M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour la réplique.

Mme Françoise Cartron. Monsieur le ministre, vous avez dit, à juste titre, que le monde avait changé et nos élèves aussi ; dès lors, il est sans doute normal que les moyens aient augmenté sur les vingt dernières années.

Par ailleurs, si vous voulez comparer ces moyens à ceux qu’allouent les autres pays de l’OCDE à leur système éducatif, il faut entrer dans le détail et examiner quel usage en est fait et à quelles priorités ils sont affectés.

Pour ma part, je constate avec inquiétude qu’il y a une diminution des moyens consacrés à l’accompagnement des élèves en difficulté. Or, c’est sur ces élèves-là que nous devons faire porter notre effort si nous voulons réduire le nombre des élèves qui sortent sans qualification de notre système éducatif.

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Sur un budget de presque 60 milliards d’euros devant être consacrés à la mission « Enseignement scolaire » en 2010, le système du remplacement mobilisera 2,7 milliards d’euros.

Depuis quelques années, les parents se plaignent de l’inefficacité des remplacements, et les enseignants eux-mêmes les jugent inadaptés aux besoins des écoles, mais aussi et surtout des élèves.

Nous sommes dans une situation telle qu’il s’agit avant tout d’organiser la pénurie. À chaque rentrée, du fait des suppressions de postes, les conditions d’enseignement se dégradent et la gestion quotidienne des remplacements se trouve compliquée.

Dans mon département, le Tarn-et-Garonne, la situation à cet égard est devenue très alarmante dans les écoles primaires.

Alors que la population scolaire du premier degré s’est accrue de 1 140 élèves entre 2006 et 2008, les créations de postes n’ont pas suivi. Le Tarn-et-Garonne a ainsi la particularité d’avoir un des taux de remplacement les plus bas, soit 6,95 %, alors que la moyenne de l’académie de Toulouse est de 8,5 %, et la moyenne nationale de 8,4 %. En 2007, le département se classait, sur ce plan, à l’avant-dernier rang national, devant le Morbihan.

Comment faire accepter aux parents cette situation de sous-dotation chronique ? Cette année, l’affectation de deux remplaçants supplémentaires, pour un total de quatre-vingt-deux, ne suffira pas à rattraper le retard accumulé, d’autant que, sur ces deux postes, un demi-poste a été créé pour compenser la fermeture d’une classe à Montaigu-de-Quercy.

Les difficultés sont telles que sept enseignants du Lot voisin ont été intégrés, mais nous sommes encore loin des moyennes académiques. En outre, monsieur le ministre, que deviendront ces postes l’an prochain ?

À la rentrée de 2010, 777 élèves supplémentaires seront attendus dans les écoles primaires du Tarn-et-Garonne, ce qui devrait avoir pour conséquence l’allocation d’une dotation exceptionnelle au titre de l’évolution démographique, correspondant à une vingtaine de postes. Par ailleurs, si des créations de postes de remplaçant sont envisagées pour la rentrée de 2010, se feront-elles au détriment des nécessaires ouvertures de classes ?

Monsieur le ministre, la question des remplacements recouvre deux enjeux majeurs : d’une part, la continuité de la scolarité des enfants ; d’autre part, la formation continue des professeurs. Quelles garanties pouvez-vous donc nous apporter pour rassurer des parents et des enseignants très inquiets ?

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre.

M. Luc Chatel, ministre. Avant d’évoquer le cas de votre département, je présenterai la situation générale au regard des remplacements.

Il est exact que le système des remplacements doit être amélioré dans notre pays. Il est aujourd'hui beaucoup trop rigide, et nous avons décidé d’y remédier.

Pour lui donner davantage de souplesse, mon prédécesseur avait envisagé la création d’une agence du remplacement, évoquée tout à l’heure par M. Longuet. Je ne suis pas sûr que le terme « agence » soit forcément approprié, mais le principe d’une amélioration du système des remplacements doit demeurer. J’ai donc confié une mission sur ce thème à M. Michel Dellacasagrande, ancien directeur des affaires financières de l’éducation nationale, qui doit me rendre dans les prochains jours les conclusions de ses travaux. J’annoncerai des mesures d’amélioration de notre système du remplacement au début de l’année prochaine.

