M. Louis Nègre. Cette question se pose d’autant plus que, comme cela a été mentionné précédemment, en cas de grève de la totalité du personnel, les usagers ne bénéficient même plus d’un minimum de service !

En Europe, des pays au moins aussi démocratiques que la France ont donné une réponse différente de la nôtre, beaucoup plus favorable aux usagers.

En Allemagne ou en Autriche, je rappelle que la constitution interdit aux salariés statutaires de la fonction publique de faire grève. C’est excessif compte tenu de notre culture… Soit ! Alors, prenons l’exemple d’autres pays européens, tels que l’Italie et l’Espagne où, là encore, le droit de la communauté aux prestations vitales, notamment aux transports, est prioritaire sur le droit de grève.

D’ailleurs, peut-on raisonnablement soutenir que les intérêts particuliers de quelques centaines d’employés s’imposent à un million de voyageurs dont la dignité et le droit au travail sont, à mes yeux, au moins aussi importants ? Le droit des usagers d’aller et de venir ne peut être pris en otage par une infime minorité de travailleurs qui a, je le rappelle, des droits, mais aussi des devoirs.

Ce conflit catégoriel a produit une grève qui a très durement pénalisé des centaines de milliers de Français. Est-ce normal ? Non ! Est-ce légitime ? Non !

Ce dysfonctionnement majeur confirme que la loi de 2007, qu’il est question ici d’évaluer, ne sanctionne pas le déséquilibre manifestement excessif entre deux principes constitutionnels de même niveau et un tout aussi grave déséquilibre causé par le fait qu’une infime minorité fait peser une contrainte excessive sur une immense majorité de nos concitoyens.

Cette situation est donc par trop déséquilibrée, et ce au détriment des sans-grades, du vulgum pecus, qui ne mérite pas une telle indifférence.

Chers collègues, il appartient donc au pouvoir législatif de faire évoluer cette loi dans un sens plus équitable.

Sans aller jusqu’à contester le droit de grève, comme en Autriche ou en Allemagne, sans aller jusqu’à faciliter la réquisition, par les préfets, des salariés du secteur, mais pour prendre en considération l’état de souffrance, d’abandon des principaux intéressés – je devrais plutôt dire « des naufragés des transports publics » –, je propose, à ce jour et sous réserve d’une évaluation annuelle, six mesures.

Premièrement, afin de tenir compte des abus, la loyauté entre partenaires du dialogue social serait renforcée et, en conséquence, pour une grève de moins d’une heure, une retenue financière égale au montant du salaire dû pour la durée totale du service serait désormais prévue.

Deuxièmement, la jurisprudence qui juge illicites les grèves tournantes serait confirmée par la loi.

Troisièmement, la déclaration des grévistes serait fixée à quarante-huit heures avant le début théorique de la grève, et non pas à quarante-huit heures avant le moment de la participation personnelle du salarié à la grève. (Marques d’impatience sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Quatrièmement, dans les cas de mouvements de grève nationaux, l’alarme sociale serait supprimée et seuls seraient conservés le préavis de cinq jours et la procédure de déclaration des grévistes.

Cinquièmement, les limites des grèves émotionnelles seraient fixées plus précisément pour éviter les abus du droit de retrait.

Sixièmement, l’alternance répétée, à l’intérieur d’une période couverte par un préavis, d’arrêts de travail et de reprise d’activité par un même salarié serait interdite.

Tout à l’heure, M. Michel Teston souhaitait savoir quel était l’objectif de l’UMP. Eh bien, mes chers collègues, c’est de défendre le peuple ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier.

M. Jacques Gautier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai l’impression, depuis le début de la soirée, que certains d’entre nous refont le débat de 2007, centrant leurs interventions sur le vieillissement des matériels roulants, leur manque de confort et de régularité.

Je tiens à dire, monsieur le secrétaire d’État, que c’est un point auquel je souscris totalement : nous devons faire des efforts dans ce domaine !

MM. Pierre Hérisson et Yvon Collin. Très bien !

M. Jacques Gautier. Mais ce n’est pas le sujet dont nous discutons ce soir. Notre débat concerne une évaluation et peut-être – nous venons de l’entendre – un renforcement de la loi de 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.

