Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, tout d’abord, je veux dire que le groupe CRC-SPG s’associe pleinement aux remarques formulées par Nicole Bricq sur la tenue de ce débat.

Cela étant, comme nous l’avons indiqué dans notre propos liminaire, le débat sur la crise financière que nous entamons aujourd'hui mérite d’être placé dans la perspective d’une remise en question intégrale de la marche actuelle de l’économie, tant sur le plan national que sur le plan international.

La crise systémique des marchés financiers n’est, sous bien des aspects, que « la queue de la comète ». À en écouter certains, on pourrait presque croire qu’avant l’automne 2008 il n’y avait pas de crise économique, au seul motif que la croissance de quelques pays émergents – Inde, Chine, Russie, pays d’Amérique latine disposant de ressources naturelles, tigres et dragons d’Asie du Sud-Est – suffisait à faire le compte !

Une telle vision est parfaitement trompeuse ! La tempête de l’automne dernier sur les marchés financiers a été précédée de bien d’autres depuis quarante ans, ou peu s’en faut, que nous sommes entrés dans ce cycle continu de crises financières et économiques.

Mon temps de parole étant limité à sept minutes, je serai très synthétique.

Depuis que le président Nixon a décidé de faire payer au monde entier, par le biais de dollars dévalués, la facture de ses aventures vietnamiennes, nous sommes entrés dans un cycle économique pour le moins agité et très souvent, de plus en plus même, récessif.

Depuis quarante ans, nous avons connu la libéralisation des marchés financiers, les plans d’ajustement structurel du FMI dans les pays dits « en voie de développement », le renforcement de la construction européenne dans l’optique d’une concurrence exacerbée avec les États-Unis et le Japon.

Tous les auteurs du traité de l’Union européenne, qu’il s’agisse de la version de Rome, de Maastricht, de Nice ou de Lisbonne, sont coresponsables, à parts égales, des manifestations de la crise économique et financière dans notre pays comme dans les autres pays d’Europe.

Le chômage de masse, la réduction continue et effrénée du coût du travail, la privatisation des entreprises publiques et des établissements financiers – y compris, dans notre pays, de ceux qui ont été nationalisés en 1945 –, les politiques de dumping fiscal et de réduction de la dépense publique sont autant de manifestations de la crise.

Nous comptons officiellement, depuis des années, plus de 2 millions de personnes privées d’emploi, sans parler des autres, c’est-à-dire tous les chômeurs. Et l’on voudrait nous faire croire que nous n’étions pas en crise avant l’automne dernier ?

Quand on nous dit que les chômeurs d’aujourd’hui ne sont que la conséquence ou l’effet « retard » de la crise de l’an dernier, au train où vont les choses en matière d’emploi, qu’est ce qui nous attend pour 2010 ?

Devons-nous considérer, monsieur le secrétaire d'État, que les services de Pôle emploi, malgré toutes les radiations administratives pratiquées, vont annoncer entre 2,5 millions et 3 millions de chômeurs officiels d’ici à la fin de l’année, et entre 3 millions et 4 millions l’an prochain ?

Pour en revenir au sujet qui nous occupe, comment ne pas s’étonner que nous ayons des banques en difficulté, parfois en délicatesse avec leur métier naturel, celui d’aider au financement de l’activité économique, moyennant une marge bancaire, mais aussi des banques dont les dirigeants font assaut d’imagination pour se rémunérer grassement, sous toutes les formes possibles ?

À dire vrai, comment oublier à ce stade que, de 1986 à 1997, l’essentiel du secteur bancaire français a été privatisé, avec les effets que nous avons pu observer ces temps derniers ?

Si la Société générale était restée une banque publique, investie de missions de service public, nous n’aurions peut-être pas vu aujourd’hui l’affaire Kerviel ou l’affaire Bouton-Oudéa !

La crise financière de l’automne a donc des origines lointaines et n’est d’ailleurs, sur l’échelle de Richter des séismes bancaires internationaux, qu’un séisme majeur apparenté à ceux que nous avons connus en 1969 avec le dollar flottant, en 1975 avec la récession internationale, en 1992 avec l’éclatement de la bulle immobilière spéculative, au tournant des années 2000 avec la crise au Mexique ou en Argentine, l’effondrement du marché asiatique ou l’explosion de la bulle Internet.

