Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne faisons aucun amalgame !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Ensuite, alors que, dans un contexte de crise aiguë, il convient d’agir vite, nous ne devons pas créer de nouvelles lourdeurs. Or le dispositif qui nous est proposé tend précisément à en instaurer et risque même de nuire à l’efficacité des actuels organes de contrôle.

Les possibilités de contrôle des aides publiques abondent déjà dans notre pays.

Sur le plan institutionnel et démocratique, le Parlement doit exercer et exerce un contrôle. Ce devoir de contrôle a été renforcé et de nouveau légitimé par la loi organique relative aux lois de finances et par la révision constitutionnelle de juillet 2008. En particulier, le rapporteur général et les rapporteurs spéciaux de la commission des finances disposent d’un pouvoir étendu de communication de pièces et documents,…

M. Robert Hue. Alors, pourquoi le Président de la République a-t-il demandé un décret ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle mauvaise foi !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. … et nous publions chaque année des rapports peu complaisants sur l’utilisation des deniers publics, en nous efforçant d’assurer un meilleur suivi de nos préconisations.

Le contrôle parlementaire s’exerce également en continu au travers d’auditions et de questions écrites ou orales au Gouvernement.

De nouvelles modalités peuvent aussi être imaginées dans un contexte particulier, comme c’est le cas avec le comité de suivi du dispositif de financement de l’économie, mis en place par décret en décembre 2008 à la demande du Parlement.

Le contrôle est également juridictionnel. Il est exercé par les juridictions administratives et judiciaires et, surtout, par la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes. En application des articles 58-1 et 58-2 de la LOLF, la Cour des comptes remplit une mission d’assistance auprès des commissions des finances. Nous lui demandons environ cinq enquêtes par an.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument ! C’est le rôle du Parlement. C’est vous qui contrôlez, mes chers collègues !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. C’est ainsi à la suite d’une enquête réalisée par la Cour des comptes que notre collègue Serge Dassault a publié, en février 2007, un rapport d’information sur l’efficacité des aides à l’emploi.

Dans le même esprit, l’article L. 211-4 du code des juridictions financières prévoit que les chambres régionales des comptes peuvent assurer la vérification des comptes de toute entité, publique ou privée,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous aimez la plaisanterie !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. … qui bénéficie d’un concours financier supérieur à 1 500 euros d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public national ou local.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les collectivités sont bien contrôlées, c’est sûr !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Le contrôle est encore exercé par l’administration elle-même, par les corps généraux d’inspection, par les services de contrôle des impôts, par les contrôleurs budgétaires et comptables ministériels, ainsi que par les préfets ou représentants de l’État. Il est notamment mis en œuvre sous l’angle du droit et du budget communautaires, qu’il s’agisse du respect du plafond des aides de minimis ou du contrôle décentralisé des aides agricoles et des fonds structurels. Mon rapport détaille les modalités de ces contrôles et rappelle que notre collègue Joël Bourdin a récemment publié un rapport sévère sur les refus d’apurement d’aides agricoles.

L’évaluation a souvent été considérée comme le « parent pauvre » de la mise en œuvre des politiques publiques.

Il y a pourtant une évaluation a posteriori, qui repose en premier lieu sur le Parlement, par le biais d’offices bicaméraux d’évaluation, d’auditions, de la remise, prévue par le biais d’amendements, de rapports spécifiques du Gouvernement ou du respect de certaines conditions avant la mise en place de tout nouveau dispositif d’aide à l’activité économique…

M. Robert Hue. Mais rien de tout cela ne marche !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Quant à l’évaluation a priori, traditionnellement considérée comme absente ou parcellaire, elle va connaître un réel essor puisque la loi organique du 15 avril 2009 prévoit une nouvelle obligation d’assortir tout projet de loi d’une étude d’impact détaillée.

Tous ces contrôles, j’en conviens, ne sont pas parfaits, mais ils existent et il n’est pas nécessaire d’en rajouter. La réintroduction d’un dispositif qui n’a pas fait ses preuves aboutirait en définitive à appauvrir le rôle d’un Parlement qui, depuis peu, dispose de pouvoirs accrus en termes de contrôle et d’évaluation des aides publiques.

