Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Monsieur Teston, la France a déjà obtenu – nous y avons contribué tous les deux – que l’ouverture totale à la concurrence du secteur postal soit repoussée de deux ans. Il n’est plus raisonnable de suspendre encore l’entrée en vigueur d’une mesure dont le principe a été accepté par notre pays il y a plus de dix ans.

Je vous rappelle que nous évoquerons les questions liées à cette directive dans le cadre du titre II. Comme je l’ai déjà indiqué tout à l’heure, il me semblerait plus judicieux de rouvrir la discussion de certains amendements portant articles additionnels avant l’article 1er au moment de la discussion des articles auxquels ils se rattachent. Nous pourrons à ce moment-là avoir un débat qui nous permette de trouver des compromis sur des questions essentielles. Je vous demande donc de retirer votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. Je partage l’avis de M. le rapporteur. Cette série d’amendements n’est pas inintéressante, loin s’en faut. Mais, en toute logique et pour conserver au texte sa cohérence, nous devrions en débattre lorsque les articles auxquels ils se réfèrent viendront en discussion.

Sur la directive, dois-je rappeler que le processus a été engagé avec la première directive du 18 décembre 1997 pour s’achever avec la troisième directive de février 2008. La France s’est battue pour obtenir le report de deux ans de l’entrée en vigueur de cette directive, qui interviendra non plus au 1er janvier 2009, mais au 1er janvier 2011.

Monsieur Teston, à mon tour, je vous demande de retirer votre amendement pour que nous revenions sur ce débat au moment où la transcription de la directive en droit français sera évoquée.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Madame la présidente, l’amendement de M. Teston est très intéressant même s’il est à mon sens mal rédigé parce qu’il ne répond pas à l’objectif poursuivi.

M. Teston, et il a raison, nous a montré que les directives doivent être appliquées conformément aux décisions de la Cour de justice de l’Union européenne. Or, ce n’est pas ce qui est dit.

C’est la raison pour laquelle, je propose de rectifier l’amendement en le rédigeant ainsi : « Les directives postales de 1997, 2002 et 2008 s’appliquent sous réserve des décisions contraires de la Cour de justice des Communautés européenne ». Là, c’est beaucoup plus clair. Cela signifie que la partie des directives qui contrevient aux décisions de la Cour n’est pas opposable à la France.

Un tel dispositif serait préférable à un moratoire qui n’est qu’une suspension provisoire et n’ôte pas l’illégalité.

M. Christian Estrosi a évoqué le calendrier il y a un instant et le fait que la France a obtenu qu’on repousse l’entrée en vigueur de la directive. « Encore une minute, monsieur le bourreau », disait Mme du Barry, mais elle a tout de même fini par y laisser la vie ! Je voudrais qu’il m’indique avec précision quels sont les articles de son texte qui permettent à La Poste de faire ce que les arrêts cités par M. Teston permettent de faire au regard des traités. J’ai beau regarder son texte, je n’en ai pas trouvé.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.

M. Michel Teston. L’argumentation de Michel Charasse n’est pas inintéressante. Cela étant, la formulation qu’il retient conduit à donner à la France le pouvoir de décider seule de ne pas appliquer un certain nombre de directives européennes. Ce n’est pas la meilleure façon de traiter la question. Il vaut mieux, me semble-t-il, se retrancher derrière les décisions de la Cour de justice des Communautés européennes pour demander, dans le contexte économique difficile actuel, un moratoire avec l’aide d’autres États européens.

Nous pourrons alors engager à nouveau une vraie négociation. Entre nous, maintenir le secteur réservé qui ne représente plus qu’un peu moins de 30 % de l’ensemble de l’activité du courrier et du colis ne paraît pas anormal. Je préfère donc la solution que nous avons retenue, tout en respectant celle de Michel Charasse, qui présente tout de même, à mon sens, d’extrêmes difficultés d’application.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. J’ai bien noté que M. Teston n’était pas favorable à la demande de rectification de son amendement.