Cependant, la crise financière que nous connaissons aujourd'hui prend évidemment un tour nouveau en ce qu’elle frappe le cœur du système économique lui-même et non sa périphérie, c’est-à-dire Wall Street et la City.

Alors, ensuite, quel est le débat ?

Il s’agit de savoir comment s’en sortir sans mettre en cause les fondements du système et se rapprocher du jour où l’on pourra de nouveau faire comme si rien ne s’était passé ; c’est très souvent ce que l’on entend dire et ce que l’on peut lire.

Dans ce contexte, chacun joue sa partition et tente de préserver ses positions, quel que soit le coût social. Les groupes américains présents en France en sont une parfaite illustration.

Regardez Caterpillar, regardez Molex, regardez Delphi, ex-General Motors, regardez Freescale, ex-Motorola ! On rapatrie les investissements, les modes de production, on confisque les technologies et les brevets, on licencie à tour de bras, en France, pour payer la facture de ce « recentrage ».

L’emploi est devenu la variable d’ajustement parce que, dans l’esprit de celles et de ceux qui ont allumé l’incendie, il faut agir très vite pour trouver quelque moyen de le maîtriser. Les fermetures d’entreprises, les recapitalisations, l’appel continu à la Bourse traduisent ces choix. De même, la sollicitation de l’argent public pour boucher les trous les plus béants est l’arme stratégique la plus souvent employée.

Demain, tout laisse penser que les engagements du fonds d’investissement stratégique, sous prétexte de soutenir l’industrie française, accompagneront d’abord et avant tout des plans de suppressions d’emploi et des restructurations que nous ne pouvons approuver. Ne comptez pas sur les parlementaires du groupe CRC-SPG pour donner quitus à toute opération financière, fût-elle motivée, qui conduirait à la suppression de centaines ou de milliers d’emplois !

La crise économique et financière, sur le fond, clôt ce long cycle de libéralisme sans entraves initié il y a quarante ans. Toute démarche visant à prolonger les effets dévastateurs de ce libéralisme, fût-ce après l’avoir mis de côté le temps nécessaire, conduira immanquablement à des désordres encore plus graves pour l’équilibre du monde, le devenir des peuples et de notre planète.

Tout autre est la démarche qui nous anime et que nous pourrions ainsi résumer : coopération et solidarité européenne en lieu et place de la concurrence exacerbée, dialogue économique avec le Sud, mise en œuvre de politiques permettant le développement des potentiels sur l’ensemble de la planète, recherche d’un développement respectueux des besoins sociaux et de l’environnement. Telle est la voie, difficile mais nécessaire, qu’il nous faut emprunter pour sortir de la crise actuelle. C’est en tout cas celle que nous appelons de nos vœux, avec les salariés de notre pays et ceux des autres pays européens, comme avec les peuples d’Amérique latine ou d’Afrique, qui veulent se libérer du libéralisme ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Bourdin. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, l’orateur étant alors le seul représentant du groupe UMP dans l’hémicycle.)

M. Joël Bourdin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans ce propos général, je n’aborderai que l’aspect européen de la crise, même si je n’oublie pas, bien sûr, que celle-ci trouve son origine outre-Atlantique du fait de l’insouciance de la gouvernance financière américaine, qui a laissé filer l’offre de prêts au-delà des limites de capacité de remboursement des ménages et des entreprises, notamment dans le secteur immobilier.

La crise financière internationale a soumis l’Union européenne à une dure épreuve et a souligné quelques faiblesses de son dispositif économique, financier et monétaire. Certes, grâce aux initiatives prises lors de la présidence française, l’Union européenne a vite mesuré l’ampleur des problèmes posés par la crise et perçu la nécessité de développer une réflexion en profondeur sur les moyens permettant de les surmonter, mais il demeure que cette crise révèle des imperfections, des divergences et des fractures naissantes.

