M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, me voilà élevé à une fonction quelque peu plus solennelle : celle de rapporteur général de la commission des affaires sociales, notamment pour la loi de financement de la sécurité sociale ! Je ne peux que m’en réjouir. (M. Jean-Jacques Jégou s’exclame.)

Les propos que je vous tiendrai ne vont cependant pas changer au motif que j’ai été élevé à ce rang ! (Exclamations sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.) Cela en décevra peut-être certains, cela en surprendra éventuellement d’autres, mais mes observations seront en effet de même nature que celles que j’ai pu formuler les années précédentes. Mon propos sera peut-être seulement un peu plus solennel.

Je tiens ici à remercier publiquement M. le président du Sénat d’avoir, avec la réforme du règlement du Sénat, permis à la commission des affaires sociales de démontrer, par son action et par son suivi des finances sociales, que la commission des finances n’a pas le monopole de la rigueur dans la gestion des dépenses et des recettes. S’agissant des dépenses prévues par la loi de financement de la sécurité sociale, les membres de la commission des affaires sociales sont animés du même souci de rigueur et d’analyse que les membres de la commission des finances lorsqu’ils examinent le projet de loi de finances.

M. Dominique Braye. C’est le cas dans toutes les commissions !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cela dit, mes chers collègues, je voudrais vous rappeler que nous espérions encore, voilà moins d’un an, un retour à l’équilibre des comptes sociaux en 2012. Malheureusement, comme l’ont indiqué tout à l’heure la nouvelle présidente de la commission des affaires sociales, Mme Dini, et M. Woerth, dans son propos liminaire, le déficit atteindra fort probablement un montant de 20 milliards d’euros à la fin de l’année 2009, si ce chiffre n’est pas dépassé en raison de l’évolution de la conjoncture et de la situation économique, de la situation de nos entreprises et de l’éventuelle progression du chômage.

Cela n’augure guère d’un avenir réjouissant puisque la probabilité de voir le déficit de l’année 2010 atteindre le montant de 30 milliards d’euros est forte.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le déficit cumulé des années 2009 et 2010 pourrait donc atteindre 50 milliards d’euros. Comme M. le ministre l’a rappelé tout à l’heure, si aucune réforme structurelle n’est engagée, le déficit cumulé des comptes sociaux pourrait ainsi s’élever à 80 milliards d’euros, montant inédit qui fait froid dans le dos.

Bien sûr, la dégradation massive des comptes sociaux résulte, cette année – M. le ministre des comptes publics l’a rappelé tout à l’heure –, des effets de la crise économique. Cela dit, il faut bien reconnaître que, si la sécurité sociale avait affronté cette crise sans le handicap considérable d’un déficit structurel de 10 milliards d’euros, elle aurait pu y faire face dans des conditions tout à fait différentes de celles que nous allons connaître. Le retard que nous avons pris dans l’engagement de réformes structurelles, dont chacun sait depuis longtemps qu’elles sont absolument indispensables, pourrait être payé fort cher dans le contexte de la récession actuelle.

Il faut, mes chers collègues, prendre dès à présent conscience de la chose suivante : le retour de la croissance au niveau antérieur à la crise permettra seulement de stabiliser le déficit à son niveau d’après-crise, soit, peut-être, 30 milliards d’euros. Or, si la sécurité sociale a pu supporter, depuis 2003, des déficits annuels de l’ordre de 10 milliards d’euros au prix d’un accroissement important de la dette sociale, elle ne résistera pas à plusieurs années d’un déficit qui se stabiliserait à 30 milliards d’euros.

Sans vouloir aucunement dramatiser les enjeux, je crois que la situation actuelle menace la pérennité de notre système de protection sociale et que nous devons agir avec vigueur, sans attendre et sans croire que le retour de la croissance arrangera tout.

Mme la présidente de la commission des affaires sociales ayant détaillé tout à l’heure la situation des comptes, je n’y reviendrai pas. Qu’il me soit cependant permis, monsieur le ministre, d’insister sur la nécessité d’une présentation par le Gouvernement, lors de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale, d’hypothèses économiques réalistes. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 était effectivement caduque dès son adoption ! Il vous a fallu corriger un certain nombre d’éléments au cours de son examen pour essayer de vous rapprocher de la réalité de la situation !

