M. le président. L’amendement n° I-387 est retiré.

Monsieur Lambert, l’amendement n° I-420 est-il maintenu ?

M. Alain Lambert. Je ne suis que le modeste greffier de M. Garrec, qui est un sénateur du littoral, contrairement à moi !

Madame la ministre, j’ai d’autant plus apprécié le cours fiscal particulier que vous m’avez dispensé que j’ai suivi l’enseignement de la meilleure école de la République, celle de la commission des finances du Sénat ! (Sourires.) J’en suis ressorti avec la conviction que la meilleure imposition consistait à appliquer l’assiette la plus large et le taux le plus bas possible.

Cela étant, et pardonnez-moi de vous le dire, la nouvelle contribution que nous instaurons fait déjà dans la dentelle avant même que j’aie eu à présenter mon amendement ! Au reste, puisque nous parlons de dentelle, je vous signale que la plus belle est celle au point d’Alençon ! (Sourires.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est vrai ! 

M. Alain Lambert. Or nous ne faisons ni de la dentelle ni de la fiscalité aveugle, nous faisons de l’économie !

Je vais reprendre l’exemple du cabotage.

D’un côté, il y a un armateur français, que vous encouragez vivement à créer des emplois et à les conserver, en lui versant au besoin des primes dans des conditions compliquées ; de l’autre, il y a un armateur britannique, qui, lui, ne touche pas de prime, mais qui n’aura pas à payer la contribution carbone.

Lorsque vous m’aurez expliqué comment le Français pourra être plus compétitif que le Britannique, j’aurai des raisons de retirer mon amendement !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon, pour explication de vote sur le sous-amendement n° I-549 rectifié et sur l’amendement n° I-420.

M. Jean-Claude Frécon. Je souscris tout à fait à la démonstration d’Alain Lambert. Si l’on veut que notre économie soit compétitive, il ne faut pas créer de nouvelles distorsions de concurrence entre des entreprises ayant la même activité sur un même territoire.

Tout à l’heure, s’agissant des compagnies d’aviation, on m’a dit que, par souci de ne pas faire de distorsion, il fallait appliquer la taxe dans notre pays. Mais si je retourne l’argument, j’en déduis qu’il ne faut pas l’appliquer ici ! Soyons cohérents : on ne peut pas pencher une fois dans un sens et une fois dans l’autre au nom d’un même principe !

Concernant le sous-amendement, j’ai indiqué, en le présentant, qu’il s’agissait d’un sous-amendement de précision. La proposition de François Marc et du groupe socialiste visait à appeler l’attention du Sénat sur notre volonté d’assurer la continuité territoriale vers les petites îles, y compris pour les petits trajets. La rédaction d’Alain Lambert et de René Garrec est bonne, mais elle mérite d’être précisée. C’est pourquoi nous soutenons leur amendement, en espérant que les termes « assurant la continuité territoriale » y seront ajoutés.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Je souhaite vivement vous convaincre, monsieur Lambert.

Je sais que les vertus d’une assiette large et d’un taux bas avec le moins de dérogations possible vous agréent. Or c’est l’objectif que nous poursuivons avec cette contribution.

Je doute que le cabotage national ne soit l’objet d’une distorsion de concurrence et que des armateurs étrangers ne soient en mesure d’appareiller des navires, de les approvisionner en carburant dans leur port d’attache, puis de les faire naviguer entre Nantes et Bordeaux ou Le Havre et Cherbourg. Même si je suis sensible à l’argument économique que vous soulevez, je ne pense pas que ce secteur soit exposé à la concurrence internationale.

De plus, malgré toute la sympathie que m’inspire le cabotage maritime et en dépit des vertus dont il est paré, je crains que l’application de la contribution carbone telle que vous la prônez ne varie selon le tonnage du bateau ou la route qu’il aura empruntée. Il existe déjà aujourd’hui dans ce type d’activité des difficultés d’interprétation et de segmentation redoutables ; n’en ajoutons pas à l’occasion d’un amendement, fût-il de qualité en raison de son auteur et de sa rédaction ! À nouveau, je vous invite à le retirer pour éviter de créer une nouvelle difficulté d’interprétation.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Lorsque nous avons commencé l’examen de l’article 5, Mme la ministre s’est réjouie que la France puisse présenter pour la première fois lors du sommet de Copenhague cette proposition en matière environnementale de taxe carbone, devenue depuis « contribution » carbone. Vous aviez d'ailleurs marqué votre préférence pour le terme « taxe ».