Les imperfections tiennent à la réactivité des différents États et aux dispositifs conjoncturels qu’ils ont improvisés. La composition des plans de relance ne traduit pas la même analyse des facteurs déterminants de la croissance et des équilibres financiers. La France a d’abord tablé sur les investissements, en mettant en place des dispositifs visant à soutenir l’investissement et, donc, la croissance. La Grande-Bretagne a surtout cherché à stimuler la consommation. Mais, en définitive, tout le monde s’est retrouvé, ces derniers temps, dans un système de policy mix alliant souvent l’investissement et la consommation. A priori, cela semble aller dans le bon sens, mais ne suffit pas à masquer les nettes divergences de fond des politiques économiques menées par les États européens. Pour schématiser, l’Europe de l’euro a adopté trois politiques, illustrées par trois pays : l’Allemagne, l’Espagne et la France.

L’Allemagne, ce n’est pas une nouveauté, fonde sa stratégie sur une politique de déflation compétitive, de contrôle des coûts salariaux, de compression de la masse salariale, débouchant sur des soldes commerciaux excédentaires importants et obtenant ainsi l’un des taux d’inflation les plus faibles de la zone euro. Ce pays inspire à la Banque centrale européenne, la BCE, une baisse des taux d’intérêt et influence l’euro à la hausse.

L’Espagne, en revanche, table sur la consommation pour effectuer son rattrapage. L’évolution des salaires a eu tendance à dépasser celle de la productivité et l’inflation accompagne le mouvement, entraînant une détérioration des soldes commerciaux.

Alors que, dans le passé, l’Allemagne a tiré profit de son commerce extérieur, en Espagne – comme en France, d’ailleurs –, le commerce extérieur joue un rôle de contrainte. Ce pays influencerait donc plutôt l’euro à la baisse.

La France se situe entre ces deux modèles. Comme l’Allemagne, mais moins bien qu’elle, elle fait en sorte d’ajuster l’évolution des salaires à celle de la productivité ; elle se situe ainsi du côté des bons élèves au regard de l’inflation : le taux d’inflation français est inférieur à la moyenne des pays de la zone euro. Comme l’Espagne, mais pour d’autres raisons, la France souffre d’un commerce extérieur déficitaire.

Ces différents modèles ne se juxtaposent pas de manière neutre : ils se contrarient. Il est clair que, dans la compétition mondiale, l’Allemagne accapare des parts de marchés à l’extérieur de la zone euro, mais aussi dans la zone euro, au détriment de ses partenaires.

Mon propos est essentiellement économique, mais il convient de se demander si cette situation a des conséquences monétaires. La réponse est évidemment positive !

D’abord, comme l’a démontré Robert Mundell, spécialiste des zones monétaires, une union monétaire n’est viable que s’il existe entre les pays qui en sont membres des convergences de points de vue et des solidarités financières. Si l’on peut dire, formellement, que l’Europe a développé des solidarités financières, force est de constater que les points de vue ne convergent pas totalement, comme le traduisent les différentes conceptions de la politique économique.

Quand un pays comprime ses coûts unitaires, comme l’Allemagne, alors qu’un autre s’accommode de leur augmentation, comme l’Espagne, la Banque centrale européenne peut-elle indéfiniment appliquer la même politique sans contrarier l’un ou l’autre ? La différence des politiques économiques appliquées est de nature à rendre inefficace la politique monétaire de la banque centrale. Si ces disparités ne sont pas à l’origine de la crise financière, elles préparent d’autres crises. Nous devons en être conscients : plus la divergence des approches économiques s’accentuera, plus le principe d’une politique monétaire unitaire en Europe sera vain.

