M. le président. L’amendement n° 55, présenté par Mmes Didier, Schurch et Terrade, MM. Danglot, Le Cam et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la première phrase du premier alinéa du I de cet article :

Pour le transport des marchandises, le développement du fret ferré, maritime et fluvial est déclaré d'intérêt général.

La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. L’article 10 dispose : « Pour le transport de marchandises, le développement de l’usage du transport fluvial, ferroviaire et maritime, et plus particulièrement le cabotage, revêt un caractère prioritaire. »

Le Gouvernement se targue d’appliquer les recommandations du Grenelle de l’environnement. Nous proposons, par cet amendement, l’application des conclusions prévues au point 1.2.5 des conclusions du Grenelle de l’environnement. Il y est mentionné sans ambiguïté que le développement du fret ferré, maritime et fluvial est déclaré d’intérêt général et inscrit dans la loi d’orientation sur les transports intérieurs, la LOTI. Nous voulons le concrétiser dans la loi.

Le développement du fret hors routier constitue un intérêt général pour la société française. Et ne nous dites pas que l’intérêt général est une notion vague : il est au cœur du droit public français. Il s’agit bien d’une norme de contrôle permettant de se demander, dans le cas d’espèce, si l’activité de fret non routier est faite pour « l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière » de certains, pour reprendre la formule de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Cette notion d’intérêt général est, il est vrai, fortement liée à celle de service public, qui a structuré notre droit administratif et qui est mise à mal par le dogme du libéralisme économique. Mais, objectivement, qui peut dire ici que le développement des modes de transport émettant le moins de gaz à effet de serre et limitant les points de congestion n’est pas à l’avantage de tous ? N’y a-t-il pas même, dans ce contexte concurrentiel, un objectif d’intérêt général relatif à la protection de l’environnement qu’il faut prendre en compte ?

Mes chers collègues, je vous demande d’acter dans la loi que « le développement du fret ferré, maritime et fluvial est déclaré d’intérêt général ».

M. le président. L’amendement n° 57, présenté par Mmes Didier, Schurch et Terrade, MM. Danglot, Le Cam et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après la première phrase du sixième alinéa du II de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :

Ce trafic est déclaré d'intérêt général.

La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Comme le montrent les discussions au sein de l’Assemblée nationale et les travaux de notre commission, la question du wagon isolé suscite, dans les deux chambres, de nombreuses interrogations. Il s’agit en effet d’une question cruciale, en lien direct avec l’obligation qu’a l’État de favoriser le transfert des marchandises de la route vers le chemin de fer.

J’avais proposé, lors de la première lecture de ce projet de loi, un amendement à l’article 10 selon lequel « la SNCF reste engagée sur le trafic ferroviaire de wagons isolés ». Cet amendement a été retiré à la demande de notre rapporteur, Bruno Sido, qui avait proposé la rédaction qui vous est soumise : « Ce trafic est déclaré d’intérêt général ».

Les deux propositions d’amendements partaient d’un constat réaffirmé à nouveau ce mois-ci par le comité de suivi sur les questions ferroviaires de l’Assemblée nationale. L’état catastrophique du réseau ferroviaire annihile toute initiative privée. La SNCF est aujourd’hui la seule entreprise à conserver une activité pour le trafic de wagons isolés. Ses concurrents préfèrent se concentrer sur des activités plus rentables.

J’avais plaidé pour la reconnaissance d’intérêt général du trafic de wagons isolés. Notre collègue, lui, avait souligné la nécessité de déclarer le trafic de wagons isolés d’intérêt général comme première étape nécessaire, mais non suffisante, pour autoriser l’octroi de subventions au secteur du fret, dans la ligne de la jurisprudence Altmark. Une telle déclaration d’intérêt général permettait de ne pas courir le risque de voir des aides publiques qualifiées d’« aides déguisées de l’État ».

