compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Christiane Demontès,

M. Alain Dufaut.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Dépôt d’une proposition de résolution

M. le président. J’informe le Sénat que je dépose sur le bureau du Sénat une proposition de résolution tendant à modifier le règlement du Sénat pour mettre en œuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat.

Cette proposition de résolution sera imprimée sous le n° 377, mise en ligne et distribuée.

Elle est envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.

3

Dépôt de rapports en application d’une loi

M. le président. Monsieur le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article L. 314-6 du code de l’action sociale et des familles, le rapport relatif aux agréments des conventions et accords applicables aux salariés des établissements sociaux et médicosociaux privés à but non lucratif pour 2008 et aux orientations en matière d’agrément des accords et d’évolution de la masse salariale pour 2009.

M. Dominique Latournerie, président de la Commission nationale des accidents médicaux, a transmis au Sénat, en application de l’article L. 1142-10 du code de la santé publique, le rapport pour 2007-2008 de la Commission nationale des accidents médicaux.

Acte est donné du dépôt de ces deux rapports, qui seront transmis à la commission des affaires sociales et seront disponibles au bureau de la distribution.

4

Conférence des présidents

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

Semaine sénatoriale de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques (suite)

Jeudi 30 avril 2009

À 9 heures :

1° Communication sur les suites du sommet du G20 des sénateurs membres du groupe de travail Assemblée nationale-Sénat sur la crise financière internationale (demande de la commission des finances) ;

(La conférence des présidents :

- a décidé d’attribuer un temps de parole de trente minutes au groupe de travail ;

- a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; le délai limite pour les inscriptions de parole est expiré ;

Pendant une heure trente, les sénateurs pourront s’exprimer (deux minutes maximum) dans le cadre d’un débat interactif et spontané comprenant la possibilité d’une réponse du groupe de travail ou du Gouvernement ;

Le Gouvernement pourra intervenir avant la fin du débat pour répondre notamment aux orateurs des groupes) ;

À 15 heures :

2° Questions d’actualité au Gouvernement ;

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures) ;

3° Proposition de résolution européenne sur la communication de la Commission européenne sur sa stratégie politique annuelle pour 2009, présentée par Mme Catherine Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (no 57 rectifié, 2008 2009) (avancement d’un texte inscrit initialement à l’ordre du jour réservé aux groupes de l’opposition et aux groupes minoritaires du jeudi 7 mai) ;

(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 29 avril 2009 ;

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré ;

La commission des affaires économiques se réunira pour examiner les amendements le jeudi 30  avril 2009, à dix heures) ;

4° Débat européen sur le suivi des positions européennes du Sénat (demandes de la commission des affaires européennes et de la commission des affaires sociales) :

- Évolution du système d’information Schengen ;

- Association des parlements nationaux au contrôle d’Europol ;

- Mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement ;

- Application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers ;

(Chacun de ces sujets donnera lieu à un débat ;

Dans le cadre de chacun des débats, interviendront le représentant de la commission compétente ou de la commission des affaires européennes (cinq minutes), le Gouvernement (cinq minutes), puis une discussion interactive de vingt minutes sera ouverte sous la forme de questions-réponses (deux minutes maximum par intervention)).

Semaine d’initiative sénatoriale

Mardi 5 mai 2009

À 15 heures :

1° Débat sur le recrutement et la formation des hauts fonctionnaires de l’État (demande du groupe UMP) ;

(La conférence des présidents :

- a attribué un temps d’intervention de quinze minutes à un orateur du groupe UMP ;

- a fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 4 mai 2009) ;

2° Débat sur la politique de l’État en matière de gestion des ressources halieutiques et des pêches (demande de l’Office d’évaluation des choix scientifiques et technologiques) ;

(La conférence des présidents :

- a attribué un temps d’intervention de quinze minutes à l’Office d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ;

- a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 4 mai 2009).

Mercredi 6 mai 2009

À 14 heures 30 :

1° Proposition de loi relative au transfert du contentieux des décisions de refus d’entrée sur le territoire français au titre de l’asile, présentée par M. François-Noël Buffet (texte de la commission, no 330, 2008-2009) ;

(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 5 mai 2009 ;

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré ;

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 6 mai 2009, au matin) ;

2° Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour le développement économique des outre-mer.