Ensuite, les différentes attitudes économiques des États conduisent à des situations financières malsaines ou, à tout le moins, inquiétantes, comme le révèle l’écart des coûts de financement public dans la zone euro. Ainsi, la Grèce, dont la situation financière est particulièrement dégradée, emprunte actuellement à 250 points de base au-dessus du taux imposé à l’Allemagne : lorsque l’Allemagne emprunte au taux de 4 %, la Grèce doit emprunter à 6,5 %, car l’Allemagne est la référence dans ce domaine. Puisqu’une dévaluation de la monnaie grecque qu’est l’euro n’est pas possible, tout se passe comme si la loi de la parité des pouvoirs d’achat se manifestait par un autre type d’ajustement, le spread, c’est-à-dire l’écart des taux d’intérêt ; excusez l’emploi de ce mot anglais, mais il s’agit d’un terme technique. Cet écart s’accroît au fur et à mesure que nous avançons dans la crise ; s’il se creuse davantage, il est clair qu’un certain nombre de pays, si ce n’est l’Europe entière, connaîtront un enfer financier.

Ce constat n’est pas encourageant, notamment pour les investisseurs étrangers, et je crains que ce phénomène, par nature cumulatif, n’aboutisse à une grave crise monétaire et financière en Europe. En effet, si la solidarité financière peut enrayer les à-coups d’une mauvaise conjoncture économique et monétaire, elle est vouée à l’échec en cas de déséquilibres structurels permanents profonds, surtout si ces déséquilibres touchent plusieurs pays, comme c’est le cas actuellement. Ainsi, l’Irlande et, dans une moindre mesure, l’Italie, le Portugal et l’Espagne partagent la singularité grecque, en empruntant à des taux nettement plus élevés que l’Allemagne et la France, même si celle-ci est un peu moins bien placée que l’Allemagne.

Monsieur le secrétaire d’État, il ne faut pas relâcher l’effort accompli sous la présidence française de l’Union européenne ; l’initiative d’une correction des trajectoires divergentes des pays européens doit être prise : il y va de la survie de l’euro après la crise !

J’en viens aux fractures : outre celles qui se manifestent dans la zone euro, d’autres fractures sont déjà bien visibles et douloureuses dans les pays émergents de l’Europe. C’est peu dire que de constater la débâcle des pays de l’Europe de l’Est qui espèrent bénéficier un jour de l’euro. Sans doute dopés par la perspective d’atteindre le niveau de vie des pays d’Europe occidentale, et peu habitués à gérer une variable monétaire, ces pays ont laissé aller leurs économies financières, en s’imposant notamment des endettements excessifs et, surtout, libellés en devises étrangères.

Ainsi, dans les pays baltes, les dettes des ménages et des entreprises sont libellés à hauteur de 80 % environ en devises, le plus souvent en euros ou en couronnes suédoises. Cet endettement appelle des mesures drastiques de correction : soit une dévaluation, mais celle-ci ne ferait qu’empirer la situation de ces pays endettés en devises, en accroissant le montant de leurs remboursements ; soit l’adoption d’une politique déflationniste, visant à réduire la dépense publique et les salaires. La Lettonie a retenu cette seconde option, en décidant de réduire ses dépenses budgétaires de 30 % ou 40 % ; par ailleurs, on peut s’attendre à voir les salaires baisser dans ce pays.

Une telle politique est-elle soutenable ? À vrai dire, la situation de ces pays a une incidence sur les autres pays d’Europe et sur l’euro, parce que la solidarité financière, qui constitue la base du pacte européen, engage l’Union européenne dans la restauration de l’économie de ces pays qui en font désormais partie ; je pense notamment à la Pologne, à la Hongrie, à la Tchéquie ou à la Roumanie. Fait aggravant, un certain nombre de banques de la zone euro sont fortement engagées dans ces pays – il s’agit essentiellement d’établissements autrichiens et allemands – et un défaut de paiement dans l’un des pays de l’est ne serait pas sans conséquences sur l’ensemble de l’économie européenne et, notamment, sur l’euro.

À cet égard, étant donné l’évolution de la conjoncture dans certains pays, comme les pays baltes, la Hongrie et la Tchéquie, ne doit-on pas considérer que le pire est devant nous ?

Monsieur le secrétaire d’État, sur ce sujet, notamment sur le soutien aux pays de l’est européens, j’aimerais bénéficier de votre expertise ou, en tout cas, de votre point de vue.