Sur la base des prévisions inscrites dans cette loi, nous avons transféré des ressources de CSG du FSV vers la CADES, pour permettre à cette dernière de faire face à une nouvelle reprise de dette. Le résultat, c’est que le FSV, qui avait renoué avec les excédents, sera en déficit de plus de 2 milliards d’euros cette année.

De même, M. Fillon, alors ministre des affaires sociales, avait pris le pari que nous pourrions transférer des cotisations chômage vers les cotisations vieillesse pour un montant non négligeable de l’ordre de 10 milliards d’euros, selon les estimations de l’époque. La crise étant passée par là, cette mesure n’a pu être mise en œuvre.

Nous aurions peut-être intérêt à nous inspirer de certains pays qui construisent leur budget sur des hypothèses économiques pessimistes pour être sûrs de les atteindre, voire de les dépasser.

Quoi qu’il en soit, deux dangers, parmi ceux que comporte la situation actuelle, me paraissent devoir être particulièrement soulignés.

Il y a, tout d’abord, un risque de découragement de tous les acteurs de notre système de protection sociale : « pourquoi s’acharner à rechercher des économies de 50 ou 100 millions d’euros quand les déficits atteignent de telles profondeurs ? », peuvent-ils se dire. Certains peuvent légitimement se demander si nous connaîtrons un jour de nouveau l’équilibre des comptes sociaux.

La dette est bien sûr le deuxième danger qui nous guette, car – je ne vous apprends rien – le déficit d’aujourd’hui est la dette de demain. Jusqu’à présent, contrairement à la dette de l’État, la dette sociale est restée à des montants d’un niveau relativement maîtrisé et en rapport avec les ressources affectées à son remboursement. En principe, à ce jour, la dette sociale devrait être entièrement éteinte en 2021, c’est-à-dire dans douze ans. Qu’adviendra-t-il cependant si les comptes sociaux demeurent plusieurs années dans les zones de déficit vers lesquelles nous nous dirigeons ? D’ores et déjà, la question est posée : dans quelles conditions la dette sociale résultant de la crise en cours, qui pourrait atteindre 50 milliards d’euros à la fin de l’année 2010 alors même que la CADES vient à peine de reprendre une dette de 27 milliards d’euros, sera-t-elle portée ?

Voilà peu, monsieur le ministre, vous avez indiqué que les décisions relatives à une éventuelle reprise de dette n’interviendront pas dans l’immédiat et que l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, aura les moyens de faire face, en 2009 et en 2010, aux besoins découlant des déficits.

Cette situation, vous le savez, ne sera cependant pas tenable très longtemps.

En effet, l’ACOSS a deux sources principales de financement : d’une part, la Caisse des dépôts et consignations, la CDC ; d’autre part, l’émission de billets de trésorerie. L’ACOSS et la CDC mettent actuellement la dernière main à un avenant à la convention qui les lie depuis 2006, dont il résulterait notamment que la CDC ne s’engagerait à prêter à l’ACOSS, à des conditions prédéterminées, qu’à hauteur de 25 milliards d’euros et qu’elle ne pourrait en tout état de cause prêter plus de 31 milliards d’euros.

En ce qui concerne les billets de trésorerie, les émissions de l’ACOSS sont actuellement plafonnées à 11,5 milliards d’euros ; mais, en réalité, l’ACOSS, lorsqu’elle a recouru aux billets de trésorerie, n’a jamais dépassé le montant de 5 milliards d’euros. Parfois, l’État lui-même achète des billets de trésorerie. Nous pouvons aujourd'hui nous poser la question suivante : l’État le fera-t-il à nouveau et, le cas échéant, à quelle hauteur ? Je serais heureux que M. le ministre puisse nous répondre sur ce point.

