compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine,

Mme Sylvie Desmarescaux.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Décès d’un ancien sénateur

M. le président. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Henri Portier, qui fut sénateur de l’Aube de 1980 à 1989.

3

Convocation du Parlement en Congrès

M. le président. Par lettre en date du 11 juin 2009, M. le Président de la République a transmis à M. le président du Sénat le décret convoquant le Congrès du Parlement le lundi 22 juin 2009 par application du deuxième alinéa de l’article 18 de la Constitution.

L’article 2 du décret fixe l’ordre du jour du Congrès ainsi qu’il suit :

1) Modification du règlement du Congrès ;

2) Déclaration du Président de la République.

Acte est donné de cette transmission.

M. Bernard Accoyer, président du Congrès, a convoqué le Congrès du Parlement le lundi 22 juin 2009, à dix heures trente, pour la modification du règlement du Congrès, et à quinze heures, pour la déclaration du Président de la République.

Les présidents des groupes politiques de l’Assemblée nationale et du Sénat seront réunis le jeudi 18 juin, à neuf heures trente, pour évoquer le déroulement de ce Congrès.

4

Dépôt d’un rapport du Gouvernement

M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport relatif à la mise en application de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail.

Acte est donné du dépôt de ce rapport qui a été transmis à la commission des affaires sociales.

Le document sera disponible au bureau de la distribution.

5

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour un rappel au règlement.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, mes chers collègues, mon intervention se fonde sur l’article 29 de notre règlement.

Il y a quatre ans, l’élection du président Mahmoud Ahmadinejad au second tour de scrutin pouvait, certes, ne pas correspondre aux aspirations d’une partie de la population ou des observateurs étrangers, mais aucune violence ni aucun signe de fraude massive n’avaient été constatés.

Tel n’est pas le cas aujourd’hui : le dépouillement du scrutin au fur et à mesure du remplissage des urnes, l’interdiction pour les partisans du réformateur Moussavi et des autres candidats d’assister au transport des urnes et au dépouillement, notamment, constituent des violations extrêmement regrettables des standards internationaux en matière de régularité d’élection.

Je me fais ici l’écho de l’inquiétude de mes amis proches, membres du Parlement iranien ou universitaires, aujourd’hui privés de leur droit d’expression le plus élémentaire. Ainsi les violences ont-elles conduit les gardiens de la révolution à blesser gravement l’ancien ambassadeur d’Iran à Paris, qui n’est pas précisément un grand libéral, mais qui militait en faveur du candidat Moussavi.

Connaissant bien ce grand pays et ce grand peuple, et attachée à promouvoir le dialogue et l’ouverture, je veux dire, tant en mon nom personnel qu’au nom de nombreux collègues, ma déception, ma préoccupation, mon inquiétude face à la dérive autoritaire à laquelle nous assistons et que le peuple iranien n’a sans doute pas voulue.

C’est pourquoi je souhaiterais que le Sénat puisse, dans les prochaines semaines, débattre de cette importante question, personne ne contestant en effet la place majeure de l’Iran pour assurer l’équilibre de la région et la stabilité du monde. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

La prochaine conférence des présidents sera sans doute sensible à votre demande et je ne doute pas que nous serons amenés à débattre prochainement de cette question.

6

 
Dossier législatif : projet de loi portant réforme du crédit à la consommation
Discussion générale (suite)

Réforme du crédit à la consommation

Discussion d’un projet de loi et de cinq propositions de loi

(Texte de la commission spéciale)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme du crédit à la consommation
Article 1er A

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant réforme du crédit à la consommation (nos 364, 325, 255, 173, 114, 94, 447 et 448).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la réforme du crédit à la consommation est une réforme à risque : la direction en est assez évidente, mais les voies pour y arriver sont étroites et multiples. La tentation sera sans doute parfois grande de trop en faire, mais nous devons prendre en compte deux nécessités : maintenir le crédit à la consommation et l’assainir en protégeant les consommateurs, parfois contre eux-mêmes.

La direction, vous la connaissez : le Gouvernement a fixé le cap. J’ai voulu ce projet de loi pour supprimer les excès et les abus, en particulier ceux du crédit renouvelable.

