M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission est d’un avis contraire.

La question est de savoir si ce que l’on appelle le prélèvement France Télécom s’éteint de facto par la suppression de la taxe professionnelle.

Quelle est l’origine de ce prélèvement ? Celui-ci a été créé dans la loi de finances de 2003 à la suite du changement de statut de France Télécom.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Les chambres de commerce et d’industrie sont redevables, de manière complètement arbitraire, d’un prélèvement qui est censé être représentatif…

M. Nicolas About. Cela n’a pas l’air si simple !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Pardonnez-moi, madame la ministre, mais j’aimerais connaître les raisons pour lesquelles ce prélèvement a été créé.

La situation est quelque peu surréaliste ! À l’occasion d’un débat sur la réforme des finances locales, on se retrouve à discuter d’un prélèvement dit « prélèvement France Télécom » ! Mais le rapport entre les chambres de commerce et d’industrie et France Télécom ne tombe pas sous le sens. Il n’y a même aucune logique en la matière !

Certes, il y a une logique historique, mais il serait utile que Mme la ministre nous rappelle la filiation de cette opération.

Pour ma part, j’ai proposé à la commission, qui s’y est ralliée, un sous-amendement contraire à celui que le Gouvernement vient de déposer afin de tirer les conclusions de la discussion qui s’est déroulée à l'Assemblée nationale.

En effet, les députés ont semblé considérer que ledit prélèvement France Télécom était supprimé implicitement. Si je ne me trompe, lors de l’examen d’un amendement de Mme Catherine Vautrin, a été accréditée l’idée selon laquelle ce prélèvement disparaît implicitement avec cette réforme. C’est pourquoi nous avons souhaité clarifier la situation en supprimant de jure un prélèvement qui semble avoir été supprimé implicitement.

Toutefois, j’attends vos explications, madame la ministre.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le rapporteur général, c’est une longue histoire qui a d’ailleurs alimenté les chroniques françaises et communautaires.

France Télécom était jusqu’en 2003 une administration. Devenue entreprise, elle a été, à ce titre, redevable de la taxe professionnelle, ce qui a représenté tout d’un coup une manne financière de l’ordre de 500 millions d’euros pour un certain nombre de collectivités territoriales.

M. Denis Badré. C’était une perte !

Mme Christine Lagarde, ministre. Non, ce n’était pas une perte !

À la suite du changement de statut juridique de cette entreprise intervenu pour des raisons qui n’ont rien à voir avec les besoins locaux de telle ou telle administration, un certain nombre de collectivités territoriales ont bénéficié de cet afflux de recettes au titre de la taxe professionnelle. À l’époque, un prélèvement a été instauré pour plafonner en quelque sorte l’avantage considérable qu’elles en ont retiré.

Par ailleurs, les chambres de commerce et d’industrie perçoivent une taxe additionnelle à la taxe professionnelle, qui suit, d’une certaine manière, le même régime.

Le texte initial du projet de loi de finances prévoyait de maintenir, au moins pour l’année 2010, selon le principe du droit constant, ce même prélèvement non seulement sur les collectivités territoriales, mais également, par droit de suite, si je puis dire, sur les chambres de commerce et d’industrie.

Toutefois, l'Assemblée nationale a modifié le texte, en prévoyant certes le maintien de ce prélèvement sur les collectivités territoriales, mais en passant sous silence celui qui s’applique aux chambres de commerce et d’industrie.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en rejetant le sous-amendement du Gouvernement, vous octroyez un cadeau spécifique aux chambres de commerce et d’industrie, auxquelles n’ont pas droit les communes. Vous mettez ainsi à mal le parallélisme des formes, puisque ce droit de suite légitime ne s’appliquerait plus.

Il était peut-être utile de rappeler cet historique pour bien comprendre la logique dans laquelle s’inscrit le sous-amendement n° I-529.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. Madame la ministre, je ne comprends pas la position du Gouvernement en la matière.

Depuis 2003, on parle de l’affaire du prélèvement France Télécom. Des associations d’élus se sont même créées pour tenter de faire basculer France Télécom dans le droit commun.

M. Jean-Pierre Fourcade. Avouons-le, ce serait normal, car le fait que France Télécom bénéficie d’un régime exceptionnel au titre de la taxe professionnelle n’a aucune justification théorique.