Mes chers collègues, mon propos peut sembler pessimiste, mais il se veut au contraire encourageant. L’Europe est une question sérieuse ! Il faut donc oser examiner sans complexe les problèmes qui se posent afin d’essayer de leur trouver des solutions.

Je gage que nous sommes capables de mettre fin au désordre économique européen. À cet égard, je fais confiance au Gouvernement qui, l’année dernière, a su redonner des couleurs à une Europe trop engoncée dans sa production administrative pour se poser les vraies questions. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, face à la crise financière qui s’est soudainement abattue sur le monde entier, le Président de la République et le Gouvernement ont fait preuve d’une réactivité très forte, certainement la plus importante,…

M. Jean-Louis Carrère. La plus agitée !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. …puisque la France a joué un rôle d’entraînement dans les positions européennes. Ainsi, le G20 qui s’est tenu au début du mois d’avril a été marqué par la prise de décisions essentielles ; je m’étonne que certains orateurs ne l’aient pas reconnu.

Mme Nicole Bricq. Vous comprendrez demain matin !

M. Jean-Louis Carrère. Nous nous excusons d’être dans l’opposition !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Ne vous excusez pas d’être dans l’opposition, cela peut arriver ! Il se trouve que vous y êtes depuis quelque temps, et cela ne me gêne pas que vous y restiez !

Pour revenir à la réactivité de la France, je vous indique que le Président de la République a réuni, dès le 12 octobre 2008, les chefs d’État et de gouvernement des pays de l’Eurogroupe en présence du Royaume-Uni pour annoncer une réaction coordonnée à la crise bancaire. Mme Christine Lagarde a également œuvré tout au long de la présidence française de l’Union européenne et lors du G7 afin de définir, avec nos partenaires, un cadre commun pour les efforts de relance.

Je ne m’étendrai pas sur la politique conduite par le Gouvernement en matière de financement de l’économie, de soutien aux PME et de relance puisque tous ces sujets ont été largement débattus dans votre assemblée.

L’autre témoignage de réactivité du Président de la République et du Gouvernement, c’est l’action menée pour réformer le système financier international.

Les résultats du G20 ont été très importants. Du reste, ils ont été salués non pas uniquement en France, mais dans tous les pays qui y ont participé.

La première série de décisions concerne la régulation : la transparence, la connaissance et le contrôle ont été au rendez-vous de ce G20.

Concernant les territoires connus sous le nom de « paradis fiscaux », force est de constater que la « liste noire » publiée par l’OCDE ne comporte aujourd'hui plus aucun pays : les quatre pays qui y figuraient – le Costa Rica, la Malaisie, les Philippines et l’Uruguay – en ont été rayés…

M. Jean-Louis Carrère. Ils en tremblent encore ! C’est un gag !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. …et sont passés dans la liste grise, celle des pays qui ont pris des engagements mais qui ne les respectent pas pleinement. Ce sont ces pays que la communauté internationale doit surveiller et accompagner dans leurs efforts.

L’action engagée contre les juridictions non coopératives doit être étendue au domaine de la supervision prudentielle et du blanchiment.

Je souhaite également ajouter que, sur ces trois fronts, le respect des standards internationaux devra faire l’objet d’un suivi et qu’il ne faudra pas hésiter à faire inscrire sur la liste noire les pays qui n’auraient pas respecté leurs engagements.

Le G20 a également demandé aux institutions concernées d’établir une boîte à outils des sanctions d’ici au mois de septembre. Les ministres des finances du G20 ont aussi demandé aux institutions financières internationales de leur faire un rapport sur leur utilisation des juridictions non coopératives afin de démanteler leurs relations financières avec ces juridictions.

Mais, au-delà des paradis fiscaux, une deuxième série de décisions a été prise ; elle concerne, notamment, les hedge funds. Nous en avons peu parlé,…

Mme Nicole Bricq. Nous le ferons demain !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. …mais le G20 s’en est, lui, largement préoccupé, puisqu’il a décidé d’imposer une régulation spécifique pour ces fonds, avec leur immatriculation obligatoire, une transparence dans la gestion et un contrôle des engagements des banques.