Pour faire face aux déficits, le plafond des ressources non permanentes de l’ACOSS a été fixé pour 2009 à 18,9 milliards d’euros par le Parlement, plafond que vous allez relever par décret de près de 10 milliards d’euros, monsieur le ministre. Jusqu’à ce montant, l’ACOSS devrait pouvoir se financer sans trop de difficultés. En revanche, l’année prochaine, si aucune reprise de dette n’est intervenue, l’ACOSS risque de devoir faire face à un besoin de trésorerie compris entre 50 et 60 milliards d’euros. Les 25 à 31 milliards de la Caisse des dépôts et consignations n’y suffiront pas, même si vous y ajoutez les 11,5 milliards de billets de trésorerie.

Quelles solutions le Gouvernement envisage-t-il donc pour faire face à cette situation ? L’État ou d’autres entités publiques pourraient-ils se porter acquéreurs de billets de trésorerie ? Nous serions heureux de le savoir, M. Jégou n’étant pas le moins intéressé par votre réponse, monsieur le ministre. (M. Jean-Jacques Jégou acquiesce.)

En tout état de cause, il est essentiel d’affirmer clairement l’engagement de l’État à l’égard de l’ACOSS pour éviter que la crédibilité de celle-ci ne soit remise en cause sur les marchés.

Quoi qu’il en soit, il faudra bien trouver une solution pérenne pour porter cette nouvelle dette. Il existe, à mon sens, trois possibilités : premièrement, la reprise de la dette par l’État, idée dont j’ai cru comprendre que le Gouvernement l’avait abandonnée ; deuxièmement, la création d’une caisse chargée de porter la dette de crise, idée dont j’ai également cru comprendre qu’elle était abandonnée ; troisièmement, la reprise de la dette par la CADES, idée à laquelle le Gouvernement, ne souhaitant ni allonger la durée de vie de la CADES ni, dans l’immédiat, augmenter les prélèvements obligatoires, ne semble pour l’instant pas favorable.

J’admets que toutes ces solutions ont des inconvénients ou entraînent des difficultés.

La reprise de la dette par l’État mettrait fin au principe très sain du cantonnement de la dette sociale, et je n’y suis donc moi-même pas très favorable. Le transfert à la CADES pose, pour sa part, le problème des ressources et de l’augmentation de la durée de vie de la caisse.

Comme vous le savez, le législateur organique a décidé en 2005 qu’aucune reprise de dette ne pourra plus être effectuée sans que soit accordée à la CADES la ressource nécessaire. Or nous avons vu les résultats du transfert, l’an dernier, de 0,2 point de CSG au FSV : ce dernier se retrouve dans la situation que j’évoquais tout à l’heure.

Si vous ne voulez pas augmenter la durée de vie de la CADES, il n’est d’autre solution que d’augmenter les ressources. Or la caisse doit achever sa mission en 2021, soit dans douze ans.

Il faut savoir – peut-être M. Jégou en dira-t-il quelques mots tout à l’heure – que, comme M. Patrice Ract Madoux, président du conseil d’administration de la CADES, l’a confirmé devant le comité de surveillance de celle-ci et lors d’un entretien que j’ai eu avec lui, plus on approche de l’échéance de 2021, plus les transferts de dette vont nécessiter la fourniture de recettes importantes.

Par exemple, si nous transférons 50 milliards d’euros de dette au début de l’année 2011, cela impliquera de fournir 0,425 point de CRDS à la CADES, ce qui représenterait quasiment le doublement de la contribution actuelle. Plus on attendra, plus le coût de la reprise sera élevé, dans la mesure où nous voulons respecter l’échéance de 2021.

Dans ces conditions, je me demande si nous pourrons éviter un débat sur une éventuelle prolongation de la durée de vie de la CADES ; mais le risque serait alors très grand d’abandonner toute perspective d’extinction de la dette et de reporter celle-ci sur les générations futures, ce que nous avons toujours voulu éviter, et ce qu’a également voulu éviter le législateur organique en prenant la disposition que j’ai rappelée voilà quelques instants. J’ai cru comprendre, monsieur le ministre, que tel était aussi votre état d’esprit. Or, reporter l’extinction de la dette à 2030, à 2040 ou à 2050, c’est bien faire porter le poids de la dépense sur nos petits-enfants et à nos arrière-petits-enfants.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, face à cette situation sans précédent, que pouvons-nous faire ? La priorité me semble être de comprendre que nous devons agir tout de suite, qu’il s’agisse d’accroître les recettes ou de maîtriser les dépenses. Tout ce que nous ne ferons pas maintenant coûtera plus cher ultérieurement.