Jeudi 7 mai 2009

Journée mensuelle réservée aux groupes de l’opposition et aux groupes minoritaires :

À 9 heures, à 15 heures et, éventuellement, le soir :

1° Question orale avec débat no 30 de M. François Rebsamen (Soc.) à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi sur la création d’une contribution exceptionnelle de solidarité des grandes entreprises du secteur de l’énergie ;

(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 6 mai 2009 ;

L’auteur de la question disposera d’un temps de parole de cinq minutes pour répondre au Gouvernement) ;

2° Proposition de loi tendant à assurer une plus grande équité dans notre politique de sécurité routière, notamment en matière de retrait des points du permis de conduire, présentée par MM. Nicolas About (UC) et M. Pierre Jarlier (UMP) (no 378 rectifié bis, 2007-2008) ;

(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 6 mai 2009 ;

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré ;

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 6 mai 2009, au matin) ;

3° Proposition de loi relative à l’évaluation et au contrôle de l’utilisation des aides publiques aux entreprises, aux banques et aux établissements financiers, présentée par M. Robert Hue et ses collègues du groupe CRC-SPG (no 239, 2008-2009) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 6 mai 2009 ;

- au mardi 5 mai 2009, à seize heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;

La commission des finances se réunira pour examiner les amendements le jeudi 7 mai 2009, à quatorze heures trente).

Semaines réservées par priorité au Gouvernement

Mardi 12 mai 2009

À 9 heures 30 :

1° Dix-huit questions orales :

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- no 476 de Mme Bernadette Bourzai à Mme la ministre du logement ;

(Aide à la gestion locative sociale) ;

- no 479 de Mme Maryvonne Blondin à Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité ;

(Difficultés rencontrées par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH)) ;

- no 483 de M. Michel Boutant à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;

(Situation financière des communes engagées dans des opérations de renouvellement urbain) ;

- no 488 de Mme Françoise Férat à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;

(Avertissement de l’employeur en cas de perte de permis de conduire d’un employé ayant des obligations de conduite) ;

- no 489 de M. Claude Bérit-Débat à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ;

(Mise en œuvre du plan licence et de l’autonomie des universités) ;

- no 493 de M. Marc Laménie à Mme la ministre de la santé et des sports ;

(Formation des infirmiers et infirmières) ;

- no 497 de M. Jacques Blanc à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;

(Transports scolaires et interprétation de l’article 29 de la loi no 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs) ;

- no 498 de M. Jacques Mézard à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice ;

(Suppression de trois des quatre tribunaux des affaires de sécurité sociale en Auvergne) ;

- no 500 de Mme Bernadette Dupont transmise à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;

(Heures supplémentaires et modalités de calcul de l’APL) ;

- no 501 de M. Jean-Claude Danglot à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;

(Rattrapage des retraites minières) ;

- no 502 de Mme Catherine Dumas à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;

(Développement des magasins de déstockage alimentaire) ;

- no 503 de M. Hervé Maurey à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;

(Contrats d’assurance vie non réclamés) ;

- no 505 de Mme Marie-Thérèse Hermange à Mme la ministre de la santé et des sports ;

(Suicide des jeunes) ;

- no 506 de M. Jean-Jacques Mirassou à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;

(Délocalisation injustifiée de l’entreprise Molex) ;

- no 507 de M. Pierre-Yves Collombat à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche ;

(Évolution et usage des crédits du conservatoire de la forêt méditerranéenne) ;

- no 511 de M. Guy Fischer à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;

(Projet de décret relatif à la création d’un répertoire national commun de la protection sociale) ;

- no 512 de M. Michel Teston à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;

(Sécurisation des réseaux de distribution d’électricité) ;

- no 513 de M. Alain Vasselle à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;

(Coordination entre projets de traitement des déchets et plans départementaux en cours de révision) ;

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 16 heures et le soir :

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (no 290, 2008 2009) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 11 mai 2009 ;

- au jeudi 7 mai 2009, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;

La commission des affaires sociales tiendra une première réunion pour examiner les amendements le lundi 11 mai 2009).

Mercredi 13 mai 2009

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 14 heures 30 et le soir :

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.

Jeudi 14 mai 2009

À 9 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

1° Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires ;

À 15 heures et le soir :

2° Questions d’actualité au Gouvernement ;

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures) ;

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

3° Suite de l’ordre du jour du matin.

Vendredi 15 mai 2009

À 9 heures 30 et à 15 heures

Lundi 18 mai 2009

À 15 heures et le soir

Mardi 19 mai 2009

À 15 heures et le soir

Mercredi 20 mai 2009

À 14 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.

La prochaine conférence des présidents se tiendra le mercredi 6 mai 2009, à 19 h 30.

