M. Michel Teston. Nous avons bien entendu les conclusions de la conférence des présidents sur l’organisation de nos travaux en cette fin de semaine et, au nom de notre groupe, je tiens à élever une vive protestation contre ces propositions.

En effet, on nous demande de travailler non pas seulement le samedi, mais aussi le dimanche ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et comment aller à la messe, alors ? (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Les sénateurs ont-ils peur de travailler plus ?

M. Michel Teston. Je le rappelle, nous siégeons en session non pas extraordinaire, mais ordinaire, et dans ce cadre nous travaillons en principe du mardi au jeudi !

Cette semaine, nous avons commencé nos travaux dès le lundi après-midi, et cela uniquement parce que le chef de l’État en avait décidé ainsi : il fallait que le Parlement, et d'abord le Sénat, examine en urgence ce projet de loi et qu’il le fasse en une semaine, quand deux au moins seraient nécessaires !

M. Michel Teston. Monsieur le président, je tiens donc à protester énergiquement contre ces propositions et je souhaite que le Sénat puisse se prononcer à leur sujet. J’espère que, à cette occasion, il s’en trouvera certains parmi vous, chers collègues de la majorité, pour les rejeter.

M. Paul Blanc. Il ne faut pas rêver ! (Rires sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, nous vous demandons, nous aussi, de soumettre au vote de notre assemblée les conclusions de la conférence des présidents.

En effet, nous ne pouvons admettre que cette instance se soit ainsi soumise aux directives du Gouvernement et du chef de l’État.

M. Martial Bourquin. C’est incroyable !

M. Didier Guillaume. Et insupportable !

M. Guy Fischer. De toute évidence, on précipite le travail parlementaire : je le rappelle, aux termes des conclusions qui sont soumises à notre approbation, toutes les séances commenceront à quatorze heures trente, ce qui signifie que l’on cherche à « optimiser » la semaine parlementaire. On abolit en outre les week-ends : deux sont déjà « préemptés », l’un pour terminer l’examen du texte relatif à La Poste, l’autre pour, théoriquement, poursuivre et achever la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Et ensuite viendra le budget !

Plus largement, on bafoue tous les règlements, la session extraordinaire devenant le droit commun. Si nous acceptons cette évolution, nous travaillerons du lundi au vendredi en temps normal et, dans les périodes où il y aura avalanche de textes gouvernementaux, ce sera du lundi au dimanche soir !

Non seulement on prévoit de débattre du texte relatif à La Poste jusqu’à dimanche soir, mais nos travaux reprendront dès lundi matin pour entamer l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce qui est tout à fait anormal !

Mes chers collègues, il faut que le vent de la révolte et de la résistance souffle dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. François Trucy et M. Paul Blanc. Installez une éolienne ! (Rires sur les travées de lUMP.)

M. Guy Fischer. Nous devons dire non !

Monsieur le président, nous vous demandons donc formellement de soumettre les conclusions de la conférence des présidents à l’approbation de notre assemblée. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Monsieur le président, vous pouvez comprendre la réaction de nos collègues face à l’énoncé des conclusions de la conférence des présidents. C’est à se demander si cette instance, dans sa composition, représente des sénateurs élus du terrain ! Je me pose des questions…

Depuis l’entrée en vigueur de la réforme constitutionnelle, nous avons même eu des séances de nuit en commission, ce qui ne s’était jamais vu, j’en prends à témoin M. le président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. (M. Jean-Paul Emorine, président de ladite commission, acquiesce.)

Mes chers collègues, si vous dressez le bilan des textes examinés depuis le mois de mai dernier, avec notamment le Grenelle I et le Grenelle II, et si vous pensez à tous ceux qui sont annoncés et dont les thématiques concernent cette même commission, vous constaterez que notre régime de travail est franchement insupportable pour des élus qui, comme nous, ont vocation à représenter des territoires !

Je reviens sur la décision de nous faire siéger samedi et dimanche, qu’a déjà évoquée notre collègue Guy Fischer.

M. Gérard Longuet. Vous voulez les 35 heures ?... (Rires sur les travées de lUMP.)

M. Daniel Raoul. Je n’oublie pas que l’extension du travail dominical a été rendue possible sous la pression ultralibérale de M. Hervé Maurey, ici présent, et de M. Yves Pozzo di Borgo, entre autres. Et je n’oublie pas non plus que Mme Isabelle Debré, alors rapporteur de la loi de modernisation de l’économie, a pris l’initiative de proposer l’ouverture des magasins d’ameublement le dimanche.