La priorité des priorités est aujourd’hui de préserver et d’accroître les ressources de la sécurité sociale – j’ai cru comprendre que le Gouvernement partageait cet état d’esprit –, qui devront, après la crise, être plus dynamiques que les dépenses.

Cela passe, d’une part, par une meilleure évaluation des dispositifs d’exonération de charges, qui devront être compensés à l’euro près, ce qui n’est pas le cas pour le moment.

Mais il faut surtout, d’autre part, accroître l’assiette des cotisations en remettant en cause ou en limitant, dans toute la mesure du possible, les niches sociales, qui mitent les recettes de la sécurité sociale. Comme vous l’avez rappelé tout à l’heure, monsieur le ministre, la perte de recettes potentielles représentée par ces mécanismes est estimée à 9,4 milliards d’euros. Ce chiffre, même s’il doit être relativisé – les employeurs procéderaient sans doute à des arbitrages différents si les sommes concernées étaient soumises aux cotisations sociales –, montre qu’il est possible d’agir dans le sens d’un encadrement de ces dispositifs. Quelques progrès ont déjà été faits avec la taxation des stock-options ou la création du forfait social de 2 %, idée dont Mme Dini a rappelé tout à l’heure qu’elle avait été émise par le Sénat et que le Gouvernement n’y avait tout d’abord pas été favorable, jusqu’à ce que M. le député Yves Bur dépose un amendement à une loi de financement de la sécurité sociale ; le Gouvernement, reprenant cet amendement à son compte, a alors finalement considéré que l’idée émise par le Sénat un an plus tôt n’était pas si mauvaise et qu’il y avait lieu de la mettre en œuvre. Ne désespérons donc jamais d’être suivis dans nos propositions, mes chers collègues, même si cela prend et fait perdre un peu de temps : il n’est jamais trop tard pour bien faire !

Nous pourrons donc aller plus loin. Plusieurs pistes devront être explorées, que je suggère à M. le ministre : l’élargissement de l’assiette du forfait social, le relèvement du taux de ce forfait, le relèvement du taux spécifique applicable aux attributions de stock-options et d’actions gratuites, la remise à plat de la taxation des indemnités de rupture, la taxation des retraites chapeau. Voilà toute une série de recettes potentielles de nature à améliorer la situation de nos comptes sociaux !

Cette remise en cause de certains mécanismes devra aussi s’accompagner du respect des nouvelles règles fixées par la loi de programmation des finances publiques, selon laquelle une création ou une extension de niche fiscale ou sociale doit être compensée par la suppression ou la diminution d’une autre de ces niches.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Or, pas plus tard que la semaine dernière, monsieur le ministre, le Gouvernement a créé une nouvelle niche sociale en faisant voter l’extension des chèques-vacances. Ce n’est pas le meilleur moyen, à mon avis, de parvenir à une meilleure maîtrise de l’évolution des niches sociales ! Dès lors, où allez-vous trouver des ressources nouvelles pour permettre cette compensation ?

Il y a les droits sur le tabac ou sur l’alcool. Il ne serait pas choquant de taxer davantage les alcools forts.

Une autre piste que nous avions avancée voilà quelques années mais que le Gouvernement n’a pas voulu prendre en considération est la taxation des produits gras ou sucrés. Il me paraîtrait opportun d’y réfléchir de nouveau.

De même, alors qu’une réflexion est en cours sur la création d’une contribution climat-énergie, ne serait-il pas légitime qu’une partie du produit de cette « taxe carbone » revienne à l’assurance maladie, compte tenu des conséquences néfastes des pollutions sur la santé ? Je ne pense pas que nous allons nous disputer avec la commission des finances pour le partage de cette recette, mais je considère qu’une telle disposition serait légitime dans la mesure où cette taxe a pour objet de ramener à la raison certains consommateurs.

Enfin, il conviendrait à mon avis d’engager une réflexion sur la CSG, pour laquelle coexistent aujourd’hui quatre barèmes, tandis que certains éléments d’assiette sont exonérés. Il y a là une marge d’harmonisation qui permettrait d’accroître les recettes de la sécurité sociale.