Madame la ministre, vous proposez, à l’article 2, de maintenir le prélèvement sur la taxe additionnelle à la taxe professionnelle des CCI et, à l’article 3, vous proposez de réduire de 5 % la taxe additionnelle à la taxe professionnelle perçue par les chambres consulaires. (Mme la ministre acquiesce.) Quelle est la logique ?

Il eût été cohérent de supprimer le prélèvement en maintenant une taxe additionnelle à la cotisation locale d’activité pour un montant égal à 95 % de la taxe additionnelle à la taxe professionnelle. Mais maintenir le prélèvement et, dans le même temps, vouloir réduire de 5 % la taxe additionnelle à la taxe professionnelle n’est, je le répète, nullement justifié.

Il me semble donc préférable de ne pas voter le sous-amendement du Gouvernement. J’ai d’ailleurs déposé un amendement à l’article 3 visant à maintenir la taxe additionnelle à la cotisation locale d’activité pour un montant égal à 98 % de la taxe additionnelle à la taxe professionnelle, sachant que le prélèvement France Télécom représente environ 3 %. Essayons donc de trouver une solution satisfaisante !

Les chambres de commerce et d’industrie sont en pleine rénovation, et nous allons d’ailleurs bientôt discuter d’un plan de modification complète, pour ne pas dire de réunification, de leur réseau.

Alors que l’on souhaite stimuler l’investissement, aider les entreprises à s’adapter à la compétition internationale et développer les petites et moyennes entreprises, notamment à l’exportation, on ne peut pas à la fois maintenir le prélèvement France Télécom et limiter à 95 % de la taxe additionnelle à la taxe professionnelle, comme le prévoit l’article 3, la taxe additionnelle à la cotisation locale d’activité versée aux chambres de commerce et d’industrie.

Il faut que le Gouvernement choisisse : c’est l’un ou l’autre !

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.

M. Alain Fouché. Je suis de l’avis de M. Fourcade. Le dossier de France Télécom a connu quelques rebondissements ces dernières années. À la suite des difficultés rencontrées par certaines collectivités, des associations d’élus ont été créées ; c’est le cas dans mon département, où des problèmes se sont posés à cet égard pour la communauté d’agglomération de Poitiers.

Madame la ministre, j’avais cru comprendre que les collectivités avaient obtenu gain de cause vis-à-vis de France Télécom. En revanche, j’ai le sentiment que, si votre sous-amendement est adopté, les chambres de commerce ne disposeront pas des mêmes recettes fiscales.

Voilà pourquoi je ne suis pas très favorable non plus à ce sous-amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Madame la ministre, permettez-moi, à la suite de ces quelques interventions, de revenir sur le fond du sujet.

Ce qui est en cause, en réalité, c’est la réforme consulaire en cours et la détermination des ressources des compagnies consulaires. Cela vaut pour les chambres de commerce et d’industrie ; cela vaut aussi, à un moindre titre, pour les chambres de métiers.

L’article 3 traitant du financement des chambres de commerce et d’industrie, je vais quelque peu anticiper, dans un souci de bonne compréhension de l’ensemble sujet.

Nous aurons, s’agissant des chambres de commerce, deux décisions à prendre : l’une portant sur l’année 2010 et l’autre, de caractère plus fondamental, touchant la règle du jeu relative au financement qui devra prévaloir par la suite.

Finalement, à l’égard des chambres de commerce, on peut tenir, mutatis mutandis, un raisonnement similaire à celui que nous tenons pour les collectivités territoriales. Nous avons, d’une part, à régler la question pour l’année 2010 et, d’autre part, à envisager la mise en œuvre de nouvelles structures et de nouveaux modes de financement.

Pour ce qui est de l’année 2010, dans le souci d’une rationalisation des structures – souci que l’on ne peut qu’approuver, en tout cas du point de vue de la commission des finances –, il est demandé aux chambres de commerce de faire des efforts. À ce titre, et selon la proposition du Gouvernement, elles devraient, pour faire face à la modification de leurs ressources, réduire leurs dépenses de 5 % par rapport à l’année précédente.

Nous enregistrons quelques « remontées » dans nos différents départements, car le fait de devoir réduire de 5 % un budget, même celui d’une chambre de commerce, suscite toujours quelques questions, voire quelques frustrations.