Avec la crise du secteur des transports, on assiste à un abandon du wagon isolé avec un report systématique du trafic ferroviaire vers la route. La décision incompréhensible de suppression par La Poste des TGV postaux – 10 liaisons hebdomadaires supprimées sur 40 ! – conforte cette situation et participe largement à la baisse du trafic ferroviaire de marchandises. Cette baisse de près de 25 % est en contradiction totale avec les orientations du Gouvernement sur le report modal et l’objectif fixé d’augmenter la part modale du routier et du non aérien de 14 % à 25 % à l’échéance 2012.

Lors de cette deuxième lecture, je veux encore une fois attirer votre attention sur la situation particulière du fret ferroviaire, et particulièrement du trafic de wagons isolés.

Comme nous l’avons dit en commission, avec 600 millions d’euros de déficit pour 2009, le fret ferroviaire est structurellement déficitaire, indépendamment de la question de l’organisation du travail dans les entreprises concernées.

Pour réussir, la SNCF doit avoir une réelle volonté de coopération et redimensionner le dispositif de production en vue de le rendre plus performant. C’est la raison pour laquelle elle doit rester engagée sur ces trafics indispensables pour de nombreuses entreprises, car irriguant l’ensemble de notre territoire.

Telle est la condition d’un réel report modal. Or l’entreprise publique ne pourra y parvenir sans le soutien de l’État, qui ne pourra lui-même apporter des aides à cette entreprise en l’absence d’une déclaration d’intérêt général. D’ailleurs, le Conseil national des transports, dans un avis rendu le 28 mai 2007, déclare que la notion d’intérêt général, telle qu’elle ressort de la LOTI, qui ne contredit en rien la législation européenne, est tout à fait appropriée pour lancer de nouvelles actions ou renforcer des actions en cours. Le Conseil évoque notamment les wagons isolés « dans l’attente de leur pleine maturité permettant une régulation économique avec les instruments classiques que sont la réglementation technique et les dispositifs fiscaux ».

Nous devons soutenir cette activité, la rationaliser et l’organiser efficacement, car elle constitue une alternative crédible au transport routier de bout en bout et recèle, à ce titre, un important potentiel de développement. Grâce à celle, nos entreprises locales pourront continuer de vivre. C’est pourquoi je vous propose de reconnaître le caractère d’intérêt général au trafic de wagons isolés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Au risque d’être quelque peu redondant, je répéterai ce que j’ai déjà dit en commission. En effet, ces amendements reviennent sur des sujets qui ont déjà été traités en commission lors de la première lecture, puis de la deuxième. Cela fait beaucoup !

L’amendement n° 55 a déjà été examiné en première lecture. À l’époque, nous avions émis un avis défavorable car, au sein des activités de transport de marchandises par mode ferroviaire, maritime ou fluvial, il existe de nombreux secteurs rentables et qui relèvent, par conséquent, de l’intérêt particulier. Pour cette raison, et pour bien d’autres, la commission émet à nouveau un avis défavorable.

En ce qui concerne l’amendement n° 57 relatif au trafic de wagons isolés, il y aurait beaucoup à dire sur les 600 millions d’euros de pertes directes, auxquelles s’ajoute le coût de l’entretien des voies pour transporter de temps en temps un wagon isolé. La SNCF a estimé qu’en cinq ans ce coût s’est élevé à 5 milliards d’euros.

Pour transporter un wagon de temps en temps, il faut désherber les voies et entretenir leurs rives. Le coût environnemental de cet entretien est très important. L’emploi de locomotives neuves de 900 chevaux pour convoyer un wagon de 60 tonnes a également un coût environnemental très élevé.

Pour toutes ces raisons et pour bien d’autres, que je n’évoquerai pas puisque nous avons déjà eu ce débat en commission – il suffit de reprendre le compte rendu de nos travaux –, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Même avis !

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

M. Daniel Raoul. Ces amendements posent un problème. La déclaration d’intérêt général, indépendamment des arguments qui ont été invoqués, peut laisser la porte ouverte à la subvention d’entreprises privées, ...

