Mme Monique Cerisier-ben Guiga, au nom de la commission des affaires étrangères. Le gouvernement israélien expulse les habitants arabes ; il détruit les maisons. La colonisation se poursuit pour couper complètement Jérusalem de son environnement arabe par deux lignes de colonies.

Le statut de résident a été retiré en 2009 à 4 577 Palestiniens de Jérusalem et une loi actuellement en préparation en privera tous ceux qui ont la chance d’avoir une nationalité. Même la déléguée générale de Palestine en France risque d’être menacée par ces dispositions.

Quel est, monsieur le ministre, le statut du rapport de nos diplomates européens à Jérusalem ? Nous demandons qu’il soit rendu public et que ses conclusions inspirent la politique de la France et de l’Union européenne.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, au nom de la commission des affaires étrangères. Par ailleurs, qu’allez-vous faire du projet que l’ONG israélienne Hamoked a présenté à la France pour la défense des droits des Palestiniens de Jérusalem ?

Sur Gaza, tous les rapports convergent : on y organise le « dé-développement ». Les usines ont été rasées ; les industriels ont fait faillite ; l’agriculture périclite faute d’intrants et de semences ; l’eau potable, les eaux usées, l’électricité, tout pose problème. Le blocus, qui n’a cessé de se durcir depuis 2005, ne permet aucune reconstruction. Ne peuvent y entrer qu’une trentaine de produits sur les 9 000 recensés par l’accord de Paris. Aujourd'hui, 5 000 familles restent sans abri. Faute de ciment, l’UNRWA en arrive à construire des maisons en terre.

La vie quotidienne est sous perfusion grâce aux tunnels. Et voilà que l’Égypte les ferme par le mur d’acier de 18 mètres de profondeur qu’elle installe à sa frontière avec Gaza. Mieux vaut une économie souterraine, même mafieuse, qui permet aux Gazaouis de survivre, que pas d’économie du tout. Et si ce blocus et les tunnels renforcent le Hamas, c’est que la France, l’Union européenne et les États-Unis mènent, à son égard, une politique absurde depuis 2006, qui, loin de l’affaiblir, ne fait que le renforcer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Monsieur le ministre, la France va-t-elle continuer de laisser tuer à petit feu 1,5 million de Gazaouis ?

J’en viens à l’État palestinien, sur lequel j’aimerais obtenir votre éclairage. Depuis quelque temps, il en est beaucoup question, mais il faut se demander si c’est pour de bonnes raisons.

L’État palestinien est la pièce manquante de la stabilité du Proche-Orient et de l’Union pour la Méditerranée.

Est-il dans l’intérêt des Palestiniens aujourd’hui que cet État soit de nouveau proclamé, alors qu’il l’a déjà été en 1988 ? Quelles garanties internationales lui seraient données ?

En Palestine, les conditions constitutives d’un État sont parfaitement remplies : un peuple animé par la volonté de vivre ensemble, un territoire historique, une culture et des frontières définies par la ligne de 1967.

Autant peut être évoqué le « dé-développement » de Gaza, autant nous assistons depuis la mort d’Itzhak Rabin à un processus de déconstruction de l’État palestinien.

Que reste-t-il des frontières potentielles du fait de l’annexion unilatérale de Jérusalem-Est et l’érection du mur de séparation ? Que reste-t-il du territoire de la Cisjordanie sinon un archipel morcelé, fragmenté par les routes de contournement et les checkpoints, par une colonisation qui progresse chaque jour, par l’israélisation de Jérusalem-Est ? Que reste-t-il de ce peuple dont la division a été savamment orchestrée, le chaos étant programmé à Gaza dès le retrait de 2005 ? Avant même de penser à un État, il faut absolument restaurer l’unité des Palestiniens.