Aujourd'hui, 91 % des absences sont compensées dans le premier degré, mais le taux de mobilisation des titulaires remplaçants est de 80 % seulement. Il nous faut donc aller plus loin.

Dans le second degré, le remplacement est assuré à 96,5 %, mais le taux de mobilisation des TZR, les titulaires en zone de remplacement, est de 85 %.

Par ailleurs, on constate de fortes disparités entre académies : dans l’une, il y aura des enseignants disponibles dans certaines disciplines, mais pas de besoins ; dans une académie voisine, il y aura des besoins dans ces mêmes disciplines, mais pas d’enseignants disponibles…

Telle est la situation, et je reviendrai donc vous présenter en début d’année prochaine, mesdames, messieurs les sénateurs, des propositions tendant à l’améliorer.

Quant à la situation particulière du Tarn-et-Garonne, monsieur Collin, les chiffres qui m’ont été transmis montrent que votre département a reçu des dotations en postes significatives pour faire face à la pression démographique. Il a en effet bénéficié de seize des quarante-quatre emplois créés dans l’ensemble de l’académie à la rentrée de 2007, et de vingt-cinq des quarante postes créés, toujours dans l’ensemble de l’académie, à la rentrée de 2009. Le Tarn-et-Garonne s’est donc vu octroyer 62,5 % des emplois créés à la rentrée de 2009 alors qu’il compte moins de 10 % des effectifs du premier degré de l’ensemble de l’académie. Par conséquent, je n’ai pas le sentiment que votre département ait été mal traité par le rectorat !

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour la réplique.

M. Yvon Collin. J’ai bien noté, monsieur le ministre, que le fonctionnement des remplacements ne vous paraît pas idéal et que vous envisagez de l’améliorer dès la rentrée prochaine.

Les chiffres que j’ai cités pour le département du Tarn-et-Garonne sont parfaitement exacts. Si vous le souhaitez, je suis tout à fait disposé à poursuivre cette discussion.

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Monsieur le ministre, la loi du 11 février 2005 a renforcé les actions en faveur de la scolarisation des enfants handicapés. Elle affirme le droit, pour chacun, à une scolarisation en milieu ordinaire, au plus près de son domicile, à un parcours scolaire continu et adapté. Elle permet en outre aux parents d’être plus étroitement associés à la décision d’orientation de leur enfant et à la définition de son projet personnalisé de scolarisation.

Comme l’a rappelé le Président de la République lors de la première Conférence nationale du handicap du 10 juin 2008, la scolarisation des enfants handicapés reste un objectif prioritaire.

Dans cette perspective, une solution concrète en faveur des enfants handicapés scolarisés a été adoptée lors de l’élaboration, en juillet dernier, de la loi relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique.

Cette mesure prévoit que l’aide individuelle de l’État en faveur des enfants présentant un handicap particulier pourra être assurée par une association ayant fait l’objet d’un agrément et conclu une convention avec le ministère de l’éducation nationale, et ce après la signature d’un accord entre l’inspecteur d’académie et la famille de l’enfant. Cette solution innovante permet de garantir la continuité de l’aide scolaire entre l’école et le milieu familial, dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Pouvez-vous nous rassurer, monsieur le ministre, sur la mise en œuvre de cette mesure ?

Par ailleurs, en ce qui concerne les auxiliaires de vie scolaire, force est de constater les progrès qu’ils font accomplir à l’élève dont ils ont la charge, grâce à la relation de confiance qu’ils instaurent avec lui. Dans ces conditions, la fin de leur contrat de travail est souvent déstabilisante pour l’enfant handicapé, comme pour sa famille. Quelles mesures pourraient être prises pour éviter ces difficultés, monsieur le ministre ?

Enfin, pouvez-vous nous préciser le nombre d’unités pédagogiques et de postes d’auxiliaire de vie prévus dans le projet de budget ? (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre.

M. Luc Chatel, ministre. Madame le sénateur, j’ai rappelé tout à l’heure la forte volonté du Gouvernement d’intégrer les élèves handicapés à l’école et les progrès qui ont été réalisés depuis quatre ans : 185 000 enfants handicapés sont aujourd’hui scolarisés au sein des établissements.

Nous avons ouvert, lors de la dernière rentrée, 200 nouvelles unités pédagogiques d’intégration. Elles sont désormais au nombre de 1 800 dans notre pays, l’objectif étant de passer le cap des 2 000 UPI à la rentrée de 2010.