Mme Christine Lagarde, ministre. La traduction est plus aisée !

M. Jean Desessard. S’agissant de ce qui relève de l’économie captive, c'est-à-dire sur le plan national, vous dites qu’il faut appliquer la taxe, madame la ministre. Mais dès que nous abordons l’examen des secteurs en concurrence avec des entreprises d’autres pays, vous déclarez qu’il importe de les exonérer afin de favoriser nos entreprises !

M. Adrien Gouteyron. Cela vous choque-t-il ?

M. Jean Desessard. Madame la ministre, j’espère que les pays participant au sommet de Copenhague vont se mettre d’accord et que la France va demander que les secteurs concurrentiels à l’échelon international soient taxés. Si des mesures concernant les échanges économiques mondiaux ne sont pas prises à Copenhague, alors ce sommet n’aura servi à rien !

Si l’on ne veut taxer que les petits artisans en France, je crains qu’il ne soit difficile d’y parvenir à l’échelle de la planète… Si un pays comme la France ne donne pas l’exemple, qui va le faire ? À quoi allons-nous arriver si l’on ne taxe que le marché captif, le marché concurrentiel international ne l’étant pas ? Comment pourra-t-on obtenir la taxation du marché concurrentiel international si nous le refusons, au motif que les autres ne le font pas ?

Bref, quelle attitude la France va-t-elle adopter à Copenhague ? Va-t-on s’orienter vers une taxation de l’ensemble de l’économie polluante de la planète ?

M. le président. La parole est à M. Alain Lambert, pour explication de vote.

M. Alain Lambert. S’il s’agissait simplement de vous faire plaisir, madame la ministre, j’aurais immédiatement accédé à votre demande. (Sourires.) Malheureusement, je n’ai pas été convaincu. Cette contribution est mal née, disons-le franchement. Elle est pour le moins imparfaite.

Mme Nicole Bricq. En effet !

M. Alain Lambert. Vous me demandez de la parfaire, mais mon amendement serait bien modeste pour parfaire une contribution si mal née. Je ne veux pas, avec mon collègue René Garrec, porter le péché des pertes d’emplois dans le domaine maritime. (M. René Garrec acquiesce.) C’est au Gouvernement de l’assumer devant les Français !

Nous sommes confrontés à des problèmes économiques gravissimes. Nous ne pouvons pas prendre une telle responsabilité. J’ajoute que vous n’avez pas répondu à ma question, madame la ministre.

Le transport maritime, à l’instar du transport aérien, devrait être prochainement intégré dans un dispositif international. Attendons donc ! Pourquoi nous précipiter, donner des leçons de vertu au monde entier au prix de la perte de nos emplois ?

M. Alain Lambert. Pour ma part, je n’en ai pas la force. C’est la raison pour laquelle nous maintenons notre amendement.

M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.

M. Michel Magras. Avec l’application des directives européennes, l’imposition de l’essence a augmenté à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, ce qui nous a mis en difficulté considérable par rapport à la partie hollandaise de Saint-Martin, qui a le statut de pays et territoire d’outre-mer : le prix du litre d’essence était à l’époque de 0,86 euro à Saint-Martin et de 1,39 euro à Saint-Barthélemy ! Avec la crise guadeloupéenne, les prix ont été revus à la baisse.

Cela étant dit, si la contribution carbone était appliquée à la partie française de Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, je crains qu’un certain nombre de stations-service ne soient condamnées à fermer.

M. Jean Desessard. Cela représente quatre centimes d’euros : il ne faut tout de même pas exagérer !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° I-549 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-420.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° I-397, présenté par M. Collomb, est ainsi libellé :

I. - Après l'alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

- destinés à êtres utilisé par des installations, véhicules ou engins participant à un service public de leur compétence et pour lequel une collectivité locale s'est engagée, dans le cadre de son plan énergie climat territorial, à compenser les émissions directes de gaz à effet de serre de ces mêmes installations ou véhicules par des crédits certifiés issus de projets dits de Mécanisme de Développement Propre vecteurs de coopération décentralisée.

