cohen Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Être auditionné et siéger, ce n’est pas la même chose !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. J’en viens à l’évaluation du coût de la réforme. Quand on évite les doubles emplois et la redondance de structures sur un même projet, quand l’État n’entretient plus de structures déconcentrées dans des domaines relevant de la compétence exclusive des collectivités territoriales, comme cela est également prévu par la réforme Balladur, on réalise a priori des économies.

M. Pierre-Yves Collombat, vice-président de la mission temporaire. Et a posteriori ? On ne dispose d’aucune évaluation !

M. Dominique Braye. C’est ceux qui ne veulent rien changer qui disent cela !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Il faut une évaluation a posteriori, je suis entièrement d’accord avec vous, mais vous ne pouvez pas évaluer une réforme qui n’existe pas : il faut un minimum de logique !

Quand des évaluations sont demandées, elles sont faites !

M. Pierre-Yves Collombat, vice-président de la mission temporaire. Ce n’est pas vrai !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. J’ai été suffisamment souvent auditionnée par la commission des finances du Sénat pour garantir l’existence d’évaluations réalisées pas des organismes spécialisés.

M. Pierre-Yves Collombat, vice-président de la mission temporaire. Il faut nous les communiquer !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Vous dites que la réforme Balladur aurait pour effet de rigidifier les choses. Il s’agit, pour le coup, d’un jugement de valeur sans aucun fondement ! Le rapport retient au contraire l’idée de l’adaptation, de l’assouplissement des règles en fonction des collectivités. Si l’on veut se conformer à la réalité, il faut lire les textes !

M. Dominique Braye. Très bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous l’avons fait !

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Le rapport Balladur a été assez controversé : il comprend de très bonnes choses, mais aussi quelques zones d’ombre ; et ce n’est pas moi qui le dis !

J’aurais souhaité une réflexion à trois niveaux.

Premièrement, le scrutin uninominal, dont les avantages ont été parfaitement décrits, est-il utile ? Deuxièmement, la tâche la plus noble de tout élu n’est-elle pas d’assurer le développement harmonieux et équilibré du territoire dont il a la charge ? (M. Jackie Pierre applaudit.) Troisièmement, la solidarité territoriale est-elle aussi importante que la solidarité sociale ?

Si l’on répond « oui » à ces trois questions – on peut à mon avis le faire –, il convient de présenter des propositions cohérentes, ce que n’a pas fait le comité Balladur.

Ainsi, il peut paraître séduisant de regrouper un certain nombre de cantons, mais cela signifie, à terme, le regroupement et la disparition des départements de moins de 300 000 habitants…

Quant aux métropoles, ne craignez-vous pas qu’elles jouent le rôle de pompe aspirante ? Dans la région Provence-Alpes-Côte-d’azur, par exemple, que restera-t-il pour les Hautes-Alpes et les Alpes-de-Haute-Provence face aux métropoles de Marseille, de Nice, voire de Toulon ? Les habitants se plaignent déjà d’être ravitaillés par des corbeaux, ce sera pis !

L’existence de 36 000 communes est une spécificité française. Ces dernières, quelle que soit leur taille, sont dans l’ensemble bien entretenues, largement grâce au bénévolat des équipes municipales et des élus en matière de travaux, bénévolat qu’il ne faudrait pas remettre en cause. Si l’on veut que l’autorité du maire demeure, il ne faut pas transformer cet élu en chef de village !

Nous devons sans doute engager des réformes, mais, en lisant attentivement le rapport Balladur, l’expression : « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? » m’est souvent venue à l’esprit !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Fortassin.

M. François Fortassin. Autrement dit, on a tenté de m’éblouir, mais je ne suis pas pour autant éclairé ! (Rires.)

M. le président. La parole est à Mme le ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Le comité Balladur n’avait pas pour mission de réfléchir aux modes de scrutin. Les conclusions qu’il a rendues sont de simples recommandations, des propositions qui devront être discutées et traduites dans plusieurs lois. C’est à cette occasion que les modalités concrètes seront définies, notamment au Sénat.

