M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Nous soutiendrons cet amendement pour la simple et bonne raison que le risque du passage en société anonyme ne permettrait pas le maintien des points poste.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Nous nous en sommes déjà expliqués !

M. Didier Guillaume. Je souhaite réagir à l’intervention de M. le ministre.

Monsieur le ministre, dans tous les départements, nous nous efforçons de défendre le service public. Pour ma part, en qualité de président de conseil général, je subventionne les mairies qui aménagent des bâtiments pour installer une agence postale communale ; je finance les points poste qui sont installés dans des commerces multiservices. D’ailleurs, jeudi dernier, nous avons inauguré un commerce multiservices dont l’équilibre général a été maintenu grâce à l’apport de La Poste.

Telle est la situation en zone rurale ! Bien souvent, le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, la dotation globale d’équipement, la subvention du conseil général, dont le montant est souvent supérieur, et les aides de la communauté de communes et de la commune permettent de tenir. Simplement, cela ne doit pas devenir la règle !

Vous nous demandez des propositions ! Eh bien ! dans les petites communes, la possibilité de monter un commerce multiservices, qui regroupe à la fois une épicerie, un bureau de tabac, un bistrot et un point poste, est une solution pour maintenir ou créer un ou deux emplois en zone rurale.

Lorsqu’un maire accepte de mettre en place une agence postale communale, c’est pour maintenir un service public dans une petite commune de 500 à 2 000 habitants. Nous devons le soutenir ! Il n’y a pas ceux qui voudraient aller de l’avant et les autres.

Néanmoins, je le répète, cela ne doit pas devenir la règle ! In fine, nous voulons maintenir le plus grand nombre possible d’agences postales,…

M. Alain Fouché. Nous sommes d’accord avec vous !

M. Didier Guillaume. … pour la simple raison que le service est plus étendu ; nous ne pouvons qu’être d’accord sur ce point. Avec l’EPIC, nous avons la garantie d’assurer ce maintien.

Je sais bien que les 17 000 points de contact figurent dans le projet de loi, mais ce qui m’importe, en tant qu’élu local, c’est que, sur le territoire national, et dans mon département de la Drôme en particulier, le nombre de points de contact de La Poste ne diminue pas ; nous y sommes attentifs, depuis des années, au sein de la Commission départementale de présence postale territoriale. Avec la mairie, La Poste est le dernier service public.

M. Alain Gournac. Nous sommes d’accord !

M. Didier Guillaume. Ne nous opposons pas sur des sujets qui n’en valent pas la peine et où nous pouvons nous retrouver. Nous divergeons sur le fond, c’est-à-dire sur le statut de La Poste,…

M. Didier Guillaume. … et c’est tout à fait respectable. En revanche, sur quelque travée que nous siégions, je pense que nous avons la même volonté de maintenir le service public communal, intercommunal et départemental, et que nous nous battons tous à cet effet !

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

M. Claude Bérit-Débat. Je soutiendrai cet amendement, d’autant que, cela a été rappelé à différentes reprises, l’EPIC permet effectivement à La Poste non seulement de bien fonctionner, mais aussi de se moderniser.

Je souhaiterais réagir, comme l’a fait Didier Guillaume à l’instant, mais d’une façon un peu différente, aux propos de M. le ministre. M. Estrosi a fait son propre panégyrique et rappelé les actions qu’il a menées sur le terrain ; je ne mets en doute ni sa compétence ni son expérience en milieu rural ou urbain.

Il a démontré, en conclusion, que le service public existait toujours. Notre divergence porte sur la définition du service public. S’agit-il, comme le pense M. le ministre, d’un service public financé par les communes sur le territoire ? Ou bien est-ce un service qui est assuré à tous les citoyens français, quel que soit leur lieu d’habitation ou leur profil sociologique ? Il y a une sacrée différence !

M. le ministre a énoncé un certain nombre de moyens qui sont mis à la disposition des communes ; je n’y suis pas opposé. Simplement, tout le monde ne peut pas assurer ce service public. Nous aboutissons à un véritable transfert de charges. Bien entendu, tous les maires qui apprendront la disparition de l’agence postale voudront maintenir ce service dans leur commune et créer un point poste. Mais qui le financera ?

