M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est assez inédit, dans les annales parlementaires, que la commission des finances de l’Assemblée nationale puis la commission des finances du Sénat réécrivent chacune à son tour un article du projet de loi de finances. Cette réécriture est incomplète, car elle ne porte que sur les éléments du dispositif ayant vocation à être opérationnels dès le 1er janvier 2010 et pour l’année 2010.

Je voudrais rappeler tout d’abord, sur le plan de la méthode, pourquoi ce choix de dissocier le débat en deux mouvements nous semble être un gage de lisibilité et de bonne compréhension de nos travaux. Puis j’en viendrai à la présentation synthétique des principaux aspects de l’amendement.

Imaginons un instant, mes chers collègues, la manière dont se seraient déroulés nos débats si nous avions retenu l’approche classique consistant à proposer des amendements au texte transmis. Compte tenu de la multitude des mesures de coordination qui auraient été nécessaires pour mettre en œuvre le choix de la commission de renvoyer en deuxième partie du projet de loi de finances les dispositions n’ayant pas d’incidence en 2010, nos débats auraient été sans cesse entrecoupés par l’examen d’amendements de portée rédactionnelle. Cela aurait été un facteur de confusion et de perte de temps supplémentaire.

C’est pourquoi la majorité des membres de la commission des finances a bien voulu adhérer à la méthode que je leur ai proposée, en accord avec le président Arthuis. Nous avons donc pu diffuser, dès le jeudi 12 novembre, une version de cet amendement très proche de celle que je défends maintenant. L’ensemble des sénateurs ont reçu ce texte quelques jours après et ont ainsi pu, me semble-t-il, disposer du temps nécessaire pour transformer, s’ils le souhaitaient, des amendements en sous-amendements au texte de la commission.

Cet amendement comporte 514 alinéas, mais reste beaucoup plus court que celui qui a été adopté à l’Assemblée nationale.

Le principe de la distinction entre première et deuxième parties, qui a été confirmé par la loi organique relative aux lois de finances de 2001, figurait dans une définition très analogue dans l’ordonnance organique du 2 janvier 1959, ainsi que dans le décret organique de 1956, qui constituait en fait, sous la IVe République finissante et dans des circonstances politiques extrêmement complexes, une tentative de mettre de l’ordre dans l’examen des textes financiers.

C’est d’ailleurs la commission des finances du Conseil de la République, dont le président appartenait à la SFIO et le rapporteur général était Marcel Pellenc, qui a inventé cette distinction entre première et deuxième parties. Le compte rendu de la séance de la commission des finances du jeudi 24 novembre 1955 comporte la phrase suivante : « La loi de finances unique serait divisée en deux parties : une première partie renfermerait le contenu de ce que le Conseil de la République voyait dans une loi des maxima, masse de dépenses et voies et moyens ; la seconde partie comprendrait la répartition entre les divers services. » C’est bien à ce moment-là que la nouvelle méthodologie budgétaire a commencé de s’élaborer. Il est parfois bon de rappeler la continuité des choses, en particulier dans cette assemblée !

En ce qui concerne le présent texte, nous en avons extrait les dispositions relatives à l’après-2010, qui est pour nous une année blanche, une année à droits constants, marquée par une compensation intégrale, une compensation relais. Malgré la disparition de la taxe professionnelle dès le 1er janvier 2010, nous allons faire en sorte que tous les dispositifs qui étaient greffés sur celle-ci poursuivent leurs effets dans des conditions identiques. À partir de 2011, un certain nombre d’aspects pourront évoluer, dans le cadre de la réforme, mais entre-temps sera intervenue la loi de réforme sur les collectivités territoriales. Nous y verrons alors clair dans la répartition des compétences. Il semblait donc justifié et logique de procéder ainsi, par phases successives.

L’amendement de la commission des finances constitue une base de référence. M. Arthuis et moi-même aurions pu le rectifier pour faire évoluer la rédaction adoptée cette semaine par la commission des finances, mais nous avons estimé devoir procéder par des sous-amendements à notre propre amendement, dans un souci de clarté, afin de bien montrer quelles étaient les améliorations techniques que nous proposions. Il est vrai que cette réforme est d’une extrême complexité, aussi nous efforçons-nous de faire de notre mieux, avec notamment le concours des services de Mme Lagarde, pour que chaque point soit traité de la manière la plus correcte possible.