Il semble que l’on instrumentalise, au travers de la présente proposition de loi, une « perception émotionnelle » de la crise actuelle. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

En outre, le dispositif proposé me paraît lourd. Il présente un certain caractère « bureaucratique » – je reprends le mot –, avec une commission nationale et vingt-deux commissions régionales dotées de prérogatives étendues, des effectifs nombreux et des charges de gestion supplémentaires pour les services ministériels et préfectoraux qui devraient assurer le secrétariat.

M. Robert Hue. Alors que le comité des sages du patronat, lui, sera formidable…

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. À notre sens, le véritable contrôle ne peut procéder que d’une analyse économique et juridique objective, seule à même de caractériser des situations d’abus manifeste ou de non-respect d’engagements formels de la part des entreprises.

Je l’ai dit en préambule, les modalités retenues dans la proposition de loi en vue d’améliorer le contrôle des aides aux entreprises me paraissent très discutables. Je vais maintenant résumer rapidement le contenu des différents articles du texte.

L’article 1er crée une commission nationale d’évaluation et de contrôle des aides publiques aux entreprises, chargée de vérifier l’utilisation des aides accordées à ces dernières et aux établissements financiers, mais sans préciser la nature des aides concernées. Il indique certaines formes du contrôle et élargit le champ de compétence aux fonds structurels européens.

L’article 2 donne la composition de la commission nationale, mais sans fixer le nombre de parlementaires, de représentants de l’État, de représentants des syndicats et des organisations patronales, de personnalités qualifiées qui y siègeront. L’expérience l’a montré, une telle composition risque de rendre la commission pléthorique…

M. Robert Hue. Est-ce un problème ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. … et de paralyser son fonctionnement.

L’article 3 précise les pouvoirs de la commission : consultation lors de la création de tout nouveau dispositif d’aide publique, autosaisine, saisine par des millions d’instances – en effet, la commission pourra être saisie, notamment, par un maire…

M. Robert Hue. Quel crime !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. … ou par l’une des 2,5 millions d’entreprises que compte notre pays –, c’est-à-dire extrêmement large et risquant de se révéler inefficace, information par les préfets et tout ordonnateur d’aide publique.

L’article 4 crée des commissions régionales, précise leur composition, analogue à celle de la commission nationale, et leurs modalités d’intervention. Les missions qui leur sont assignées risquent de se limiter à la formulation de « vœux pieux », ce qui fait douter de leur efficacité économique…

L’article 5 donne au comité d’entreprise ou à un délégué du personnel un droit de saisine de l’ordonnateur d’une aide publique. L’ordonnateur pourrait suspendre ou retirer ladite aide, ou en exiger le remboursement. Une telle disposition est de nature à créer une forte insécurité juridique pour les entreprises, incompatible avec leur bon fonctionnement.

L’article 6 inclut les aides publiques dans le champ du rapport que les entreprises de 300 salariés et plus doivent remettre annuellement à leur comité d’entreprise. Or une telle disposition, tout à fait légitime, figure déjà dans la partie réglementaire du code du travail.

L’article 7 précise que le secrétariat de la commission nationale est assuré par les services des ministres chargés de l’économie, des finances, du travail et des affaires sociales.

Enfin, l’article 8 renvoie à un décret les modalités d’application de la proposition de loi.

Je rappellerai que, lors du débat qui a conduit, en 2002, à la suppression des commissions de contrôle, l’un des principaux arguments avancés en faveur de leur maintien tenait à la difficulté, pour le Parlement, de trouver le temps d’exercer ses missions de contrôle. Mais c’était avant la révision constitutionnelle et la mise en place de la nouvelle organisation des travaux du Parlement, qui a désormais plus de temps, grâce à l’instauration de la semaine de contrôle de l’action du Gouvernement, et de moyens pour exercer cette mission. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Bricq. Parlons-en !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce qui se passe aujourd'hui le démontre !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. C’est donc à lui qu’incombe au premier chef, conformément à la Constitution, la mission de contrôler la bonne utilisation des aides publiques, et non à des commissions dont la légitimité et l’efficacité seraient contestables. À titre personnel, je serais d’ailleurs très favorable à ce qu’une étude approfondie soit conduite, en particulier par la commission des finances, sur l’utilité des aides, notamment sociales.

