Mme Mireille Schurch. Cette proposition de loi prévoit également l’élaboration par les entreprises d’une liste d’agents volontaires pour suppléer leurs collègues en cas de grève. Il s’agit là d’une suggestion proprement hallucinante, dont la mise en œuvre conduirait des agents à se priver par avance d’un droit inaliénable reconnu par la Constitution, à savoir le droit de grève.

Sur le fond, alors qu’elle devait être au cœur de notre débat et du bilan de l’application de la loi, nous déplorons que la question du dialogue social soit à ce point marginalisée. Elle offre pourtant une marge de manœuvre importante pour limiter les conflits au sein des entreprises, objectif avoué de l’instauration du service minimum. En effet, les grèves sont la conséquence directe soit de la dégradation du dialogue social, soit des politiques de casse de l’emploi et de l’outil de production menées tant par le Gouvernement que par les directions d’entreprises.

Ainsi, ne nous leurrons pas : tant que la SNCF mettra en œuvre la politique illustrée par son plan de sauvegarde du fret et qu’elle cherchera à préparer sa future privatisation, les agents ne cesseront de faire grève. Cette orientation s’explique notamment par le fait que la SNCF se trouve enfermée dans une logique concurrentielle, qui la pousse à augmenter sa rentabilité économique au détriment d’autres considérations.

Nous ne pouvons pas non plus passer sous silence le fait que, en sept ans, 21 500 emplois ont été supprimés à la SNCF. Voilà qui pourrait expliquer certains conflits au sein de l’entreprise, mais aussi certains défauts de continuité du service public, liés à un manque de moyens humains ! D’ailleurs, si, à l’heure actuelle, de simples aléas météorologiques suffisent à remettre en cause l’organisation du service public de transport, n’est-ce pas le signe que le fonctionnement à effectifs restreints est source de graves perturbations pour les usagers ?

Cela m’amène à aborder la seule question qui importe pour mon groupe, celle de la continuité du service public des transports au quotidien. Il faut bien reconnaître que celle-ci est mise à mal non par les grèves répétées, mais par le sous-investissement chronique dont souffre ce secteur d’activité, ainsi que par les tentatives de libéralisation conduites sur les injonctions de Bruxelles.

Ainsi, selon le rapport du député Hervé Mariton, le nombre de jours de grève par agent de la SNCF était de 0,18 en 2008. Par conséquent, faire des grèves l’unique mal dont souffrirait aujourd’hui la continuité du service public est une contrevérité. Je rappelle que les grèves ne représentent que 3 % de l’ensemble des incidents qui perturbent les transports. En réalité, le problème réside essentiellement dans la tension extrême des moyens affectés aux réseaux, qui pâtissent d’une insuffisance des investissements depuis les années soixante-dix. La diminution continue des crédits alloués aux transports ne peut conduire qu’à une rupture de la continuité du service public.

Les conflits sont également nourris par la dégradation des conditions sociales, sous l’effet de la déréglementation du secteur des transports. La précarité de l’emploi se développe dans ce dernier, où l’on assiste à un accroissement du recours au temps partiel. Les salariés sont donc fondés à exiger une autre politique des transports.

Avec les associations d’usagers, nous continuons d’affirmer la nécessité de mettre en place un « plan Marshall » des transports, qui doit être porté par l’État et par les collectivités. Je souligne à cet égard que les financements des collectivités, notamment ceux des régions, vont être très fortement affectés par la réforme des collectivités territoriales et par la suppression de la taxe professionnelle. C’est pourquoi nous souhaitons que l’État engage un effort financier sans précédent, notamment par le biais d’une reprise de la dette de Réseau ferré de France, RFF.

Nous regrettons par ailleurs qu’aucune part du grand emprunt ne soit affectée au financement de ce secteur majeur et que les déclarations d’intention du Grenelle de l’environnement ne soient pas suivies des investissements correspondants. Les sénateurs du groupe CRC-SPG se posent résolument, pour leur part, en défenseurs du service public, ainsi que de la qualité et de la sécurité des prestations fournies aux usagers. Cela va de pair avec la défense des conditions de travail du personnel, du respect des droits collectifs et des droits syndicaux, ainsi que de la négociation au sein des entreprises. Nous sommes donc opposés à toute atteinte au droit de grève, droit indispensable à tout citoyen salarié. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, lors de la dernière campagne présidentielle, le candidat Nicolas Sarkozy avait annoncé dans les termes suivants son intention d’instaurer un service minimum dans les transports : « Je garantirai trois heures de transport en commun pour aller au travail, et trois heures pour en revenir. Il est inacceptable que les Français soient pris en otage par les grèves. »