Cette loi s’applique maintenant depuis deux ans et je me félicite que ma collègue Catherine Procaccia ait souhaité que nous fassions ensemble une évaluation de ce texte, qui a aussi pour objet, rappelons-le, en respectant la liberté fondamentale du droit de grève, de permettre aux usagers, en cas de conflit social, de se déplacer, d’aller travailler ou de rentrer chez eux aux heures de pointe.

Le bilan semble globalement positif, comme l’illustre la grève du 29 janvier 2009 – le taux de grévistes a atteint 35 %, mais la SNCF a réussi à maintenir près de 50 % des trains –, sans parler des grèves qui n’ont pas eu lieu grâce au dialogue social renforcé. Toutefois, les opérations d’arrêt de travail limitées à cinquante-neuf minutes et répétitives ou les événements récents survenus sur la ligne A du RER ont démontré l’insuffisance du service garanti.

Ainsi – beaucoup d’intervenants l’ont évoqué – pendant dix-sept jours, du 10 au 27 décembre dernier, le million de Franciliens qui empruntent chaque jour cette ligne, la plus fréquentée d’Europe, ont subi la plus longue grève depuis 1995.

Dans ce cas, le service garanti dans les transports n’a pas apporté de réponse satisfaisante. Les usagers se sont entassés dans les gares, malgré le froid, et dans les trains qui circulaient, obligés de partir très tôt le matin et, souvent, de rentrer très tard le soir quand ils n’étaient pas contraints de renoncer à aller travailler, faute d’un service acceptable.

Si la paralysie a été évitée, c’est peut-être grâce à la loi. Mais je rappelle que les plus modestes ont été les principaux otages de ce mouvement, et le service public, que beaucoup revendiquent ce soir, n’a pas été à la hauteur de ce que nous sommes en droit d’attendre et d’offrir à nos concitoyens.

J’ajoute que, dans un contexte économique difficile et juste avant les fêtes de fin d’année, ce conflit a eu des répercussions économiques lourdes pour les entreprises, les commerces, notamment les petits commerces, et les usagers. La RATP en a estimé le coût pour elle à 5 millions d’euros, et les commerçants et entreprises de commerce auraient perdu plus de 50 millions d’euros d’après le MEDEF d’Île-de-France. Cela n’est pas acceptable !

Il est donc nécessaire, monsieur le secrétaire d’État, d’aller plus loin pour assurer un véritable service des transports publics.

De plus, le partage des transports entre la RATP et la SNCF en Île-de-France ne fait qu’aggraver, dans certains cas, la pénalisation des usagers. Nous devons intégrer cette dimension dans notre réflexion, au moment même où la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif au Grand Paris vient de se mettre en place. Le projet phare du Grand Paris s’articule autour d’une double boucle de transports en commun qui sont, certes, automatiques. Mais quelques techniciens pourraient rendre ce dispositif inutilisable ou en perturber le fonctionnement.

Avant de terminer mon intervention, je voudrais revenir sur le texte de 2007, dans lequel le Gouvernement – Catherine Procaccia l’a souligné – n’avait pas souhaité prendre en compte le volet relatif aux transports aériens et aux liaisons maritimes entre la France et les îles de sa façade maritime.

Nous vivons, avec le mouvement actuel des contrôleurs aériens ou la prise en otage, il y a quelques mois, de passagers entre le continent et la Corse, des événements tout à fait inacceptables. Cela montre qu’il faut maintenant intégrer ce double volet dans la loi sur le service garanti.

Nous devons, dans l’ensemble des compartiments des transports et tout en assurant le droit légitime de grève, rappeler les devoirs de chacun et permettre, comme l’a rappelé Louis Nègre, le respect des droits constitutionnels tout aussi légitimes des usagers. Non seulement ils paient, mais, en plus, ils sont pénalisés !

C’est pour l’ensemble de ces raisons, monsieur le secrétaire d’État, que j’ai cosigné, comme un certain nombre de mes collègues, la proposition de loi présentée par Catherine Procaccia, l’évaluation devant permettre de déboucher sur un texte renforcé et élargi, couvrant tous les transports, qu’ils soient terrestres, aériens ou maritimes. Monsieur le secrétaire d’État, nous comptons beaucoup sur votre soutien pour faire avancer ce texte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord m’associer à l’hommage rendu à Catherine Procaccia, qui nous a invités, ce soir, à débattre de la loi sur le service minimum dans les transports.