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par le reversement au compte Kyoto de l'État des crédits carbone.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° I-141 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I. - Après l'alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« - utilisés, jusqu'au 31 décembre 2010, par des réseaux de chaleur non soumis au régime des quotas d'émission de gaz à effet de serre prévu par la directive n° 2003/87/CE précitée, en proportion de la puissance souscrite destinée au chauffage de logements. 

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les pertes de recettes résultant, pour l'État, de l'exonération temporaire de contribution carbone au bénéfice des réseaux de chaleur sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission souhaite que les produits énergétiques utilisés par les réseaux de chaleur soient temporairement exonérés de la contribution, et ce jusqu’au 31 décembre 2010. Notre souci est de préserver le pouvoir d’achat des abonnés au chauffage urbain. Nous voulons prendre le temps d’examiner le problème.

À la lecture des débats à l’Assemblée nationale et des travaux préparatoires, j’ai le sentiment, s’agissant de l’incidence de la contribution carbone sur le pouvoir d’achat, que nous nous sommes concentrés sur les déplacements, faisant passer au second plan la question du chauffage. Je ne dispose d’ailleurs d’aucun élément chiffré de nature à me prouver que ce que j’appelle les « ristournes » restituées aux particuliers incorpore bien une estimation des surcoûts de chauffage.

Au surplus, le signal-prix dont nous parlons doit faire évoluer les comportements. Quand vous êtes simplement de l’autre côté d’un robinet qui vous alimente en eau chaude et en chauffage, comment pouvez-vous évoluer dans votre comportement ? Bien sûr, l’exploitant d’une chaufferie urbaine peut prendre des mesures. Il est en général lié avec une collectivité par un contrat de délégation de service public – il peut s’agir d’un affermage, d’une concession. Mais le temps que toutes ces choses très complexes évoluent, l’usager individuel, locataire ou copropriétaire, paie… et il peut voir sa facture augmenter sensiblement !

Bien entendu, la contribution carbone est plutôt un facteur second dans l’ensemble des éléments qui entrent dans le calcul d’une facturation de chauffage, mais il doit pouvoir être contrôlé.

C’est pourquoi, madame la ministre, la commission demande un moratoire d’une année pour mieux étudier la question s’agissant du chauffage urbain. Il ne s’agit nullement d’un refus de notre part. Nous n’essayons pas de détricoter cette contribution. Dans la mesure où c’est un sujet sensible pour l’opinion publique, nous voulons simplement en connaître avec certitude les effets.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le rapporteur général, votre amendement a pour objet d’exonérer de taxe carbone jusqu’au 31 décembre 2010 les produits énergétiques utilisés par des réseaux de chaleur non soumis au régime des quotas d’émission de gaz à effet de serre en proportion de la puissance souscrite destinée au chauffage des logements.

Vous estimez, en effet, que les ménages les plus modestes doivent être préservés d’une incidence trop brutale de la hausse des prix énergétique due à la taxe carbone. C’est bien dans cet esprit qu’avait été adopté un régime favorable de TVA à taux réduit pour ces réseaux.

En revanche, ajouter une exonération de taxe carbone au bénéfice des réseaux de chaleur entrerait en contradiction avec le principe d’égalité devant l’impôt au regard du chauffage individuel utilisant les mêmes sources d’énergie ainsi qu’avec les dispositions de la directive 2003/96/CE qui ne prévoit d’exonération en l’espèce que dans le cas de cogénération visé par l’amendement précédemment défendu par M. Muller.

Cette exonération, si elle s’appliquait, même pour une durée d’une année, irait à l’encontre des objectifs de la taxe, alors que les émissions du secteur résidentiel constituent un enjeu important pour le respect de nos engagements internationaux.

Par ailleurs, les ménages concernés bénéficieront de la redistribution du produit de la taxe carbone prévue à l’article 6.

Vous m’avez demandé si nous avions pris en compte la question du chauffage, en plus des questions de transport, pour déterminer la façon dont les différents déciles de niveau de vie, qui sont au nombre de dix dans notre pays, classés ensuite entre ruraux et urbains, bénéficient ou non, en net positif ou en net négatif, du mécanisme prévu : article 5, taxe carbone ; article 6, crédits aux ménages.

En tenant compte des charges supplémentaires liées à l’application de la taxe carbone en matière de transports et de chauffage, il y a bien un gain net pour les catégories de ménages les plus modestes, en tout cas pour les quatre premiers déciles en milieu urbain et pour le premier décile en milieu rural.