Ce texte rejoint de nombreux travaux du Sénat, comme les propositions de loi préparées de longue date par le président de votre commission spéciale, Philippe Marini, et par le sénateur Claude Biwer, ou d’autres propositions qui, déposées ces dernières semaines, ont profondément marqué le débat public.

Les voies pour atteindre l’objectif fixé sont étroites, car nous devons prévenir la tentation des « fausses bonnes mesures », celles qui, au nom de la protection des consommateurs, conduisent en réalité à entraver la distribution du crédit à la consommation, alors que nous en avons particulièrement besoin en ce moment.

Ceux qui détruiraient le crédit à la consommation commettraient, de mon point de vue, un double contresens vis-à-vis des Français.

Contresens social, tout d’abord, car les Français sont attachés au crédit à la consommation : neuf millions de ménages, soit un tiers d’entre eux, y ont recours. C’est un outil utile et nécessaire à la gestion de leur budget, en particulier dans la période actuelle, où ce dernier peut être mis à rude épreuve.

Contresens économique, ensuite : aujourd’hui, la France résiste mieux à la crise que ses voisins, notamment grâce au dynamisme de la consommation des ménages français, qui a augmenté de 0,2 % au premier trimestre 2009. La consommation est donc l’un des moteurs puissants de la croissance française, et ce moteur aujourd’hui fonctionne.

Quelques exemples suffisent à illustrer mon propos : aujourd’hui, 40 % du chiffre d’affaires du secteur de la vente par correspondance est financé par le crédit à la consommation et 25 % du chiffre d’affaires de la distribution spécialisée ; l’achat de deux véhicules neufs sur trois est financé par du crédit spécialisé, donc du crédit à la consommation.

Pourtant, ce crédit, essentiel à notre activité économique, se porte mal. En un an, la production de nouveaux crédits par les établissements spécialisés s’est littéralement effondrée, baissant de 19 %. Cette chute n’épargne aucun type de crédit et les nouvelles utilisations de crédits renouvelables diminuent de 14 %.

C’est la raison pour laquelle, au moment où nous nous apprêtons à légiférer sur le crédit à la consommation, j’en appelle à la responsabilité de chacun d’entre nous, pour que nous parvenions à choisir ensemble – quelles que soient nos appartenances politiques – les « bonnes mesures », celles d’une réforme gagnante, qui permettra à la fois de redonner du crédit au crédit à la consommation, tout en préservant les conditions d’une distribution efficace, mais responsable et responsabilisée, au bénéfice des ménages.

La matière étant complexe, j’ai souhaité éclairer abondamment nos travaux. J’ai ainsi commandé et fait publier une série d’études qui ont alimenté nos réflexions, ainsi que les vôtres, mesdames, messieurs les sénateurs, car j’ai toujours souhaité partager cette information.

Quatre études, en particulier, ont pu nous inspirer : l’Inspection générale des finances m’a remis en septembre un rapport sur la modernisation du Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, le FICP ; par ailleurs, la Banque de France a publié son enquête triennale sur le surendettement ; à ma demande, le Comité consultatif du secteur financier a confié au cabinet Athling Management une étude sur le crédit renouvelable, que j’ai publiée en décembre et dont vous avez pu tirer des enseignements ; enfin, last but not least, l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale des affaires sociales ont remis tout récemment un rapport sur l’usure, qui a pu inspirer tout particulièrement les propositions de M. le rapporteur.

J’ai enfin souhaité anticiper l’entrée en vigueur de la révision constitutionnelle, en soumettant ce texte à une étude d’impact – la première, à ma connaissance, qui ait été réalisée dans ces conditions – qui évalue les conséquences économiques de la réforme du crédit à la consommation.

Par ailleurs, nous avons, avec mon équipe, mené un travail de terrain, qui nous a permis d’observer la manière dont les commissions de surendettement traitent les dossiers : j’ai ainsi assisté à des réunions de commissions de surendettement, notamment en Seine-Saint-Denis. J’ai également participé à plus d’une douzaine de réunions plénières organisées par mes services avec les associations familiales, les associations de défense des consommateurs et l’ensemble des partenaires concernés. Enfin, j’ai tenu des réunions préparatoires avec les parlementaires les plus intéressés et les plus motivés par ce projet de loi.