J’en viens au contenu de l’amendement.

Tout d’abord, j’évoquerai la suppression de la taxe professionnelle et la création de la contribution économique territoriale, qui est la mise en facteur commun de deux cotisations : la cotisation foncière des entreprises et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

Ces dernières ne paieront plus la taxe professionnelle à compter de 2010 et bénéficieront d’un plafonnement de leur imposition au titre des deux nouveaux impôts – pour lesquels nous avons choisi des intitulés plus clairs, je n’y reviens pas –, fixé à 3 % de la valeur ajoutée.

Par ailleurs, nous partageons le souci de l’Assemblée nationale de territorialiser l’impôt. Il faut donc trouver le moyen de localiser son assiette, donc la valeur ajoutée, dans les communes où celle-ci est produite.

Nous avons fait nôtre le souhait des députés de permettre aux territoires de conserver les avantages comparatifs dont ils pouvaient bénéficier au titre de l’aménagement du territoire, s’agissant notamment de la politique de la ville et des zonages de toute nature. Il convenait, là aussi, de raisonner à droits constants.

Afin de rendre la territorialisation plus opérationnelle, nous proposons de modifier le texte sur plusieurs points techniques. En particulier, nous sommes amenés à revoir les critères de ventilation entre les communes de la valeur ajoutée des entreprises qui comportent plusieurs établissements.

S’agissant maintenant du barème, s’il n’est pas parfait, la commission a fait le choix de ne pas y toucher…

Mme Nicole Bricq. Dommage !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … pour cette fois : n’insultons pas l’avenir. Ce point fait l’objet d’un accord entre la commission et le Gouvernement. Il faudra examiner en toute clarté, en 2010, le fonctionnement des nouveaux impôts.

M. Michel Charasse. Au profit de l’État !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ils vont être perçus par l’État, absolument,…

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il en a bien besoin !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … lequel restituera l’équivalent aux collectivités territoriales et y ajoutera la dotation de compensation nécessaire pour que chacune d’entre elles s’y retrouve. Cependant, au fil de l’année 2010, nous allons voir vivre ces deux cotisations, en termes de produit global, d’aspects territoriaux, de répartition : nous aurons un exercice en grandeur réelle. Cela nous permettra d’activer les clauses de rendez-vous, de tirer les conséquences de la réalité, et peut-être faudra-t-il d’ailleurs reprendre la discussion sur le barème à ce moment-là : pour ma part, je ne l’exclus pas du tout !

En tout cas, la commission des finances du Sénat estime, à ce stade expérimental, ne pas devoir retoucher le barème. Telle est la règle du jeu que nous nous sommes fixée pour l’heure.

Toutefois, nous proposons, madame la ministre, de donner tout son sens à ce barème, car s’il démarre à 500 000 euros de chiffre d’affaires, ce n’est qu’un effet d’optique, puisque le jeu d’une franchise conduira les entreprises à ne payer qu’à partir de 1,1 million d’euros environ de chiffre d’affaires. Nous estimons que le barème doit commencer à s’appliquer dès 500 000 euros de chiffre d’affaires, avec une cotisation minimale dont nous avons, à ce stade, fixé le montant à 250 euros. Nous verrons bien, dans le courant de l’année 2010, comment tout cela fonctionne, et nous serons alors en mesure de confirmer ou non ce montant lorsque viendra le temps d’élaborer le projet de loi de finances pour 2011.

Ce faisant, nous améliorons le lien entre entreprises et territoires en ne le limitant pas, pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 500 000 et 1 million d’euros, à la seule cotisation foncière.

J’évoquerai ensuite le dispositif « anti-abus », qui, fort justement, a fait l’objet d’un long débat à l’Assemblée nationale.