Contrairement à ce qui a été prétendu, le coût de ce dispositif ne sera pas marginal et ne pourra pas être financé avec moins de mille euros. Et, en tout état de cause, c’est le contribuable qui paiera ! (MM. Alain Gournac et Alain Fouché s’exclament.) Veuillez m’excuser, mais je tiens à exposer la situation telle qu’elle est !

Aujourd’hui, nombre de communes n’ont pas les moyens, à leur niveau, en dépit de l’aide à l’investissement apportée par le conseil général ou le conseil régional, de maintenir un service public, qui doit être mis en place par l’État. Il revient à la nation d’assurer cette égalité citoyenne et républicaine !

Je voudrais dénoncer ici ce transfert de charges insidieux. Lors des délibérations, lorsqu’ils devront choisir entre rien et un minimum, les élus, qui sont des personnes responsables, opteront pour le minimum, mettant ainsi le doigt dans l’engrenage : on fera supporter à d’autres des services qui doivent être financés par le budget de l’État.

Si l’EPIC permet des dérives aujourd’hui, c’est un problème de volonté politique et de bonne gouvernance. Demain, avec la création de la société anonyme, celles-ci vont s’accentuer : pour une question de rentabilité, certains services ne pourront plus être rendus, et le service public n’existera plus vraiment.

M. Alain Gournac. Pas du tout !

M. Claude Bérit-Débat. Monsieur Gournac, laissez-moi terminer mon propos !

M. Alain Gournac. Quand c’est faux, je le dis !

M. Claude Bérit-Débat. Cessez de « cornaquer » les uns et les autres !

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

M. Roland Courteau. Je suis tout à fait d’accord avec les propos de Claude Bérit-Débat, et je souhaiterais faire une mise au point.

Monsieur le rapporteur, vous avez dit tout à l’heure que le nombre d’agences postales communales avait considérablement augmenté et était passé, si je ne me trompe, de 900 à 4 600. Curieusement, nos collègues ont applaudi. En fait, ils ont applaudi le désengagement de La Poste.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué le volontarisme des maires. Mais savez-vous comment les choses se passent dans nos départements ?

M. Christian Estrosi, ministre. Oui !

M. Roland Courteau. Dans de très nombreux cas – je ne dis pas que c’est systématique –, le directeur départemental de La Poste suggère au maire soit la transformation du bureau de poste en agence postale communale, soit sa fermeture, soit la réduction des trois quarts des heures d’ouverture. Que peut répondre le maire ? Est-ce du volontarisme ? Comment qualifiez-vous un tel comportement ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.

M. Jean Bizet. Je ne me suis pas encore exprimé sur ce sujet, parce que je n’ai pas autant d’expertise que mes collègues. Je voudrais malgré tout, au nom de la commission des affaires européennes, revenir sur ce problème du statut de La Poste, parce qu’il est au cœur de nos débats et qu’il fait l’objet d’incompréhensions de part et d’autre de cet hémicycle.

Je m’abstiendrai d’évoquer une quelconque posture intellectuelle des uns par rapport aux autres, sachant que l’on n’est jamais très loin de l’imposture ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) J’ai dit, chers collègues, que je ne voulais pas franchir ce pas !

M. Roland Courteau. Vous l’avez quand même franchi !

M. Jean Bizet. Je souhaite simplement vous livrer deux informations.

Tout d’abord, le traité de Lisbonne, qui s’imposera à partir du 1er décembre, comporte un protocole qui garantit précisément le service public. Quelle sécurité supplémentaire pourriez-vous désirer ?

M. David Assouline. Avec Barroso ?

M. Jean Bizet. Vous le savez très bien, nous appartenons à un espace européen au niveau tant des marchés que des règles communautaires. Je vous rappelle à ce propos que la Commission européenne a engagé contre la France une procédure motivée par la garantie illimitée dont bénéficierait La Poste en tant qu’EPIC. La transformation de l’EPIC en société anonyme représenterait pour La Poste une opportunité extraordinaire de récupérer 2,7 milliards d’euros, que la France – cela n’échappera à personne ! – n’a pas spécialement les moyens de verser.

L’intervention de la Caisse des dépôts et consignations, qui pourrait fonctionner comme un investisseur avisé, permettrait à La Poste de se moderniser, tout en bénéficiant de la sécurité du service public.