M. Michel Teston. Peu de temps après son élection à la Présidence de la République, de manière quelque peu démagogique, suivant la logique des effets d’annonce ou des lois déclaratives, M. Sarkozy a fait déposer, le 7 juillet 2007, un projet de loi qui a été examiné en session extraordinaire par le Sénat et adopté par le Parlement selon la procédure d’urgence.

Ce texte, qui est en retrait par rapport aux engagements du candidat à l’élection présidentielle, comprend trois volets principaux.

Le premier prévoit que les entreprises de transport et les organisations syndicales de salariés négocient, avant le 1er janvier 2008, un accord concernant l’organisation obligatoire d’une négociation avant le dépôt de tout préavis de grève, des négociations pouvant être, en parallèle, menées à l’échelon de la branche professionnelle.

Le deuxième volet vise à permettre la mise en œuvre d’un service garanti en cas de grève ou de perturbation prévisible. Ce service minimum est défini par les autorités organisatrices de transport en fonction des spécificités locales.

Deux mesures principales sont mises en place : l’obligation, pour les salariés, de déclarer quarante-huit heures avant le début d’une grève s’ils ont l’intention d’y participer ; la possibilité, après huit jours de grève, d’organiser sur l’initiative de l’employeur ou d’une organisation syndicale un vote indicatif à bulletin secret sur la poursuite ou non du mouvement. Un amendement adopté par le Sénat a prévu qu’un médiateur pourra intervenir dès le début de la grève.

Le troisième volet fait obligation à l’entreprise de transport d’informer préalablement les usagers en cas de grève ou de perturbation prévisible. L’entreprise peut être tenue de rembourser en tout ou partie les usagers en cas d’absence de mise en œuvre d’un plan de transport adapté.

La loi réaffirme enfin que les jours de grève ne peuvent donner lieu à paiement.

Ce texte a suscité, à juste titre, de fortes réactions de la part des organisations syndicales de salariés. Ces dernières considèrent, en effet, que l’objectif du Gouvernement est non pas d’améliorer le dialogue social, mais de restreindre le droit de grève.

Lors des débats, si les intervenants de notre groupe ont approuvé l’idée de prévenir plus efficacement la survenance des conflits sociaux par l’instauration d’un dispositif de négociation collective obligatoire, ils ont en revanche formulé de nombreuses et vives critiques sur pratiquement toutes les autres dispositions que contient ce texte. Ainsi, nous avons souligné qu’il n’évoque pas les questions de la dégradation du service public des transports et du vieillissement du réseau, non plus que les multiples incidents, notamment les dégradations volontaires, qui sont à l’origine de nombreuses perturbations.

Nous avons également relevé que ce texte ignore les grèves dites « émotionnelles », déclenchées dans l’instant, à la suite d’agressions d’agents.

Il nous est aussi apparu clairement que ce texte fait peser sur les élus, au travers des autorités organisatrices de transport, des responsabilités qui ne sont pas les leurs. Il est pourtant évident que ce sont non pas les autorités organisatrices de transport, mais les entreprises de transport, qui sont responsables du dialogue social avec les salariés.

Plus généralement, nous avons dénoncé une « loi d’affichage », reprenant ainsi l’expression de Denis Mazeaud, professeur de droit à l’université Panthéon-Assas.

Nous avons enfin formulé trois autres critiques majeures à l’égard de ce texte.

Première critique, alors que la majorité avait déjà fait adopter la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social et celle du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social, il lui a semblé nécessaire de proposer un troisième texte sur le même thème. Faut-il en tirer la conclusion que les dispositifs précédents n’étaient finalement pas à la hauteur des enjeux ? En tout cas, c’est ce que nous avons affirmé en juillet 2007.

Deuxième critique, ce nouveau texte réduit la portée du droit de grève, et le débat sur l’amélioration du dialogue social est un trompe-l’œil : peut-on parler d’amélioration du dialogue social quand sont mises en place des sanctions disciplinaires à l’encontre des salariés grévistes lorsqu’ils n’ont pas, par exemple, respecté l’obligation de déclaration préalable de leur intention de faire grève ?