Dans le passé, des entreprises se sont restructurées pour former différentes entités réalisant chacune un chiffre d’affaires inférieur à 7,6 millions d’euros, afin d’échapper à la cotisation minimale de taxe professionnelle.

Dans le nouveau régime, l’incitation à ces manœuvres sera moins forte, car le barème sera progressif. Il n’en demeure pas moins que des risques d’abus subsisteront. Le projet de loi de finances prévoit, pour lutter contre ceux-ci, une solution analogue au dispositif qui a été retenu au titre de la taxe professionnelle et qui s’applique aux groupes fiscalement intégrés. Aux termes de ce schéma, on recalcule en quelque sorte l’impôt des différentes entités participant à une opération de restructuration ou en résultant par l’addition de leurs chiffres d’affaires lorsque le montant de l’imposition est inférieur de 20 % ou plus à ce qu’il était avant la restructuration. Nous proposons d’ailleurs de ramener ce seuil à 10 %, de manière à rendre plus efficace et plus strict ce dispositif « anti-abus ».

En ce qui concerne le plafonnement de la valeur ajoutée taxable par rapport au chiffre d’affaires, il est assez difficile, même pour les entreprises, d’avoir une idée concrète et précise de qui gagne ou qui perd à cette réforme.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La structure économique de notre pays est complexe, et la taxe professionnelle l’est davantage encore. Celle-ci a beaucoup d’effets pervers, mais la transition d’un système à un autre nécessitera une très grande attention et devra être finement gérée.

Des simulations sont disponibles par tranche de chiffre d’affaires et par secteur d’activité, ainsi qu’en fonction d’un croisement de ces deux données, mais les résultats n’étant pas aussi clairs et satisfaisants que je le souhaitais, il faudra encore progresser.

L’objectif du Gouvernement, auquel j’adhère, est de limiter autant que possible le nombre de perdants. Bien entendu, cet exercice est coûteux pour les finances publiques. À cette fin, le texte initial prévoyait, parmi d’autres mesures, d’instaurer un plafonnement de la valeur ajoutée prise en compte pour le calcul de l’impôt à 80 % du chiffre d’affaires, de façon à atténuer la charge des entreprises à forte valeur ajoutée, notamment celles à forte intensité de main-d’œuvre. Il est tout à fait justifié de s’intéresser à la situation de cette catégorie d’entreprises, qui sont souvent des entreprises de services innovantes, soumises à une vive concurrence, en particulier internationale, et hélas ! aisément délocalisables ou susceptibles d’être tentées par une délocalisation.

L’Assemblée nationale a préféré limiter le bénéfice de ce plafonnement aux seules entreprises réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 7,6 millions d’euros. Cependant, au vu de simulations montrant que la proportion de perdants était élevée parmi les entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 7,6 millions d’euros, dont le montant des pertes représente en outre les deux tiers du total des pertes, la commission des finances du Sénat vous propose, mes chers collègues, de rétablir le texte initial du Gouvernement, car il serait très préjudiciable que le discours officiel selon lequel très peu d’entreprises perdront à cette réforme diffère de la réalité telle qu’elle sera ressentie par les entreprises.

Je conclurai en évoquant deux derniers points : d’une part, l’imposition forfaitaire des entreprises de réseau, d’autre part, les dispositions relatives aux collectivités territoriales s’appliquant en 2010.

S’agissant du premier point, les débats en commission, comme les amendements que nous avons examinés ce matin, montrent que la situation n’est pas claire, en ce qui concerne tant les installations radioélectriques que les éoliennes ou les activités de production ou de stockage de déchets nucléaires. La discussion de la série de sous-amendements déposés sur l’amendement de la commission nous permettra de préciser nos analyses et nos positions sur ces sujets.

S’agissant des dispositions applicables aux collectivités territoriales en 2010, le principe cardinal est le statu quo, c'est-à-dire le droit constant. Par conséquent, qu’il s’agisse des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle ou des autres dispositifs, nous examinerons les différents sous-amendements à l’aune de ce principe. La commission demandera systématiquement le retrait de ceux d’entre eux qui y contreviendraient. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. L’avis que j’exprimerai, au nom du Gouvernement, sur cet amendement me donnera l’occasion de donner une réponse globale à l’ensemble des sous-amendements.