Je réitère ma proposition de renvoyer le débat au bon moment, c’est-à-dire lors de la discussion du titre II relatif à la transposition de la directive européenne. Nous solliciterons l’avis du Gouvernement qui, en fonction de ce qui a été dit, peut peut-être envisager d’examiner, avec la commission, une rédaction qui serait acceptable pour résoudre le problème de principe posé par M. Teston.

Mes chers collègues, je vous rappelle tout de même, à toutes fins utiles, que la France ne pourrait décider seule et de sa propre initiative de suspendre la mise en œuvre d’un accord décidé au niveau communautaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. J’ai bien écouté M. Teston, mais je me rends à l’argument de forme du rapporteur. Puisqu’il y a en quelque sorte une clause de revoyure au titre II, qui comporte des dispositions relatives à l’application par la France des directives dont nous parlons, je reprendrai mon argumentation à ce moment.

Par conséquent, je retire ma demande de rectification mais je persiste à penser qu’il faut bien qu’apparaissent dans la loi, à un moment où à un autre, les décisions de la Cour de justice qui sont favorables à nos thèses et au maintien du service public. Or, pour le moment, cela n’y est pas.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Nous sommes dans une situation nouvelle quelque peu particulière, qui peut justifier le maintien du secteur réservé. La crise dans laquelle nous sommes plongés devrait nous amener à nous interroger plus avant sur les conséquences de nos décisions.

Par ailleurs, comme le rappelait ma collègue Évelyne Didier tout à l’heure, la situation des autres pays européens apporte la démonstration d’une attente différente de leur part en termes de mise en œuvre des directives européennes sur le service postal s’agissant de la mise en concurrence.

Ces deux arguments doivent être entendus. Je rappelle qu’un tel débat a cours aujourd'hui en Angleterre et qu’on assiste à des actions des postiers.

Je le répète, la possibilité de prolonger, voire de maintenir à terme, un secteur réservé doit être fermement débattue.

J’ai lu d’ailleurs que certains pays européens regrettaient que la France n’ait pas sollicité un nouveau report de l’entrée en vigueur de la directive.

Monsieur le rapporteur, vous nous avez invités tout à l’heure à regarder l’article 17 concernant les prix. Après l’avoir relu, je peux vous dire que je n’y ai pas trouvé de réponse à nos interrogations. Je cherche chaque fois à me référer à vos arguments, mais ils se révèlent bien légers.

Cet amendement conforte donc notre proposition précédente, qui visait à demander la renégociation des directives européennes.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. J’ai entendu les propositions de M. le rapporteur et celles de M. le ministre. Je leur pose donc la question très clairement afin que leur réponse figure au compte rendu intégral : peuvent-ils s’engager à ce que nous réexaminions cet amendement au titre II ?

Si oui, mais seulement à cette condition, j’accepterai de retirer mon amendement pour le représenter lorsque nous aborderons la suppression du secteur réservé, c’est-à-dire au titre II du projet de loi. Mais j’aimerais être sûr que l’on ne nous opposera pas le délai limite pour le dépôt des amendements.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Non, il suffit que vous rectifiiez votre amendement pour l’affecter à l’article concerné du projet de loi : quoi qu’il arrive, nous l’examinerons.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Estrosi, ministre. Monsieur Teston, je vous confirme que le Gouvernement est favorable au réexamen de votre amendement rectifié. À cette occasion, nous examinerons également la proposition de M. Charasse.

Monsieur Charasse, vous m’avez interrogé tout à l’heure. Qu’il me soit permis de vous préciser que les arrêts auxquels vous faisiez référence ont été rendus antérieurement à la troisième directive postale.

M. Michel Charasse. C’est l’application du traité !

M. Christian Estrosi, ministre. Certes, mais ce sont des arrêts qui ont été rendus avant la troisième directive.

Mme la présidente. Que décidez-vous, monsieur Teston ?

M. Michel Teston. Je rectifie l’amendement n° 354.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 354 rectifié, qui viendra en discussion lors de l’examen du titre II.

L'amendement n° 369, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les réseaux postaux ont une dimension territoriale et sociale importante qui permet l'accès universel à des services locaux essentiels.