Monsieur le ministre, peut-on concevoir un État sans souveraineté, un État purement rhétorique ? Que pensez-vous de tous ces plans qui visent, semble-t-il, à remplacer une Autorité palestinienne dont les bases juridiques disparaissent et qui est en permanence bafouée par l’occupation, ce dont elle semble être complice aux yeux d’une partie de la population, par un État qui, dans les conditions actuelles, serait fictif ? N’est-ce pas un subterfuge pour éviter le recours aux élections ?

Nos protestations auprès d’Israël ne sont ni audibles ni crédibles ; elles dissimulent bien mal notre incapacité à agir, voire notre absence de volonté.

Alors que l’Union européenne s’apprêtait, dix ans après la Déclaration de Berlin, plus de vingt ans après la Déclaration de Venise – dont je rappelle que M. Jean François-Poncet, alors ministre des affaires étrangères, était le rédacteur – à faire enfin entendre sa voix, la France a été l’artisan de la suppression de la référence à Jérusalem-Est comme capitale du futur État palestinien dans le texte proposé en décembre par la présidence suédoise. Comment pouvez-vous justifier cela, monsieur le ministre ?

Le traitement du rapport Goldstone avait déjà illustré le caractère velléitaire de la communauté internationale, et des Occidentaux en particulier.

La France accorde – à juste titre – du crédit au rapport de l’ONU sur les crimes commis en Guinée. Pourquoi rejette-t-elle alors d’entrée de jeu celui sur les crimes perpétrés à Gaza, bien qu’il ait été recoupé par les témoignages des soldats israéliens, par différentes ONG, notamment des plus sérieuses, et par des témoins étrangers dont M. Zimeray, M. François-Poncet et moi-même ?

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, au nom de la commission des affaires étrangères. Notre diplomatie s’épuise aujourd’hui dans la gestion de menus détails, dans l’obtention de concessions infimes sur fond de brimades et de camouflets régulièrement infligés à nos diplomates, que nous n’accepterions d’aucun autre État. La seule entrée à Gaza des tuyaux pour la station d’épuration de Beit Lahia nécessite des rencontres au sommet. Je pourrais également évoquer les difficultés rencontrées pour obtenir les visas de nos coopérants ou pour faire circuler le bus scolaire du lycée français de Jérusalem, systématiquement entravé sur sa route vers Bethléem. Et vous-même, ministre de la République Française, vous êtes vu infliger le camouflet de Gaza ! Nous attendons votre réaction.

M. Guy Fischer. C’était scandaleux !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, au nom de la commission des affaires étrangères. Quant aux États-Unis, ils viennent d’opérer une grande reculade. Pouvez-vous nous dire si, après l’adoption du texte sur la santé, le président Obama retrouvera des capacités d’action au Moyen-Orient ?

Nous demandons que la France contribue à faire respecter la légalité internationale. Nous ne pouvons accepter que notre pays se serve de cette légalité internationale pour lancer des négociations destinées à la contourner, dès lors qu’il s’agit de la Palestine.

Monsieur le ministre, naguère la France disait le droit et prenait des initiatives en faveur d’une résolution juste du conflit israélo-palestinien. Or, depuis 2007, à l’exception du discours du Président de la République à la Knesset, nous avons le sentiment qu’elle cherche à faire taire les voix qui dénoncent les crimes, comme celle du juge Gosdstone, ou qui rappellent la légalité internationale, comme la présidence suédoise de l’Union européenne.

Nous sommes nombreux à juger que les initiatives françaises – du moins celles que nous connaissons, car nous ne sommes pas informés de toutes – se cantonnent au plan économique et humanitaire, ce qui ne gêne en rien les offensives politiques et les velléités de conquête de l’État israélien. En conséquence, le discours de la France n’est pas assez audible et nous regrettons de ne plus y percevoir de réelle cohérence avec ses actes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. On m’a fait savoir que l’état de santé de notre collègue Jean François-Poncet était satisfaisant.

Dans la suite du débat, la parole est M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a un an, à la même époque, nous débattions de la guerre menée par Israël contre la population de la bande de Gaza.