Quand nous en aurons enfin terminé avec les collectivités locales, nous nous occuperons des chambres de commerce et d’industrie en abordant l’article 3. Celui-ci prévoit un financement transitoire pour l’année 2010 au moyen d’une taxe dont le montant devra représenter 95 % de celui de la taxe additionnelle à la taxe professionnelle acquittée en 2009.

Toutefois, selon les activités plus ou moins diversifiées des chambres, la part relative de cette ressource parafiscale varie. Elle est dominante pour certaines chambres ; pour d’autres, au contraire, elle est sensiblement plus faible, car elles ont développé des activités d’enseignement, de gestion du domaine public portuaire, par exemple.

Par conséquent, l’impact de la réduction de 5 % sur la seule ressource décidée par le Parlement est variable. Or, dans ce réseau, il n’y a pas vraiment, jusqu’ici, d’organe central ; c’est bien d’ailleurs l’un de ses problèmes. Il existe une Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie, l’ACFCI, qui est très respectable et, à mon sens, très bien dirigée, mais elle n’a pas le droit de procéder à des péréquations. Il n’existe pas d’outils de péréquation permettant, en quelque sorte, de mettre en correspondance, pour ce qui est des chambres de commerce, les gagnantes et les perdantes, les riches et les pauvres ou les moyennement riches et les moyennement pauvres, avec toutes les difficultés que comporterait un tel exercice ! Nous avons encore affaire à une gestion très archaïque, qu’il est manifestement indispensable de faire évoluer.

Pourquoi ce prélèvement – qui constitue lui-même, selon France Télécom, un archaïsme – rejaillit-il dans le débat ? Parce que, comme nombre de nos collègues députés, les dirigeants des chambres de commerce et d’industrie avaient compris – mais nous sommes collectivement bien excusables de ne pas toujours nous exprimer clairement sur ces sujets ! – que le prélèvement passait de facto à la trappe ; dans les débats à l’Assemblée nationale, certains éléments semblaient militer pour cette interprétation.

Cela aurait bien arrangé les chambres de commerce ! En effet, si la suppression du prélèvement est confirmée, la contrainte qui leur est appliquée au titre des 5 % de réduction de leurs ressources devient beaucoup plus légère et, du même coup, les frustrations ou les difficultés se réduisent à peu de chose !

Ayant ainsi dressé l’état de la question, permettez-moi de proposer une méthode.

Le Sénat pourrait considérer que le prélèvement au profit de l’État du montant de la TATP versée par France Télécom n’a plus lieu d’être. Il suffit de se reporter aux motifs de sa création. Il n’avait pas, alors, nécessairement vocation à être pérenne. De plus, le faire perdurer est quelque peu contestable dans la mesure où l’on continue à ne le faire fonctionner que pour des raisons purement budgétaires, la nécessité d’origine ayant probablement disparu : les structures de France Télécom ont évolué depuis 2004, etc.

Toutefois, si le Sénat estime judicieux de suivre la recommandation de la commission des finances, il convient, pour être équitable et traiter raisonnablement le problème, de considérer qu’aucun des amendements revenant sur la discipline des 95 % ne doit être adopté.

Voilà la solution qui aurait ma préférence. Elle n’est pas parfaite, mais elle a une justification et elle est compréhensible.

Si le Sénat consent à me suivre, en seconde partie, je vous suggérerai alors de prendre des orientations pour le financement futur des chambres de commerce et d’industrie. En effet, il faut vraiment mettre fin à cette situation qui consiste à s’en remettre chaque année au Parlement pour régler des problèmes très particuliers, qui relèvent en vérité de la gestion des chambres.

Il faudrait, au contraire, élaborer un système responsabilisant, dans lequel les entreprises décideraient des moyens communs à mettre en place au sein des chambres de commerce et en assumeraient le coût ! Car il n’est plus possible qu’elles viennent nous demander chaque année de remonter le plafond ou d’être prémunies contre leurs propres erreurs de gestion !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le rapporteur général, je vous remercie d’avoir pris ce temps de l’explication pour que chacun comprenne bien la genèse de ce prélèvement France Télécom et la raison de mon sous-amendement.