Ce travail de mûrissement et d’approfondissement, vous l’avez poursuivi au sein de votre commission spéciale. Je tiens à féliciter particulièrement votre rapporteur, Philippe Dominati, ainsi que le président de la commission spéciale, Philippe Marini, pour la densité et la richesse des travaux de la commission et les propositions d’amendements ainsi préparées.

Je souhaite, au-delà, remercier l’ensemble des membres de la commission spéciale des contributions qu’ils ont apportées lors de deux auditions auxquelles j’ai participé, et ce fut un plaisir, ainsi que lors d’une séance organisée de la commission.

Depuis vingt ans, vous avez, comme moi, vu passer beaucoup de lois sur le surendettement, mais aucune pour empêcher le consommateur de tomber dans l’engrenage. Or j’ai depuis longtemps la conviction que la réduction du surendettement passe par une distribution plus responsable du crédit.

En premier lieu, le projet de loi portant réforme du crédit à la consommation consiste à responsabiliser la distribution du crédit à la consommation en imposant des obligations supplémentaires à la charge des prêteurs, en éclairant le libre choix des emprunteurs, en mettant en place des mécanismes de sanction et en instituant un véritable « gendarme » du crédit à la consommation.

En deuxième lieu, ce projet de loi vise à mieux accompagner les difficultés d’endettement, en particulier celles des ménages surendettés.

Après avoir traité l’un et l’autre de ces volets, je reviendrai, en troisième lieu, sur les améliorations que la commission spéciale du Sénat a apportées au projet de loi.

Pour responsabiliser la distribution du crédit à la consommation, j’ai souhaité m’attaquer à ce que j’appelle les « quatre points noirs » du crédit à la consommation.

Le premier point noir, nous le connaissons tous, est constitué par la publicité, souvent biaisée, qui donne au consommateur une perspective en trompe-l’œil.

Certaines publicités mettent en avant un taux d’intérêt particulièrement alléchant, mais le taux d’intérêt réel pratiqué pendant toute la durée de l’emprunt, imprimé en petits caractères bleu marine sur fond noir, figure dans un paragraphe qui, peu lisible, n’est généralement pas lu.

Mon projet de loi oblige le prêteur à afficher le vrai taux d’intérêt avec la même visibilité que le taux d’intérêt promotionnel. Son adoption permettrait donc de voir disparaître les offres vantant un taux alléchant de 4,5 % sur les trois premiers mois de crédit, alors que le véritable taux applicable, pratiquement illisible, s’élève à 21 %.

Je veux également que cessent les publicités biaisées, notamment celles qui font état de « réserves d’argent », de « comptes disponibles » ou de « crédits reconstituables ».

Certaines publicités parlent de tout, sauf de crédit ! Or, une publicité sincère, c’est une publicité pour du crédit qui dit son nom. C’est pourquoi mon projet de loi impose une appellation unique pour les multiples crédits existants : le « crédit renouvelable », un point c’est tout !

Le projet de loi prévoit enfin d’interdire les mentions, nombreuses à l’examen, qui suggèrent que le crédit à la consommation permettra d’améliorer la situation financière de l’emprunteur.

Le deuxième point noir est relatif aux crédits qui ne se remboursent jamais, auxquels je souhaite mettre fin.

Un crédit doit être, un jour, définitivement remboursé. Cette affirmation peut sembler évidente. Pourtant, je reçois quotidiennement de multiples courriers de consommateurs signalant que leurs échéances de crédit renouvelable suffisent à peine à rembourser les intérêts et qu’il leur faudra plusieurs années, sans qu’ils puissent évidemment en préciser le nombre exact, pour rembourser le montant emprunté.

Mon projet de loi prévoit donc que chaque échéance sur un crédit renouvelable doit obligatoirement comporter une part d’amortissement.

Nous aurons l’occasion d’en débattre, mais il me semble que les crédits renouvelables portant sur des montants importants pourraient parfaitement s’amortir sur une période de cinq ans et que nous pourrions être encore plus ambitieux pour les petits crédits renouvelables. Pour un montant inférieur à 3 000 euros, nous pourrions envisager un remboursement sur une période maximale de trois ans. Ces deux échéances paraissent raisonnables.