Quelle est aujourd’hui l’évolution de la situation dans cette partie du monde qui, depuis soixante ans, a vu se succéder tant de conflits armés ?

Bien que ce débat porte sur le Moyen-Orient dans sa globalité, j’évoquerai ici, pendant les dix minutes dont je dispose, exclusivement le conflit israélo-palestinien, car il est la cause principale des tensions dans cette région. Parvenir à régler ce conflit d’une façon juste et durable permettrait précisément d’endiguer les autres sources d’instabilité dans la région.

Mettre fin à ce conflit pourrait ainsi contribuer à écarter la menace que constitue la tentative d’acquisition de l’arme nucléaire par l’Iran et le risque de prolifération à l’ensemble de la région, déjà mise en danger par l’arsenal nucléaire israélien.

De la même façon, trouver des solutions pour résoudre ce conflit aurait assurément des répercussions positives sur la situation du Liban, toujours au bord de l’éclatement, et sur la Syrie, dont l’hostilité envers Israël n’aurait plus de raison d’être.

Je suis donc satisfait de la tenue de ce débat, que j’avais demandé au mois de novembre, et je souhaite qu’il contribue à définir quelques étapes sur le chemin de la paix dans cette partie du monde. Je continue toutefois de regretter que M. le président de la commission des affaires étrangères refuse d’inscrire à l’ordre du jour la proposition de résolution européenne de notre collègue Annie David et moi-même demandant le gel de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël.

Mme Nathalie Goulet. Et la mienne !

M. Michel Billout. Cette proposition me paraît d’une extrême actualité, et j’y reviendrai dans quelques instants.

Je voudrais tout d’abord rappeler que l’offensive militaire israélienne était totalement disproportionnée par rapport aux tirs de roquettes en provenance de Gaza qui l’avait motivée : elle a fait plus de 1 400 victimes palestiniennes, dont 60 % de civils, parmi lesquels un grand nombre de femmes et d’enfants.

Les conditions mêmes de cette opération ont d’ailleurs suscité un rapport commandé par la commission des droits de l’homme de l’ONU, qui, bien qu’il mette aussi en accusation le mouvement Hamas, est accablant pour les autorités militaires israéliennes : il leur impute très précisément des crimes de guerre.

Depuis un an, la population de la bande de Gaza, qui a subi cette guerre, souffre d’un nouveau blocus total. Il prolonge celui qui avait été instauré par Israël à la suite de la prise du pouvoir par le Hamas sur ce territoire en juin 2007 au détriment de l’Autorité palestinienne.

Cette mesure s’apparente à une punition collective. Elle a de dramatiques conséquences humanitaires et sanitaires, car la population civile manque d’eau, d’électricité et a difficilement accès aux soins médicaux. Avec le blocus, la reconstruction des infrastructures et des habitations détruites est impossible, l’économie et l’agriculture sont asphyxiées.

Depuis un an, les divisions, qui se traduisent parfois par des affrontements armés entre les différentes factions palestiniennes, se sont malheureusement accentuées.

Faute d’un accord entre le Fatah et le Hamas, la direction de l’OLP, l’Organisation de libération de la Palestine, avait, en effet, été obligée de différer, le 16 décembre dernier, la date des élections présidentielle et législatives, et de prolonger les mandats de Mahmoud Abbas à la présidence de l’Autorité palestinienne et du Parlement.

Il semblerait toutefois ces jours derniers que la réconciliation entre les différents groupes, sous les auspices de l’Égypte et de l’Arabie saoudite, puisse revenir à l’ordre du jour. Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous apporter des précisions sur ce sujet.

Depuis un an également, un élément nouveau est intervenu avec le triple refus du gouvernement israélien de mettre un terme définitif à sa politique de colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, de reconnaître Jérusalem comme capitale des deux États et de lever le blocus de Gaza. C’est le principal obstacle à une reprise des négociations entre Israël, les Palestiniens et les États arabes.