Je souhaite vous suivre dans votre proposition relative à la période transitoire de 2010, car je rejoins tout à fait votre propos : il est nécessaire de régler ce problème. À partir de 2011, d’autres éléments devront être mis en place pour mieux organiser les chambres de commerce et d’industrie et les aider à se réformer.

Actuellement, une grande réforme consulaire, à laquelle Hervé Novelli travaille depuis plusieurs mois déjà, est sur le métier et le financement en fera, bien entendu, partie intégrante.

Toutefois, dans l’intervalle, je vous incite vivement à adopter mon sous-amendement. En effet, s’il n’était pas adopté, les 45 millions d’euros de ressources prélevés auparavant par l’État iraient aux chambres de commerce et d’industrie, ce qui reviendrait à gonfler d’autant leur budget.

À l’article 3, le Gouvernement propose de reconduire pendant l’année 2010, que nous avons tous deux qualifiée de transition, le budget à l’identique, minoré simplement de 5 %. Mais il faut savoir que le financement par l’État correspond à un tiers des budgets des chambres de commerce et d’industrie.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est pas un financement par l’État !

Mme Christine Lagarde, ministre. Si, il y a un financement par l’État !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est l’argent des entreprises ! C’est un financement parafiscal !

Mme Christine Lagarde, ministre. Vous avez raison, c’est une taxe parafiscale prélevée par l’État, puis affectée aux chambres de commerce et d’industrie.

Compte tenu de la révision générale des politiques publiques, à laquelle chacun essaie de se conformer pour tenter de réduire quelque peu le train de vie d’un certain nombre d’organismes, nous proposons aux chambres de commerce et d’industrie la reconduction de ce que l’État leur reversait diminué de 5 %, ce qui représente un effort d’économies représentant environ 1,4 % de la totalité de leur budget.

Si vous rejetez mon sous-amendement, je crains que ne soient de toute façon réinjectés 45 millions d’euros, grâce à ce prélèvement France Télécom qui disparaît, et que l’effort que nous leur demandons ne soit réduit lors des discussions que nous aurons à propos des 95 %.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ne voudrais pas que le débat sur le sort des chambres de commerce et d’industrie s’éternise.

En 2004, France Télécom s’est retrouvée avec une assiette de taxe professionnelle sans précédent. Puis les gestionnaires ont compris qu’il fallait peut-être faire le ménage dans la comptabilité de France Télécom. Un certain nombre de communes en ont été directement victimes.

En effet, à la suite des restructurations internes qui ont eu lieu à France Télécom, certains sites ont disparu, en même temps que la ressource fiscale correspondante pour des communes qui avaient déjà subi, s’agissant de leur dotation globale de fonctionnement, une soustraction identique à ce qu’était la taxe professionnelle en 2004. La réforme que nous allons voter devrait mettre un terme à cette situation.

J’ai bien noté, madame la ministre, que ces 45 millions d’euros sont soustraits aux ressources des chambres de commerce et d’industrie pour compenser la plus-value providentielle de 2004. Mais j’imagine qu’un certain nombre de chambres de commerce ont dû subir le même sort que les communes qui ont vu disparaître, dans leur assiette de taxe professionnelle, la part de France Télécom ! Ne s’agit-il pas d’une disposition trop brutale ? Ne faudrait-il pas prendre le temps de voir ce qu’il en est, chambre de commerce par chambre de commerce ?

Peut-être pouvons-nous accepter votre sous-amendement, madame la ministre, mais à la condition qu’il soit procédé à une expertise complémentaire et que, d’ici à la commission mixte paritaire, nous ayons pu faire le point.

Mme Christine Lagarde, ministre. J’accepte bien volontiers votre proposition, monsieur Arthuis.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° I-529.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Le sous-amendement n° I-63, présenté par M. Arthuis, est ainsi libellé :

Amendement n° I-1, alinéas 346 et 347

Rédiger ainsi ces alinéas :

6.1.3.1. Les 1°, 2°, 4° du I et le II sont abrogés.

6.1.3.2. En conséquence, au début du premier alinéa du I, les mots : « I. Sous réserve des dispositions du II, » sont supprimés.

La parole est à M. Jean Arthuis.