Mes chers collègues, je me permets d’attirer votre attention sur le fait que la conférence des présidents a considéré, eu égard à l’importance du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires et au nombre d’amendements dont il fait l’objet, qu’il convenait de laisser un délai plus important à la commission des affaires sociales afin de lui permettre de mener ses travaux dans les meilleures conditions possible. C’est la raison pour laquelle la séance publique initialement envisagée le lundi 11 mai n’a pas été maintenue ; de même, la séance de l’après-midi du mardi 12 mai ne commencera qu’à 16 heures, le matin étant réservé aux questions orales.

Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement ?...

Ces propositions sont adoptées.

5

Communication sur les suites du sommet du G20

M. le président. L’ordre du jour appelle une communication sur les suites du sommet du G20 des sénateurs membres du groupe de travail Assemblée nationale-Sénat sur la crise financière internationale.

Point de vue du groupe de travail Assemblée nationale-Sénat sur la crise financière internationale

M. le président. Avant de donner la parole au premier orateur, je veux remercier nos collègues sénateurs de la part très importante qu’ils ont prise dans ce groupe de travail Assemblée nationale-Sénat sur la crise financière internationale, qui était une nouveauté dans notre République.

Je souhaite maintenant, parce que la tenue des sommets ne suffit pas, me semble-t-il, pour que l’on puisse considérer le travail comme achevé, que nous entrions dans des phases concrètes.

Je tiens à saluer le travail en commun réalisé par l’ensemble de nos collègues, y compris par nos collègues de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. le coprésident du groupe de travail.

M. Jean Arthuis, coprésident du groupe de travail. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la crise qui est apparue aux États-Unis pendant l’été 2007 – crise financière, crise de confiance, crise de la titrisation, crise de la liquidité, crise de la mondialisation – ne cesse de plonger des cohortes de salariés dans le chômage. Bien sûr, elle interpelle directement le Parlement.

Le groupe de travail Assemblée nationale-Sénat est un objet nouveau dans l’univers parlementaire. C’est sur votre initiative, monsieur le président, ainsi que sur celle de votre homologue Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale, qu’il a été constitué : douze sénateurs et douze députés, douze parlementaires de la majorité et douze parlementaires de l’opposition. Il compte quatre rapporteurs : Gilles Carrez et Nicolas Perruchot pour l’Assemblée nationale ; Philippe Marini et Bernard Angels pour le Sénat.

Ensemble, sur la base de nos expériences personnelles et des travaux menés dans chaque assemblée, nous essayons de conduire une réflexion sur la crise financière en cours et d’apporter une vision parlementaire sur la refondation de la finance mondiale. C’est ainsi que nous avons pu transmettre des notes au Président de la République avant les réunions du G20 à Washington, le 15 novembre 2008, et à Londres, le 2 avril 2009. Le Président nous a également reçus, le 15 avril dernier, pour nous rendre compte de cette dernière réunion.

Cette méthode, convenons-en originale, s’est révélée jusqu’à présent plutôt fructueuse et, sans que l’on puisse pour autant parler de consensus, a permis, en ce qui concerne tant le diagnostic que les préconisations, des rapprochements et des convergences qui n’étaient pas forcément attendus lors de la création du groupe.

Je laisserai à Philippe Marini et à Nicole Bricq, en remplacement de Bernard Angels, le soin de dresser le bilan de nos réflexions et de donner notre point de vue sur les suites du dernier G20. Pour ma part, je commencerai mon intervention par un bref compte rendu de la mission que vient d’effectuer aux États Unis le bureau de la commission des finances. Ce propos liminaire sur le pays où est née la crise, le pays qui détient aussi une partie des réponses à cette crise, me donnera l’occasion de vous livrer certains constats auxquels j’accorde une importance toute particulière.

Au cours de la semaine écoulée, nous avons rencontré les principaux responsables du Fonds monétaire international, du Congrès, des institutions monétaires et financières américaines ainsi que plusieurs banquiers, dirigeants d’entreprises et responsables de hedge funds. Qu’en avons-nous retenu ? Essentiellement un constat et deux interrogations.

Le constat est simple. La crise actuelle, la plus grave depuis la grande dépression des années 1930, puise certes son origine dans le surendettement des ménages américains et l’incapacité où se sont trouvés nombre d’entre eux à faire face à leurs obligations de remboursement d’emprunts. Il n’en demeure pas moins qu’elle a servi de révélateur et a mis en exergue l’incroyable fragilité du secteur financier, caractérisé notamment par le développement considérable, et aussi largement anarchique, des produits dérivés depuis les années 1970.

Le président de la Réserve fédérale américaine, Ben Bernanke, considérait récemment que l’innovation financière a amélioré l’accès au crédit et réduit les coûts, au point qu’il paraît inenvisageable de revenir trente ans en arrière. Soit ! Mais nous allons devoir faire face dans l’immédiat à deux difficultés majeures, qui correspondent à mes deux interrogations.