Dans ce conflit, l’impression prévaut que ce qu’il est convenu d’appeler « la communauté internationale » a laissé Israël agir en toute impunité et ignorer toutes les résolutions de l’ONU qui condamnaient sa politique. Nous devons réagir face à cette passivité de la communauté internationale qui, depuis un an, n’a pratiquement pris aucune initiative de nature à régler ce conflit.

Le Président Obama, tant dans son discours du Caire que par l’envoi du négociateur George Mitchell dans la région, avait suscité de grands espoirs. À la différence de l’administration précédente, il s’était clairement prononcé pour une solution à deux États et a demandé l’arrêt complet de la colonisation. Il a malheureusement déçu en acceptant par la suite le moratoire israélien sur cette question décisive pour la création d’un État palestinien viable.

L’Union européenne, qui a des atouts en tant que premier partenaire économique d’Israël et principal contributeur en matière d’aide aux territoires palestiniens, s’est pour sa part toujours refusée à prendre une position qui lui soit propre.

Elle se contente de suivre la stratégie de l’administration américaine.

C’est la raison pour laquelle les pays européens, bien qu’ils dénoncent la poursuite de la colonisation et se prononcent eux aussi pour une solution à deux États, se satisfont d’un moratoire de dix mois sur la colonisation en Cisjordanie excluant Jérusalem-Est.

La semaine dernière, l’émissaire spécial pour le Proche-Orient, George Mitchell, a évoqué la possibilité pour les États-Unis de retirer leur soutien aux garanties de prêt à Israël – système grâce auquel l’État hébreu a bénéficié de milliards de dollars de prêts à des taux préférentiels – afin de faire pression sur le gouvernement israélien. Aussi, une pression de l’Union Européenne concernant les conditions d’application de l’accord d’association serait pertinente. C’est encore l’objet de la proposition de résolution déposée par le groupe CRC-SPG.

Quant à la France, sa position est extrêmement ambiguë.

Après s’être abstenu de participer au vote ayant abouti à l’adoption du rapport Goldstone à l’Assemblée générale de l’ONU, notre pays a également considérablement affaibli la portée de la résolution proposée lors du Conseil Affaires étrangères le 8 décembre dernier par la présidence suédoise et prévoyant la reconnaissance de Jérusalem-Est comme capitale d’un futur État palestinien en refusant que cette mention y figure. Et je préfère ne pas évoquer les déclarations consternantes de notre ambassadeur à Tel-Aviv qui s’interroge sur la crédibilité des crimes de guerre, la réalité du blocus de Gaza ou même, selon Le Canard enchaîné, sur la pertinence de vouloir stopper la colonisation.

M. Guy Fischer. Scandaleux !

M. Michel Billout. Il faut enfin relever les divisions des pays arabes et leur impuissance à opposer à Israël une stratégie cohérente commune.

Après l’intervention militaire israélienne à Gaza, ils ne sont pas parvenus à se réunir au complet, pas plus qu’ils n’ont réussi à se mettre d’accord lors du sommet sur la reconstruction de ce territoire qui s’est tenu au Qatar à la fin du mois de mars.

Il n’est donc pas acceptable de se résigner et d’assister passivement, d’année en année, à la lente dégradation d’une situation dont les implications dépassent largement les frontières du seul Moyen-Orient.

Certes, notre débat de ce soir n’apportera pas de solution miracle.

Mais il n’est pas inutile que dans un pays démocratique comme le nôtre les diverses sensibilités politiques représentatives de la nation puissent s’exprimer au sein des assemblées parlementaires afin de soumettre des propositions sur l’élaboration de solutions politiques et pacifiques.

Pour sa part, notre groupe veut y contribuer et considère qu’au vu de l’urgence et de la gravité de la situation il est impératif, et encore possible, d’influer sur le cours des événements.