Je ne partage pas votre analyse sur plusieurs points, monsieur le sénateur. Nous n’avons nullement l’intention de regrouper d’une façon autoritaire des communes, voire des départements, et le rapport Balladur ne l’a pas proposé. En tant qu’élue locale, je sais bien que, quand on veut contraindre des collectivités à se regrouper, cela ne marche jamais !

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. C’est donc sur la base du volontariat, et certainement pas sur une base autoritaire, que des regroupements pourraient intervenir.

M. le président. La parole est à M. le président de la mission temporaire.

M. Claude Belot, président de la mission temporaire. Je souhaite qu’il ne demeure aucune ambiguïté dans cette discussion, notamment sur le rôle de la mission temporaire.

Le débat sur les fusions autoritaires des communes a eu lieu dans cet hémicycle en 1971, parce que c’était alors la mode. La loi du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes, dite loi Marcellin, visait à faire disparaître nombre de communes parce que la nomenklatura parisienne estimait qu’il y en avait 25 000 de trop en France ! Et c’est le terrain qui a arbitré.

Or ce n’est pas du tout de cela qu’il s’agit aujourd'hui. En effet, nous avons trouvé une solution qui a souvent été mise en œuvre dans l’allégresse, avec beaucoup de foi : l’intercommunalité. Ce système présente le double avantage de garantir le maintien de la commune, quelle que soit sa taille, et de permettre aux élus de mener des politiques que certaines communes ne pourraient pas conduire en demeurant isolées.

Dans ces conditions – et je pense bien résumer l’état d’esprit qui a présidé aux travaux de la mission –, il n’y a aucune ambiguïté : la commune est le fruit de l’histoire, et elle fonctionne plutôt bien.

Quant à la position de la mission temporaire à l’égard des conclusions du comité Balladur, permettez-moi de faire allusion à ce que j’avais indiqué en concluant mon intervention liminaire.

Comme je l’ai souligné tout à l’heure, M. Édouard Balladur, alors que je le reconduisais jusqu’à sa voiture, m’a déclaré que sa tâche était terminée et qu’il nous appartenait désormais, à nous, pouvoir législatif, d’assumer l’aboutissement des travaux. Il a notamment insisté sur le rôle particulier qui serait celui du Sénat, en nous demandant de nous prononcer sur ce qui nous paraîtrait bon pour la France. Puis, au moment de quitter le Sénat, il m’a déclaré textuellement que nous n’avions « pas le droit de ne rien faire » !

En d’autres termes, et pour répondre à certains des intervenants, je précise que nous avons l’intention non pas de toucher aux communes, mais d’améliorer « l’horlogerie » intercommunale.

Pour le reste, il y a, me semble-t-il, une ardente obligation et, sans doute également, une véritable ardeur dans cette maison pour aboutir à un dispositif utile, avec un accord le plus large possible.

C’est dans cet esprit que nous travaillons.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Madame le ministre, je souhaiterais avoir votre éclairage sur un sujet tellement sensible que la mission n’est pas parvenue à ce jour à un consensus.

À mon sens, la question de la fusion entre élus départementaux et élus régionaux pour former des « élus territoriaux » et celle des modes de scrutin sont indissociables.

M. Balladur a déclaré, non sans arguments, que la création des conseillers territoriaux impliquait d’opter pour un scrutin proportionnel.

Pour ma part, tout comme nombre de mes collègues, je suis très attaché au scrutin uninominal majoritaire, notamment en milieu rural, car c’est le scrutin de la responsabilité et de l’enracinement.

À cet égard, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement et du Sénat sur un point. Si l’option indiquée par le comité Balladur est retenue, la question du mode de scrutin sénatorial se posera alors nécessairement, car le collège électoral des sénateurs sera entièrement élu au scrutin proportionnel.

Par conséquent, madame le ministre, ma question est la suivante : selon vous, peut-on instituer les conseillers territoriaux sans forcément choisir le scrutin proportionnel ?

M. le président. Il me semble que la mission n’a pas encore tranché cette question. (Mme Jacqueline Gourault, rapporteur, acquiesce.)

La parole est à Mme le ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Il s’agit d’une question qui fera sans doute l’objet de discussions importantes, au Sénat comme à l’Assemblée nationale.