M. Jean Arthuis. Il me semble que, à l’occasion de la réforme qui nous est soumise, nous pourrions revoir certaines exonérations. C’est dans cette optique que j’ai déposé cet amendement à titre personnel.

Les coopératives agricoles et les caisses mutuelles agricoles bénéficient d’une exonération de cotisation de taxe professionnelle et de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Or nous sommes à la recherche d’assiettes de cotisations.

Mes chers collègues, je vous rends attentifs au fait que, dans certains cas, il suffit qu’une entreprise relevant du secteur marchand non coopératif, et donc soumise aux impôts locaux – foncier bâti et taxe professionnelle –, passe sous contrôle d’une coopérative pour que l’assiette disparaisse, alors même que, d’un point de vue économique, il s’agit des mêmes activités.

Il me semble que nous pourrions tirer profit de cette réforme pour procéder à une révision des exonérations en vigueur et créer les conditions d’une concurrence saine et loyale entre le secteur coopératif et le secteur marchand non coopératif – j’allais dire le secteur privé, mais les coopératives relèvent en fait aussi du privé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je suis au regret de faire état, pour une fois, de mon désaccord avec Jean Arthuis. Mais il faut bien que cela arrive de temps en temps ! (Sourires.)

Nous abordons là un terrain miné… (Nouveaux sourires.) Certes, la question peut être soulevée, mais je ferai observer que la réforme de la taxe professionnelle crée des frustrations dans l’ensemble des collectivités locales, que les chambres de commerce en viennent à éprouver le même sentiment. Faut-il, en plus, remettre en question du statut traditionnel de la coopération, au risque d’ajouter encore de la frustration à la frustration ? (Nouveaux sourires.)

Pour procéder de la sorte, mieux vaudrait se trouver en début de mandat, plutôt qu’à l’approche de son deuxième versant ! (Nouveaux sourires.)

Pardonnez-moi, mes chers collègues, d’enfreindre quelque peu les règles du jeu en me montrant aussi direct et aussi peu juridique. Si je comprends fort bien, sur le plan de la logique économique, les propos de Jean Arthuis, à ce stade, pour 2010, le droit constant m’apparaît tout de même comme la voie de la raison en la matière. En effet, modifier des choses aussi ancrées…

M. Michel Charasse. Dans les mauvaises habitudes !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Quoi qu’il en soit, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur ce sujet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Arthuis, vous proposez de supprimer l’exonération en faveur des coopératives agricoles. Celle-ci a été reconduite pour des raisons identiques à celles qui ont motivé son instauration : le régime spécifique se justifie par le fait que, ces coopératives se contentant d’accomplir collectivement les mêmes actes que les exploitants isolés, elles ne doivent pas être pénalisées par rapport à ces derniers.

En vertu à la fois du principe du droit constant et de l’encouragement que l’on souhaite donner à ces coopératives plutôt qu’à des exploitants isolés, je vous demande, monsieur Arthuis, de bien vouloir retirer ce sous-amendement, au bénéfice d’une proposition que je souhaite vous faire.

Vous le savez, j’ai confié à l’inspection générale des finances, le soin d’examiner les 468 niches fiscales que recèle notre magnifique droit fiscal. Ses travaux ont bien avancé. Je me propose de demander l’évaluation en priorité de celle que vous venez d’évoquer, afin de revenir vers vous en tout début d’année pour décider si cette exonération constitue ou non un abus.

M. le président. Le sous-amendement n° I-63 est-il maintenu, monsieur Arthuis ?

M. Jean Arthuis. J’accueille très positivement votre proposition, madame la ministre.

Je souhaite cependant souligner que les coopératives agricoles d’aujourd’hui ne sont plus celles d’hier, c'est-à-dire des prolongements des exploitations agricoles. C’est d’ailleurs à ce titre qu’elles pouvaient bénéficier du régime agricole.

Aujourd’hui, de par leur dimension, certains groupes coopératifs n’ont plus rien de commun avec les coopératives d’antan ! Les technostructures des coopératives ont pris les opérations en main. Dans la plupart des cas, ces sociétés n’appartiennent même plus aux coopérateurs. Il est donc temps de sortir d’une vision quelque peu idéaliste ! Du reste, lorsque des coopératives créent des sociétés, elles optent pour la forme commerciale, notamment la société anonyme. Il a d’ailleurs fallu inventer un système fort complexe pour permettre la remontée vers les coopératives des dividendes de leurs filiales constituées en société anonyme ! Il s’agit là d’une forme d’hypocrisie, car on ne peut plus porter sur les coopératives agricoles d’aujourd'hui le regard que l’on portait jadis sur leurs ancêtres.