Pour traiter le troisième point noir, le projet de loi établit des garde-fous à l’entrée dans le crédit.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la distribution de crédits dans les magasins est utile si elle est employée de façon responsable. Or, aujourd’hui, aucun garde-fou n’est prévu pour ces crédits, ce qui pose problème car le consommateur peut en contracter un sans même s’en rendre compte ! Le dispositif ressemble un peu à une autoroute sans limitations de vitesse.

Je veux donc prévoir des limitations de vitesse, des avertissements qui signalent au consommateur qu’il est en train de contracter un crédit à la consommation. C’est à cette condition que nous réduirons, je l’espère, le surendettement.

Mon projet de loi prévoit un processus d’ouverture de crédit à la consommation en trois étapes.

Premièrement, dans le cadre d’un « exercice à quatre mains », le prêteur et l’emprunteur auront l’obligation de remplir une fiche technique, établissant un bilan des revenus de l’emprunteur et de son niveau d’endettement. Il s’agit donc d’un « point budget ».

Deuxièmement, la loi imposera que le prêteur, c’est-à-dire la banque, évalue la solvabilité de l’emprunteur sur la base des informations budgétaires recensées dans le cadre de l’exercice obligatoire précédent.

Troisièmement, le prêteur sera tenu de consulter le Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, le FICP, qui recense les incidents de remboursement sur les prêts aux particuliers.

Le quatrième point noir est plutôt un trou noir... Effectivement, aucune réglementation, aucune législation ne s’applique à toutes ces activités de rachat ou de regroupement de crédits que l’on voit fleurir actuellement, au motif que le coût pourrait être moindre avec un seul contrat.

Dorénavant, ces activités seront soumises aux obligations que je viens d’évoquer et aux règles de protection des consommateurs.

Au-delà de ces quatre points noirs du crédit à la consommation, je souhaite m’attaquer à un deuxième élément très important, les cartes de fidélité.

Ces cartes de fidélité sont certainement utilisées comme telles, mais elles sont aussi employées, bien souvent, comme des cartes de crédit et, parfois, comme des cartes de paiement. L’instrument est donc confus et le consommateur qui prend une carte de fidélité ne se rend pas toujours compte qu’il acquiert en réalité une carte de crédit. Parfois, il est même débité du montant de ses achats sans y avoir consenti, la fidélité s’étant transformée, sans aucune volonté de sa part, en crédit.

J’ai souhaité mettre de l’ordre dans le dispositif des cartes de fidélité. Les consommateurs sont en effet attachés à cet outil, et, nous le savons, ces cartes sont aussi extrêmement utiles aux commerçants.

Le projet de loi ne vise pas à établir trois cartes différentes, une carte de fidélité, une carte de crédit, une carte de paiement. Trois cartes, la belle affaire ! L’utilisation de trois morceaux de plastique différents changerait-elle véritablement les obligations qui pèsent sur les uns ou sur les autres ?

En revanche, trois mesures sont envisagées.

Tout d’abord, il s’agirait d’interdire les cartes de fidélité qui exigent une utilisation à crédit, en obligeant toutes les cartes à avoir une fonction de paiement comptant.

Ensuite, le projet de loi renverserait le système actuel en donnant la priorité au paiement comptant.

Aujourd’hui, un consommateur peut contracter un crédit par le biais de sa carte, sans même le savoir et sans y avoir consenti. Désormais, la carte de fidélité assortie d’une fonction de paiement fonctionnera comme une carte de paiement, sauf si son détenteur décide expressément de l’utiliser comme une carte de crédit. Ainsi, le paiement comptant sera le droit commun, la règle, et c’est par exception, par décision spécifique du consommateur que la carte pourra être utilisée comme une carte de crédit.

Enfin, chaque publicité vantant les avantages commerciaux de la carte devrait préciser si un crédit est attaché à l’avantage en question.

Toutes ces obligations ne seraient rien si elles n’étaient assorties de sanctions. Pour garantir l’application de ces mesures, le projet de loi prévoit donc un dispositif de sanctions à la fois civiles et pénales.