La parole est à M. Jean-Claude Frécon.

M. Jean-Claude Frécon. La troisième directive postale, dont ce projet de loi transpose certaines dispositions, a au moins le mérite de rappeler, dans son exposé des motifs : « Les réseaux postaux ont une dimension territoriale et sociale importante qui permet l’accès universel à des services locaux essentiels. »

Toutes les grandes associations françaises d’élus locaux avaient estimé nécessaire de rappeler, en juin 2007, à la veille de la première lecture de la troisième directive au Parlement européen, que « les services postaux, de par leur maillage territorial, constituent un service public essentiel pour la vitalité des territoires et un véritable vecteur de cohésion sociale ».

Les élus locaux ont également insisté sur le caractère impératif du maintien de ce service public « sur l’ensemble du territoire national, y compris dans les zones rurales éloignées et les quartiers urbains sensibles ». Ils ont également ajouté que « le rôle crucial des services postaux justifie de prendre le temps de mieux considérer les conséquences et les moyens de l’ouverture totale à la concurrence ».

Le rapport de Markus Ferber, adopté par la commission des transports et du tourisme du Parlement européen le 18 juin 2007, estimait qu’il convenait de garantir que l’accès aux services postaux ne se détériore pas – le mot a son importance – dans les régions rurales et périphériques et que la libéralisation ne mette pas en péril la cohésion territoriale.

Or l’ouverture totale à la concurrence du service postal menace la cohésion sociale et territoriale, même si elle est garantie dans le traité.

D’ailleurs, il y a quelque temps, notre collègue Hubert Haenel, qui est absent aujourd’hui, sans doute pour de bonnes raisons, affirmait, dans un rapport sur les services d’intérêt général en Europe, que « les forces du marché » mettent en danger la cohésion. Il ajoutait : « Ces mécanismes présentent parfois leurs limites et peuvent risquer d’exclure une partie de la population des bénéfices qui peuvent en être retirés et de ne pas permettre la promotion de la cohésion sociale et territoriale. L’autorité publique doit alors veiller à la prise en compte de l’intérêt général. »

L’amendement que nous proposons a pour objet de rappeler la dimension territoriale et sociale permettant l’accès universel à des services postaux essentiels.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Claude Frécon. Je voudrais m’adresser à tous mes collègues, sur quelque travée qu’ils siègent.

Depuis trois jours, nous entendons chacun dire qu’il est pour la dimension territoriale et sociale du service postal. C’est aussi ce que nous disons tous dans nos départements. Dès lors, pourquoi ne pas réaffirmer totalement ce principe en le faisant figurer en chapeau du projet de loi ? Ainsi, la France montrerait son unité vis-à-vis de son service postal.

Pour éviter toute ambiguïté, je rappelle que le texte de cet amendement n’a pas été réécrit par nous. Il n’est que l’exacte transcription, mot pour mot, de l’exposé des motifs de la directive européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Une fois encore, mon cher collègue, cet amendement rappelle des principes qui figurent déjà sous une forme plus précise aux articles 2 et 6 de la loi du 2 juillet 1990, modifiée en 2005, aux articles 2 et 2 bis du présent texte adopté par la commission et, enfin, à l’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques.

Ainsi, l’article 2 dispose-t-il que les missions de service public sont : « La contribution, par son réseau de points de contact, à l’aménagement et au développement du territoire dans les conditions fixées à l’article 6 de la présente loi ; ».

L’article 2 bis, quant à lui, dispose : « Ce réseau compte au moins 17 000 points de contact répartis sur le territoire français en tenant compte des spécificités de celui-ci. »

Nous aurons donc l’occasion de reparler de cette question au moment de l’examen de l’article 2, notamment.

Il m’appartient cependant de vous dire, à vous qui connaissez bien le sujet, à la fois pour avoir présidé la commission des communes et territoires ruraux de l’AMF pendant un certain nombre d’années et en tant que membre de la commission supérieure du service public des postes et communications électroniques, que ce qui figure à la fois dans la loi de 1990, modifiée en 2005, dans le présent projet de loi tel qu’il ressort de nos travaux en commission et dans l’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques est de nature à apaiser vos craintes.