J’en terminerai par les réformes indispensables.

La première, dont on a beaucoup parlé ces dernières semaines, est celle des retraites. Le rendez-vous de 2008 a été largement manqué, monsieur le ministre. Souhaitons que celui de 2010 ne le soit pas.

Certes, des efforts significatifs ont été accomplis sur l’emploi des seniors et sur la solidarité envers les personnes aux revenus les plus modestes. Cependant, le dossier de la pénibilité est bloqué ; il n’a pas été abordé, pas plus que ne l’a été la question de la compensation de la hausse des cotisations vieillesse par la baisse des cotisations chômage.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que les besoins de financement de la branche vieillesse vont continuer à s’accroître rapidement. En 1960, le France comptait quatre cotisants pour un retraité ; aujourd’hui, le rapport s’établit à 1,43.

Dans ces conditions, le rendez-vous de 2010 ne doit pas être l’occasion de reporter les réformes structurelles à 2012. Il devra déboucher sur une véritable réforme, et je laisse le soin à Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse, d’en dire quelques mots tout à l'heure.

Le report de l’âge légal du départ à la retraite, qui est évoqué comme l’une des pistes possibles, impliquerait un changement profond de mentalité dans notre pays sur la question de l’emploi des seniors.

Il faut en outre avoir à l’esprit que l’augmentation de l’âge de la retraite n’est pas la panacée. Elle ne comblera pas à elle seule les besoins de financement des régimes de retraite. Nous devons donc réfléchir à une réforme globale.

Monsieur le ministre, il serait heureux également que vous nous éclairiez sur l’évolution du régime de retraite des exploitants agricoles, aucune solution pérenne n’ayant accompagné la suppression du Fonds de financement des prestations sociales agricoles, le FFIPSA. Si nous avons réglé le problème concernant le volet de la branche maladie, nous ne l’avons pas fait pour le volet des retraites. Vous avez annoncé qu’il le serait dans le cadre du PLFSS pour 2010. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

J’en viens à la maîtrise des dépenses de santé. On le sait, ces dépenses ont naturellement tendance à croître plus vite que la richesse nationale. Il faudra faire preuve, me semble-t-il, de plus de volontarisme pour contenir les dépenses, notamment en améliorant l’efficacité du système et en utilisant toutes les marges de manœuvre existantes.

Comme je le disais tout à l’heure, les niveaux de déficit que nous allons connaître cette année risquent de provoquer une certaine démobilisation chez les différents acteurs. Les propositions que vient de présenter la CNAM sont utiles, mais à mon avis insuffisantes.

En matière d’efficacité de la gestion hospitalière, il reste des marges de manœuvre importantes, des gisements de productivité dont la mobilisation ne remettrait pas en cause la qualité des soins dispensés.

Lors de l’examen du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, défendu avec ténacité par Mme Bachelot, nous avons créé les agences régionales de santé, ou ARS, alors présentées comme les solutions miraculeuses devant permettre de maîtriser les dépenses de santé tant en ville qu’en milieu hospitalier. J’ose espérer que les résultats seront au rendez-vous. Les agences régionales de l’hospitalisation, pour leur part, n’ont pas démontré leur pertinence dans la maîtrise des dépenses de santé à l’hôpital, des rapports assez édifiants ayant d’ailleurs été publiés sur le sujet. Je souhaite donc que les ARS permettent d’obtenir le résultat escompté.

Enfin, j’espère que Mme Bachelot avancera sur la question de la convergence tarifaire, qui est au point mort. On nous dit que des études complémentaires restent à faire. Je souhaite qu’elles fassent l’objet d’un calendrier précis et que nous puissions aller réellement vers la convergence tarifaire.

Tels sont, mes chers collègues, les quelques éléments que je voulais soumettre à votre réflexion. Il y aurait encore beaucoup à dire, mais le PLFSS sera à mon avis l’occasion pour nous d’aller encore un peu plus loin quant aux solutions à retenir afin de préserver l’avenir de notre régime de protection sociale. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

(M. Roland du Luart remplace M. Roger Romani au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la culture.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur quelques points qui préoccupent la commission de la culture, de l’éducation et de la communication dans la perspective de la préparation du projet de loi de finances pour 2010.