Troisième critique, il est faux d’affirmer que cette loi permet d’assurer un service minimum effectif : il s’agit tout au plus d’un service restreint, et surtout d’un service hypothétique. En effet, si tous les salariés sont en grève, il est bien évident que le service ne sera pas assuré. Je rappelle que la présence au travail d’environ 80 % des agents est nécessaire pour assurer un service normal aux heures de pointe, en particulier dans les grandes agglomérations.

Compte tenu de cette analyse, le groupe socialiste s’est prononcé, en juillet 2007, contre l’adoption du projet de loi.

Depuis lors, que s’est-il passé ? Si le Conseil constitutionnel a validé la loi, le Bureau international du travail l’a déclarée non conforme à la convention n° 87 de l’Organisation internationale du travail sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical.

En effet, selon le BIT, « la fixation d’un service minimum négocié devrait être limitée aux opérations strictement nécessaires pour que la satisfaction des besoins de base de la population ou des exigences minimales du service soit assurée, car elle limite l’un des moyens de pression essentiels dont disposent les travailleurs pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux ».

En outre, confrontés à une loi tendant à restreindre le droit de grève, les salariés ont développé de nouvelles formes d’action qui en contrecarrent les effets. L’article 10 de cette loi dispose ainsi que « la rémunération d’un salarié participant à une grève, incluant le salaire et ses compléments directs et indirects à l’exclusion des suppléments pour charges de famille, est réduite en fonction de la durée non travaillée en raison de la participation à cette grève ». Cette rédaction ouvre une brèche, dans laquelle s’est engouffré le syndicat SUD, en janvier 2009, lors des grèves à la gare Saint-Lazare, à Paris, et à Nice. Des salariés se sont déclarés grévistes pendant cinquante-neuf minutes par jour, ce qui leur a permis de limiter leur perte de salaire tout en désorganisant néanmoins le trafic.

De même, les cheminots ont plus largement utilisé leur droit de retrait à la suite d’agressions de collègues, ce qui a provoqué, notamment, la fermeture complète de la gare Saint-Lazare le 12 janvier 2009, bloquant 400 000 voyageurs.

Quant à l’obligation faite au salarié d’annoncer quarante-huit heures à l’avance son intention de faire grève, sous peine de sanctions disciplinaires, elle a pour conséquence d’inciter tout salarié à se déclarer gréviste au préalable, même si cette déclaration n’est pas suivie d’effet.

M. Louis Nègre. Il faut reconnaître que c’est aberrant !

M. Michel Teston. Ainsi, le trafic peut être annoncé comme très perturbé et se révéler par la suite proche de la normale, avec comme conséquence une information erronée diffusée à l’usager.

Un autre effet négatif de la loi a été constaté : les entreprises de transports ne peuvent être contraintes par l’autorité organisatrice de transports à rembourser des titres de transport si elles ont mis en place un plan de transports qui a fonctionné et ce, même si les usagers ont subi une gêne considérable. Ainsi, la RATP a refusé de procéder à des remboursements après la grève ayant affecté la ligne A du RER, à la fin de 2009 et au début de 2010.

Dans ce contexte, quelle évaluation pouvons-nous faire de ce service dit « minimum », deux ans après son entrée en vigueur ?

Globalement, si les demandes de concertation obligatoire ont bien été effectuées, il n’en reste pas moins que le nombre de conflits a augmenté. Récemment, Libération rappelait que les préavis avaient été davantage suivis de conflits en 2008 par rapport à 2007. Le dispositif a, en outre, montré ses limites dans le cadre d’une grève massive. Enfin, il a été contrecarré par de nouvelles modalités d’action mises en place par les salariés : grèves de cinquante-neuf minutes, usage plus systématique du droit de retrait, grèves tournantes…

Le 4 mars 2009, nos collègues députés Jacques Kossowski et Maxime Bono ont déposé un rapport concernant l’application de la loi du 21 août 2007. S’ils estiment que, globalement, ce texte est correctement appliqué, ils rappellent également qu’il n’a pas permis de créer un réel service minimum, celui-ci nécessitant la mise en place de réquisitions de personnels.