La France a demandé à la Commission européenne de décliner ces principes au niveau européen dans une directive. À l’heure où nous parlons, des discussions ont lieu à Bruxelles sur cette directive. Nous serons vigilants et nous veillerons à ce que toute règlementation aille dans le sens d’une meilleure protection des investisseurs.

La troisième série de décisions concerne les agences de notation : dans ce domaine, le G20 a marqué des avancées significatives. On le sait aujourd’hui, celles-ci ont une lourde part de responsabilité dans cette crise qui est celle de la mauvaise appréciation des risques. Elles seront dorénavant enregistrées et un code de bonne conduite permettra d’éviter les conflits d’intérêts.

Ces principes actés au niveau international ont déjà été mis en œuvre à l’échelon européen. Sous l’impulsion de la présidence française de l’Union européenne, la Commission a proposé un règlement européen relatif à l’enregistrement et à la règlementation des agences de notation, règlement qui a été adopté le 23 avril par le Parlement européen. Ainsi, en moins d’un an, l’Europe s’est dotée d’une règlementation et d’un contrôle de notation.

À ce propos, je voudrais relever l’intervention de M. de Montesquiou, qui a proposé de revenir au Glass-Steagall Act, lequel a permis de séparer les banques d’investissements des banques de prêts ou de dépôts.

Monsieur le sénateur, votre suggestion témoigne de votre connaissance approfondie de l’histoire économique et financière, comme l’avait déjà amplement montré votre intervention très structurée. Mais les banques d’investissements sont très utiles au financement de l’économie, notamment celui des grandes entreprises, et la crise a montré que l’adossement des banques d’investissement aux banques de dépôt était un facteur de stabilité pour le financement des grandes entreprises. J’ajoute que c’est aussi un facteur de stabilité pour les banques elles-mêmes.

Les banques françaises ont de multiples fonctions, notamment l’investissement, le dépôt et le prêt. À quelques accidents ponctuels près, le système bancaire français s’est révélé plus solide que d’autres dans cette crise. Il ne paraît donc pas opportun de revenir à une séparation qui n’a pas démontré toute sa pertinence.

En revanche, je vous rejoins en disant que le Gouvernement est, comme vous, convaincu de la nécessité de renforcer le contrôle prudentiel.

D’autres proposent une solution un peu plus radicale, qui consiste à nationaliser le système bancaire.

M. Thierry Foucaud. Ça s’est déjà vu !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Si cela a l’apparence de la simplicité, ce n’est pas forcément un gage d’efficacité. Sans m’appesantir trop longtemps sur le passé, je rappellerai néanmoins que certaines entreprises bancaires nationalisées n’ont pas démontré qu’elles étaient exemptes de tout risque ; je citerai pour mémoire l’aventure dramatique du Crédit Lyonnais et du Gan. (M. Alain Fouché approuve) Donc, ce n’est pas nécessairement la bonne solution.

La crise est aussi celle de politiques de rémunération qui ont failli, c’est vrai. Ces politiques participent à la gouvernance économique ; quand la rémunération des traders ne dépend pas de la rentabilité finale des opérations, tout est réuni pour que certaines opérations deviennent de véritables risques.

Le Gouvernement met tout en œuvre pour que les mesures qui ont été décidées lors du G20 soient rapidement appliquées sur la place financière en matière de rémunération des traders. Sous l’impulsion du ministre de l’économie, la place financière française a proposé des règles destinées à encadrer la rémunération des opérateurs de marchés.

Je voudrais brièvement évoquer - car ce sujet a été largement développé par plusieurs orateurs - les organisations qui structurent le panorama financier international, notamment les collèges de superviseurs.

La crise a montré que certains établissements étaient parfois d’une taille trop importante pour être aujourd’hui supervisés efficacement. Il est donc nécessaire de mettre en place des dispositifs de coopération internationale entre superviseurs qui permettent d’avoir une vision consolidée et de contrôler les groupes financiers internationaux qui ont une importance systémique. Face à ce risque systémique, le collège des superviseurs doit être mobilisé ; c’est le sens de la mission qui a été confiée au Forum de stabilité financière.