Mme Odette Terrade. En plein mois de juillet !

M. Daniel Raoul. Mais comment voulez-vous que nous nous rendions dans les magasins le dimanche si nous sommes ici ? (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On va faire chuter la consommation !

Un sénateur socialiste. Et la messe ?

M. Bruno Sido. On peut y aller le samedi soir !

M. Daniel Raoul. La messe, c’est autre chose ! Vous pouvez encore y aller en raison de la souplesse de l’ordo – pour ceux qui connaissent ce genre de manuels –, qui dispense de la messe le dimanche si l’on assiste à celle du samedi soir. Mais les vêpres ? Et le salut du Saint Sacrement ? Vous reniez toutes vos valeurs ! (Sourires.)

M. Daniel Raoul. Plus sérieusement, le régime auquel vous nous soumettez est inacceptable.

Comment travailler quand on ne nous laisse pas un instant de répit et qu’on nous empêche d’étudier nos dossiers de manière à débattre de manière réellement pertinente ?

J’ajoute que, si nous sommes réduits à subir ce régime-là, c’est aussi parce que la majorité est incapable d’assurer sa majorité numérique dans l’hémicycle ! Nous l’avons constaté hier : une mise aux voix par scrutin public a été nécessaire pour chaque amendement tendant à insérer un article additionnel avant l'article 1er. Combien de temps ont pris ces votes sur le temps global consacré à l’examen de ces amendements ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cinq minutes pour chaque scrutin public !

M. Guy Fischer. Ils nous font perdre un temps considérable !

M. Daniel Raoul. Tout cela n’est pas seulement dû à un manque de disponibilité de la majorité ; c’est sans doute aussi le signe d’un manque d’implication. En fait, vous soutenez ce projet de loi comme la corde soutient le pendu !

Tirons-en les conséquences, monsieur le président. Il faut revoir les conclusions de la conférence des présidents. Je ne peux pas croire qu’elles émanent de gens qui ont été élus sur le terrain !

M. Bernard Vera. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.

M. Didier Guillaume. Comme beaucoup de mes collègues, je trouve les propositions de la conférence des présidents complètement absurdes.

L’été dernier, M. Karoutchi, qui était alors secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement – il est aujourd'hui ambassadeur –, s’exprimant au nom du Président de la République, déclarait que les Français, qui ne disposent que de cinq semaines de congés par an, ne comprendraient pas que les parlementaires aient trois mois de vacances et que, pour cette raison, nous allions être appelés à siéger aux mois de juillet et de septembre. Ces propos, d’un populisme affligeant, témoignaient du plus profond mépris à l’égard du Parlement.

Mes chers collègues, considérons objectivement ce que sont notre engagement et notre rôle. Certes, en tant que parlementaires, nous sommes appelés à siéger à l'Assemblée nationale ou au Sénat, mais notre mandat ne se limite pas à cela. Il faut également tenir compte du travail de réflexion mené avec nos équipes et, évidemment, du travail sur le terrain. Quelle valeur accorder à une démocratie dans laquelle les parlementaires seraient « hors sol », siégeant sans cesse sous les ors de la République,...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sous les ordres !

M. Didier Guillaume. ... sans jamais se confronter à la population, sans rendre des comptes sur leur mandat, sans entendre ce qu’ont à leur dire leurs concitoyens ?

Je le dis sans ambages, les propositions de la conférence des présidents ne tiennent pas debout ! Si j’ai bien compris, dans les semaines qui viennent, le Sénat siégera sans discontinuer, y compris les samedis et dimanches. Ce n’est pas acceptable ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

C'est la raison pour laquelle, comme l’a réclamé Guy Fischer, nous devons nous prononcer par un vote sur les propositions de la conférence des présidents.

M. Didier Guillaume. Il faut que nous puissions dire haut et fort que cela n’est pas tolérable.

M. Jean Bizet. Cela fait déjà un quart d’heure de perdu !

M. Didier Guillaume. Pour autant, mes chers collègues, si nous devons siéger samedi et dimanche, soyez rassurés, nous serons présents et nous nourrirons le débat ! (Exclamations ironiques sur les travées de lUMP.)