Dès lors, avec l’organisation de ce débat – je me tourne vers ma collègue Catherine Procaccia –, l’objectif du groupe UMP du Sénat n’est-il pas de préparer en réalité le terrain au vote d’une nouvelle loi visant à restreindre davantage le droit de grève des salariés des entreprises de transports ?

M. Jackie Pierre. Ce serait bien !

M. Michel Teston. J’en veux pour preuve le dépôt, en février 2009, d’une proposition de loi du député Éric Ciotti et de plusieurs de ses collègues du groupe UMP tendant, d’une part, à conférer un pouvoir de réquisition au préfet et, d’autre part, à contraindre les autorités organisatrices de transports à mettre en place des listes d’agents volontaires pour suppléer leurs collègues en cas de grève spontanée.

Alors qu’Éric Ciotti et ses collègues pensent que la loi de 2007 est insuffisante, le rapport Kossowski-Bono s’oppose à l’idée de légiférer dans l’urgence pour trois raisons principales.

Première raison, la loi de 2007 n’est en vigueur que depuis deux ans, il faut donc lui laisser, selon les auteurs du rapport, « le temps de vivre » et d’être « acceptée socialement ».

Deuxième raison, la grève n’est pas, loin s’en faut, la cause principale des perturbations du trafic. Concernant la RATP, par exemple, le président de l’entreprise rappelle que les causes de perturbation sont, dans cet ordre : les suicides et les tentatives de suicide, les utilisations abusives du signal d’alarme par les usagers, les malaises d’usagers, les colis suspects, les problèmes d’infrastructure, les défaillances matérielles et, enfin, les causes sociales.

Troisième raison, légiférer dans l’urgence, en pensant qu’un énième texte va empêcher les conflits, revient à oublier que le problème de fond est celui du dialogue social : ce problème doit être traité en priorité.

Au final, la loi de 2007 est loin d’avoir eu les effets promis par le Gouvernement. Le directeur du transport public à la SNCF évoque « l’apparition d’une nouvelle forme de conflictualité peu pénalisante pour les grévistes et très déstabilisante pour l’entreprise ». En d’autres termes, monsieur le secrétaire d’État, cette loi censée renforcer le dialogue social et la continuité des services publics a produit l’effet contraire, à savoir l’exacerbation de la conflictualité.

Pour autant, ce constat ne doit, en aucun cas, justifier une nouvelle réduction du droit de grève attentant gravement à cette liberté fondamentale. À cet égard, la proposition de loi du député Éric Ciotti, que j’ai déjà citée, nous paraît attentatoire au droit de grève, et donc contraire aux principes constitutionnels. Le constat de l’inefficacité de la loi ne doit nullement conduire à rendre le dispositif encore plus contraignant : notre groupe y est opposé !

Au nom du groupe socialiste, je tiens à rappeler ce qui a déjà été dit mais qu’il est bon de répéter : la majorité des désagréments nombreux et fréquents subis par les usagers des transports n’ont pas pour origine les mouvements sociaux, mais sont la conséquence du sous-investissement dans l’entretien des réseaux et des matériels, source de retards et de pannes. La question de fond porte bien plus sur les moyens dégagés par l’État et les entreprises pour faire fonctionner dans de bonnes conditions les transports publics terrestres de voyageurs.

Enfin, tout doit être fait pour renforcer le dialogue social. Cette orientation était d’ailleurs préconisée dans le rapport Mandelkern en 2004, partant de l’hypothèse qu’il n’est pas possible, en l’état, de mettre en place un service minimum continu.

En conclusion, notre position reste la même qu’en 2007 : il convient de renforcer le dialogue social et non d’attiser les conflits, comme l’a fait la loi de 2007 ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Catherine Procaccia. Vous exagérez !

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre débat de ce soir intervient fort opportunément au lendemain d’une longue grève sur la ligne A du RER ; pendant deux semaines, cette grève a fortement nui aux usagers parisiens ainsi qu’à de nombreux habitants de l’ouest et de l’est de la capitale.

À cette occasion s’est posée de nouveau la question du service minimum et du droit de grève dans les transports publics qui, depuis 2002, a nourri un fond de propositions de lois consacrées à ce sujet. Aujourd’hui, le débat porte sur les conditions de mise en œuvre et les conséquences de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.