En conséquence, et sans surprise, je vous invite, mes chers collègues, à n’adopter aucun article de cette proposition de loi, ce qui reviendra à rejeter celle-ci. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord remercier M. Hue d’avoir rappelé, dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi, la détermination du Président de la République à entretenir et à développer le dialogue social, qu’il avait exprimée en ces termes : « Plus que jamais le dialogue social est nécessaire. Désormais les organisations syndicales seront associées aux opérations de restructuration dans les entreprises. Elles participeront ainsi au contrôle des aides publiques. »

Les organisations syndicales sont dorénavant associées, vous le savez, à toutes les démarches engagées par les entreprises pour obtenir des aides publiques, ce qui représente à la fois un contrôle préalable à l’attribution de celles-ci et un suivi de leur utilisation. C’est là, monsieur Hue, une forme de contrôle au plus près du terrain, au principe duquel vous vous rallierez sans aucun doute…

Vous avez indiqué que, en 1993, 1 milliard d’euros avaient été consacrés à des allégements de charges. Je note que le volume de ces derniers a considérablement augmenté à la suite du passage aux 35 heures… Les courbes le montrent : c’est à cette occasion que les allégements de charges ont pris leur essor, et je ne suis donc pas sûre qu’instaurer les 35 heures ait été une si bonne idée !

J’insisterai sur le caractère exceptionnel que revêt aujourd’hui la démarche de l’État, lié aux circonstances exceptionnelles que traverse notre économie. Après tout, d’autres dispositions sont mises en œuvre depuis des années sans que l’on se soit particulièrement inquiété des modalités du contrôle – nécessaire – de l’utilisation des deniers publics, et je ne crois pas que beaucoup d’entre nous assimileraient celle-ci, comme vous l’avez fait, à un « détournement de fonds publics »…

Les circonstances économiques actuelles ont très clairement contraint l’État à intervenir de façon inhabituelle et massive, en particulier dans certains secteurs. Je reviendrai sur les divers plans que nous avons ainsi mis en œuvre, en profitant d’ailleurs de cette occasion, mesdames, messieurs les sénateurs, pour vous rendre des comptes, car il revient aux parlementaires, en tant que représentants du peuple, d’être les premiers destinataires de telles informations. Je relève au passage que le Parlement dispose des moyens de contrôler efficacement, notamment par le biais d’auditions ou de commissions particulières, l’utilisation qui est faite des deniers publics, dont il vote l’affectation lors de l’examen des projets de loi de finances ou des projets de loi de finances rectificative.

Les moyens financiers supplémentaires que nous avons dû mettre en place au cours des douze derniers mois pour faire face à des circonstances exceptionnelles l’ont été d’abord à l’échelon européen, puisque, dès avant la faillite de la banque Lehman Brothers, nous avions sollicité la Banque européenne d’investissement pour qu’elle mobilise des fonds au bénéfice des entreprises, ce qui a été fait.

Par la suite, nous avons mis en place, comme l’a parfaitement rappelé M. le rapporteur, un financement massif, à hauteur de 22 milliards d’euros, en faveur des petites et moyennes entreprises, car nous étions convaincus que ces dernières seraient le plus menacées par ce que l’on a depuis appelé un credit crunch : OSEO a ainsi apporté toute la palette de ses moyens d’intervention, soit en garantie, soit en cofinancement, et l’épargne publique a été mobilisée.

Nous avons par ailleurs mis en place au profit de ces entreprises un dispositif particulier, qui lui aussi fait appel à des fonds publics, à savoir le complément d’assurance-crédit public et le complément d’assurance-crédit public « plus », pour pallier les insuffisances du système d’assurance-crédit en vigueur, lequel contribue largement au fonctionnement du crédit interentreprises dans notre pays. À ce titre, j’indique que, au 1er avril, quelque 202 millions d’euros d’encours brut avaient déjà été garantis.

En outre, nous avons bien entendu été obligés de mettre en œuvre des plans de soutien spécifiques à certains secteurs d’activité.

L’ensemble de ces plans ont été soumis à votre examen, mesdames, messieurs les sénateurs, en général au travers de projets de loi de finances rectificative. Le premier d’entre eux, le projet de loi de finances rectificative du 16 octobre 2008 pour le financement de l’économie, qui est donc intervenu à peine un mois après la faillite de Lehman Brothers, avait pour objet de créer la SFEF, la société de financement de l’économie française, et la SPPE, la société de prise de participation de l’État.