Il me semble que votre amendement est redondant. Je vous invite donc à le retirer.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. Je suis d’accord avec M. le rapporteur. Je ne reprendrai donc pas toutes ses explications.

Monsieur Frécon, vous souhaitez ajouter les mots : « Les réseaux postaux ont une dimension territoriale et sociale importante qui permet l’accès universel à des services locaux essentiels ». Or cette phrase figure précisément à l’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques. En outre, les quatre grandes missions de service public en matière d’aménagement du territoire sont précisées à l’article 2 du projet de loi.

Je veux bien que l’on réfléchisse à la possibilité de faire un copier-coller de l’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques, mais pas à cet endroit du texte, sinon cela l’alourdirait et n’aurait aucun sens.

Mme la présidente. Monsieur Frécon, l’amendement n° 369 est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Frécon. Je m’attendais, monsieur le rapporteur, à ce que vous me fassiez une réponse similaire à celle que vous avez donnée à M. Teston et que vous estimiez que ce débat devrait avoir lieu dans le cadre de l’examen de l’article 2.

Je vous ai entendu dire, monsieur le ministre, qu’il n’est même pas besoin d’inscrire cette disposition dans le projet de loi, puisqu’elle figure déjà dans le code des postes et des communications électroniques.

Ce n’est pourtant pas à vous que je vais apprendre la différence entre un code, qui est une affaire interne à la France, et une loi, qui, tout en étant une affaire interne à la France, peut permettre de faire évoluer le système sur le plan européen. C’est pourquoi je crois que cette phrase doit être mise en exergue dans le présent projet de loi afin d’avoir plus de poids vis-à-vis de l’Europe.

Tout à l’heure, M. Mercier nous a incités, en commençant ce débat, à trouver des points qui nous rassemblent. Je pense que ce que nous proposons ici ne heurte personne et que c’est un bon moyen de trouver un consensus dans notre assemblée. C’est important pour le service public de La Poste, qui nous préoccupe tous au plus haut point.

Par conséquent, soit je maintiens cet amendement, soit, si M. le rapporteur en est d’accord, je le rectifie ainsi qu’il en a été fait pour l’amendement n° 354.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Monsieur Frécon, vous pensez bien que je ne vais pas me contredire en quelques minutes. Je vous répète donc ce que j’ai dit tout à l’heure : il serait plus judicieux d’examiner de tels amendements portant articles additionnels avant l’article 1er dans le cadre d’autres articles.

Je serais donc plutôt favorable à la seconde option.

M. Jean-Claude Frécon. Dans ces conditions, j’accepte de rectifier mon amendement pour qu’il soit discuté à l’article 2.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n ° 369 rectifié, qui viendra en discussion ultérieurement.

L'amendement n° 424, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Tout changement de statut de La Poste doit faire l'objet d'un référendum.

La parole est à M. Didier Guillaume.

M. Didier Guillaume. Monsieur le ministre, nos craintes demeurant les mêmes, cet amendement a de nouveau pour objet le référendum.

Nous sommes conscients que ce texte n’est pas un projet de privatisation : nous l’avons toujours affirmé. Nous craignons cependant qu’avec le changement juridique et le passage du statut d’EPIC à celui de société anonyme, la porte soit grande ouverte à une possible privatisation.

Parce que nous souhaitons tous défendre le service public, notamment le service public postal, il nous paraît opportun de faire valider ce changement par le peuple souverain. Un référendum devrait pouvoir sanctionner une telle décision de changement de statut de La Poste.

Mes chers collègues, je ne remets pas en cause votre position, quel que soit le groupe auquel vous apparteniez ; je suis convaincu que vous êtes tous favorables au maintien du statut public de La Poste.