Par ailleurs, nous ouvrons chaque année, dans le premier degré, une centaine de classes pour l’inclusion scolaire, les CLIS. Aujourd’hui, plus de 4 000 CLIS accueillent environ 41 000 élèves.

S’agissant des auxiliaires de vie scolaire, j’ai déjà dit que nous avions fait le choix de reconduire les 17 000 contrats existants. Nous avons en outre créé 5 000 postes supplémentaires, ce qui signifie qu’aujourd’hui 22 000 postes d’auxiliaire de vie scolaire individuel sont inscrits dans le projet de budget.

Nous avons conscience des difficultés rencontrées par certaines familles en termes de continuité dans l’accompagnement de leur enfant lorsque le contrat d’un auxiliaire de vie scolaire arrive à échéance et ne peut être renouvelé, bien que le poste continue d’exister. Le Gouvernement a donc présenté un amendement, que le Sénat a adopté au mois de juillet, visant à permettre la prise en charge de ces personnels par les associations, qui prennent ainsi le relais.

J’ai signé une convention en ce sens, avant la rentrée scolaire, avec l’Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales, l’UNAPEI, la Fédération générale des pupilles de l’enseignement public et la Fédération nationale des associations au service des élèves présentant une situation de handicap, la FNASEPH, puis, cet après-midi même, avec l’association Autisme France. Ce dispositif, qui prévoit le versement d’une aide de l’État, doit permettre d’assurer un portage et la continuité de la présence des mêmes auxiliaires de vie scolaire auprès des enfants handicapés scolarisés.

Pour l’avenir, il serait bon, comme vous l’avez souligné, madame le sénateur, de pérenniser ces emplois de façon durable. Ma collègue Nadine Morano et moi-même réfléchissons à la constitution d’une véritable filière professionnelle, comme il en existe dans le secteur médico-social, car il s’agit là d’un vrai métier, appelé à se développer dans les années à venir. Des auxiliaires de vie ont été formés et ont acquis de vraies compétences ; il ne faut pas les laisser perdre.

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour la réplique.

Mme Colette Mélot. Je vous remercie de vos réponses, monsieur le ministre, qui sont de nature à rassurer les familles des enfants handicapés. Il nous faut toujours avoir à l’esprit les difficultés qu’elles rencontrent pour trouver un établissement qui convienne au type de handicap de leur enfant. C’est toujours un véritable parcours du combattant, car chaque cas est unique.

La situation s’améliore, mais il faut encore trouver des solutions au cas par cas, dans l’intérêt de l’enfant.

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. En 2009, un projet de création d’une agence nationale du remplacement était censé justifier la suppression de 3 000 postes d’enseignant. Aujourd’hui, ce projet semble abandonné, mais les 3 000 postes ont bel et bien été supprimés. Dans les documents budgétaires, on parle désormais en équivalents temps plein, officiellement pour décompter de façon plus exacte les temps partiels, mais, en réalité, pour que l’on ne puisse plus distinguer les emplois précaires des emplois statutaires.

Sous couvert d’une amélioration de la gestion des remplacements, vous procédez littéralement à une précarisation à marche forcée des enseignants affectés à une mission de remplacement dans le second degré. En effet, la proportion de non-titulaires ne cesse d’augmenter, particulièrement dans le cadre du service du remplacement.

Alors que le budget affecté au remplacement est en baisse, on ne peut que s’interroger sur la volonté du ministère : souhaitez-vous avoir de plus en plus recours à une main-d’œuvre bon marché, malléable car désemparée, ou à une cohorte de précaires embauchés selon les besoins et payés à la vacation ?

La réforme de la formation des maîtres est d’ailleurs une aubaine au regard de cette politique, qui transforme les jeunes diplômés en génération « kleenex » : combien d’étudiants se retrouveront sans poste, à l’issue de leur master d’enseignement, faute d’un recrutement suffisant de titulaires ? Ce seront autant de jeunes diplômés disponibles pour assurer suppléances et vacations à bas coût, sans aucune perspective !