Monsieur Hue, vous avez évoqué un montant de garanties très lourd. Je souligne que le montant de l’enveloppe votée par votre assemblée a été défini selon une perspective maximaliste, dans l’hypothèse où nous aurions été confrontés au pire. À ce jour, la SFEF a emprunté un peu plus de 50 milliards d’euros sur le marché pour financer des prêts consentis aux banques et aux établissements financiers, à un taux d’intérêt de 4 %, permettant une juste rémunération.

Cette démarche, qui engage la signature de l’État français, permet aux banques de se refinancer. Je rappelle une fois de plus qu’il ne s’agissait évidemment pas de faire un cadeau aux banques, comme on l’a répété ici et là, mais de soutenir le financement de notre économie en leur consentant des prêts qui produisent des intérêts.

M. Alain Gournac. Bien sûr !

Mme Christine Lagarde, ministre. Le montant de l’intervention de la SPPE dans le secteur financier, nécessaire pour renforcer les fonds propres des banques, s’élève à ce jour à 13,5 milliards d’euros, avec une première tranche de 10,5 milliards d’euros versée sous forme de titres super subordonnés et une seconde tranche de 3 milliards d’euros supplémentaires apportée par le biais de la souscription d’actions préférentielles de la Banque nationale de Paris-Paribas, non assorties de droit de vote.

Je précise que, dans l’un et l’autre cas, la rémunération des fonds publics est évidemment élevée et que l’aide de l’État est conçue et construite de telle sorte que, dès que leurs finances le leur permettront, les banques remboursent ces titres super subordonnés et rachètent ces actions préférentielles.

Le deuxième secteur ayant bénéficié de concours particuliers de l’État sous forme de fonds publics est celui de l’automobile. Il a été le premier grand domaine d’activité de l’économie réelle à subir de plein fouet les conséquences de la crise financière, la plupart des acheteurs de voiture recourant au crédit.

La SFEF a donc mis en place un financement spécifique de 2 milliards d’euros au bénéfice des filiales bancaires des constructeurs automobiles, lesquels se sont vu consentir en outre 6,5 milliards d’euros de prêts. Nous avons également mis en place divers outils – je pense en particulier à la prime à la casse et au système de bonus-malus – pour soutenir un secteur dont l’importance tient à la fois aux avancées technologiques qu’il procure, notamment en matière de conception de moteurs hybrides ou électriques, et au nombre de salariés qu’il emploie.

En regard de ces aides publiques, nous avons demandé des contreparties. Nous l’avons fait chaque fois et, chaque fois, vous avez institué, par la loi, les moyens de contrôler la réalité des engagements souscrits, qui sont d’ordre économique et d’ordre éthique.

Le Gouvernement a ainsi rapidement mis en place un comité de suivi, ce à quoi il s’était engagé lors des débats sur la loi de finances rectificative du 16 octobre 2008, qui a instauré le dispositif de soutien au secteur bancaire que j’évoquais à l’instant. Le comité de suivi du dispositif de financement de l’économie française, auquel appartient M. le président de la commission des finances, s’est déjà réuni à deux reprises. J’ai assisté à sa mise en place ; j’ai mis à sa disposition, et je continuerai à le faire, toutes les données accessibles, ainsi que les meilleurs fonctionnaires de mon administration, pour qu’il puisse faire toute la lumière sur les opérations engagées, dans le respect de la confidentialité des informations lorsque cela est nécessaire, ce qui est souvent le cas, s’agissant de sociétés cotées.

Par ailleurs, pour veiller au respect des engagements économiques, aux termes desquels l’argent prêté doit être non pas conservé, mais restitué à l’économie sous la forme de prêts aux entreprises, un médiateur du crédit, M. René Ricol, a été institué. À la demande du Président de la République, il a mis en place, en s’appuyant sur le réseau territorial de la Banque de France, des médiateurs dans les départements, afin de s’assurer que les banques, après avoir commis des excès dans l’appréciation des risques, ne tombent pas dans le travers inverse en restreignant l’accès au crédit.