Monsieur le rapporteur général, je voudrais tout d’abord saluer votre talent de pédagogue. Votre présentation de l’amendement, particulièrement claire et limpide, a permis à chacun de mieux appréhender les enjeux de cette réforme. Comme vous l’avez relevé, il n’est pas habituel que la commission des finances de l’Assemblée nationale ou celle du Sénat récrivent de manière aussi substantielle une partie d’un projet de loi de finances. L’exercice est difficile, mais je me réjouis que nous ayons pu cheminer ensemble de cette façon, car telle était d’emblée la volonté du Gouvernement.

Le débat s’est d’abord noué sur la question du calendrier. Vous aviez émis le souhait, monsieur le rapporteur général, qu’une partie des dispositions soient examinées dans le cadre de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, l’examen de celles qui doivent entrer en vigueur en 2011 et au-delà étant renvoyé à la deuxième partie. Effectivement, une telle procédure d’examen en deux étapes constitue une voie habile et intelligente d’aborder un débat compliqué. Les membres de la Haute Assemblée bénéficieront ainsi d’une quinzaine de jours supplémentaires pour étudier plus en détail non seulement les termes de cette réforme, mais encore ses conséquences. Mes services se tiennent et se tiendront à leur disposition pour leur fournir des simulations.

Cela étant, monsieur le rapporteur général, le Gouvernement compte sur vous pour que le texte qui sera voté à la suite de l’examen de la deuxième partie ne se borne pas à une évocation de quelques grands principes très généraux, mais précise au contraire dans le détail les éléments d’équilibre du texte.

En effet, si tel ne devait pas être le cas, cela risquerait de fragiliser la réforme sur le plan constitutionnel et contribuerait à alimenter, au sein des collectivités territoriales, une inquiétude et des interrogations que certains, d’ailleurs, s’efforcent d’attiser.

M. François Marc. Il n’y en a pas besoin !

Mme Christine Lagarde, ministre. En outre, le Gouvernement ne serait pas en mesure de réaliser, comme il s’y est engagé, les simulations complémentaires dès que l’ensemble de la réforme sera définitivement voté, afin que chacun puisse mesurer les effets de celle-ci.

Bien entendu, le Gouvernement est également favorable, monsieur le rapporteur général, à votre proposition d’instaurer une clause de rendez-vous à mi-chemin de l’année 2010, qui nous permettra, alors que la collecte de l’impôt au profit de l’État aura commencé depuis le 1er janvier, de réajuster si nécessaire les curseurs et d’examiner de manière très précise si la réforme répond aux objectifs fixés, en particulier en termes de maintien des ressources des différents niveaux de collectivités territoriales.

Ces questions de méthode et de calendrier étant réglées, je voudrais maintenant aborder un certain nombre de points sur lesquels nous sommes d’accord.

Lors de la discussion générale, vous avez suggéré de modifier l’intitulé de la contribution économique territoriale, pour distinguer ce que j’appellerai ses deux jambes, à savoir la cotisation foncière des entreprises et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Ces dénominations ayant le mérite d’être claires, j’y suis personnellement tout à fait favorable.

Par ailleurs, le Gouvernement approuve le rétablissement pour l’ensemble des entreprises de la mesure permettant d’atténuer, pour les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre, l’effet du passage à l’assiette reposant sur la valeur ajoutée en plafonnant à 80 % du chiffre d’affaires la valeur ajoutée taxable, pour éviter qu’un certain nombre d’activités de services aisément délocalisables ne pâtissent trop de la réforme.

Le Gouvernement est également d’accord pour neutraliser les exonérations sur la cotisation sur la valeur ajoutée, afin d’éviter que les entreprises concernées ne bénéficient d’un avantage de taux au titre de leurs activités non exonérées.

Enfin, le Gouvernement donne son accord à un plus strict encadrement du dispositif « anti-abus » et au rétablissement de la taxe additionnelle sur les installations nucléaires de base.