J’ajoute que, s’agissant de la dernière directive postale, la commission des affaires européennes a veillé à ce que le service public puisse être présent sur l’ensemble du territoire national, dans les zones urbaines comme dans la plus petite commune rurale.

Je ne vois pas pourquoi le débat est aussi difficile. Je salue une telle rationalisation. Ce type de montage financier permettra à La Poste d’évoluer et d’être un outil au service de tous nos concitoyens.

Enfin, je voudrais rebondir sur les propos de notre collègue Didier Guillaume. Il existe en effet des points de convergence entre nous, mon cher collègue. Avec la mutualisation des points poste et les agences postales communales, une ère nouvelle s’ouvre pour La Poste, qui accédera à une autre dimension. Pour cela, il faut beaucoup d’argent, et le montage proposé est le seul qui nous permette d’obtenir des moyens financiers importants. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Les problèmes abordés sont très concrets, mais ils s’inscrivent dans le cadre d’un débat beaucoup plus général. C’est une question de volonté politique !

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Absolument !

M. David Assouline. Contrairement à ce que nous dit M. le ministre, qui nous dénigre, les sénateurs ici présents, notamment M. Guillaume, nous expliquent que, quand ils doivent choisir entre rien et un bureau communal, les élus locaux de gauche ne pratiquent pas la politique du pire.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. David Assouline. Mais est-ce cela le service public national ? Il s’agit, là encore, d’un transfert de charges sur les collectivités territoriales,…

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Non !

M. David Assouline. … lequel sera au cœur des débats lorsque nous discuterons de la suppression de la taxe professionnelle et de la réforme des collectivités territoriales, qui nous concernent tous.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. C’est un autre débat !

M. Daniel Raoul. Mais non, c’est le même !

M. David Assouline. Vous pouvez nous dire que ce n’est plus un service public national, que l’État et les collectivités locales doivent apporter leur aide. Mais vous ne pouvez pas nous reprocher de pratiquer la politique du pire, de ne pas considérer la réalité.

Une tendance générale, imposée par l’Europe et l’ouverture aux marchés, se dessine. Nous ne l’avons pas décidé, mais c’est ainsi ! Si nous voulons que le service public soit garanti, il faut beaucoup de volonté politique, parce que la pente s’accentuera doucement, année après année.

L’enjeu du débat sur le maintien du statut d’EPIC est donc de savoir si l’on va conserver non pas un outil satisfaisant, mais l’outil qui empêchera cette tendance générale à la dérive. Bien sûr que la modernisation est indispensable ! Mais l’État peut apporter tous les ans les moyens nécessaires pour que La Poste, malgré ce processus d’ouverture à la concurrence, soit en mesure de se centrer sur des missions de service public, qu’il n’est pas envisageable que cette concurrence vienne casser.

Bientôt, un débat aura lieu à propos de l’AFP. Je regrette d’ailleurs qu’il soit aussi segmenté, car, de ce fait, chaque sénateur, spécialisé dans un domaine, a l’impression d’être le seul à rencontrer les problèmes auxquels il se heurte.

La situation de l’AFP est exactement la même, et son PDG, que j’ai auditionné, tient un discours identique : il faut que l’AFP change de statut et devienne une SA au capital intégralement public. Devant mon étonnement, puisque l’AFP réalise des bénéfices et ne semble pas proche de la banqueroute, il a argué que divers besoins, notamment la nécessaire modernisation, rendent indispensable l’apport de capitaux. J’ai demandé des précisions sur ces divers besoins. Il n’a évoqué ni le renforcement des missions de l’AFP ni la lutte contre la concurrence : il s’agit d’être en mesure de prendre des participations, de racheter des sociétés ici et là dans le monde, de pouvoir sous-traiter. Or les salariés de l’AFP sont catégoriques : cela est possible sans que le statut soit modifié.

M. David Assouline. Le changement de statut aura des effets secondaires que ni vous ni moi ne pouvons prévoir, tout simplement parce que la marche du monde continue. Nous serons sans cesse placés devant des choix semblables à ceux que les élus locaux doivent faire aujourd’hui à propos de La Poste : entre fermer ou accepter le bureau communal, ils préfèrent accepter le bureau communal !