Monsieur le président, je suis un peu gêné, car j’ai prévu une intervention de 142 pages. (Marques d’étonnement sur diverses travées.) Étant élu parisien, vous n’êtes pas sans savoir que nous n’avons pas de presse régionale à Paris. C’est donc dans les pages d’un grand quotidien populaire parisien que j’ai cherché des éléments d’information sur la vie d’un usager des transports publics franciliens, et j’ai trouvé 142 pages évoquant des dysfonctionnements survenus uniquement en Île-de-France.

En revanche, je n’y ai pas trouvé certains des chiffres avancés ce soir. L’un des orateurs précédents a affirmé que 3 % des grèves seraient liées aux seuls dysfonctionnements… Pour le lecteur de cette revue de presse, elles occupent 56 pages sur 142. Je ne retrouve pas non plus les statistiques de la RATP à propos des suicides ou des utilisations du signal d’alarme.

Il est vrai que des problèmes d’investissement et des dysfonctionnements existent. Ces derniers occupent cent quarante-deux pages dans un grand quotidien, monsieur le secrétaire d’État, et ont fait trois fois la « une » le mois dernier ! Des dysfonctionnements se produisent presque un jour sur deux : voilà la réalité que vivent au quotidien 12 millions de Franciliens ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Raymonde Le Texier. C’est ridicule !

M. Philippe Dominati. Rassurez-vous, je ne vais pas vous détailler chaque article de ce dossier de presse, que je tiens à la disposition de ceux qui veulent en savoir plus en attendant la création de l’observatoire et une analyse précise de notre système de transports.

Je voudrais d’abord dénoncer une connivence de la part des élus de l’opposition à l’échelon tant national que régional qui s’étonnent qu’un tel débat ait lieu aujourd’hui avant d’évoquer le manque d’investissements et leur volonté de conserver à tout prix le service public ! Mais nous sommes dans un pays d’exceptions, de dérogations, dans lequel nous avons fait en sorte que la première région d’Europe ait un monopole des transports.

Depuis des années, la vision du ministère, qui est aussi la vôtre, en ce qui concerne l’organisation des transports en milieu urbain, monsieur le secrétaire d’État, c’est le monopole ! Nous serons, en 2038, l’une des seules régions d’Europe – et une exception sur le territoire national – à avoir un tel monopole.

Vous dites qu’il n’y a plus de moyens et, dans le même temps, vous vous interdisez d’en trouver de nouveaux. En l’absence de liberté – liberté du marché, liberté de mise en concurrence pour les usagers –, le législateur est obligé d’adopter des lois de plus en plus sévères.

Nous avons commencé par une loi sur le service minimum dans les transports. C’est une loi d’inspiration libérale…

Mme Raymonde Le Texier. Nous avions remarqué !

M. Philippe Dominati. … qui a été défendue pendant des années au sein du conseil régional d’Île-de-France. À l’époque du gouvernement de M. Jospin – et M. Huchon présidait déjà le conseil régional – nous défendions ardemment de telles dispositions en Île-de-France parce que le système ne fonctionnait pas et que certains voulaient maintenir le statu quo.

Vous vous prononcez en faveur de la défense des usagers, mais, en réalité, par votre connivence avec les syndicats, vous créez des dysfonctionnements. En refusant d’ouvrir le marché, vous ne vous donnez pas les moyens de défendre les usagers.

En Île-de-France, dans les transports terrestres, nous pourrions avoir un espace de liberté en séparant les réseaux de transports ferroviaires et de transports de surface. Pourquoi le droit de conduire un bus en Île-de-France devrait-il être régi par un monopole ?

Ce système a malheureusement été maintenu par les gouvernements successifs, et je le déplore. Vous avez l’habileté de nous faire croire de temps en temps que vous êtes attaché à une conception libérale des transports, monsieur le secrétaire d’État. Pour ma part, je considère que la politique que vous menez est trop conforme aux souhaits de l’opposition nationale, à cette vision rétrograde qui consiste à vouloir obligatoirement financer les transports publics avec de l’argent public. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Ce n’est pas d’une loi sur le service minimum que nous avons besoin, c’est d’une loi sur le service maximum pour les usagers ! Plusieurs orateurs l’ont souligné dans cet hémicycle.