En particulier, il étend à toutes les nouvelles obligations les sanctions pénales, ces peines allant de 1 500 euros à 30 000 euros. Il crée également un véritable « gendarme du crédit » en renforçant les missions de la Commission bancaire en matière de commercialisation des produits financiers. Cette innovation est particulièrement bienvenue à l’heure actuelle.

Un deuxième volet du projet de loi vise à mieux accompagner les personnes en situation d’endettement.

La procédure de surendettement, qui marque le temps du règlement des difficultés, doit se dérouler dans une certaine sérénité. C’est pourquoi j’ai souhaité que les procédures d’exécution par lesquelles les créanciers peuvent obtenir le recouvrement de leurs créances soient suspendues – ce n’est pas le cas aujourd’hui – dès la recevabilité d’un dossier de surendettement par la Banque de France.

Il est effectivement essentiel que les poursuites, parfois engagées dans des conditions extrêmement vigoureuses, soient momentanément interrompues dès lors que le dossier est considéré comme recevable par la Banque de France.

Je souhaite également raccourcir les procédures de surendettement et propose de donner plus de pouvoirs aux commissions de surendettement. Ces entités, proches du terrain, sont les mieux placées pour prendre des décisions rapides et pertinentes. Les mesures que nous proposons devraient permettre de raccourcir la durée moyenne de 95 % des procédures de rétablissement personnel, qui passerait d’un an et demi, la durée actuelle, à six mois.

Enfin, l’inscription au FICP peut devenir un handicap en période de stabilisation, en particulier pour l’accès à de nouveaux crédits à la consommation de consommateurs ayant assaini leur situation. Je propose donc de réduire de dix à cinq ans la durée d’inscription au FICP. Cette disposition permettra de faciliter le rebond des personnes ayant connu des difficultés d’endettement.

Les mesures que je viens de présenter constituent un ensemble cohérent et inédit en faveur de la protection des consommateurs et de l’accompagnement des personnes rencontrant des difficultés d’endettement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme pour le cholestérol, il y a du bon et du mauvais crédit ! Ce projet de loi vise à affecter le bon crédit aux bons besoins, et je crois que nous aurions réussi l’exercice si, demain, on ne proposait plus, pour répondre aux besoins de trésorerie d’une entreprise ou financer l’achat d’un véhicule automobile par un particulier, des crédits renouvelables à des taux souvent exorbitants et pour des sommes manifestement excessives au regard des besoins réellement exprimés par les consommateurs.

Monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission spéciale, après avoir rendu hommage aux travaux qu’elle a menés, je tiens à souligner les multiples améliorations au projet de loi que nous devons à la commission spéciale. Je citerai le cas particulier de l’usure.

Ce dispositif, même si nous sommes désormais peu à l’utiliser en Europe, est utile. Il permet d’éviter des taux d’intérêt excessifs et, en l’état actuel, le Gouvernement y est attaché.

Le rapport que j’ai demandé à l’Inspection générale des finances et à l’Inspection générale des affaires sociales est accablant : la segmentation des catégories de crédit à la consommation, créées il y a vingt ans, est aujourd’hui devenue totalement obsolète.

La coexistence de plusieurs catégories de taux au sein du dispositif a entraîné la prédominance, pour les emprunteurs modestes, des crédits renouvelables, pourtant plus coûteux et plus difficiles à gérer. Ces crédits, présentant un risque majeur, assortis d’un taux d’intérêt élevé et sans limitation de montant, sont ainsi proposés à des jeunes souhaitant s’acheter un véhicule ou à de jeunes chefs d’entreprise rencontrant des difficultés en termes de besoin en fonds de roulement. Ce n’est pas l’utilisation à laquelle nous destinons ces crédits renouvelables !

Le Gouvernement souhaite donc corriger ces distorsions en distinguant les catégories, non plus en fonction du type de prêt – prêts renouvelables, d’un côté, et prêts affectés ou prêts personnels, de l’autre –, mais en fonction du montant des crédits accordés et, de fait, des différentes utilisations possibles de ces prêts.