En conclusion, je voudrais aborder les quatre points sur lesquels nous allons débattre de façon plus approfondie.

Tout d’abord, monsieur le rapporteur général, vous proposez de revenir sur le renforcement des règles de lien entre les taux adoptées par l’Assemblée nationale. La reliaison des taux fait partie intégrante de la réforme et en est vraiment un élément fondamental. Nous souhaitons débattre de cette question.

Vous souhaitez ensuite supprimer dès 2010 le ticket modérateur. La discussion sur ce point à l’Assemblée nationale a permis, me semble-t-il, d’aboutir à un équilibre.

En outre, vous proposez de modifier profondément les modalités de calcul des compensations aux collectivités territoriales en 2010, en ajoutant un complément aux références bases-taux. Je crains que les conséquences budgétaires d’une telle mesure ne soient trop lourdes, et il me semble donc souhaitable de la réviser de façon très substantielle.

Monsieur le rapporteur général, vous avez indiqué que vous ne souhaitiez pas, pour l’instant, revenir sur le barème. Je vous en remercie. Nous avons veillé très précisément à ce que les entreprises, en particulier les PME et les entreprises à forte intensité de main-d’œuvre, que vous avez évoquées, ne perdent pas à cette réforme. J’ai bien noté qu’une révision du barème serait à vos yeux envisageable ultérieurement.

Enfin, en ce qui concerne la cotisation sur la valeur ajoutée, la fixation d’une imposition minimale forfaitaire pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 500 000 euros et 2 millions d’euros soulève à mon sens une difficulté, dans la mesure où sont essentiellement concernées des PME, catégorie d’entreprises que la réforme a précisément pour objet de soutenir, afin qu’elles puissent développer la recherche- développement et l’emploi sur notre territoire.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J’apprécie les réponses que Mme la ministre vient d’apporter et les orientations qu’elle nous donne.

Je voudrais ajouter, à la suite de l’exposé très complet de M. le rapporteur général, que nous souhaitons assurer une certaine neutralité fiscale entre les formules sociétaires et les formules individuelles. Ce point sera examiné lorsque nous parlerons des très petites entreprises, mais nous avons le sentiment que le sort des assujettis au régime des bénéfices non commerciaux n’est pas vraiment réglé. Il existe une sorte de discrimination entre les professionnels libéraux qui exercent à titre individuel et emploient moins de cinq salariés et ceux qui exercent sous forme sociétaire, or le régime fiscal ne doit pas être conditionné, à mon sens, par le mode d’exercice.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° I-449, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Amendement n° I-1, alinéa 6

Après les mots :

exercées à titre professionnel

supprimer le second membre de phrase.

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Ce sous-amendement est le premier d’une série que mon groupe a déposée sur l’amendement n° I-1 de la commission des finances.

Je voudrais, en préambule, exposer notre point de vue sur l’article 2, dont le dispositif est une usine à gaz fiscale riche en effets pervers et dont la complexité même met en question la constitutionnalité.

Force est de constater que, au fil de la lecture des trente-cinq pages de l’amendement de la commission des finances, nombre de « détails » ne manquent pas de nous surprendre.

L’évidente précipitation qui a présidé à la rédaction de l’article 2 explique le dépôt des nombreux sous-amendements que nous allons examiner et engendrera à l’avenir de nombreuses initiatives parlementaires, ainsi que des discussions techniques au cours de tous les débats législatifs qui, de près ou de loin, concerneront les finances locales.

Le défaut originel de l’article 2 est de répondre à l’aspiration d’une composante de la société, en l’occurrence le MEDEF, en s’imposant à toutes les autres, sans véritablement prendre en compte ce que nous appellerons les « dommages collatéraux ».

Cette volonté obstinée de supprimer la taxe professionnelle ressemble à la course d’un éléphant dans un magasin de porcelaine, avec toute la casse que cela suppose ! Les sous-amendements de notre groupe visent, pour l’essentiel, à limiter les dégâts et à épargner à notre législation fiscale quelques innovations dont elle peut aisément se passer.