Monsieur de Montesquiou, vous avez appelé de vos vœux un renforcement des institutions en matière de contrôle et de surveillance des risques ; j’y suis sensible. Le G20 a permis de consacrer un nouveau rôle pour les institutions financières internationales, et d’abord pour le FMI ; celui-ci doit donc assumer un double rôle : le suivi des risques financiers et le soutien aux pays émergents et en développement affectés par la crise.

Nous attendons aujourd’hui du FMI qu’il joue un véritable rôle d’alerte précoce sur les risques financiers et sur les déséquilibres macroéconomiques. Bien sûr, le FMI devra le faire en lien avec le nouveau Conseil de stabilité financière, sorte d’« organisation mondiale de la finance », qui prend la place du Forum de stabilité financière, dont le mandat est aujourd’hui élargi.

Le Conseil de stabilité financière a été chargé, comme le FMI et en accord avec lui, du suivi de l’application des décisions prises pour réformer la régulation financière.

Le nouveau Forum de stabilité financière est élargi aux membres du G20 ainsi qu’à l’Espagne et à la Commission européenne, et le FMI devrait s’engager dans une revue des quotes-parts des États à son capital.

Monsieur Véra, vous avez souligné l’importance du soutien aux pays à faible revenu dans la crise actuelle. Le Gouvernement partage votre objectif : il est en effet urgent d’accroître les ressources du FMI tant pour les pays à faible revenu que pour les pays émergents.

Dans le très court terme, des lignes de crédit bilatérales seront ouvertes, pour 250 milliards de dollars, comme celle du Japon et celle que la France va mettre en place dans les prochaines semaines, pour 15 milliards de dollars.

Parallèlement, une discussion sur les termes et les conditions d’élargissement du volume et des participants aux nouveaux accords d’emprunt sera menée. Si ces nouveaux accords entraient en vigueur d’ici à l’été prochain, ce serait - et nous faisons tout pour cela - un message très fort adressé à l’ensemble de la communauté internationale.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les décisions historiques qui ont été prises lors du G20. Elles ont été complétées par des avancées sur les normes prudentielles et comptables, auxquelles un certain nombre d’orateurs ont fait allusion. Nous nous félicitons d’avoir obtenu ces avancées sur des sujets essentiels, même si nous aurions voulu aller encore plus loin.

Concrètement, notre objectif est que les règlementations prudentielles et comptables préviennent la formation des bulles spéculatives et des crises et en atténuent les effets quand elles apparaissent. Les conclusions du G20 posent les fondations pour une révision de ces règles.

Mme Brick a fait allusion au caractère pro-cyclique des règles prudentielles, et je partage pour une fois son opinion.

Vous le voyez, la France entend promouvoir une réforme profonde et ambitieuse du système financier international.

J’ai apprécié l’intervention de M. Bourdin, qui s’est livré à une analyse très précise de l’origine de la crise, qu’il a, à juste titre, située outre-Atlantique, mais aussi à une analyse perspicace des déséquilibres commerciaux au sein de la zone euro.

De ce point de vue, monsieur le sénateur, vous avez eu raison de mettre en avant le rôle des politiques économiques dans les évolutions des soldes commerciaux intra-européens. Ainsi, la prime à la casse qui a été instituée récemment dans le secteur automobile, à la fois en France et en Allemagne, a profité à nos constructeurs en France, mais aussi outre-Rhin, car les exportations françaises d’automobiles ont bénéficié sensiblement - et l’on ne va pas s’en plaindre – de la prime allemande.

En conclusion, je tiens à remercier l’ensemble des sénatrices et des sénateurs qui sont intervenus dans ce débat. Je soulignerai encore une fois combien les travaux du G20 sont essentiels. Ils nous ouvrent aujourd’hui une fenêtre d’opportunité pour conduire la communauté internationale vers une réforme d’envergure du système financier. Le Président de la République et le Gouvernement sont pleinement mobilisés afin d’être à la hauteur de ce rendez-vous historique que la communauté internationale ne doit pas manquer. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)