Un taux d’usure serait fixé pour les crédits inférieurs à 3 000 euros, un taux d’usure pour les crédits allant de 3 000 euros à 6 000 euros et un taux d’usure pour les crédits dépassant 6 000 euros.

Cette distinction correspond tout simplement à différents besoins en matière d’emprunt : la première catégorie concerne le financement des besoins de trésorerie et des petits achats d’équipement, la deuxième, le financement d’équipements pour la maison et de petits travaux, et, la dernière, le financement des véhicules automobiles et des travaux immobiliers.

Ce nouveau dispositif devrait permettre de réduire les taux d’usure sur les crédits renouvelables d’un montant supérieur à 3 000 euros. Il devrait par ailleurs lever les freins au développement d’une offre de crédit amortissable, qui est parfois la plus adaptée aux besoins des consommateurs.

C’est pourquoi le Gouvernement soutient la disposition introduite par la commission spéciale du Sénat, qui oblige à la refonte des catégories de crédits à la consommation en fonction du montant des prêts. C’est une excellente proposition !

La commission spéciale a également autorisé le Gouvernement à prendre les mesures transitoires indispensables pour accompagner une modification de ces catégories.

En un sens, la réforme du taux de l’usure permettra de créer les conditions d’un meilleur développement du crédit amortissable. Encore fallait-il pousser les établissements à tirer partie de ce nouvel environnement. C’est ce qu’a fait votre commission en ajoutant au projet de loi une disposition fondamentale : l’obligation de proposer systématiquement, dans les magasins, une alternative au crédit renouvelable dès lors que les crédits excèdent un certain montant et qu’ils ont pour objet exclusif de financer l’achat d’un bien ou d’un service particulier.

La commission spéciale propose, outre le développement du crédit amortissable, une deuxième grande innovation, qui a trait au fichier positif.

Elle a ainsi prévu que le principe de la création d’une centrale des crédits aux particuliers, placée sous la responsabilité de la Banque de France, fasse l’objet d’un rapport au Gouvernement et au Parlement dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi.

Je laisserai au rapporteur ou au président de la commission spéciale le soin de détailler le mécanisme, mais je tiens à dire que nous serons vigilants et que nous aurons à cœur, en particulier, d’évaluer le poids d’un tel dispositif sur la vie privée de nos concitoyens, la nécessité ou non du fichage, ainsi que le temps nécessaire aux investissements et à un éventuel rodage.

Pour autant, il ne faut pas s’imaginer que la mise en place d’un fichier ou la mise à jour complète du FICP, conformément à la recommandation que j’ai faite aux banques et qu’elles sont actuellement en train de suivre, permettront de résoudre tous les cas de surendettement. Pour environ 80 % d’entre eux, ces cas résultent en effet d’accidents de la vie qui n’ont rien à voir avec le crédit à la consommation, celui-ci n’étant alors qu’un facteur aggravant.

Enfin, la commission spéciale a évoqué le concept de microcrédit et les conditions dans lesquelles celui-ci pourrait être développé.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’avez compris, le projet de loi portant réforme du crédit à la consommation répond aux deux objectifs du Gouvernement : plus de responsabilité dans le crédit à la consommation – une responsabilité accrue des établissements prêteurs, une publicité qui ne soit pas biaisée ou qui donne une perspective en trompe-l’œil des mécanismes contractuels dans lesquels s’engagent les intéressés – pour plus de sécurité pour les consommateurs.

Nous voulons rendre le crédit à la consommation responsable en nous débarrassant des quatre points noirs que je viens d’évoquer.

Ce projet de loi répond à un impératif de sécurité des consommateurs. Il est par ailleurs destiné à soutenir le crédit à la consommation, auquel, nous le savons, nos concitoyens sont attachés et qu’ils sont nombreux à utiliser. La consommation joue un rôle moteur pour la croissance de notre économie, et il n’est pas question, dans la période actuelle, de casser un outil qui vise à la soutenir. Ce ne serait opportun ni socialement ni économiquement.

La responsabilité qui nous revient est celle d’un débat guidé par une seule préoccupation : l’intérêt de nos concitoyens, de notre économie et de tous ceux qui attendent de cette réforme que nous n’abîmions pas un outil nécessaire à la consommation, à l’activité, donc à l’emploi. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)