Comment agir pour que les différents protagonistes de ce conflit sortent de l’impasse dans laquelle ils se trouvent ?

Que faire pour ne pas perdre l’espoir d’une solution politique négociée, fondée sur deux États dans le cadre des résolutions de l’ONU ?

Comment contraindre efficacement le gouvernement israélien à s’engager dans cette voie ?

Telles sont les questions auxquelles notre pays et l’Union européenne doivent impérativement apporter des réponses.

L’excellent rapport d’information sur la situation au Moyen-Orient de nos collègues Monique Cerisier-ben Guiga et Jean François-Poncet dégage à propos du conflit israélo-palestinien quelques pistes que je soutiens en grande partie et dont le Gouvernement devrait s’inspirer.

Comme le constate le rapport, nous devons effectivement être réalistes et lucides et avoir conscience que le gouvernement israélien n’acceptera vraiment de changer de politique que sous la pression des États-Unis et de la communauté internationale.

C’est dans cette perspective que l’Union européenne et la France devraient jouer un rôle plus dynamique, faire preuve d’une plus grande autonomie et manifester leur spécificité en exerçant de fortes pressions sur les dirigeants israéliens.

Celles-ci doivent se concentrer sur deux points essentiels : le premier, et le plus urgent, concerne la levée du blocus de Gaza ; le second doit porter sur l’exigence d’un arrêt total de la colonisation de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie, car la poursuite de celle-ci morcèle ces territoires et rend de facto impossible la création d’un État palestinien.

Ce sont deux conditions préalables à une reprise des négociations entre toutes les parties prenantes de ce conflit, je dis bien « toutes » car, comme le préconise le rapport, il faudra bien un jour ou l’autre prendre contact et négocier officiellement avec le Hamas, qui est l’une des composantes du peuple palestinien.

Sur ces deux questions, la France doit retrouver sa liberté de parole et d’action, jouer l’important rôle de médiation que lui confèrent l’image et l’influence dont elle dispose dans cette partie du monde.

Notre pays doit agir sans attendre les nouvelles propositions du plan de paix que les États-Unis doivent présenter prochainement.

Telles sont les conditions pour permettre une reprise des négociations débouchant enfin sur la création d’un État palestinien libre, indépendant, souverain dans les frontières établies en 1967.

Notre pays peut aussi jouer un rôle déterminant dans une phase très délicate de la reprise du processus de paix : celle de la libération de prisonniers.

D’une part, deux de nos compatriotes sont détenus dans l’un et l’autre camp de façon totalement inacceptable. Je veux parler du soldat Shalit retenu captif par le Hamas et de Salah Hamouri détenu dans une prison israélienne. Cela nous concerne donc directement et nous donne une responsabilité particulière.

C’est pourquoi je regrette profondément que le gouvernement français n’agisse pas de façon équitable pour la libération de nos deux compatriotes. Les parents de Salah Hamouri attendent toujours d’être reçus par le Président de la République.

D’autre part, la libération de Marwan Barghouti pourrait constituer une chance de réconciliation des parties palestiniennes et donc permettre à Israël de trouver un interlocuteur fiable.

Au total, monsieur le ministre, le groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche souhaite vivement que le gouvernement auquel vous appartenez affirme plus clairement ses positions sur l’ensemble de ces questions et qu’il manifeste enfin fermement sa volonté d’aboutir à un règlement juste et durable du conflit entre Israël, les Palestiniens et les États arabes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais moi aussi concentrer mon propos sur la question palestinienne. J’ai sur ce sujet une assez longue et lourde hérédité.

Ce débat me fait penser à cette chanson de Barbara :

« À chaque fois, à chaque fois […],

« On refait le même chemin

« En ne se souvenant de rien

« Et l’on recommence, soumise,

« Florence et Naples

« Naples et Venise ».

Cette fois c’est Jérusalem, Naplouse. La chanson se poursuit ainsi :

« On se le dit et on y croit

« Que c’est pour la première fois ».