Telles sont les informations complémentaires que je souhaitais vous communiquer. Les ménages les plus modestes ne seront donc pas pénalisés par la taxe carbone, y compris en tenant compte du chauffage.

Au bénéfice de ces explications, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Monsieur Marini, l'amendement n° I-141 rectifié est-il maintenu ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Madame la ministre, l’amendement n’est pas parfait, notamment du point de vue communautaire. J’ai cependant le sentiment que la discussion à l’Assemblée nationale a été incomplète sur cette question, et je ne voudrais pas que nous passions à côté d’une réelle difficulté.

Je comprends qu’en l’état cet amendement puisse poser quelques problèmes. Toutefois, comme élément de discussion au sein de la commission mixte paritaire, il peut avoir son utilité. C’est la raison pour laquelle je crois devoir le maintenir. Nous pourrons ainsi poursuivre la discussion avec nos collègues députés en commission mixte paritaire.

M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour explication de vote.

Mme Fabienne Keller. Au risque de prendre une position impopulaire, je m’inquiète des exonérations multiples que nous venons de valider, les unes après les autres, tout en expliquant qu’il vaudrait mieux appliquer cette nouvelle fiscalité à tous les secteurs plutôt que de faire de la dentelle d’Alençon…

S'agissant des réseaux de chaleur, monsieur le rapporteur général, je m’inquiète des pratiques des sociétés de chauffage urbain, qui comparent souvent leurs prix aux évolutions des prix de l’énergie. Un décalage dans le temps créerait une incohérence qui ne serait pas forcément favorable, la formation des prix étant déjà d’une transparence toute relative…

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai !

Mme Fabienne Keller. Il s’agit peut-être plus d’une question de transparence en matière de formation des prix des réseaux de chaleur. On a déjà constaté des hausses de prix supérieures au montant de la contribution carbone, dont j’ai le plaisir de rappeler que, pour l’essence, elle ne s’élève qu’à 4 centimes, …

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Tout à fait !

Mme Fabienne Keller. … soit à peu près 10 % de la hausse du marché de l’été 2008.

L’argumentation concernant l’habitat social est légitime, mais les réseaux de chaleur alimentent de nombreux logements construits dans les années soixante et soixante-dix. Or tous ne sont pas des logements sociaux.

La question du chauffage dans l’habitat social est en effet un véritable sujet. Il me semble d’ailleurs que nos anciens Premiers ministres, MM. Juppé et Rocard, étudient cette question dans le cadre de leur réflexion sur le « grand emprunt », dont une partie devrait être dédiée à la rénovation thermique des logements sociaux.

Enfin, s’il est vrai que tout le monde ne peut pas isoler son logement, en particulier les locataires de logements sociaux, chacun peut néanmoins fermer ses volets, gérer la température, bref, être vigilant. Je rappelle que, chaque fois qu’un kilowattheure est économisé, c’est non pas la contribution carbone mais l’ensemble de la dépense d’énergie qui est économisée. Il nous faut donc tous ensemble trouver un autre équilibre entre confort et dépense énergétique.

La contribution carbone étant faible, essayons de lui conserver sa pureté et une assiette aussi exhaustive que possible, du moins à ce stade.

M. le président. La parole est à M. Bernard Angels, pour explication de vote.

M. Bernard Angels. L’amendement précédent n’ayant pas été adopté, nous voterons celui que vient de présenter M. le rapporteur général, qui tend à exonérer de contribution carbone jusqu’au 31 décembre 2010 les produits énergétiques utilisés par les réseaux de chaleur.

Certes, madame Keller, les réseaux de chaleur ne concernent pas que les familles modestes ; mais, vous savez comme moi que les prix ont explosé depuis quelques années, en particulier depuis l’année dernière du fait de l’augmentation de la taxe générale sur les activités polluantes.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Oui !

M. Bernard Angels. À un moment, il importe de faire les comptes et d’évaluer l’incidence de toutes ces taxes sur les contribuables !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-141 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° I-442, présenté par MM. Revet, Marini, Détraigne, Bécot, Beaumont et Magras, est ainsi libellé :

I. - Après l'alinéa 16

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

A bis. - Après le 1 bis de l'article 265 bis A, il est inséré un 1 ter ainsi rédigé :

« 1 ter. La réduction de taxe intérieure de consommation visée au 1 est majorée :

« 1° Pour les produits visés aux 1, 2 et 5 du tableau du 1 du présent article, de 65,79 % du tarif rendu applicable, par le tableau du 1 de l'article 266 quinquies C, au produit auquel ils sont incorporés ;

« 2° Pour les produits visés aux 3, 4 et 6 du tableau du 1 du présent article, de 66,44 % du tarif rendu applicable, par le tableau du 1 de l'article 266 quinquies C, au produit auquel ils sont incorporés. »

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.