Ces points concernent des dépenses inéluctables. Je crains de ne pas être tout à fait dans l’esprit qui nous rassemble aujourd'hui mais, monsieur le ministre, soyez rassuré, je ne dispose que de cinq minutes ! (Sourires.)

Le premier point dont je voudrais parler concerne notre politique culturelle extérieure, aujourd’hui illisible, profondément handicapée par la multiplicité de ses opérateurs et par l’absence d’un pilotage stratégique clair.

Dans un rapport d’information commun aux commissions de la culture et des affaires étrangères, adopté à l’unanimité de tous les groupes politiques – cela mérite d’être souligné –, nous avons formulé dix propositions opérationnelles afin de réunir les conditions d’un sursaut de notre diplomatie culturelle.

Un document budgétaire transversal regroupant l’ensemble des crédits consacrés à l’action culturelle extérieure nous semble indispensable pour garantir la lisibilité et la cohérence de la dépense publique dans ce domaine.

De plus, la création d’un opérateur unique en charge de la coopération culturelle et linguistique permettrait de sanctuariser les moyens de notre réseau au sein d’une ligne budgétaire clairement identifiée et d’éviter ainsi que cette action ne serve trop systématiquement de variable d’ajustement.

Compte tenu des baisses sans précédent des crédits de l’action culturelle extérieure, notre réseau culturel, d'ailleurs réuni aujourd'hui à Paris, est en profonde restructuration, navigue à vue et se trouve en proie à une démobilisation préoccupante.

Alors que nos partenaires et concurrents britanniques, allemands, espagnols et chinois, malgré la crise, augmentent fortement les moyens consacrés à leurs établissements culturels à l’étranger, n’est-il pas étonnant que notre pays restreigne aussi sévèrement les financements consentis à sa diplomatie culturelle ? Il vient un moment où les diminutions de crédits sont totalement contreproductives puisque les dépenses restantes n’ont plus aucune efficacité.

L’ouverture de 40 millions d’euros de crédits annoncée au début de l’année 2009 demeure très insuffisante au regard des défis qui se posent et ne devrait pas permettre de couvrir les baisses de crédits programmées pour les deux prochaines années.

Dans ces conditions, nous estimons que la réforme annoncée par le ministre des affaires étrangères en mars 2009 sera compromise si aucun effort budgétaire substantiel n’est consenti.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n’est pas possible ! Il n’y a pas d’argent !

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Le deuxième point sur lequel je souhaite attirer votre attention est la situation de l’enseignement agricole.

L’an dernier, à la suite de négociations longues, parfois tendues mais finalement fructueuses, nous étions parvenus à nous entendre sur une augmentation de 38 millions d’euros des crédits du programme 143.

Mais ce geste s’est malheureusement révélé insuffisant. Contrairement à ce qu’espérait le Sénat, ces 38 millions d’euros ne comprenaient aucun crédit de personnel et ne s’accompagnaient d’aucun emploi. Aussi, si la situation de l’enseignement privé ne pouvait que s’améliorer, celle de l’enseignement public, largement concerné par ces suppressions d’emploi, s’est dégradée dans de fortes proportions.

Il a fallu que s’engage un mouvement d’ampleur dans les lycées agricoles publics pour que chacun finisse par prendre la mesure du problème. Avec votre accord, le ministre de l’agriculture et de la pêche a finalement rétabli 132 postes en équivalent temps plein et ouvert une enveloppe de 90 000 heures supplémentaires, ce qui devrait permettre d’apaiser la tension qui montait dans les établissements publics.

J’attire cependant votre attention sur le point suivant : les acquis du budget 2009 tel qu’il s’exécute aujourd’hui constituent une forme d’étiage pour l’enseignement agricole. Toute suppression d’emploi supplémentaire dans l’enseignement public et toute aggravation des reports de charge dans l’enseignement privé ne pourraient que déclencher à court terme l’apparition de nouveaux problèmes.