Loin de moi l’idée de méconnaître le principe même d’un service minimum et de le critiquer : il existe dans d’autres secteurs, comme l’hôpital ou la télévision, et il ne serait pas question de le remettre en cause. De la même façon, cela a été dit précédemment, en Europe, la moitié des États constituant l’Union ont mis en place une législation à peu près comparable, selon la nature de leur droit et de leur réglementation.

Dès lors, il n’était pas absurde d’envisager qu’un service assuré aux heures de pointe pût, non seulement respecter strictement le droit de grève, mais encore permettre aux usagers de se rendre sur leur lieu de travail, garantissant ainsi deux pôles imprescriptibles des principes constitutionnels de la République : droit de grève et libre circulation des personnes.

Quelle évaluation peut-on faire maintenant de ce dispositif ? Je voudrais relever, sur le dernier cas concret de la grève du RER, deux faits particuliers.

S’agissant, en premier lieu, de l’efficacité du service minimum, les voyageurs n’ont bénéficié, sur certaines lignes, que d’un train sur cinq ou sur six, au lieu d’un train sur trois comme initialement prévu. En outre, les horaires de fonctionnement de ce service minimum ont été peu compatibles avec une activité professionnelle ordinaire : trois heures tôt le matin, très bien ; mais la fin du service, le soir, à 19 heures 30, est loin de correspondre à la fin de l’activité de nombreux salariés. Il s’en est suivi un recours accru à la voiture et au métro, créant par là même embouteillages, bousculades et, parfois, mauvaise humeur.

S’agissant, en second lieu, des conséquences financières de ce mouvement de grève pour les voyageurs, ceux d’entre eux qui ont acquis un coupon hebdomadaire, assez onéreux – je pense, en particulier, aux usagers habitant le plus loin de Paris et aux revenus modestes – se sont interrogés sur les conditions de remboursement dudit coupon. Aux guichets de la ligne A, il leur a été répondu que : « puisqu’il y a eu service minimum, il n’y a pas de remboursement ». J’aimerais savoir, monsieur le secrétaire d’État, si cette réponse sera confirmée par votre administration, alors que vous n’ignorez pas que la qualité de ce service n’a pas été à la hauteur de ce que les voyageurs sont en droit d’attendre.

Je voudrais maintenant, de façon plus générale, vous faire part de mes observations sur ce dispositif.

Aux dires mêmes de la SNCF et de la RATP, le bilan de l’application de la loi sur le service minimum est mitigé, parce que variable selon les territoires. Si, globalement, les départements ayant en charge, par exemple, les transports interurbains et scolaires rencontrent peu de difficultés en matière de continuité du service public, il en va tout autrement dans certaines régions ou dans certaines entreprises de transport urbain.

Les difficultés inhérentes à la mise en place d’un service minimum, à l’image de celles que je viens d’évoquer, se trouvent encore amplifiées lors de ces grèves spontanées, dites « grèves émotionnelles », comme celle récemment déclenchée à la gare Saint-Lazare à la suite de l’agression d’un conducteur. Là se trouve l’une des failles de la loi du 21 août 2007, qui ne répond pas à la problématique des grèves imprévues, ou de ces grèves de courte durée, dites de cinquante-neuf minutes, ou de ces mouvements de personnels qui, inopinément, décident de faire grève ou, tout aussi inopinément, de renoncer à la même grève. Je mesure bien sûr la difficulté, pour l’opérateur, à prévoir l’imprévisible et à ajuster le trafic en temps réel, ou presque, aux besoins des usagers.

Face à des situations de cette nature qui posent, au demeurant, la question du dépôt de préavis successifs, la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a souhaité la création d’un observatoire des relations sociales dans les transports terrestres, doté de tous les pouvoirs d’investigation nécessaires et appelé à faire un bilan de l’état du dialogue social en France. Un tel observatoire serait de nature à permettre un examen impartial de la situation des entreprises de transport et son positionnement indépendant le garantirait de toute instrumentalisation dans un conflit.

Je voudrais, en effet, souligner que la plupart des mouvements de grève sont révélateurs d’un malaise lié le plus souvent à la qualité des transports, attendue tant des voyageurs eux-mêmes que des salariés : l’augmentation exponentielle du nombre de voyageurs, le vieillissement et la dégradation des équipements, le besoin de formation des conducteurs, la sécurité sont autant de freins à la bonne marche des trains. Bien plus que les conflits sociaux, ils provoquent la majorité des retards ou des perturbations de trafic.