M. Christian Estrosi, ministre. Quel bonheur ! Vive le travail le dimanche !

M. Didier Guillaume. Je veux revenir un instant sur l’engagement de la majorité. J’ai entendu hier la fabuleuse démonstration du président du groupe UMP, Gérard Longuet. Mais, si un scrutin public est systématiquement nécessaire parce que vous n’êtes pas mobilisés sur un texte que vous jugez peut-être accessoire, vous allez « pourrir la semaine » du Gouvernement et vous serez responsables de ce temps perdu !

Revenons sur terre ! Michel Teston l’a souligné avec force hier et avant-hier, la discussion du texte sur La ¨Poste ne revêt aucun caractère d’urgence : nous avons encore un an pour débattre !

En tout cas, l’organisation des séances qui nous est proposée n’est pas propice à la sérénité dans laquelle nous sommes censés travailler. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.

M. Martial Bourquin. S’il faut siéger, nous siégerons le temps qu’il faudra. (Exclamations et applaudissements railleurs sur les travées de lUMP.)

M. Bruno Sido. Nous aussi !

M. Martial Bourquin. J’attire toutefois l’attention de la majorité sur un point : le ministre fait un chantage au Parlement. (Protestations sur les mêmes travées.)

M. Éric Doligé. Ça ne marche pas avec nous !

M. Martial Bourquin. Il nous dit : « Voilà votre temps de travail. Vos circonscriptions ou vos départements, je n’en ai rien à faire. Le Gouvernement veut faire passer ses projets de loi dans les délais qu’il a fixés. Si vous ne l’acceptez pas, vous travaillerez à temps complet, dimanche compris ! »

Or tout parlementaire a aussi pour mission de représenter le peuple.

M. Martial Bourquin. À l'Assemblée nationale, il représente les citoyens de sa circonscription. À la Haute Assemblée, il représente les élus locaux. Comment avoir un contact avec eux si nous sommes ici tous les jours de la semaine ?

Il s’agit là d’un chantage inouï, unique, et inique ! Cette stratégie trahit en fait une façon de gouverner : celle de gens pressés, qui ne travaillent pas leurs dossiers. (Exclamations sur les travées de lUMP.) Je peux en témoigner ! Je l’ai vu à propos de l’IRCANTEC : rien n’était prêt !

Le Gouvernement arrive sans cesse au Parlement avec de nouveaux projets de loi, le soumet à un rythme d’enfer et, pendant ce temps-là, que se passe-t-il ? Le chômage ne cesse d’augmenter, la pauvreté de croître, la situation économique et sociale de se dégrader ! Notre pays se trouve dans une situation insupportable et, sur des questions comme l’avenir de La Poste, qui touchent à l’équilibre des territoires, on refuse le débat.

Sur un tel sujet, on se livre à un chantage sur les parlementaires en leur demandant de se dépêcher de voter ce qui leur est proposé : « Faites de La Poste une société anonyme et vous serez tranquilles : vous pourrez retourner dans vos départements ! »

Voilà le chantage dont nous sommes l’objet !

Je le dis tout net : nous siégerons le temps qu’il faudra,…

M. Guy Fischer. Voilà !

M. Martial Bourquin. … mais de tels procédés sont inadmissibles. Si vous les acceptez, chers collègues de la majorité – mais je veux croire que certains d’entre vous les désapprouvent –, vous serez des godillots ! (Protestations sur les travées de lUMP.)

Mme Odette Terrade. Ils le sont déjà !

M. Martial Bourquin. Vous êtes en train de faire du Parlement une chambre d’enregistrement, qui n’a plus rien à dire sur des questions fondamentales qui concernent l’ensemble des Français !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On les a connus plus combatifs !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est vous qui provoquez cela !

M. Martial Bourquin. Le cynisme, le mépris pour le Parlement dont vous faites ainsi preuve est totalement stupéfiant ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Il faut que chacun retrouve ici son calme.

M. Gérard César. J’ai eu l’honneur de représenter ce soir M. le président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire à la conférence des présidents, où vous étiez vous-même présent, monsieur le président. Nous avons décidé de faire siéger le Sénat samedi et dimanche, si besoin était. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vous, la majorité, qui l’avez décidé !