Avec l’autonomisation des établissements qui, faute d’enseignants disponibles, affectent à l’année des titulaires sur zone de remplacement, les TZR, on assiste à une baisse du potentiel de remplacement, d’où l’augmentation du recours à des précaires. C’est d’autant plus pratique que ces précaires sont rémunérés sur les budgets d’heures supplémentaires effectives et qu’ils ne sont donc pas comptabilisés au titre du plafond d’emplois : encore une économie facile réalisée par le ministère, au détriment de l’offre éducative !

Cet ensemble de mesures d’économie déstabilise le dispositif de remplacement, ce qui conduit à une augmentation du nombre d’enseignants non remplacés. On se rappellera la création par la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques, la FCPE, en septembre 2009, d’un site de recensement des enseignants non remplacés, témoignage du désarroi des parents face à la dégradation bien réelle de l’offre éducative.

On peut aussi s’interroger sur la pertinence de l’indice de performance, qui ne comptabilise, pour calculer le taux de remplacements, que ceux de longue durée, excluant ceux de moins de quinze jours, qui posent justement le plus de problèmes.

Étant donné les répercussions réelles, sur le terrain, de la diminution du nombre de postes, après la suppression de 3 000 postes de remplaçant, les TZR étant en outre moins nombreux et souvent affectés à l’année, eu égard à cette importante baisse du potentiel de remplacement, par quels moyens envisagez-vous de remplacer les enseignants absents cette année ? Va-t-on continuer à précariser toute une génération de jeunes diplômés ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le sénateur, ce projet de budget prévoit, pour le premier degré, 27 000 postes de titulaire remplaçant, soit 8,5 % du nombre total d’enseignants du premier degré, et 21 000 enseignants remplaçants pour le second degré, dont 75 % de titulaires, soit 15 700 TZR, et 25 % de contractuels, soit 5 300 vacataires, souvent faute de titulaires disponibles dans la discipline concernée.

Je précise que ces vacataires sont souvent des étudiants ayant échoué au concours de recrutement et qui vont le représenter l’année suivante. Ils bénéficient ainsi d’une formation permanente complémentaire, en attendant le prochain concours.

J’ai déjà rappelé que la situation globale du remplacement ne me satisfaisait pas. C’est la raison pour laquelle j’ai confié une mission sur ce sujet à M. Dellacasagrande, qui me rendra ses conclusions dans les jours prochains. Ma conviction est que nous devons nous orienter vers un système beaucoup plus souple et plus efficace, permettant aux académies d’interagir et d’affecter les moyens là où sont les besoins.

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour la réplique.

M. Ivan Renar. Vous avez omis d’évoquer, monsieur le ministre, la désormais célèbre circulaire de M. le recteur de l’académie de Créteil relative à l’ « amélioration des pratiques liées au remplacement ».

Au travers de ce document, dont la presse s’est largement fait l’écho et qui fera date, les chefs d’établissement sont invités à remédier aux problèmes de remplacement des professeurs absents, le rectorat n’étant plus, de son propre aveu, en capacité de le faire, car il ne dispose pas du corpus d’enseignants suffisant. Aussi les responsables d’établissement sont-ils appelés à trouver et à recruter « des étudiants ou des personnes titulaires au minimum d’une licence ou ayant des compétences avérées » à qui, en « cas d’urgence », on pourrait confier immédiatement des élèves.

Cette situation est difficilement acceptable, d’autant que ce sont souvent les établissements des quartiers les plus défavorisés qui connaissent les plus grands besoins en matière de remplacements. Il est indispensable, tout particulièrement dans ces établissements, que les remplacements soient assurés par des enseignants formés et expérimentés, et non par des jeunes livrés à eux-mêmes face à des élèves qui feront, eux, les frais de l’inexpérience de leurs professeurs.

Comme j’ai pu le dire hier matin à Mme Pécresse lors du débat sur le projet de budget de la recherche et de l’enseignement supérieur, la précarité est en passe de devenir une véritable plaie pour l’ensemble de notre système d’enseignement et de recherche. Prenez-y garde, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. « Un plan d’urgence pour les langues » : c’est ainsi que le Président de la République a qualifié, le 13 octobre dernier, la nouvelle politique qu’il entend promouvoir en matière d’enseignement des langues étrangères, en affichant l’ambition de former des bacheliers bilingues, voire trilingues.

Bilinguisme, trilinguisme : ce sont bien les termes employés par M. Sarkozy. Cette ambition est remarquable !