M. Alain Fouché. À nous d’être vigilants !

M. David Assouline. Le débat est donc le même, à ceci près que, pour La Poste, la situation est bien pire.

Si nous consacrons autant de temps à La Poste, c’est qu’il s’agit d’une affaire publique, non d’une entreprise privée quelconque. Alors que s’annonce l’ouverture à la concurrence, ne faut-il pas tout faire pour que, le moment venu, La Poste ne soit pas concurrencée sur le territoire national, pour que le citoyen français continue de recourir à ses services et ne lui préfère pas des concurrents venus de l’extérieur ?

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. David Assouline. Les capitaux qu’il faut chercher doivent être consacrés à ces missions de service public. Or le seul argument que l’on nous oppose pour justifier la remise en cause du statut d’EPIC, c’est la prise de participations et l’entrée dans le jeu de la concurrence dans les pays étrangers. (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Mais non !

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Vous n’avez rien compris ! C’est vraiment n’importe quoi !

M. David Assouline. C’est le seul argument que j’aie entendu jusqu'ici !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 28 et 445.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quatorze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 440, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. La Poste est une entreprise à laquelle les Français sont très attachés. Ils l’ont clairement montré lors de l’organisation du vote citoyen du 3 octobre : la preuve en est que la majorité n’a eu de cesse de vilipender cette manifestation sous les prétextes les plus divers. Nous sommes fiers, pour notre part, d’avoir participé à cette noble expression citoyenne.

L’inquiétude légitime exprimée par nos concitoyens devant l’ouverture du capital de La Poste et son changement de statut mérite que l’on s’y attarde, au lieu de la balayer d’un revers de la main.

Le statut actuel de La Poste permet à cette entreprise de s’adapter aux nécessités de la concurrence accrue à laquelle elle doit faire face et à l’internationalisation de ses activités. Il n’y a nulle nécessité d’une évolution que l’Europe ne nous impose d’ailleurs pas. La Poste est aujourd’hui l’une des entreprises les plus compétitives de son secteur, et ce malgré ce statut que l’on voudrait parer de tous les défauts. Elle a dégagé cette année, malgré la crise, un bénéfice de 500 millions d’euros. Ne joignons donc pas les mensonges à la mauvaise foi : les chiffres sont d’une rare clarté en ce domaine !

Il est tout à fait possible à La Poste de nouer des partenariats à l’étranger pour accroître ses activités à l’international. La RATP le fait déjà avec succès. Il lui est également possible d’emprunter des sommes d’argent pour financer son expansion, à condition de présenter un réel plan d’action susceptible de convaincre son créancier. C’est peut-être là, d’ailleurs, que se situe le véritable problème de l’entreprise : son plan d’expansion ne convainc pas grand monde, pour l’heure. Nous pourrions avoir un débat de fond sur la manière dont La Poste devrait gérer la perte du secteur réservé et sa stratégie à l’international. Au lieu de cela, vous préférez, par idéologie, noyer le poisson dans des questions de forme. Nous cherchons un vrai débat.

Si La Poste devient une SA, il est plus que probable qu’elle sera privatisée au détour d’un texte dans les années à venir. Voilà, somme toute, votre vrai objectif, au mépris de cette compagnie et des valeurs qu’elle représente, des valeurs qui sont aux antipodes du concept de recherche de rentabilité que sous-tend la privatisation. Les missions de cette entreprise commandent de la conserver dans le giron public sous une forme protectrice, car non seulement elle répond à des obligations de service public, mais elle assure également des missions de cohésion nationale et d’aménagement du territoire.

La Poste n’est pas une entreprise comme les autres. Cessons de vouloir la normaliser et en faire une société lambda ! Mes chers collègues, nous souhaitons qu’elle puisse conserver son statut et ses prérogatives plutôt que de perdre sa spécificité. Nous avons tout à perdre mais peu à gagner.

M. le président. L'amendement n° 448, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

La Poste est une entreprise publique qui exerce ses missions pour le compte de la collectivité.

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. La Poste est face à des défis importants, nous en débattons depuis plusieurs jours : libéralisation complète des marchés postaux en 2011, concurrence des nouveaux modes de communication dématérialisée, banalisation du livret A.

À cet égard, et j’aimerais que tous ceux qui sont présents dans cet hémicycle, notamment le ministre, en soient bien conscients, le groupe socialiste est convaincu que La Poste doit évoluer, s’adapter, innover, mais tout en assurant le maintien d’un service public de qualité sur l’ensemble du territoire national.