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. Tout à fait !

M. Daniel Raoul. ... ce qui est contraire à la directive européenne. Nous en reparlerons d’ailleurs à propos de la loi « tourisme », où un cavalier gouvernemental concernant les équipements sportifs, qui pourraient être déclarés d’intérêt général, semble permettre une aide déguisée de l’État à une entreprise privée. Certains juristes anglo-saxons se sont déjà emparés du sujet.

J’espère que vous n’en prendrez pas ombrage, chers collègues du groupe CRC-SPG, mais cet argument justifie que nous nous abstenions.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 55.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 57.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 58 rectifié, présenté par Mmes Didier, Schurch et Terrade, MM. Danglot, Le Cam et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter le II de cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le Gouvernement présente aussi au Parlement un rapport relatif à l'évaluation de la libéralisation du fret ferroviaire qui mesure l'impact en termes d'emploi et de qualité de service ainsi que les conséquences en matière de continuité du réseau ferroviaire, tant sur le plan national que régional et de report modal.

La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Je vous propose de prévoir une évaluation des incidences de la libéralisation du secteur du fret ferroviaire du point de vue tant de l’emploi que de la qualité du service et de la continuité du réseau.

Vous nous avez dit, lors de l’examen de ce texte, que vous étiez défavorable à l’élaboration de nouveaux rapports, la documentation sur le fret ferroviaire étant suffisamment abondante. Certes, notre commission a proposé, lors de sa séance du 24 juin, de constituer un groupe de travail pour faire le bilan du transport par wagon isolé et par poids lourds. Mais ce que nous demandons ici, c’est non pas un rapport constatant la situation du fret, mais une évaluation du point de vue de l’emploi, de la qualité et de la continuité du réseau, et ce pour deux raisons.

D’abord, il est nécessaire que les politiques de libéralisation soient évaluées pour mettre au jour leurs conséquences sur le maillage territorial, la continuité du service public et la sécurité.

Les différents incidents qui ont impliqué ces derniers mois des trains affrétés par des compagnies privées, et l’accident de fret survenu à la fin du mois de mai dernier entre un train tracté par la SNCF et un autre tracté par une entreprise privée, Euro Cargo Rail, doivent nous interpeller. Cet accident, qui s’est produit en Charente, a entraîné d’importantes perturbations pour des milliers de passagers et a mis en cause la sécurité du transport ferroviaire.

Ces accidents sont-ils liés à des failles de sécurité dues à la présence d’opérateurs privés ? Qu’en sera-t-il si les lignes à grande vitesse sont ouvertes au fret ferroviaire, ou si l’on introduit la mixité d’usage des rames ? L’exemple de la libéralisation du transport ferroviaire en Grande-Bretagne n’est pas très rassurant.

Ensuite, quelle est la pertinence de l’argument de la libéralisation du fret ferroviaire pour augmenter la part modale du fret non routier et non aérien de 25 % d’ici à 2012, alors que la part de ce secteur ne cesse de diminuer malgré l’ouverture à la concurrence en 2006 ? Il ne faut par perdre de vue que les 8 % à 10 % de trafic que l’on estime récupérés par les nouveaux entrants ne sont, en fait, que des trafics abandonnés par Fret SNCF, ou gagnés dans le cadre d’appels d’offres où la variable d’ajustement porte presque exclusivement sur les charges de personnels.

Il faut donc savoir si la libéralisation de ce secteur est compatible avec les objectifs fixés en matière de politique des transports multimodale et intégrée, et si elle conduit effectivement à une amélioration de l’accessibilité multimodale des territoires, de la desserte des agglomérations enclavées, ainsi que de l’emploi et des conditions de travail dans le secteur ferroviaire.