Sénatrice des Français de l’étranger et observatrice particulièrement attentive de l’incroyable enrichissement que représentent non seulement la maîtrise d’une autre langue, mais aussi la connaissance inhérente d’une autre culture, d’un autre mode de pensée, je souscris totalement à cet ambitieux projet ; j’attendais donc des idées neuves de la réforme du lycée.

Mais dans les faits, monsieur le ministre, à quoi correspond ce « plan d’urgence » ?

Est annoncée, d’abord, la répartition des élèves par groupes de compétence. Mais les groupes de niveau ne sont-ils pas déjà prévus par les textes ? Leur mise en place effective n’est empêchée, bien souvent, que par le manque de moyens…

Est prévu, ensuite, le recours à des locuteurs natifs. Mais que sont les assistants, présents dans nombre d’établissements, sinon des locuteurs natifs ? Et ce n’est pas une nouveauté, puisqu’ils existaient déjà à l’époque lointaine où je fréquentais le lycée !

Est proposé, enfin, l’enseignement de matières non linguistiques en langues étrangères. C’est un excellent moyen, en effet, de témoigner que la langue étrangère, plus qu’une simple discipline, est avant tout un outil de communication permettant, en l’occurrence, d’acquérir des connaissances.

N’est-ce pas le rôle des sections européennes, telles que nous les connaissons depuis bientôt vingt ans ?

Monsieur le ministre, le bilinguisme que vous appelez de vos vœux, c’est bien autre chose, et cela nécessite bien d’autres moyens. Cet objectif peut être approché grâce, d’abord, à l’enseignement précoce, c’est-à-dire dès la maternelle, les professeurs des écoles ne devant cependant pas se limiter à l’apprentissage de comptines, et grâce, ensuite, à la généralisation de l’enseignement de disciplines fondamentales non linguistiques par des locuteurs natifs.

Mais l’éducation nationale dispose-t-elle des ressources humaines adéquates ? J’en doute. Pour parvenir à cette fin, une vision au minimum européenne est nécessaire, accompagnée d’échanges d’enseignants. Dans ce cadre, le récent programme Jules Verne, sorte de programme Erasmus des professeurs, est prometteur, c’est vrai, mais à la condition qu’il soit davantage développé.

Bien entendu, il n’est pas question de mettre en concurrence les professeurs de l’éducation nationale et les enseignants locuteurs natifs. L’expérience des écoles françaises à l’étranger – je les connais bien – témoigne de la parfaite complémentarité de leur travail pour le bienfait de tous. Qui mieux qu’un natif peut enseigner non seulement la langue, mais aussi les codes interculturels et la communication non verbale ?

Je vous poserai une seule question, monsieur le ministre : au-delà des mots, l’éducation nationale se donnera-t-elle les réels moyens de faire en sorte que chaque lycéen approche au moins le bilinguisme à sa sortie du lycée ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. Madame le sénateur, nous partageons le même objectif : nous ne nous résignons pas à ce que notre pays demeure dans les profondeurs des classements internationaux : il occupe la soixante-quatrième sur cent neuf du classement TOEFL. Nous avons décidé de prendre le taureau par les cornes, si vous me permettez cette expression, et de multiplier les initiatives dans le domaine de l’apprentissage des langues.

Les décisions que nous avons prises font suite à des expérimentations qui ont été menées avec succès dans de nombreux lycées. Les groupes de compétences, consistant à regrouper les élèves par niveau homogène et à dispenser un enseignement en petits groupes aux élèves connaissant davantage de difficultés, existent dans un certain nombre d’établissements. Ils ont montré leur efficacité.

Par ailleurs, certaines disciplines seront enseignées en langue étrangère. Dans la filière littéraire, qui doit devenir une filière linguistique d’excellence, deux heures et une heure trente de littéraire étrangère seront dispensées respectivement en première et en terminale. Il s’agira d’enseignements supplémentaires. Cette solution est l’une des bonnes réponses au problème de l’apprentissage des langues.

La généralisation du recours aux multimédias pour l’apprentissage de la langue anglaise, notamment, permettra de réaliser des progrès très significatifs, comme ce fut partout le cas où nous l’avons expérimenté.

Enfin, chaque lycéen devra avoir effectué au moins une fois un échange avec un établissement dans un pays dont la langue officielle est sa première langue vivante, ce qui contribuera également à un bon apprentissage des langues.