La solution de cette équation, d’après le président de La Poste, M. Jean-Paul Bailly, suivi en cela par le Gouvernement, résiderait dans le changement de statut. En devenant une société anonyme, La Poste pourrait accéder à une manne financière lui permettant son développement.

Les sénateurs du groupe socialiste ont procédé, tout au long de l’année, à de nombreuses auditions. Or une question est restée sans réponse : pour quelle raison La Poste a-t-elle besoin de 2,7 milliards d’euros ou même plus, et pour quoi faire ?

M. Charles Revet. Pour se moderniser !

M. David Assouline. Dans un communiqué datant d’août 2008, La Poste se donnait comme objectif de tirer sa croissance, entre autres, par l’acquisition ou le développement d’« opérateurs alternatifs de courrier en Europe » ainsi que par des « acquisitions ciblées hors d’Europe ».

Dernièrement, dans le cadre des auditions de la commission de l’économie, M. Bailly a fait valoir qu’il était urgent de moderniser les systèmes d’information de son groupe et qu’il lui fallait également procéder à des investissements lourds dans l’activité de colis express. En l’espace d’un an, le discours, les priorités, les montants ont changé.

Au regard de cette grande opacité, le passage en force vers la société anonyme relève bien plus du dogmatisme que d’une véritable nécessité : aujourd’hui, l’État peut parfaitement, par dotation publique, apporter à La Poste la somme dont elle aurait besoin pour procéder aux investissements nécessaires afin de se préparer à l’ouverture de la concurrence.

Mme Nathalie Goulet. C’est sûr !

M. David Assouline. Cette dotation ne serait d’ailleurs que justice si l’on songe aux missions de service public assurées par La Poste et que l’État n’a jamais véritablement compensées.

C’est pourquoi le groupe socialiste, opposé au changement de statut de La Poste, entend rappeler que celle-ci est une entreprise publique au service de la collectivité.

M. le président. L'amendement n° 449, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

La Poste est une entreprise en totalité publique.

La parole est à M. Yannick Botrel.

M. Yannick Botrel. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, malgré vos explications, malgré vos hésitations et malgré vos atermoiements, les Français ont bien compris ce qui se trame avec ce projet de loi : la future privatisation de l’entreprise publique postale.

Dans le contexte européen actuel de libéralisation des services, certains ont tenté de nous expliquer que la France était dans l’obligation de procéder à ce changement de statut. Cet argument est rigoureusement faux. Les traités européens en vigueur n’obligent pas les entreprises publiques à changer de statut en cas d’ouverture des marchés.

Nous n’avons aucune garantie que le capital de La Poste restera 100 % public ; les précédents sont là pour le rappeler, et allusion a été faite à plusieurs reprises à la situation de GDF. J’ajouterai que, dans tous les pays où la privatisation a été actée, la situation est loin d’être satisfaisante, pour les usagers comme pour les salariés.

Dans un tel contexte, le maintien d’opérateurs publics est une condition indispensable pour continuer d’assurer la présence postale sur l’ensemble du territoire. Conserver un opérateur public, c’est avoir la garantie d’améliorer la qualité des services rendus aux citoyens.

La rédaction de l’article 1er ne permet pas, en l’état, de garantir la pérennité du statut public de l’entreprise postale. Au contraire, cet article ouvre la voie à la privatisation de La Poste en lui conférant le statut de société anonyme. C’est une décision anachronique. La Poste n’est pas et ne peut pas être une société anonyme : ce n’est pas une entreprise comme les autres !

Les risques d’une dépéréquation tarifaire et d’une réduction de la couverture territoriale qui se manifesterait par une déprise postale dans les zones rurales sont bien réels. Les lois de la concurrence et du marché ne doivent pas l’emporter sur les missions de service public remplies par La Poste.

L’adoption de cet amendement interdirait toute possibilité de privatisation future, tout en facilitant le développement de l’entreprise publique postale. Si vous êtes réellement opposés à cette privatisation, mes chers collègues, et si la posture que vous adoptez dans les médias n’est pas seulement politicienne, vous vous devez de vous opposer à ce changement de statut.

M. le président. L'amendement n° 450, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Rédiger comme suit cette phrase :

La Poste demeure la propriété collective de la nation.

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Je ferai quatre remarques.