M. Gérard César. Nous avons voté et, dans un vote, c’est la majorité qui l’emporte, ma chère collègue ! Sinon, c’est la démocratie qui est bafouée ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.

M. François Rebsamen. Je n’ai pas l’habitude de prendre la parole pour ce genre d’intervention, mais je dois exprimer ma surprise devant la décision qui a été prise de nous faire siéger samedi et dimanche pour achever l’examen du projet de loi relatif à La Poste.

J’imaginais la majorité sereine ; je la découvre énervée, agacée.

M. Didier Guillaume. Aux abois !

M. François Rebsamen. Or ce débat mérite du temps – et l’examen de ce texte ne revêt aucun caractère d’urgence, nous l’avons démontré – ainsi que de la sérénité !

La procédure accélérée qui a été engagée sur ce texte s’est transformée dans les faits en procédure accélérée « plus plus » ! Alors que, à vous entendre, il faudrait expédier l’examen de ce projet de loi, c'est-à-dire ne pas y consacrer le temps nécessaire, nous constatons que la majorité – mes propos ne s’adressent pas à ceux de ses membres qui sont présents ce soir et que je salue – ne fait pas montre d’une mobilisation exemplaire, qui témoignerait d’un vif intérêt pour ce débat sur l’avenir de La Poste. (Protestations sur les travées de lUMP.) Il semble bien que vous ne soyez pas capables d’assurer une majorité physique, alors que vous détenez la majorité politique !

M. Martial Bourquin. C’est triste !

M. François Rebsamen. Jusqu’à présent, vous avez retardé nos travaux en demandant systématiquement des mises aux voix par scrutin public. Et, ce soir, nous nous retrouvons confrontés à une décision qui est une forme de chantage exercé sur la Haute Assemblée.

Pourtant, j’avais cru comprendre que le propre du Sénat était de prendre le temps d’examiner les textes, surtout quand ceux-ci affectent particulièrement les collectivités locales.

M. Bruno Sido. C’est précisément pourquoi nous siégerons samedi et dimanche !

M. François Rebsamen. Nous avons eu l’occasion de faire un certain nombre de démonstrations depuis le début de cette discussion et nous allons encore le faire. Je tiens à vous rassurer, nous le ferons même samedi et dimanche, car, nous, nous ne craignons pas de travailler, et de travailler longtemps – nous le faisons régulièrement –, quand on nous le demande et qu’il s’agit de l’intérêt général !

M. Bruno Sido. C’est bien !

M. François Rebsamen. Mais là, ce que vous proposez, c’est tout simplement de bâcler le débat, faute d’arguments sur les amendements que nous défendons.

En réalité, permettez-moi de vous le dire, vous ne nous avez toujours pas expliqué pourquoi, fondamentalement, vous vouliez changer le statut de La Poste. (Vives exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Martial Bourquin. Ou très mal !

M. François Rebsamen. Vos arguments, nous les connaissons et nous pourrions les entendre ! Ils mériteraient un débat serein, ils mériteraient le temps de la réflexion.

L’histoire de La Poste n’est pas une petite annexe dans l’histoire la République française ! Cet établissement fait partie de notre patrimoine, il est lié à notre identité ! Puisque vous avez lancé un débat sur l’identité, nous pourrions en parler à propos des services publics !

M. Gérard Longuet. Que faisons-nous depuis deux jours ?

M. François Rebsamen. Permettez-moi de m’exprimer, cher collègue Gérard Longuet. N’en avons-nous pas le droit ?

M. Gérard Longuet. Naturellement ! Et vous en faites largement usage ! (Plusieurs sénateurs du groupe UMP abondent dans ce sens.)

M. François Rebsamen. Nous le faisons dans le respect des dispositions prévues par le règlement du Sénat !

Quoi qu'il en soit, les conclusions de la conférence des présidents dont il nous a été donné lecture ce soir bafouent ni plus ni moins les droits du Parlement à examiner sereinement un texte déterminant quant à l’avenir du service public postal. Car les tentatives qui seront faites, demain, pour ouvrir le capital social de La Poste modifieront profondément ce service public auquel tous les Français sont attachés.