M. Hervé Maurey. C’est bien !

M. Didier Guillaume. Nous avons toujours défendu ce point de vue, monsieur Maurey.

Simplement, pour conforter cette position, pourquoi ne souhaiteriez-vous pas, comme nous, que le statut d’EPIC soit conservé à La Poste ? Cela ferait obstacle à sa privatisation et garantirait son maintien dans le domaine public.

Tel est le sens exact de nos propos. Et le débat qui a eu lieu hier soir avec nos collègues MM. Gélard et Teston a bien montré la possibilité de financer les dépenses de fonctionnement d’un EPIC. (Marques de contestation sur les travées de l’UMP.)

D’ailleurs, si le fonctionnement de La Poste s’améliorait, peut-être les fonds propres en seraient-ils renforcés et permettraient-ils de financer les investissements.

C’est la raison pour laquelle nous proposons à nouveau, à travers cet amendement n° 424, qu’un référendum ait lieu à l’occasion de chaque changement de statut de La Poste.

Le peuple est souverain, et son avis serait profitable à la majorité comme à l’opposition, car les Français sont majoritairement favorables au maintien du statut public de La Poste. Nous y serions tous gagnants, à moins qu’il n’y ait une arrière-pensée derrière tout cela…

Loin de moi l’idée de faire un procès d’intention ! Mais il est vrai que, après la transformation de l’EPIC en société anonyme à capitaux entièrement publics, il serait envisageable que la part de l’État ne soit plus que de 50 %, puis de 40 %, ce qui aboutirait à la privatisation de La Poste. C’est ce résultat que nous souhaitons prévenir.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Vraiment, monsieur Guillaume, j’ai l’impression d’avoir été absent ce matin, ou alors je n’ai rien compris ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

En effet, nous avons eu ce matin tout le temps nécessaire pour débattre de la motion référendaire. Celle-ci a fait l’objet d’un vote. J’ai du mal à comprendre qu’on revienne sur cette question : la modernisation de La Poste est urgente, et le recours au référendum ne peut que retarder les échéances en l’absence de solutions alternatives à la transformation en société anonyme. Nous n’allons pas ouvrir de nouveau ce débat par le biais d’amendements !

J’émets donc un avis défavorable. C’est une question de logique, de bon sens ; il y va du bon fonctionnement de notre institution ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. Madame la présidente, je vais m’adresser à la Haute Assemblée avec une certaine fermeté.

Il n’est pas concevable de faire, hier, un certain nombre de rappels au règlement pour demander que la discussion sur le fond des articles ne commence qu’après la discussion de la motion référendaire et de revenir aujourd’hui sur cette question.

En effet, le président du Sénat, en accord avec l’ensemble des présidents de groupes, a décidé qu’après examen de la motion référendaire, si celle-ci venait à être rejetée, nous débattrions sur le fond du texte. Évidemment, si elle avait été adoptée, nous ne serions plus là pour discuter de l’avenir de La Poste !

Nous venons d’examiner un certain nombre d’amendements dont les dispositions justifiaient un échange entre les membres de la Haute Assemblée. Toutefois, dès lors que l’on commence à présenter un amendement du type de celui-ci, les soupçons que j’exposais ce matin à cette tribune, en répondant aux intervenants sur la motion référendaire, se trouvent confirmés !

À l’évidence, il y a ici une volonté clairement affichée de faire de l’obstruction au débat qui doit s’engager sur la modernisation de La Poste. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Les Français, comme les postiers, doivent être éclairés.

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. On va les éclairer !

M. Christian Estrosi, ministre. Un certain nombre de membres de la Haute Assemblée, en défendant des amendements n’ayant plus lieu d’être puisque le Sénat s’est prononcé de manière souveraine sur la motion référendaire, font clairement obstruction au débat parlementaire ! (Applaudissements sur les travées de lUMP  – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Roland Courteau. C’est une provocation !

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. La manœuvre n’est guère discrète. Avec M. Estrosi, au moins, on sait où l’on va ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.) Il vient, à mots couverts, de nous annoncer son intention d’utiliser d’autres méthodes pour brider le Parlement !