M. Philippe Dominati. Je remercie Mme Catherine Procaccia d’avoir demandé l’inscription à l’ordre du jour de ce débat, mais il faut aller beaucoup plus loin. Le meilleur moyen de ne pas remettre en question la liberté syndicale, comme certains le craignent, c’est de créer la concurrence. Partout où le marché a été libéralisé, les transports ont mieux fonctionné.

La même remarque vaut pour les aiguilleurs du ciel, que nous avons déjà évoqués dans cet hémicycle, notamment lors de questions d’actualité. Vous le savez, la France est l’un des deux seuls pays d’Europe à leur accorder un statut particulier.

Bref, la vision de la France dans le domaine des transports est plutôt rétrograde, et le Gouvernement n’est pas, à mes yeux, assez audacieux ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.

M. Serge Dassault. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, il s’avère malheureusement que le service minimum dans les services publics n’est jamais appliqué, car on n’a jamais précisé ce que l’on entendait par « minimum », en particulier pour les transports. Le plus odieux, c’est que les grèves sont déclenchées au moment où elles créent le plus de problèmes, c’est-à-dire au début des vacances, lorsque le service minimum devient inutile et inapplicable.

On oublie aussi que, si le droit de grève est reconnu par la Constitution, il « s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ».

M. Louis Nègre. C’est exact !

M. Serge Dassault. Or cette réglementation n’a jamais vu le jour.

M. Serge Dassault. Au contraire, les motifs de grève n’ont fait que croître, et pour des raisons n’ayant plus rien de professionnel. Des grèves sont déclenchées pour soutenir les revendications d’autres activités, pour que le Gouvernement change ou n’applique pas une loi déjà votée, cela s’est déjà produit. De même, les grèves d’étudiants ou de lycéens ne devraient pas être tolérées, encore moins celles de professeurs.

En réalité, les grèves sont devenues, pour les syndicats,…

M. Serge Dassault. … des moyens de pression politique et non plus seulement des actions contre un employeur. Elles deviennent de plus en plus politiques, ce qui est inadmissible. Elles visent même des modifications de la législation, comme cela s’est produit avec le contrat première embauche que la loi pour l’égalité des chances avait institué, et qui a été abandonné alors qu’il avait été adopté par les deux assemblées. C’est laisser le pouvoir, non plus aux parlementaires, mais à la rue ! C’est ouvrir la voie à l’anarchie et à la révolution ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Raymonde Le Texier. La chienlit !

M. Serge Dassault. C’est pourquoi les grèves des services publics, qui prennent les usagers en otage, devraient être carrément interdites…

M. Yvon Collin. Ben voyons !

Mme Raymonde Le Texier. Il faut sortir la guillotine !

M. Serge Dassault. … et les grèves des entreprises privées sérieusement encadrées. C’est d’ailleurs le cas aux États-Unis, où des grèves ont été déclarées illégales et les syndicats sérieusement sanctionnés.

Le droit au travail devrait être reconnu et protégé, ce qui n’est pas le cas. Les mouvements de grève devraient être individuels et personne ne devrait être empêché de travailler. Au contraire, à chaque grève, on voit fleurir les piquets de grève, les occupations d’usine, qui empêchent ceux qui le souhaitent de venir travailler, ce qui est évidemment totalement illégal. On a vu, lors des grèves d’étudiants, des équipes se mettre en place pour empêcher les étudiants de suivre leurs cours.

C’est pourquoi, après cette tentative de service minimum qui n’a pas fonctionné, il conviendrait, pour maintenir la démocratie, d’encadrer sérieusement le droit de grève, comme le prévoit la Constitution.

Garantir la liberté du travail, interdire les piquets de grève et les occupations d’usine, sanctionner les syndicats qui déclenchent des grèves politiques ou de soutien n’ayant rien à voir avec des revendications professionnelles et surtout interdire tout mouvement de grève des transports publics : telles pourraient être les bases d’une nouvelle loi d’encadrement des grèves.