Le Président de la République a opportunément parlé de la nécessité d’arrêter un plan d’amélioration de la ligne A du RER. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous préciser les objectifs de ce plan, ses modalités de financement et le calendrier de sa mise en œuvre ? Vos réponses viendront apporter quelque apaisement dans un contexte social tendu, qui justifierait assurément que soit instauré un nouveau dialogue social, plus serein que celui qui a été observé ces dernières semaines.

Je veux être persuadée, monsieur le secrétaire d’État, que votre objectif est bien, avant tout, de garantir un service public de transports de qualité, dont bénéficieront aussi bien les voyageurs, écoutés et entendus dans leurs attentes légitimes, que les salariés de ces services publics, respectés pour leur engagement, au quotidien, au service du public. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.

M. Louis Nègre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sur l’initiative du Sénat, en particulier de notre éminente collègue Catherine Procaccia, l’évaluation de la loi sur la continuité des services publics de transport vient en débat devant notre assemblée.

L’organisation de ce débat montre, tout à la fois, la réactivité de notre assemblée, l’attention que les sénateurs portent au quotidien de leurs concitoyens, de même que leur sensibilité au maintien de services publics de grande qualité. Je rappelle que ces derniers sont l’un des éléments majeurs, aux yeux des investisseurs étrangers, de l’attractivité de la France, et donc de son développement économique, qui nous concerne tous directement.

La loi du 21 aout 2007 n’impose pas, contrairement à ce que l’on croit trop souvent, un niveau de service minimal, mais porte plus simplement sur « le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs ».

Cette loi, voulue par le Président de la République à la suite des profonds dysfonctionnements constatés dans le secteur des transports, était incontestablement nécessaire.

Elle a permis une amélioration du dialogue social, en organisant de manière précise ses modalités. Le dispositif de prévention des conflits a globalement bien fonctionné et a eu un effet positif sur la conflictualité.

Parallèlement, le constat des professionnels au plan national est qu’en cas de grève l’application de la loi s’est souvent traduite par un service supérieur à la prévision.

Enfin, les plans, que ce soient les plans de transport adapté ou les plans d’information des usagers, ont été pour leur grande majorité respectés.

Cette loi, qui, je le répète, était nécessaire, a donc eu un effet positif, tant au niveau du dialogue social que pour l’information des usagers.

Pour autant, peut-on en déduire que « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes » ? Malheureusement, la réponse à cette question est incontestablement négative !

En effet, la très grave perturbation que la région Provence-Alpes-Côte d’Azur a connue pendant deux mois, l’année dernière, le mouvement actuel qui perturbe l’unité de production de la gare de Marseille-Blancarde et les récents événements en Île-de-France, notamment la grève sur la ligne A du RER, ont montré que, si la loi de 2007 avait une certaine pertinence et était bien nécessaire, elle demeurait insuffisante pour assurer à nos concitoyens les droits constitutionnels de liberté de circulation et de liberté d’accès aux services publics.

Le problème qui se pose à nous, chers collègues, est celui du respect minimal que l’on doit aux usagers, reconnu lui aussi par la Constitution à travers la continuité du service public. Il est aussi celui de l’importance que la nation veut bien accorder au secteur des transports.

L’alinéa 7 du préambule de la Constitution précise que « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ».

Cette précision juridique vise à confirmer qu’il n’y a pas un droit de grève dans l’absolu : le droit de grève est relatif en fonction du domaine où il s’exerce. C’est d’ailleurs si vrai qu’il existe un service minimum dans des secteurs aussi sensibles que le nucléaire, l’audiovisuel, la santé et le contrôle aérien. S’agissant de ce dernier domaine, nous sommes d’ailleurs conduits à nous interroger sur la distinction actuelle qui privilégie les Français d’en haut, ceux qui prennent l’avion, au détriment des Français d’en bas, qui, eux, sont soumis aux aléas des transports terrestres !

La question à résoudre est donc de savoir si les transports publics terrestres sont des services essentiels pour le pays et les Français.

Qui peut nier l’importance de ces services et leur rôle majeur dans le bon fonctionnement de la société ?

Pauvres usagers qui sont les oubliés permanents, voire les otages de ces conflits sociaux dont ils sont les premières et les principales victimes ! Qui pense à eux ?