Première remarque : le préambule de la Constitution de 1946, dans son neuvième alinéa, précise que « tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété » de l’État.

Deuxième remarque : le maintien du secteur réservé, voulu et négocié par le gouvernement Jospin, permet d’assurer la péréquation tarifaire. Selon ce dispositif économique, le coût pour l’usager est le même, qu’il envoie un pli du VIe arrondissement de Paris dans le XXe, ou de la Corse aux îles du Ponant, alors même que le coût réel est bien différent.

En ayant accepté la fin du maintien du secteur réservé, mes chers collègues, vous fragilisez le financement des missions de service public de La Poste, notamment celui de la présence postale. Or le monopole Corse-îles du Ponant demeure entier et de fait ! À La Poste, vous laissez les segments les plus coûteux, tout en la privant des financements nécessaires pour les assurer.

Troisième remarque : rien en droit ne permet de garantir que l’État ne se désengagera pas progressivement du capital de La Poste transformée en société anonyme. Même la promesse présidentielle de ne pas privatiser GDF, on a pu le constater rapidement, a fait long feu. La représentation nationale peut très bien se dédire demain et réduire la part de capital détenue par l’État.

Enfin, quatrième remarque : La Poste a dégagé l’an passé 1 milliard d’euros de bénéfices et 500 millions cette année. Non seulement elle est bénéficiaire, mais elle ne coûte rien au contribuable. La transformation de La Poste en une société anonyme aboutit à ce paradoxe, qui ne vous a pas échappé : alors qu’elle ne sera plus une entreprise au statut de droit public, elle sera en partie financée par les contribuables.

Le groupe socialiste ne s’explique pas cette logique du perdant-perdant. La seule garantie que La Poste demeurera la propriété collective de la nation réside donc dans le maintien de son statut d’EPIC.

M. le président. L'amendement n° 451, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

La Poste demeure la propriété de la collectivité.

La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Il s’agit, mes chers collègues, d’un amendement de principe.

La Poste est un service public national et fait partie, à ce titre, de notre patrimoine. Le Gouvernement paraissant vouloir revenir sur un acquis historique avec ce projet de loi, il nous semble nécessaire de rappeler certaines évidences.

Permettez-moi donc de vous donner lecture d’un texte fondateur de notre République, le préambule de la Constitution de 1946, plus précisément – je ne veux pas être trop long –, d’un seul des dix-huit alinéas que compte ce texte ; Roland Courteau et moi avons les mêmes références !

Le neuvième alinéa de ce texte fondateur du pacte social français d’après-guerre précise : « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. » Cela signifie que, lorsqu’une entreprise concourt à l’exercice d’une activité de service public, quand son rôle est de permettre l’exercice par les citoyens d’un droit fondamental, cette entreprise doit devenir propriété de la collectivité.

Si les constituants de 1946 ont jugé nécessaire de poser ce principe, c’est parce qu’il était évident à leurs yeux que certaines tâches devaient relever de la collectivité ou être réalisées sous son contrôle. Ils considéraient que la nation doit à ses citoyens, où qu’ils habitent, un service public de qualité, dans les domaines qui l’exigent.

Qui oserait prétendre que l’acheminement et la distribution du courrier ne sont pas des services que l’État doit garantir à ses citoyens ? Certes, l’État ne peut pas tout et des entreprises peuvent remplir certaines missions de service public. De là à considérer, comme cela est de bon ton aujourd'hui, que l’État devrait céder la place au marché, lequel serait capable de faire aussi bien que le service public et, en plus, de réaliser des bénéfices…

Le bilan de ces dérégulations, nous le savons tous, montre que la pratique est peu conforme à la théorie, à tel point que les pays qui ont largement privatisé leurs services publics font désormais machine arrière ; je ne citerai que l’exemple du Japon.

Puisque ce texte engage La Poste sur la voie d’une privatisation, dont on sait par avance qu’elle ne profitera pas aux citoyens, surtout dans les zones rurales, l’amendement n° 451 vise à réaffirmer par principe que la nation – la collectivité française – doit seule remplir les missions de service public indispensables au bon fonctionnement de la société. La Poste, vous en conviendrez, fait partie de ces services publics fondamentaux. Pour cette raison, elle doit rester propriété de la collectivité, c'est-à-dire des citoyens, et non être cédée à des capitaux privés.