Voilà tout l’intérêt de ce rapport sur la libéralisation du fret ferroviaire, objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement, bien que rectifié, a déjà été étudié en commission ; sa nouvelle rédaction n’en change pas le fond.

Je rappelle que la Commission européenne doit publier très prochainement un rapport sur cette question. L’amendement est par conséquent satisfait, même si ce n’est pas le Gouvernement qui produira ce document.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. Madame Schurch, l’amendement est-il maintenu ?

Mme Mireille Schurch. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.

M. Michel Teston. Voilà quelques années, la Commission européenne a adopté un règlement ouvrant le fret à la concurrence, ce qui était censé se traduire par une augmentation significative du trafic et une meilleure irrigation de l’ensemble du territoire européen.

Or, aujourd'hui, nous constatons que toutes les entreprises de fret sont en difficulté, plus ou moins grandes, à commencer par la SNCF. Je signale que Veolia Transport a annoncé, il y a quelques semaines, son intention de vendre son activité fret, tant en France qu’en Allemagne. Quant à la filiale de la Deutsche Bahn, Euro Cargo Rail, elle ne se précipite pas pour acquérir cette activité au prix élevé souhaité par Veolia Transport.

Il me paraît logique d’avoir une évaluation sur les conséquences de l’ouverture du fret à la concurrence. La question du wagon isolé est posée ; certains vont même jusqu’à demander qu’elle fasse l’objet d’un traitement spécifique eu égard à la place que tient le wagon isolé pour alimenter l’ensemble du trafic fret.

J’abonde tout à fait dans le sens de nos collègues du groupe CRC-SPG.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 58 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 59, présenté par Mmes Didier, Schurch et Terrade, MM. Danglot, Le Cam et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

I. - Après la première phrase du quatrième alinéa du V de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :

L'État étudiera, également, l'opportunité de créer un pôle public des transports, commun à toutes les infrastructures modales.

II. - En conséquence, dans la seconde phrase du même alinéa, remplacer le mot :

deux

par le mot :

trois

La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Aujourd’hui, on constate que la gestion des entreprises publiques, leur mode de fonctionnement, leur stratégie de croissance sont plutôt alignés sur le modèle capitaliste.

Il faudrait mettre fin à cette concurrence destructrice entre les entreprises publiques et créer, au contraire, les conditions de la mise en commun de leurs potentiels pour en faire l’instrument privilégié d’une gestion démocratique avec de réels pouvoirs pour les élus, les salariés et les usagers.

Le pôle public du transport serait fondé sur un objectif central : concrétiser le droit au transport pour tous. Il porterait un modèle d’entreprise qui offrirait une réelle alternative aux collectivités locales. II permettrait la promotion des critères de gestion fondés sur la coopération inter-entreprises, en lieu et place de la stricte concurrence.

Je propose donc, par cet amendement, que l’État étudie l’opportunité de créer un tel pôle qui rassemblerait les autorités organisatrices des transports et les entreprises de transports dans un espace de coopération au service de l’intérêt général.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Il n’aura échappé à personne que le ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer a fait l’objet d’une profonde réorganisation, laquelle se répercute sur les attributions ministérielles. Il suffit de regarder le nombre de ministres et de secrétaires d’État aujourd’hui présents au banc du Gouvernement pour se convaincre de l’ampleur des modifications qui sont intervenues. Il va de soi que les directions ont également été restructurées.

La demande de ma collègue est largement satisfaite par la réorganisation qui a eu lieu au sein du ministère. J’émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable sur l’amendement n° 59.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 61, présenté par Mmes Didier, Schurch et Terrade, MM. Danglot, Le Cam et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter le dernier alinéa du V de cet article par une phrase ainsi rédigée :

La réalisation des infrastructures fluviales pourra faire l'objet d'une loi de programmation servant de base au schéma national des infrastructures de transport en matière de réseau fluvial.