Le sous-amendement n° I-449 tend à mettre en œuvre un principe d’imposition au premier euro, excluant par conséquent tout seuil d’exonération totale ou partielle de la nouvelle cotisation locale d’activité. L’étroitesse de l’assiette de cette cotisation nous paraît suffisamment établie pour que nous nous opposions à ce que certains puissent échapper à toute imposition. Tout seuil d’exonération, en matière de fiscalité des entreprises, est un appel immédiat à l’optimisation fiscale, à la recherche permanente de la solution la moins coûteuse et la plus profitable du point de vue de l’allégement de la charge fiscale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. L’adoption de ce sous-amendement aurait pour effet de soumettre à la cotisation foncière des entreprises les particuliers qui tirent des recettes de la location nue de biens immobiliers, alors qu’il ne s’agit pas d’une activité de nature professionnelle.

C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° I-449.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Le sous-amendement n° I-495, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Amendement n° I-1, alinéa 10

Supprimer les mots :

égale à 80 %

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Une cote mal taillée peut-elle suffire à rendre pertinent un dispositif fiscal dont chacun mesurera, au fil de la discussion, qu’il ne permettra aucunement l’amélioration de la lisibilité, la simplification et le renforcement de l’équité que nous étions en droit d’attendre d’une réforme des finances locales ?

Nous avons marqué notre opposition, au cours de la discussion générale, de la présentation des motions et, enfin, durant le débat thématique sur les recettes des collectivités territoriales, à ce que le Président de la République a présenté comme la suppression de la taxe professionnelle.

Une telle démarche, cela a été souligné, constitue évidemment un véritable « coup de poignard » contre une décentralisation déjà passablement mise à mal par des politiques sans cesse plus contraignantes pour les collectivités locales.

Le grand nombre de mesures spécifiques jalonnant l’article 2 est sans nul doute tout aussi contestable que le procédé choisi et rend le dispositif présenté difficilement compréhensible pour les élus, quelle que soit leur sensibilité, et inefficace.

Nous en avons une parfaite illustration avec l’alinéa 10, qui vise à prévoir expressément que certaines catégories de contribuables, en l’espèce, si j’ai bien compris, les micro-entrepreneurs et les prestataires de services soumis au régime de la déclaration administrative contrôlée, bénéficieront d’emblée d’un abattement d’office de 20 % sur un des éléments de calcul de la base imposable.

Évidemment, nous nous doutons bien que cette mesure a pour objet d’éloigner le spectre de la paperasse et des calculs complexes pour la détermination de la cotisation locale des petites entreprises. Le problème est qu’en réduisant l’assiette de la cotisation des micro-entrepreneurs, nous ouvrirons la boîte de Pandore : demain, tous les groupes de pression demanderont qu’une mesure identique soit prise en faveur de leur secteur d’activité, compte tenu du « contexte économique », de la « compétitivité » ou encore de la « concurrence internationale ».

La base plus qu’étroite de la cotisation locale d’activité, que M. Marini nous propose d’appeler « cotisation foncière » –c’est bien le seul point sur lequel nous sommes d’accord avec lui, cette formulation étant plus lisible –, en sera affectée, sans qu’il soit nullement acquis que ces réductions de base seront compensées, d’une manière ou d’une autre, pour les collectivités locales concernées. C’est la grande différence avec les exonérations de taxe d’habitation.

Nous refusons donc d’entrer dans cette logique. C’est pourquoi nous présentons ce sous-amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission s’est interrogée sur les intentions réelles des auteurs de ce sous-amendement.

Sont ici visées les très nombreuses petites entreprises assujetties au régime fiscal de la micro-entreprise. Les textes existants prévoient déjà un abattement sur la valeur ajoutée en leur faveur. Nous proposons simplement de maintenir le dispositif existant pour les micro-entreprises : souhaitez-vous donc alourdir l’imposition de ces dernières, ma chère collègue ? Bien entendu, si telle est votre démarche, la commission ne peut s’y associer ; si votre expression, compte tenu de la complexité du sujet et du texte, ne correspond pas à vos intentions, peut-être serait-il plus judicieux de retirer ce sous-amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.