Je crois que ce serait l’honneur du Parlement que d’avoir le courage de faire un peu de ménage dans ce domaine.

Par conséquent, j’accueille avec enthousiasme votre proposition, madame la ministre, et je retire ce sous-amendement.

M. le président. Le sous-amendement n°I-63 est retiré.

Le sous-amendement n° I-487, présenté par MM. Dubois et Maurey et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 350

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

6.1.4.2. Le 1° est ainsi rédigé :

« Les chefs d'entreprises immatriculés au répertoire des métiers ainsi que les personnes physiques exerçant une activité artisanale à titre provisoire complémentaire dispensés de l'obligation d'immatriculation au répertoire des métiers en application du V de l'article 19 de la loi n° 96-603 du 6 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat qui travaillent soit à façon pour des particuliers, soit pour leur compte et avec des matières premières leur appartenant lorsqu'ils n'utilisent que le concours d'un ou plusieurs apprentis âgés de vingt ans au plus au début de l'apprentissage et munis d'un contrat d'apprentissage dans les conditions prévues par les articles L. 6221-1 à L. 6225-8 du code du travail. »

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État de la nouvelle rédaction de l'alinéa 350 est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Denis Badré.

M. Denis Badré. Par ce sous-amendement, nos collègues Hervé Maurey et Daniel Dubois souhaitent en premier lieu préciser, dans le code général des impôts, le terme « artisans ».

En second lieu, en l’état actuel du texte, l’exonération de la cotisation locale d’activité des entreprises concerne uniquement les chefs d’entreprise individuelle et l’associé unique d’une société à responsabilité limitée, lorsque cet associé est une personne physique. Les autres entreprises exerçant sous forme sociétaire en seraient exclues, alors que l’abattement est appliqué, à l’heure actuelle, aussi bien aux exploitants individuels qu’aux sociétés.

Vous l’avez dit et répété, monsieur le rapporteur général, nous œuvrons, dans le cadre de cette réforme, à droit constant. Il n’y a donc pas lieu de modifier le champ de cette exonération à cette occasion.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ce sous-amendement a pour objet d’exonérer de la contribution économique territoriale l’ensemble des artisans.

Madame la ministre, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur ce sujet. Faut-il raisonner en termes de réduction de base ou d’exonération ? Comment appréciez-vous la situation des artisans ?

Le sous-amendement déposé par M. Dubois et ses collègues nous permettra sans doute d’y voir plus clair. Nous nous déterminerons en fonction de vos réponses.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Badré, vous demandez que le dispositif d’exonération de cotisation foncière des entreprises applicable aux « ouvriers » – c’est le terme consacré – soit étendu aux chefs d’entreprise immatriculés au registre des métiers, ainsi qu’à ceux qui sont dispensés de cette obligation, qu’il s’agisse d’entreprises individuelles ou de personnes morales.

Je ne suis pas favorable à une telle proposition, et je vais m’efforcer, monsieur Badré, monsieur le rapporteur général, de m’en expliquer.

L’exonération prévue en faveur des ouvriers, qui est reconduite telle quelle, vise les travailleurs indépendants remplissant trois conditions cumulatives : premièrement, ils doivent exercer une activité où le travail manuel est prépondérant ; deuxièmement, ils ne doivent pas spéculer sur la matière première ; troisièmement, ils ne doivent pas utiliser des installations trop importantes.

Ainsi, la mise en œuvre de votre proposition, monsieur Badré, irait bien au-delà du champ d’application délimité par les trois critères que je viens d’évoquer, puisque vous visez tous les chefs d’entreprises immatriculées, et non pas seulement ceux qui remplissent ces conditions.

Par ailleurs, elle serait susceptible d’engendrer, pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale, une perte de ressources importante.

Pour ces deux raisons, le Gouvernement vous demande, monsieur Badré, de bien vouloir retirer ce sous-amendement ; à défaut, il se verra contraint d’émettre un avis défavorable.