Première question : les États-Unis, qui restent la première économie du monde, mettront-ils effectivement en place des mécanismes de régulation et de supervision qui seront à la hauteur de leurs responsabilités dans le fonctionnement du système financier international ?

Seconde question : dans un contexte où c’est en pratique la Réserve fédérale qui assume de plus en plus le risque systémique en intégrant certains actifs douteux dans son bilan et en se comportant finalement comme une banque,…

M. Philippe Marini, corapporteur du groupe de travail. Exactement !

M. Jean Arthuis, coprésident du groupe de travail. … quelle sera la sortie de crise ? Le choix des États-Unis se résume-t-il à autre chose qu’une alternative entre plus d’impôts ou plus d’inflation ? À l’inverse, avons-nous échappé à tout risque de déflation ?

J’en reviens au premier point : les mécanismes de régulation et de supervision.

S’il y a bien un constat que tous nos interlocuteurs ont fait, c’est celui des lacunes importantes du contrôle des banques et des institutions financières aux États-Unis, y compris les compagnies d’assurance. Le paysage réglementaire apparaît à la fois complexe et morcelé, fractionné, caractérisé par la présence d’une myriade d’organismes dont les fonctions et les moyens d’action ne sont pas toujours clairement définis. Si certains comportements préjudiciables ont pu avoir libre cours, sans jamais rencontrer d’obstacle – je pense bien sûr en premier lieu à l’affaire Madoff –, c’est à cette absence de structuration et de vision globale efficace qu’on le doit.

Les autorités américaines ont-elles pris la claire mesure des changements à apporter à leur organisation et ont-elles commencé à les mettre en œuvre ? Je serais tenté de répondre plutôt « oui » à la première question et plutôt « non » à la seconde, du moins dans un très proche avenir.

Il existe aujourd’hui aux États-Unis un consensus très fort en faveur de la création d’une instance de régulation du risque systémique ayant vocation à chapeauter l’ensemble du système. Le débat n’est cependant pas encore tranché sur deux questions essentielles : l’autorité qui sera investie de cette fonction, même si la Réserve fédérale apparaît comme la plus apte à jouer ce rôle et, surtout, la place de cette autorité. Le danger est, en effet, qu’elle se superpose au « patchwork » existant, sans se substituer à lui, au risque d’accroître encore la confusion et les phénomènes de déresponsabilisation si préjudiciables, à l’origine de la situation actuelle.

En ce qui concerne la régulation spécifique des produits dérivés, il apparaît là aussi une convergence très nette en faveur de la construction d’un marché organisé autour d’une chambre de compensation. Parce qu’elle assure une parfaite transparence, parce qu’elle permet de réduire les risques de défaillance grâce au contrôle quotidien des positions et aux appels réguliers de marges, la technique de la chambre de compensation est la plus appropriée, me semble-t-il, et sa généralisation préventive aurait sans doute permis de réduire fortement l’ampleur de la crise financière actuelle.

Au-delà du constat, le débat ne fait cependant que commencer sur le statut que prendra cette structure. Il est clair que, si elle devait rester aux mains des seules banques, comme la plupart d’entre elles le souhaitent, le revendiquent, et cela sans réel contrôle externe, l’objectif de transparence ne serait pas atteint. Autant dire que l’on n’aurait rien fait !

D’autres thèmes se rattachent aux questions de régulation et de supervision, les délocalisations vers les « paradis fiscaux » notamment – j’en parlerai dans un instant – mais aussi tout ce qui tourne autour de la séparation des activités de banque de dépôt, d’une part, et de banque d’investissement, d’autre part, de la procyclicité des normes comptables, de la surveillance des agences de notation et du contrôle des hedge funds.

Nous avons évoqué à plusieurs reprises avec nos interlocuteurs le too big to fail. La concentration des établissements n’atteint-elle pas une taille excessive ? À partir d’un certain stade, le risque systémique ne va-t-il pas au-delà des capacités des États que l’on appelle au secours lorsque surviennent les difficultés ?

On a entendu différentes propositions, les unes tendant à fractionner des institutions qui seraient devenues trop importantes, faisant encourir un risque systémique excessif.

On a également évoqué la possibilité pour l’État, qui est l’assureur systémique, de percevoir une redevance, un impôt, qui serait fonction de la dimension des établissements. Puisque le risque systémique est assumé par l’État, par la puissance publique, il est légitime que cette assurance fasse l’objet du paiement d’une prime.