À l’évidence, cela n’est pas souhaitable, car l’enseignement agricole, s’il ne jouit pas toujours de la considération qu’il mérite à l’échelon national, fait l’unanimité dans nos régions en raison de son efficacité. C’est de l’argent bien dépensé ! Tous ceux qui l’approchent ont pu constater qu’il fait merveille en matière de « remédiation » et qu’il parvient à assurer à l’immense majorité de ses élèves une insertion professionnelle durable. N’est-ce pas une nécessité du moment ?

Le troisième point concerne l’entretien de notre patrimoine monumental. Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que les engagements pris dans le cadre du plan de relance de le doter d’une enveloppe supplémentaire de 100 millions d’euros seront poursuivis en 2010 ?

Nous sommes par ailleurs préoccupés par le financement de l’archéologie préventive.

Depuis la loi de 2001 qui lui a donné une base légale, de fortes tensions se sont fait jour, nées des exigences parfois contradictoires du développement économique local et de la recherche scientifique, et qui font à intervalles réguliers l’objet de débats au sein de notre assemblée.

Le dispositif expérimental de « contrats d’opération » que nous avons voté en janvier ne vaut que pour la part concurrentielle de l’activité de l’Institut national de recherches et d’applications pédagogiques, l’INRAP, c’est-à-dire pour les fouilles ; mais il ne résout pas la question des délais d’intervention pour les diagnostics, qui trouvent leur origine dans la faiblesse du rendement de la redevance d’archéologie préventive.

Ce rendement conditionne le niveau des moyens que l’INRAP et les services agréés de collectivités territoriales peuvent consacrer aux diagnostics, mais aussi la capacité à mutualiser le coût des fouilles à travers le Fonds national d’archéologie préventive, le FNAP, au profit de certains aménageurs, et, enfin, l’activité de recherche et de diffusion de l’INRAP, qui constitue la finalité même de ses travaux.

Certes, le Parlement a déjà décidé, dans le cadre de la loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, une hausse progressive des taux de la redevance pour un montant total estimé à 20 millions d’euros en année pleine 2010. Par ailleurs, une subvention exceptionnelle de 20 millions d'euros a été allouée en 2009 à l’INRAP. Mais la subvention versée par le ministère de la culture et de la communication sera supprimée en 2010, et la subvention exceptionnelle du plan de relance n’a évidemment pas vocation à être reconduite.

Dans ce contexte, l’archéologie préventive devra faire face l’an prochain à une diminution de ses moyens d’origine publique de plus de 15 millions d’euros, alors que ses besoins de financement resteront très soutenus.

Afin de sortir de façon définitive de ce débat, nous devons réfléchir à la mise en place d’un dispositif de financement à même de garantir de manière pérenne le bon déroulement des opérations d’archéologie préventive, sans doute à travers une réforme en profondeur de l’assiette de la redevance d’archéologie préventive. La réforme envisagée de la taxe locale d’équipement devrait en être l’occasion. J’insiste sur ce point, car ces problèmes d’archéologie préventive sont un obstacle à la réalisation de certains travaux, même décidés dans le cadre du plan de relance.

Je souhaiterais enfin évoquer des questions touchant au secteur de l’audiovisuel.

S’agissant du service public, nous avons adopté l’an dernier des dispositions garantissant un financement pérenne à France Télévisions à hauteur de 450 millions d’euros. Or selon certains échos, ces sommes n’auraient pas encore été versées faute de réponse de la Commission européenne sur cette aide. Qu’en est-il exactement, monsieur le ministre ?

Quant au secteur privé, la commission de la culture tient à vous faire part de sa préoccupation. Nous avions voté des taxes visant, en quelque sorte, à compenser « l’effet d’aubaine » dont les chaînes privées auraient pu bénéficier du fait de la suppression de la publicité sur le service public. Or la situation du marché publicitaire s’est effondrée, comme leur chiffre d’affaires. Il serait opportun de procéder aux adaptations nécessaires dans la prochaine loi de finances. Je vous rappelle l’attachement de la commission de la culture à un secteur audiovisuel équilibré.

Telles sont, monsieur le ministre, les quelques pistes que je soumets à votre réflexion au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)