Le médiateur du crédit s’emploie à faciliter le financement des entreprises. Chaque mois, le ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi publie les chiffres concernant l’évolution des encours de crédit des banques qui bénéficient d’un soutien de l’État. Ces données sont auditées par la Banque de France et diffusées par le site internet du ministère, afin que chacun puisse en prendre connaissance.

Enfin, le Président de la République a demandé au Premier président de la Cour des comptes de conduire un certain nombre d’enquêtes au sein des banques, pour qu’il soit rendu compte par celles-ci de l’utilisation des fonds dont elles ont bénéficié. Le Premier président de la Cour des comptes s’est engagé à publier un rapport sur ce thème avant la fin de l’été. Pour l’aider dans cette tâche, j’ai mis à sa disposition certains de mes meilleurs inspecteurs.

En ce qui concerne l’aide à l’industrie automobile, le choix de l’appellation « pacte automobile » ne relève pas du hasard, mais tient au fait que ce plan comprend des engagements des constructeurs. Ainsi, le Gouvernement a demandé aux constructeurs automobiles de s’engager à ne pas procéder à des plans sociaux en 2009 et à maintenir leurs sites de production français en activité pendant la durée des prêts accordés.

Monsieur Hue, je vous invite à examiner attentivement l’évolution des volumes de production et la localisation des lignes d’assemblage : vous constaterez que cet engagement est respecté, probablement même au-delà de ce qui avait été espéré.

M. Robert Hue. Pas du tout ! Je vous le démontrerai !

Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement a également demandé aux entreprises du secteur automobile de maintenir leurs efforts de recherche et développement malgré la crise et d’œuvrer pour plus de solidarité au sein de la filière automobile.

À ce sujet, je souligne que le respect scrupuleux par les constructeurs automobiles des dispositions de la loi de modernisation de l’économie, notamment la réduction des délais de paiement à soixante jours à compter de la date de facture, en vigueur depuis le 1er janvier, a permis à lui seul de renforcer de 2 milliards d'euros la trésorerie des sous-traitants.

La mise en œuvre du pacte automobile et le respect des engagements que je viens de rappeler sont régulièrement examinés par le comité stratégique pour l’avenir de l’automobile, réuni par Luc Chatel à Bercy et qui est composé de représentants de l’État, des constructeurs, des équipementiers et sous-traitants, des organisations syndicales, des élus et des établissements de recherche.

Le déploiement des dispositifs de complément d’assurance-crédit public CAP et CAP + fait également l’objet d’un suivi très régulier. Les assureurs-crédit informent chaque mois le ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi du montant des produits CAP et CAP + activés, ainsi que du volume de leurs encours globaux d’assurance-crédit. Cela me permet de vous donner le montant précis des encours ainsi garantis à la date du 1er avril.

La création d’une commission nationale d’évaluation et de contrôle des aides publiques aux entreprises, telle que vous la proposez, monsieur le sénateur, ne serait à mon sens ni moderne ni archaïque, mais simplement superfétatoire, dans le meilleur des cas.

Mme Christine Lagarde, ministre. C’est au Parlement que s’exerce le meilleur contrôle de l’utilisation des deniers publics et des moyens exceptionnels mis en œuvre pour soutenir certains secteurs d’activité ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà !

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Robert Hue. Avec quels résultats concrets ? Il n’y en a pas !

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le sénateur, le comité de suivi du dispositif de financement de l’économie française s’est déjà réuni à deux reprises. Je puis vous assurer qu’il est totalement indépendant et a accès à toutes les informations nécessaires. Je puis témoigner de la qualité de son travail, de la précision des données dont il dispose, de l’excellent climat de coopération qui y règne, de sa volonté de transparence totale, dans le respect de la confidentialité qui s’impose en matière d’informations concernant des sociétés cotées.

Dans ces conditions, et compte tenu des modifications qui ont été apportées au processus législatif, imposant notamment au Gouvernement de transmettre au Parlement une étude d’impact pour chaque projet qu’il lui soumet, ainsi que de l’ensemble des travaux de suivi et d’audit, il me semble que la Haute Assemblée dispose de tous les moyens nécessaires pour contrôler qu’il est fait bon usage des fonds publics. Sachez que toute mon attention et toute mon énergie sont mobilisées pour que cela soit le cas. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la discussion qui s’est engagée sur la proposition de loi de notre groupe met en évidence la nature du problème.