Je le répète, la méthode de travail qui nous est imposée me surprend. Mes chers collègues, vous êtes tous des représentants des élus de vos territoires. Vous avez été élus par eux, vous les rencontrez, vous entendez ce qu’ils vous disent, vous connaissez les pétitions qui circulent. Prenez le temps de les écouter. Ne bâclez pas ce débat, qui mérite mieux que la procédure accélérée et que le chantage auquel on se livre ce soir sur le Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Monsieur Rebsamen, vous venez de dire que nous sommes énervés et que nous manquons de sérénité. Permettez-moi de vous démontrer que nous sommes, au contraire, très sereins.

On nous a parlé de circonscriptions. Dans le département du Loiret, nous sommes actuellement trois sénateurs, deux UMP et un socialiste. Les deux sénateurs UMP, présents dans cet hémicycle,…

M. Didier Guillaume. Le socialiste est sur le terrain !

M. Éric Doligé. … sont sereins. Le sénateur socialiste, Jean-Pierre Sueur, l’est certainement moins que nous, car, si j’ai bien compris, il est en train de labourer notre circonscription commune pour nous représenter, et je tiens à l’en remercier. (Sourires et applaudissements sur les travées de lUMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Roland Courteau. Vous n’avez pas le droit de tenir de tels propos ! Ce que vous dites est scandaleux ! Cela ne vole pas haut !

M. Daniel Raoul. C’est scandaleux !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est d’un niveau vraiment bas !

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Didier Guillaume. Le général sans troupes !

M. Gérard Longuet. La conférence des présidents propose au Sénat de disposer d’environ quatre-vingt-dix heures de séance publique dans l’hémicycle pour examiner les vingt-six articles de ce texte.

Mes chers collègues, nous connaissons tous les problèmes de La Poste. Nous gérons ensemble cette institution, depuis des décennies pour ceux qui ont un peu d’ancienneté sur ces travées. La Poste mérite de l’attention, vous avez eu raison de le dire, cher collègue François Rebsamen, mais elle n’en mérite pas seulement à cette occasion. Depuis plusieurs années, Gérard Larcher, Pierre Hérisson ainsi que d’autres parlementaires se sont impliqués dans ce débat. La commission de l’économie a suivi de façon constante l’évolution de La Poste.

Nous ne sommes donc pas en train de réinventer le service public. Depuis des décennies, nous le gérons et nous le faisons évoluer dans l’intérêt collectif, en tenant compte, à la fois, de la demande des usagers et des clients de La Poste, de l’intérêt du personnel et des règles européennes, construction à laquelle l’immense majorité d’entre nous, à gauche comme à droite, sommes attachés.

Ne dites pas que ces quatre-vingt-dix heures d’hémicycle sont insuffisantes. Elles devraient permettre aux signataires des six cent vingt-neuf amendements, dont vous êtes l’immense majorité, de les exposer. Nous sommes prêts à vous écouter et, s’ils apportent une contribution nouvelle, à leur apporter une réponse,…

M. Daniel Raoul. Mais nous, nous ne sommes pas prêts !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La leçon, vous l’avez déjà faite !

M. Gérard Longuet. … et nous avons donc la possibilité de conduire un travail accompli de parlementaire.

En ce qui concerne notre présence sur le territoire, vous nous apportez la réponse : presque la moitié des membres du groupe socialiste sont présents et, je le reconnais, un pourcentage peut-être légèrement plus faible de l’UMP.

M. Daniel Raoul. C’est un euphémisme !

M. Gérard Longuet. Cela veut dire que nos sénateurs se partagent entre ceux qui travaillent au contact des élus et ceux qui assurent la présence dans l’hémicycle.

Mais, très honnêtement, avez-vous vu des textes aussi techniques bénéficier d’une telle assiduité ? Je m’en félicite pour La Poste, que j’ai dirigée, monsieur le ministre, lorsque j’exerçais des responsabilités précédentes.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous l’avez dit au moins trois fois !

M. Gérard Longuet. Je terminerai par une observation. Si nous devons agir vite et prendre des mesures à cet instant, c’est parce que les 320 000 postiers ont le droit de savoir si la communauté nationale donne, ou non, à La Poste les moyens d’être une entreprise d’avenir,…

M. Bruno Sido. Absolument !

M. Gérard Longuet. … de disposer des capitaux nécessaires aux investissements, de moderniser l’outil de travail et de ne pas se faire, en quelque sorte, manger la laine sur le dos par des postes étrangères.