Monsieur le ministre, nous n’avons pas du tout envie de sourire ni même de parler d’amour, mais de haine et de violence, de menaces et d’injustice ; et nous ne faisons même plus semblant d’y croire : Ramallah, Gaza, Naplouse, Hebron, Birzeit, Jérusalem…

L’histoire bégaye mais la haine avance, se dotant de moyens nouveaux de plus en plus effrayants : Al-Qaïda, le terrorisme aveugle qui n’est que le miroir de notre inertie et de la lâcheté de la communauté internationale à imposer une solution juste et durable au conflit israélo-palestinien ; il y a un an à peine, la guerre effroyable de Gaza.

Mme la déléguée générale de la Palestine, qui nous honore de sa présence, est témoin de ce débat. Monique Cerisier-ben Guiga l’a mentionné tout à l’heure : il est vrai que l’on attend quelque chose de ce Parlement, on attend quelque chose de ce Sénat.

Et combien de temps, monsieur le ministre, allons-nous nous indigner à ce pupitre sans agir, laisser nos diplomates se faire bousculer, laisser s’instaurer une sorte d’impunité dans les faits qui est ressentie comme une injustice et crée tant de soif de vengeance ?

J’ai tenté de compter les colloques, les interventions, les questions orales et écrites de ces vingt dernières années, et dans mes archives j’ai retrouvé un article de mon mari Daniel Goulet, qui présidait le groupe France-Palestine. (L’orateur montre le document.) Cet article est un peu jauni, il date du 8 mars 1979. Daniel Goulet, qui avait rencontré à Damas Yasser Arafat, expliquait alors que la France avait un rôle à jouer sur le devenir des Palestiniens.

Monsieur le ministre, je crains de pouvoir reprendre mot pour mot l’article qui figure dans ce journal tant les choses n’ont pas évolué. J’ai même peur qu’elles n’aient régressé.

Quand va-t-on enfin réaliser le coût de l’humiliation et de l’injustice ? Du tramway de la honte au mur du même nom, des checkpoints à la judaïsation de Jérusalem, cette politique du fait accompli, ce « fait du prince » n’est vraiment pas acceptable.

Cela a déjà été dit, il est facile de sanctionner l’Iran. Le double standard a lui aussi déjà été évoqué. L’État d’Israël viole depuis des années des résolutions internationales. Il n’a absolument pas l’intention de respecter ce droit international et ne donne aucun signe tangible en ce sens ; ni les résolutions de l’ONU, ni les engagements pris divers et variés.

Pire, cet État use de ses relais et encourage et stimule une politique agressive à l’égard de l’Iran à l’heure où la nouvelle administration américaine tente de reprendre un indispensable dialogue rompu depuis trop longtemps.

Faut-il rappeler que l’OTAN a elle aussi instauré une politique d’approche de la méditerranée afin de pouvoir y associer Israël dont le Parlement est observateur à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN !

Dans ce cadre, les ministres européens des affaires étrangères doivent aujourd’hui tirer les conséquences en gelant tout processus de rehaussement des relations bilatérales entre l’Union européenne et l’État d’Israël, et suspendre l’accord de partenariat en raison du non-respect de son article 2.

L’Europe doit ou devrait parler d’une voix, et mettre un terme à cette humiliation institutionnalisée des populations palestiniennes et de son corollaire, l’immunité tout aussi institutionnalisée de l’État d’Israël qui entraîne des populations entières vers le désespoir et le terrorisme.

Comme mes autres collègues, monsieur le ministre, et sans beaucoup plus d’espoir, je vous pose les mêmes questions : quelle est la politique de la France seule, quelle est la politique de l’Europe ? Quelles sont les mesures tangibles que vous pourriez prendre pour donner de l’espoir à cette population et faire en sorte que nos interventions à cette tribune aient des effets un peu plus concrets sur une situation qui, malheureusement, est de plus en plus désespérante ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.