La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Dans le cadre du Grenelle de l’environnement, le Président de la République a annoncé un plan d’investissement dans les liaisons fluviales qui retirera des routes un million de camions d’ici à 2020. Ce plan devrait être mentionné dans une loi de programme. Nous souhaitons son introduction dans le Grenelle I. En effet, le transport fluvial reste aujourd’hui marginal à l’échelle nationale. Sa part modale, qui se situe entre 2 % et 3 %, est inférieure à la moyenne européenne, qui est de l’ordre de 6 %. Cette part est même de 13 % en Belgique, de 14 % en Allemagne et de 47 % en Hollande, ce qui ne nous étonnera pas.

Pourtant, le réseau fluvial français est le plus long d’Europe. Mais il souffre de divers handicaps, notamment de l’absence de liaisons à grand gabarit entre ses principaux bassins. Plusieurs décennies seront nécessaires pour réaliser les infrastructures qui permettront de surmonter ces handicaps.

Je pense, notamment, à la réalisation des interfaces entre le maritime et le fluvial, puisque la moitié du trafic fluvial est générée par les ports maritimes.

L’objet de mon amendement est donc d’ouvrir la possibilité, à terme, d’élaborer une loi de programmation servant de base au schéma national des infrastructures de transport en matière de réseau fluvial.

M. Paul Blanc. La liaison Rhin-Rhône ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Le schéma national des infrastructures de transports est prévu pour la fin 2009. Vous le savez, la réalisation des infrastructures fluviales prend un temps considérable : on parle encore des liaisons Saône-Moselle et Saône-Rhin, qui sont à l’ordre du jour depuis au moins une vingtaine d’années !

Par conséquent, il nous semble irréaliste de vouloir rédiger en trois mois, compte tenu des vacances d’été, un schéma national pour les infrastructures fluviales.

La commission est donc défavorable à l’amendement n° 61.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 62, présenté par Mmes Didier, Schurch et Terrade, MM. Danglot, Le Cam et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter la deuxième phrase du deuxième alinéa du VI de cet article par les mots :

alternatives à la route

La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Cet amendement, qui précise que l’éco-taxe a pour objet de financer les projets d’infrastructures de transports alternatives à la route, résulte des engagements nos 45 et 47 du Grenelle de l’environnement concernant les mécanismes incitatifs.

Ces deux engagements mentionnaient clairement une affectation du produit de l’éco-redevance à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, pour le financement des projets de transports peu émissifs, ainsi qu’aux collectivités territoriales.

L’exigence minimale est donc de prévoir que le produit de l’éco-taxe finance des infrastructures alternatives à la route. Cela n’interdit nullement à I’AFITF de financer des travaux autoroutiers pour lutter contre les congestions autoroutières puisque les ressources de l’agence ne sont pas uniquement constituées du produit de l’éco-taxe : les redevances domaniales des sociétés concessionnaires d’autoroutes, la taxe d’aménagement du territoire et les amendes forfaitaires des radars automatiques, soit environ 1 milliard d’euros par an, peuvent également être mobilisés à cette fin.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Je vais parler sous l’autorité du président de l’AFITF, ici présent.

Cette agence a des ressources affectées, ce qui est une bonne chose. Je rappellerai celles dont elle bénéficiait en 2008 pour montrer à quel point notre collègue est riche : il pourra financer de nombreux projets ! (Sourires.)

L’AFITF reçoit de l’État, au titre des produits de cession des sociétés concessionnaires, 1,2 milliard d'euros. La taxe d’aménagement du territoire lui rapporte 0,5 milliard d'euros. Les redevances domaniales s’élèvent à 200 millions d'euros. Enfin, le produit des amendes radar représente 200 millions d'euros.

Je ne souhaite pas que ces ressources fléchées vers l’AFITF soient elles-mêmes affectées à certains types de projets. Sinon, cette agence n’aurait plus lieu d’être !

Le régime actuel du budget de l’agence est satisfaisant dans la mesure où il permet d’éviter deux principes abstraits et, me semble-t-il, dépourvus de pragmatisme : la route doit financer exclusivement la route ; elle doit financer uniquement des modes alternatifs.