Une large information des salariés est indispensable pour qu’ils comprennent que les grèves se retournent toujours contre eux et que leur intérêt est de travailler.

Mme Raymonde Le Texier. Que de clichés !

M. Serge Dassault. En arrêtant la production ou les services, ils compromettent leur propre emploi et leur avenir, car les clients, mécontents des retards de production, des hausses de prix et des mauvais services induits par les grèves, iront s’approvisionner ailleurs et il n’y aura plus de travail dans ces usines. Les syndicats, loin de défendre les intérêts des salariés, comme ils le prétendent, compromettent ainsi leur avenir et leur emploi.

Voilà, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, des éléments qui devraient permettre d’établir une véritable réglementation du droit de grève en parfait accord avec notre Constitution. (Applaudissements sur certaines travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en conciliant le droit de grève, principe à valeur constitutionnelle, avec celui de la continuité du service public dans les transports terrestres et du droit de travailler et d’aller au travail des salariés, nous avons franchi un cap qui semblait impossible à atteindre il y a encore quelques années.

C’est la loi du 21 août 2007 qui aura permis d’y parvenir. Cette loi visait trois objectifs, sur lesquels je ne reviendrai pas afin de ne pas allonger le débat.

Au cours des deux années écoulées, on a pu clairement constater une diminution de moitié des journées de grève, et de nombreux conflits ont pu être désamorcés par la mise en œuvre d’une demande de concertation immédiate, ou DCI, rendue désormais obligatoire par la SNCF. Il n’en reste pas moins que des imperfections demeurent et sont à juste titre de plus en plus difficilement supportables, car elles se superposent, dans certaines régions, à une diminution de la qualité et du confort des infrastructures et des matériels roulants – j’y reviendrai dans un instant.

Après avoir examiné attentivement le rapport d’information de Jacques Kossowski et de Maxime Bono, je voudrais mettre l’accent sur trois points.

La loi a été détournée au moyen de deux actions spécifiques.

Je veux parler, d’une part, des grèves de courte durée, généralement inférieures à cinquante-neuf minutes, dont le seul but est de désorganiser le trafic.

D’autre part, je tiens à souligner l’abus du « droit de retrait ». Ce droit issu de l’article L. 4131-1 du code du travail est certes incontournable, mais son abus ne saurait être toléré. À cet égard, je me démarquerai de nos collègues députés : je pense qu’il ne faut pas écarter l’idée de légiférer pour sanctionner les abus, car cette loi du 21 août 2007 perd, dans ce cas de figure, toute sa lisibilité.

L’engagement de négociations collectives pour garantir le service du soir lorsque le service du matin a été assuré et interdire tout nouveau préavis avant l’expiration des négociations engagées sur le premier est également indispensable pour améliorer le service au bénéfice des usagers.

Enfin, le troisième point concerne la politique de décentralisation et de déconcentration de la SNCF. Si l’on veut améliorer le service, là aussi, compte tenu de la diversité des situations dans les régions françaises, il est indispensable de procéder à cette décentralisation, ce qui n’enlève rien, bien au contraire, à l’autorité et à la dimension du président de la SNCF.

Je ne voudrais pas terminer mon propos sans souligner la dégradation du confort, de la fiabilité, de la sécurité même de certaines lignes. La région d’Île-de-France n’est pas la seule concernée. Ainsi, en Basse-Normandie, la SNCF a délibérément sacrifié la ligne Paris-Granville. Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes venu à Caen le 6 avril 2009 pour y faire un certain nombre de propositions et inciter les présidents de la SNCF et de RFF – Réseau ferré de France – à y souscrire.

Monsieur le secrétaire d’État, malgré votre détermination – que je salue –, le président de la SNCF est resté sourd à vos recommandations du 6 avril dernier. C’est la région Basse-Normandie, et elle seule, qui a investi les 150 millions d’euros nécessaires à l’achat du matériel roulant de type Régiolis d’Alstom qui devrait équiper la ligne à partir de 2013, la SNCF s’engageant tout simplement à faire son travail, c’est-à-dire à assurer le fonctionnement de cette ligne pendant trente ans, prétextant que celle-ci est déficitaire à hauteur de 7 millions à 8 millions d’euros chaque année.