Le Gouvernement ne peut pas jouer sur tous les tableaux. On nous a expliqué ce matin qu’un référendum n’était pas nécessaire dans la mesure où le Parlement allait prendre le temps de discuter en profondeur les éléments du texte. On nous a même remerciés d’avoir déposé autant d’amendements, preuve que le Parlement allait prendre son temps dans un débat précis, concret, technique !

Maintenant, on nous fait savoir, de façon très appuyée, que ce débat est stérile et sans fondement, et l’on prend à témoin l’opinion publique pour nous accuser d’obstruction…

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Oui !

M. David Assouline. … et passer en force !

M. Roland Courteau. C’est ça !

M. David Assouline. Nous allons faire preuve de vigilance et de patience et voir quelles sont les intentions du Gouvernement et de la Commission.

Monsieur le ministre, sachez que, malgré des moments d’emportement ici et là, le débat est très approfondi et apprécié par ceux qui l’écoutent ou le regardent.

Nous ne laisserons pas le Gouvernement initier une nouvelle étape et nous saurons la dénoncer par tous les moyens ! Nous aussi, nous savons parler à l’opinion publique ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, vous paraissez avoir des difficultés à appréhender la forte attente qui existe dans le pays. Je souhaiterais en donner des exemples précis, dont vous n’avez probablement pas connaissance.

Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Nous connaissons aussi bien que vous les communes rurales !

Mme Marie-France Beaufils. La consultation a eu lieu dans de nombreuses communes, qui ne sont pas nécessairement dirigées par des élus de gauche.

Roquefort-des-Corbières, petit village en plein développement démographique situé dans l’arrondissement de Narbonne et le canton de Sigean, par exemple, a organisé la votation citoyenne le 3 octobre 2009. Cette commune compte officiellement 736 électeurs inscrits, dont 336 se sont exprimés lors des élections européennes et 208 ont participé à la votation citoyenne du 3 octobre. Parmi eux, 45 ont voté « oui » à la privatisation, tandis que 162 se sont prononcés négativement. Rien ne justifie donc que l’on refuse ce référendum.

J’attire également votre attention sur le fait que le maire de Roquefort-des-Corbières, M. Christian Théron, est également conseiller général UMP du canton de Sigean.

On pourrait aussi évoquer Gimont, dans le département du Gers (Marques d’impatience sur les travées de lUMP.), qui compte plus de 2 800 habitants. Le maire de Gimont, M. Pierre Duffaut, a approuvé l’organisation, dans sa commune, de la votation citoyenne qui a mobilisé, dans ce chef-lieu de canton, près de 570 habitants. M. Duffaut est de sensibilité divers droite, tandis que le conseiller général du canton de Gimont, M. Aymeri de Montesquiou, siège sur les bancs de cette assemblée.

On ne peut donc pas affirmer que seules des communes dirigées par des élus de gauche ont estimé nécessaire de consulter la population !

Pour notre part, nous n’avons pas peur de ce référendum. Nous souhaitons que les électeurs soient consultés sur l’avenir d’un service public qui revêt une telle importance dans la vie quotidienne des Français. Il arrive que, dans nos communes, le seul contact humain de certains foyers, soit, une ou deux fois par semaine, celui du facteur !

Or, c’est cette dernière part de l’activité de La Poste qui sera soumise à la concurrence. Elle mérite donc aujourd’hui toute notre attention. Les dispositions de cet amendement entrent tout à fait dans le cadre du débat qui nous occupe.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume.

M. Didier Guillaume. Avec tout le respect que j’ai pour M. Estrosi et les membres du Gouvernement, il me semble que ce n’est pas le rôle d’un ministre que de décider si tel amendement déposé par un sénateur de la majorité ou de l’opposition doit être défendu !

M. Christian Estrosi, ministre. Certes, mais c’est mon rôle de juger.

M. Didier Guillaume. Le Gouvernement ne peut pas nous empêcher de défendre cet amendement sous prétexte que le débat a eu lieu hier. Je rappelle, en outre, que ces amendements ont été déposés bien avant que la motion référendaire ne soit elle-même déposée, débattue et votée !