M. Yves Détraigne. Le présent amendement vise à compenser l'instauration de la contribution carbone sur les biocarburants par une majoration de la réduction de TIPP dont ils bénéficient en application du code des douanes.

L’application de la contribution carbone aux biocarburants est une curiosité. En effet, cette contribution a pour vocation d’inciter à abandonner les énergies émettrices de gaz à effet de serre au profit d’énergies plus économes à cet égard, ce qui est tout à fait le cas quand on passe des énergies fossiles que sont l’essence ou le gazole aux énergies renouvelables que sont les biocarburants, c'est-à-dire l’éthanol, le biodiesel et le diester.

Pour ne pas en arriver à une situation où, à énergie produite égale, les biocarburants seraient plus taxés que les énergies fossiles, il faut adopter l’amendement que nous vous proposons, mes chers collègues.

Sur la base des données de la dernière étude publiée en octobre 2009 par l'ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie – c’était une étude très attendue, les précédentes études étant soupçonnées de partialité –, les réductions d'émissions, pondérées par les différents types de matières premières agricoles utilisées pour produire les biocarburants, atteignent 65,79 % par rapport au gazole fossile pour les biodiesels, et 66,44 % par rapport à l'essence fossile pour les éthanols. Il n’y a donc pas photo, si je puis dire !

Il faut que nous soyons logiques dans notre démarche concernant les biocarburants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement souligne une véritable difficulté, madame la ministre. Il met en évidence un problème de cohérence de la politique qui est conduite.

En effet, d’un côté, les différentes filières de biocarburants sont soumises à un régime de défiscalisation partielle, de l’autre, elles seraient traitées à l’identique des autres moyens énergétiques sans tenir compte de leur spécificité au regard de la contribution carbone. D’un côté, l’État encourage la production de biocarburants, de l’autre, il leur appliquerait une contribution, que nous n’avons pas voulu appeler « taxe » mais qui constitue néanmoins un facteur de renchérissement de leur prix de revient, et ce quasiment d’une année sur l’autre ! Je rappelle en effet que, l’an dernier, nous avons « requalibré » les incitations fiscales, en les réduisant d’ailleurs sensiblement, afin de tenir compte de l’évolution des paramètres économiques internationaux.

Je suis un peu gêné concernant l’amendement n° I-442, car j’en suis cosignataire à titre individuel. Je l’ai présenté à la commission, qui ne m’a pas suivi. Je me suis donc associé à la démarche de MM. Revet, Détraigne, Bécot, Beaumont et Magras pour poser avec eux la question de l’incidence du dispositif sur la production de biocarburants.

Il faut souligner, comme l’a fait Yves Détraigne, que l’on se fonde bien sur la réalité des gains en CO2 durant tout le cycle de vie des produits, avec une application différenciée selon le caractère plus ou moins performant en termes environnementaux de ces produits.

La commission m’a demandé de solliciter l’avis du Gouvernement sur cet amendement, et je le fais bien volontiers.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Permettez-moi pour une fois d’intervenir un peu longuement, mais les coûts concernés le justifient.

Nous parlons d’un secteur qui bénéficie aujourd’hui de mesures de soutien de l’ordre de 620 millions d’euros. Cet amendement, s’il était adopté, conduirait à augmenter de 200 millions d’euros ces mesures de soutien, somme qui bénéficierait non pas aux ménages, comme on pourrait l’espérer, mais aux producteurs, et donc aux pétroliers. Il faut en être bien conscient.

Vous avez évoqué un manque de cohérence, monsieur le rapporteur général ; or il y a une cohérence. La France a souhaité développer les biocarburants, et ce pour trois raisons. Elle l’a fait d’abord pour des raisons économiques évidemment, les biocarburants constituant une nouvelle source de revenus pour les agriculteurs. Nous y tenons. Elle l’a fait ensuite afin de préserver l’environnement, les biocarburants permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Elle l’a fait enfin pour des raisons géopolitiques : plus la France sera capable de développer des sources d’énergie sur son territoire, moins elle sera dépendante de l’extérieur.