Comment voulez-vous que cette ligne ne soit pas déficitaire lorsque la SNCF oublie, tel jour, de mettre du carburant dans la motrice, tel autre, d’affecter un conducteur et ne prévoit pas de rame supplémentaire les jours d’affluence ? Ainsi, le 3 janvier 2010 en gare d’Argentan, soixante-quinze personnes ont été prises en otage pendant deux heures, le temps que l’on fasse venir une rame de Granville.

Monsieur le secrétaire d’État, la SNCF, je le répète, a délibérément décidé de sacrifier cette ligne. Je voudrais savoir où nous en sommes sur les autres points évoqués à Caen le 6 avril 2009. Où en est le projet de fonds de péréquation permettant, à partir des lignes bénéficiaires, de participer à la résorption du déficit des autres lignes ? Qu’en est-il de l’investissement de 2 milliards d’euros par an annoncé par Mme Idrac en 2007 pour faire en sorte que les motrices n’aient pas plus de cinq ans d’ancienneté ?

Je n’ignore pas qu’« ancienneté » ne rime pas forcément avec « vétusté » si le matériel est correctement entretenu, mais, là encore, si l’on prend le cas de la ligne Paris-Granville, le matériel roulant tombe régulièrement en panne.

Monsieur le secrétaire d'État, pardonnez-moi de m’être écarté quelque peu du sujet, mais la situation de la Basse-Normandie, qui est desservie par cette ligne, est critique.

Si l’on ajoute à la faible qualité et à l’absence de fiabilité des infrastructures et des matériels roulants sur certaines lignes les abus du droit de retrait et de grève de courte durée, on constate une dégradation du service public, que je déplore.

La loi du 21 août 2007 est une bonne loi – je me félicite que le Gouvernement l’ait initiée et le Parlement votée –, mais elle a été détournée. Si, dans les années à venir, ces contournements s’amplifiaient, il conviendrait de l’amender. Je ne voudrais pas que cette loi ne se résume, à terme, à un bel exercice d’organisation du dialogue social au lieu d’apporter une véritable solution à la question du service minimum dans les transports. Les cheminots, contrôleurs et autres salariés de la SNCF ont, certes, le droit de faire grève, mais ils ont aussi et avant tout le devoir de respecter les usagers ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de ce débat, je tiens à saluer la qualité des interventions et vous remercier, madame Procaccia, d’avoir pris l’initiative de l’organiser. Il nous donne l’occasion de faire le point sur la loi du 21 août 2007 relative – je le rappelle, car tel est bien l’objet unique de ce texte – au dialogue social et à la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.

Ce texte présente une originalité, une force et un esprit tout à fait nouveaux : Xavier Bertrand et moi-même avions travaillé à anticiper et à prévenir les conflits en incitant les partenaires sociaux à dialoguer, sans occulter les raisons de leurs différends, et à chercher les voies et moyens de les aplanir.

Quel premier bilan peut-on en tirer ?

Le premier volet de la loi a permis la mise en place d’une procédure de concertation préalable à tout préavis de grève, afin de favoriser le dialogue et la recherche d’une solution négociée. Les résultats montrent l’efficacité de cette procédure : 80 % des entreprises de transports publics urbains – M. Louis Nègre, premier vice-président du GART, le Groupement des autorités responsables de transport, le sait bien – appliquent cette procédure, qui a permis d’éviter un dépôt du préavis de grève dans 40 % des cas depuis la publication de la loi.

À la RATP, que beaucoup ont évoquée – notamment Philippe Dominati avec beaucoup d’affection (Sourires amusés sur les travées de l’UMP) –, le nombre de préavis de grève par an se situait en moyenne, autour de 180 depuis 2003. Il a été divisé par trois en 2008, avec 59 préavis. Pour 2009, il s’établissait à 80 à la fin du mois de novembre, avant la fameuse grève sur la ligne A du RER.

À la SNCF, le nombre de préavis de grève déposés en 2009 est en baisse de 30  %, par rapport au premier semestre 2007.

Le dispositif joue également au niveau local : mise à part la longue et scandaleuse grève de l’an passé en Provence-Alpes-Côte d’Azur que Louis Nègre a rappelée,…

M. Louis Nègre. Merci d’en faire état, monsieur le secrétaire d’État !