Je n’ai pas le temps de les développer ici, mais je souhaite que notre débat nous permette d’aborder tous ces points, qui sont autant de sujets d’intérêt commun avec nos amis américains et sur lesquels leur niveau de réflexion est souvent proche du nôtre.

Je serai plus rapide sur la seconde interrogation que nous ramenons des États-Unis et qui se résume à cette question simple : quelle sortie de crise ?

Les Américains ont, comme nous, présente à l’esprit la crise japonaise des années quatre-vingt-dix et les années de stagnation qui ont suivi. Le premier impératif qui s’impose à la puissance publique est de favoriser le « nettoyage », le plus rapidement possible, des actifs des banques, si l’on veut éviter que l’économie ne subisse une stagnation, faute pour le secteur bancaire de pouvoir de nouveau assurer son rôle normal de financeur des agents économiques.

Premier constat : ce travail est en cours, mais n’est pas encore achevé. Et d’autres mauvaises surprises ne sont pas à exclure, notamment parce que les banques n’ont pas encore enregistré comptablement leurs pertes sur des prêts accordés dans certains secteurs potentiellement sinistrés, comme l’immobilier d’entreprise. A-t-on extrait tous ces actifs toxiques ? Le Fonds monétaire international estime ainsi le montant total des pertes que l’ensemble des banques pourraient devoir constater sur leurs actifs à 4 000 milliards de dollars, dont 2 700 milliards pour les seuls établissements américains. Tout cela doit inciter à la plus grande prudence à l’égard des propos optimistes de ceux qui évoquent les prémices d’un redémarrage. Faisons attention aux fausses bonnes nouvelles qui ne pourront qu’exercer un impact encore plus dépressif sur l’économie réelle si les prédictions de ce début de printemps ne se réalisent finalement pas ! À court terme, le risque de déflation reste réel.

Second constat : aux États-Unis, c’est la Réserve fédérale qui a été amenée à gérer la faillite ou la quasi-faillite des institutions jugées systémiquement importantes comme Bear Sterns, Lehman Brothers, AIG, Citigroup, Freddie Mac et Fanny Mae, sorte de Crédit foncier des années quatre-vingt-dix.

Le résultat est que le bilan de la Réserve fédérale a été multiplié par près de trois, passant en quelques semaines de 800 milliards de dollars à plus de 2 000 milliards. Ce bilan pourrait même prochainement atteindre plus de 4 000 milliards de dollars. Parallèlement, la Réserve fédérale, comme la Banque centrale européenne, a injecté massivement des liquidités dans l’économie afin de lui permettre de surmonter le choc subi.

Si l’on peut raisonnablement espérer que nos banques centrales sauront convenablement gérer la sortie de crise en retirant à temps les liquidités injectées en surplus, il faudra cependant surveiller de très près le comportement de la Réserve fédérale à l’égard des actifs douteux qu’elle a inscrits à son bilan et dont elle assume le risque direct.

Il y a aux États-Unis un ensemble constitué par la Réserve fédérale et l’État fédéral et son budget, comme si l’idée que nous nous faisions de l’indépendance de la Réserve fédérale par rapport au gouvernement avait été quelque peu estompée.

En conclusion, et comme je l’ai dit tout à l’heure, il faut avancer aussi sur la question des paradis fiscaux et juridiques, ces espaces non coopératifs, qui préservent jalousement le secret bancaire. De ce point de vue, entre les déclarations du G20 et les avancées réalisées, il pourrait y avoir un écart qui ferait obstacle à la cohérence des politiques à mener.

Nous devrons être extrêmement vigilants sur la publication des listes noires ou des listes grises. Veillons à ce que la présentation de ces listes ne se fasse pas sur des considérations politiques. Pourquoi n’y figurent ni l’État américain du Delaware ni certains territoires dépendant pour l’essentiel des pays du G20 ? L’OCDE devra rester très vigilante. Il faudra beaucoup de détermination et de volonté pour aboutir sur ce terrain et faire disparaître les trous noirs de l’économie mondiale.

Enfin, si nous devons veiller à l’application de toutes les dispositions prévues par le G20, il faudrait peut-être que l’Union européenne donne l’exemple et que nous passions à l’acte sur l’ensemble de son territoire.

Il est formidable de pouvoir proclamer la pertinence de nos recommandations, dès lors faisons de l’Europe le champ d’expérimentation et d’application. Faisons disparaître les espaces non coopératifs, soyons convaincants auprès de nos partenaires luxembourgeois, autrichiens et suisses, puisqu’ils sont associés à l’Europe en matière bancaire et financière.