Avec quelques années de recul, on peut s’interroger sur l’empressement qu’a manifesté la majorité sénatoriale à procéder à la suppression pure et simple de la loi Hue, par la voie d’un amendement parlementaire que son auteur n’avait même pas défendu en séance publique et qui avait été prestement repris par le rapporteur général.

En effet, mes chers collègues, cet empressement à supprimer un organisme prétendument inutile est étonnante : il existe tant de structures inutiles dans notre paysage institutionnel !...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. C’est vrai !

M. Bernard Vera. En réalité, ce qui dérange profondément dans notre proposition de loi, et qui a toujours dérangé la majorité sénatoriale, c’est la volonté de transparence dans l’utilisation des deniers publics que tend à promouvoir la mise en place d’une commission nationale et de commissions régionales d’évaluation et de contrôle des aides publiques aux entreprises.

Notre proposition de loi originelle a été à trois reprises rejetée sans examen par le Sénat, les 24 février, 26 juin et 20 décembre 2000 ! La position exprimée aujourd’hui par le rapporteur ne brille donc pas par son originalité !

Sur le fond, cette obstination a un caractère idéologique affirmé : quand il s’agit de fonds publics dédiés au soutien aux entreprises, il ne saurait y avoir, dans l’esprit de la majorité sénatoriale, la moindre préoccupation d’approche critique et d’évaluation. La question de l’argent public distribué aux entreprises relève du tabou, de l’intouchable !

Pourquoi en est-il ainsi ? Sans doute estime-t-on, avec le plus grand mépris de la volonté populaire et des aspirations des salariés, que les questions budgétaires sont affaire trop sérieuse pour être traitée sur la place publique ! Qui sont ces libéraux, opposés par principe à l’interventionnisme d’État dans l’économie, chantres de la privatisation et de l’autorégulation, qui quémandent sans cesse de nouveaux subsides publics dès que la moindre difficulté se fait jour ?

En outre, établir un parallèle entre les sommes sans cesse croissantes engagées pour soutenir l’activité des entreprises et l’emploi et la réalité de la croissance et du chômage serait sans doute un exercice dérangeant. Il serait d’ailleurs possible d’établir un autre parallèle, qui ne serait guère plus réjouissant, entre allégements de la fiscalité et obligations sociales des entreprises.

De 1993 à 2007, alors que nous constations une progression de 1 milliard d'euros à 42 milliards d'euros des allégements de cotisations sociales, accompagnée de nouveaux allégements de l’impôt sur les sociétés ou de la taxe professionnelle, la part des dividendes dans la valeur ajoutée de nos entreprises passait de 7 % à 16 % des profits bruts ! Ces données figurent en toutes lettres dans le rapport rédigé par M. Cotis, directeur général de l’INSEE, à la demande du Président de la République.

Ceux-là mêmes qui refusent que le Parlement légifère sur la rémunération des dirigeants des entreprises cotées entendent aujourd'hui empêcher que l’on contrôle les fonds publics et repousser cette idée dangereuse de confier aux salariés de nouveaux pouvoirs d’intervention !

Car tout est là : la commission nationale d’évaluation et de contrôle des aides publiques aux entreprises et sa déclinaison régionale ne seraient rien d’autre qu’un outil de plus au service des salariés et des élus locaux pour appréhender la réalité des relations que l’État entretient avec le monde des affaires, de l’industrie et du commerce.

Mes chers collègues, allez-vous rejeter la proposition de loi que nous vous soumettons au moment même où le Président de la République veut rendre obligatoire l’information des comités d’entreprise sur les aides publiques et où M. Xavier Bertrand parle de plus en plus de « conditionnaliser » les exonérations de cotisations sociales ?

Dans un rapport récent déposé au nom de la commission des finances, le rapporteur spécial de la mission « Travail et emploi » estime que, « de fait, l’évaluation de ce dispositif – l’allégement général des cotisations sociales sur les bas salaires – ne fait l’objet d’aucune mesure de sa performance au regard de la politique de l’emploi, que ce soit dans les projets de loi de finances successifs, ou dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale. […]

« Aujourd’hui, une diminution progressive du niveau et du coût des exonérations doit être envisagée, afin de redéployer ces moyens vers d’autres politiques, notamment le soutien à la compétitivité des entreprises. »