C’est non pas une seule mesure mais l’addition de plusieurs initiatives, pour la plupart expérimentées avec succès, qui permettra de régler le problème. Nous voulons généraliser ces dispositions à tous les lycées.

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour la réplique.

Mme Claudine Lepage. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions.

Vous avez évoqué l’enseignement en langue étrangère de la littérature. On pourrait imaginer qu’il en soit de même pour l’histoire, par exemple. J’insiste sur le fait que cet enseignement pourrait être dispensé par des locuteurs natifs.

Je veux vous donner l’exemple du lycée français de Munich, que je connais très bien, où la littérature allemande et l’histoire sont enseignées par un enseignant ou une enseignante allemande. Un tel enseignement concourt non seulement à améliorer l’accent des élèves – point important –, mais aussi à diffuser une autre vision.

M. le président. La parole est à Mlle Sophie Joissains. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mlle Sophie Joissains. Mon intervention porte sur la formation des enseignants, volet fondamental pour mener à bien la réforme globale de l’éducation nationale dans laquelle vous vous êtes engagé, monsieur le ministre.

Au mois de juillet dernier, lors de votre audition par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, vous avez présenté les grands axes de votre projet. J’aimerais obtenir des précisions sur certains points.

Ma première question concerne l’objectif d’élévation du niveau de qualification des enseignants, désormais recrutés au niveau du master. Nous savons tous que le contenu des formations, de même que le fonctionnement des concours, ne permet plus de répondre aux besoins et aux attentes, sur le plan tant intellectuel que disciplinaire, du système éducatif. Comment la « mastérisation » pourra-t-elle répondre à ce double défi, et surtout, quelles mesures, à l’image du compagnonnage, l’accompagneront ?

Ma deuxième question vise la répartition des compétences entre l’État et les universités dans la mise en œuvre de la réforme de l’éducation nationale. En effet, leur complémentarité est seule garante d’une amélioration notoire de la qualité de l’éducation.

Je pense à la préparation aux concours, à l’adaptation des contenus, et, évidemment, à l’avenir des IUFM, qui ont vocation à s’intégrer pleinement dans la réforme et sont des éléments importants de l’attractivité de nos territoires. Pouvez-vous m’éclairer sur ce point ?

Monsieur le ministre, je n’oublie pas la célèbre formule de Victor Hugo : une école qui ouvre, c’est une prison qui ferme. Pouvez-vous donc nous éclairer encore sur la mise en œuvre de cette réforme essentielle pour les futurs enseignants et pour l’éducation des citoyens de demain, en précisant les moyens budgétaires qui lui seront alloués ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Très bonnes questions !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. J’ai eu l’occasion de revenir tout à l’heure sur les grands enjeux de la réforme de la formation des enseignants. Ces derniers doivent atteindre le haut niveau de compétences nécessaire à l’exercice de leur métier, ce qui sera possible grâce à l’allongement d’une année de la formation des maîtres. La revalorisation des carrières est par conséquent indispensable.

Les futurs enseignants, à l’issue de l’obtention d’une licence, suivront un master disciplinaire. En master 1, ils effectueront des stages dits d’« observation ». Ils passeront le concours au début du master 2 et suivront des stages de mise en situation au cours desquels ils seront confrontés à la réalité.

Les épreuves d’admissibilité des concours doivent avoir vocation à sélectionner les étudiants ayant le meilleur niveau scientifique, les meilleurs « disciplinaires », si je puis dire. Ensuite, lors de la phase d’admission, leur réelle aptitude à enseigner et, pour les CPE, à exercer des missions éducatives, sera vérifiée.

En réalité, il s’agit d’une part, de s’assurer de l’acquisition par les enseignants de bases scientifiques solides –  l’allongement d’un an de leur formation répond à cet objectif –et, d’autre part, de vérifier leurs aptitudes pédagogiques. Ce sera l’objet des épreuves d’admission.

Comme je l’indiquais tout à l’heure, la « mastérisation » se traduit par la revalorisation financière en début de carrière. J’ai rappelé le montant dédié dans le présent projet de budget à ce poste. Les enseignants mieux formés pendant une année supplémentaire doivent être mieux rémunérés en début de carrière. Je souhaite que, d’ici à la fin du mois de janvier, la négociation engagée avec les organisations syndicales ait pu être bouclée.