Pour favoriser le développement des biocarburants, nous avons eu recours à deux moyens que vous connaissez bien, mesdames, messieurs les sénateurs.

D’une part, nous avons utilisé l’incitation financière directe, sous la forme d’un remboursement de TIPP accordé aux pétroliers qui incorporent des biocarburants aux carburants fossiles. Plus ils incorporent d’agrocarburants – nous allons les appeler ainsi, car c’est plus simple – dans les carburants fossiles, plus ils bénéficient d’exonération de TIPP.

D’autre part, nous avons institué une obligation d’incorporation dans une proportion fixée par les pouvoirs publics et sanctionnée, en cas de non-respect, par la taxe générale sur les activités polluantes, dont le taux est égal à la différence entre l’objectif fixé et le niveau d’incorporation réalisé. Si les pétroliers ne réalisent pas d’incorporation, ils paient la TGAP. S’ils la réalisent, ils ne sont pas sanctionnés.

Monsieur le sénateur, vous proposez de majorer la défiscalisation d’un montant égal à un pourcentage des tarifs de contribution carbone déterminé en fonction des réductions théoriques d’émission de CO2 des biocarburants par rapport aux carburants classiques.

La question du niveau de défiscalisation a été abondamment débattue l’année dernière, puis tranchée lors des discussions. Nous étions alors convenus de la nécessité de diminuer progressivement la défiscalisation et d’effectuer un glissement technologique en nous orientant le plus possible vers les biocarburants de nouvelle génération, dont on sait qu’ils seront plus efficaces.

Telles sont les raisons pour lesquelles le mécanisme en place nous paraît suffisamment incitatif. Nous nous plaçons dans la durée en envisageant de soutenir les biocarburants de nouvelle génération. Nous disposons pour cela d’un double mécanisme : d’une part, une incitation fiscale grâce au remboursement de TIPP – c’est la carotte –, d’autre part, d’une taxation – c’est le bâton – si l’incorporation de biocarburants n’est pas réalisée dans les proportions requises. Il ne nous paraît donc pas souhaitable de prévoir en plus une exonération de contribution carbone.

L’introduction de la contribution carbone ne change rien à la problématique de compensation entre les carburants fossiles et les coûts de production des biocarburants.

Par ailleurs, l’augmentation proposée de la défiscalisation, je le rappelle, bénéficierait entièrement aux producteurs, c’est-à-dire aux pétroliers. Elle n’aurait pas d’effet sur les ménages, qui, eux, paient à la pompe. En l’absence de circuits de distribution distincts, l’augmentation de la défiscalisation n’aurait aucun effet sur le signal-prix, cet effet étant l’objectif de la contribution carbone.

Enfin, s’il y a consensus sur le fait que les biocarburants émettent moins de gaz à effet de serre que les carburants fossiles, vous n’ignorez pas que la mesure précise de cette vertu environnementale « du puits à la roue », comme disent les spécialistes, est controversée et incertaine. C’est d’ailleurs cette incertitude qui légitime la priorité que nous voulons donner aux biocarburants de deuxième génération.

En résumé, cet amendement, s’il était adopté, aggraverait la défiscalisation, qui passerait de 620 millions d’euros aujourd’hui à 820 millions d’euros demain, au bénéfice essentiellement des producteurs que sont les pétroliers. Les ménages ne verraient quasiment rien passer et le signal-prix serait inexistant.

Dans ces conditions, il ne me paraît pas souhaitable d’adopter cet amendement. J’invite donc leurs auteurs à le retirer.

Cela étant dit, je reconnais volontiers que la question de l’inclusion des biocarburants dans les carburants d’origine fossile constitue un véritable problème. Je suis prête à engager une réflexion sur ce sujet avec Jean-Louis Borloo et à examiner avec lui tous les dispositifs applicables aux biocarburants – la contribution carbone, mais également les multiples défiscalisations existantes – afin de trouver des solutions permettant de mieux soutenir cette filière et de répondre à l’objectif économique qui demeure : offrir une source de revenus supplémentaires aux agriculteurs.

Maintenons cet objectif, mais ne tentons pas de l’atteindre par le biais d’une taxation supplémentaire qui ne bénéficierait qu’aux pétroliers !