Il nous faut promouvoir le message du Grenelle de l’environnement sans diaboliser le développement des infrastructures de transports routiers.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 91, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Supprimer la dernière phrase du troisième alinéa du VI de cet article.

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Cet amendement vise à supprimer une disposition introduisant un aménagement de la taxe routière en fonction de l’éloignement des territoires.

Cet aménagement de la taxe – vers le bas, chacun l’aura compris ! – fait obstacle à deux principes.

Il s’agit, d’abord, du principe d’égalité devant l’impôt et d’unité territoriale. Nous estimons que la taxe kilométrique poids lourds a vocation à s’appliquer de manière uniforme sur l’ensemble des territoires. Cela permet de garantir l’égale contribution de ces territoires au paiement des coûts d’infrastructures engendrés par le transport routier.

Il s’agit, ensuite, de la sécurité juridique. Je vous rends attentifs au fait que l’alinéa concerné est en contradiction avec le dispositif du nouvel article 269 du code des douanes, modifié par la loi de finances pour 2009 : « Par exception, les taux kilométriques sont minorés de 25 % pour les départements métropolitains classés dans le décile le plus défavorisé selon leur périphéricité au sein de l’espace européen, appréciée au regard de leur éloignement des grandes unités urbaines européennes de plus d’un million d’habitants.

« Un décret de la Communauté européenne doit fixer la liste de ces départements. »

Qu’un groupe de pression, en l’occurrence celui du transport routier, essaie, à chaque instant, de raboter les taxes qui pourraient le gêner me met mal à l’aise. Cela fait partie des coups de rabot que j’ai évoqués au cours de la discussion générale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Je sais bien qu’il est d’usage, en France, d’assortir toute règle de dérogations. Il arrive même que l’on commence par décliner les dérogations avant d’établir la règle !

Á titre personnel, je partage l’hostilité des auteurs de cet amendement à la multiplication des dérogations et abattements à la taxe poids lourds, car il ne faut pas créer d’usine à gaz. Mais je suis aussi pragmatique que vous, et je constate que les dérogations accordées sont limitées et justifiées par l’éloignement du centre économique européen.

Je ne suis donc pas contre le principe des dérogations dès lors que celles-ci reposent sur des raisons concrètes et claires.

Nous sommes arrivés à un bon compromis avec la généralisation de la taxe et un abattement limité à deux régions périphériques : la Bretagne et l’Auvergne.

Aussi, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 91.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.

Mme Odette Herviaux. Mon collègue ne m’en voudra pas de dire que même les idées les plus belles et les objectifs les plus nobles ont leurs limites. Et ces limites ont été très bien prises en compte par le texte.

Á l’égalité de traitement, je préfère l’équité entre les territoires. Cela revient à prendre en compte ceux qui ont le plus de difficultés en raison de handicaps, qu’ils soient naturels ou de périphérie. Il faut faire en sorte de compenser ces handicaps pour tous les secteurs de l’économie.

Un point mérite d’être souligné : dans notre région, ce n’est pas le lobby des transporteurs qui s’est mobilisé ; c’est l’ensemble des filières économiques.

La filière bois-forêt m’a fait part d’une réalisation. Dans un lycée professionnel, des jeunes ont construit un banc à trois places sur lequel il est impossible de s’asseoir seul ; il est conçu de telle sorte que trois personnes doivent occuper les trois places : la première symbolise le développement économique, la deuxième représente la dimension sociale, la troisième est réservée à l’environnement.

À ce point du débat, nous sommes au cœur de cette problématique. Le souci du pragmatisme ne doit pas faire perdre de vue la notion d’équilibre : il faut respecter la particularité des territoires et ne pas compromettre leur développement économique en créant des handicaps supplémentaires. Sinon, on porte atteinte au développement durable !