Pour ma part, je pense que la région et le département doivent avoir des compétences différentes. Je souscris ainsi à l’analyse selon laquelle la région a vocation à jouer un rôle d’aménagement du territoire et de préparation de l’avenir. En revanche, je suis beaucoup plus réservée sur l’idée qu’il serait possible d’atteindre un tel objectif sans tenir compte des territoires composant la région, c'est-à-dire les départements. C'est la raison pour laquelle la piste suggérée par le comité Balladur, celle des conseillers territoriaux, me semble intéressante.

Dans ce contexte, survient ensuite une deuxième question, celle du mode de scrutin. Le comité Balladur a proposé de retenir le scrutin proportionnel. Personnellement, étant élue dans un département, voire une région, dans lesquels il y a à la fois des grandes villes, où les conseillers généraux et même l’institution départementale sont peu connus, et des territoires ruraux, où le conseiller général joue un véritable rôle, je suis très réticente à l’idée d’une disparition des cantons.

Dès lors, que peut-on faire ? Il y aurait bien une solution, mais elle pose peut-être des problèmes juridiques et il faudra sans doute procéder à des consultations. Il s’agirait d’opter pour une modulation. Ainsi, le canton, éventuellement redécoupé, serait maintenu dans les zones rurales et supprimé dans les zones urbaines, où le conseiller général a un rôle moins prégnant, au profit d’un scrutin proportionnel. À mon sens, cette solution, qui me paraît équilibrée, serait probablement celle qui recueillerait le maximum d’adhésions.

Le problème est de savoir si un tel dispositif serait constitutionnel. Il faudra donc approfondir cette question d’un point de vue juridique. (M. Jacques Gautier applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier.

M. Jacques Gautier. Je voudrais revenir sur le Grand Paris.

Tout d’abord, je me réjouis que le Président de la République ait insisté sur la nécessité de parler de « projets », d’« objectifs » et de « synergies » avant d’évoquer la gouvernance. Je vous remercie également de l’avoir rappelé, madame le ministre.

Mais puisque nous parlons de synergies et de projets, pourquoi vouloir recréer le département, très centralisé, de la Seine, alors qu’il y a déjà, comme tout le monde l’a souligné, l’intercommunalité ?

Pour ma part, je voudrais que nous réfléchissions à une adaptation de l’intercommunalité à la région capitale. Par exemple, dans les Hauts-de-Seine, aux portes de Paris, nous avons déjà 60 % d’intercommunalité. Il doit donc être possible d’intégrer l’État, la région et les départements dans une intercommunalité, qui, nous le sentons tous, sera différente des autres.

Une telle solution permettrait de cumuler les avantages. Les communes délégueraient une partie de leurs pouvoirs et compétences, comme elles le font déjà, et elles désigneraient des élus chargés de les représenter. Elles demeureraient ainsi une structure de proximité, tout en conservant un certain poids. Et l’intercommunalité apporterait la synergie et l’efficacité dont nous avons tous besoin.

M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger, rapporteur.

M. Yves Krattinger, rapporteur. Mon cher collègue, la mission a clairement indiqué qu’elle n’était pas aujourd'hui en situation de formuler une proposition sur le Grand Paris.

En revanche, les contributions des différents acteurs doivent nous aider. Aujourd'hui, il n’y a pas de consensus entre les différentes propositions ou initiatives. Par conséquent, nous sommes demeurés très neutres dans nos propositions.

En tant que rapporteur, et conformément à l’esprit dans lequel j’ai travaillé jusqu’à présent, j’appelle tous ceux qui le souhaitent à apporter une contribution, y compris écrite. Je pense que nous devons écouter, lire les propositions des uns et des autres pour animer le débat. Peut-être devrons-nous également organiser des rencontres plus élargies avec un certain nombre d’élus de la région parisienne et du Grand Paris pour en discuter.

Certes, nous avons souhaité auditionner les principaux acteurs de la ville, des départements concernés et de la région, mais cela peut aller au-delà. Pour ma part, je lance un appel à contributions, afin de parvenir à trouver une solution qui ait des chances de convaincre.

Le Gouvernement ne pourrait, me semble-t-il, qu’approuver une telle démarche.