M. Martial Bourquin. Comme EDF !

M. Daniel Raoul. Comme GDF !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comme France Télécom !

M. Gérard Longuet. On peut attendre, dites-vous. Eh bien non, on ne peut pas attendre,…

M. Gérard Longuet. … car toute part de marché perdue aujourd’hui, ce sont des emplois de postiers menacés. Vous ne pouvez pas être complices de ce retard ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel.

M. Jean-Pierre Bel. Je n’avais pas l’intention d’intervenir en cet instant, mais les propos tenus par M. Doligé m’y obligent.

M. Jean-Pierre Bel. En effet, j’estime que la manière dont il s’est exprimé, la mise en cause directe et personnelle qu’il a manifestée à l’endroit de Jean-Pierre Sueur…

M. Éric Doligé. Positivement !

M. Jean-Pierre Bel. … est totalement inadmissible dans le cadre des relations et des discussions qu’entretiennent les membres de la Haute Assemblée.

Chacun sait à quel point Jean-Pierre Sueur est impliqué dans son travail de parlementaire, en particulier au Sénat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est plus impliqué que les sénateurs de l’UMP !

M. Jean-Pierre Bel. Il vous arrive même parfois de vous en plaindre.

L’astuce que vous avez cru pouvoir utiliser à l’encontre de notre collègue, monsieur Doligé, n’honore pas notre assemblée ni même votre personne.

En conséquence, je vous demanderai de manifester un regret ou de présenter des excuses concernant les propos que vous avez tenus voilà quelques instants. (Sourires sur les travées de lUMP.)

Vous êtes en train de mettre le doigt dans un engrenage dangereux. Vous prenez les élus pour des boucs émissaires, soit en les traitant comme vous venez de le faire, soit en diffusant l’idée qu’ils ne veulent jamais travailler et que ce n’est pas plus mal de les faire travailler le samedi et le dimanche !

Je sais très bien – nous parlons souvent ensemble – que la plupart d’entre vous désapprouve la proposition qui nous est soumise aujourd’hui. Si elle est adoptée, nous allons entrer ce soir dans un tunnel qui nous obligera peut-être à siéger jour et nuit, y compris le samedi et le dimanche, jusqu’au 8 ou 9 décembre, voire 10 décembre. Au fond, vous n’acceptez pas ces conditions de travail.

Laisser entendre que les élus de la nation qui ne sont pas présents dans l’hémicycle trahissent leurs propres électeurs, voire leurs engagements,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qu’ils sont en vacances !

M. Jean-Pierre Bel. … n’est pas digne d’un parlementaire de la République ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également. – Nouveaux sourires sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur Doligé, je veux vous dire, à mon tour, que les propos que vous venez de tenir sont très très petits.

M. Gérard Longuet. Mais réalistes !

M. Pierre-Yves Collombat. S’il y a un soutier de la nuit parmi nous, c’est bien notre ami Jean-Pierre Sueur. Et si l’on faisait les comptes des présences, je ne suis pas sûr que vous gagneriez !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce ne serait pas à votre avantage ! Vous êtes pourtant majoritaires !

M. le président. Mes chers collègues, je vous ai demandé s’il y avait des observations, j’ai cru comprendre que vous aviez répondu positivement et qu’il y avait eu quelques observations. (Sourires.) J’ai même été saisi par M. Fischer d’une demande de vote.

Nous allons nous reporter au règlement. Je vous donne lecture de l’article 32, alinéa 2 : « Le Sénat se réunit en séance publique en principe les mardi, mercredi et jeudi de chaque semaine. En outre, le Sénat peut décider de tenir d’autres jours de séance dans la limite prévue par le deuxième alinéa de l’article 28 de la Constitution, à la demande soit de la Conférence des présidents, soit du Gouvernement ou de la commission saisie au fond. »

Ce soir, nous sommes saisis d’une proposition de siéger les samedi 7 et dimanche 8 novembre – puisque les observations formulées portent sur ces deux jours-là – par la conférence des présidents, qui l’a adoptée à la majorité. Il me revient donc de consulter le Sénat sur cette proposition.