M. Yves Daudigny. Quant à l’argument du moindre coût de l’action locale du fait de la disparition de 3 000 élus locaux, il est sans objet.

En revanche, quel gâchis démocratique avec l’éloignement du conseiller territorial des maires, élus locaux, habitants des nouveaux grands cantons ! Quel gâchis en matière d’animation des territoires avec une diminution du nombre des élus, ce qui provoquera – est-ce le but recherché ? – une raréfaction des dossiers initiés, portés, défendus !

Ayez au moins la franchise d’éclairer nos concitoyens quant à l’objectif attendu, à savoir l’effacement du département, réduit, dans un premier temps, à la mise en œuvre et au financement de politiques nationales de solidarité. Ayez la franchise de reconnaître que cet effacement est un moyen de diminuer le volume et la qualité des services publics.

Ne masquez pas cette finalité en stigmatisant les élus, qui, selon vous, seraient plus préoccupés de leur propre situation que de l’intérêt général.

La déclaration d’un responsable politique actuel, selon laquelle « une collectivité attend, pour donner, de savoir ce que l’autre a donné pour être sûre d’avoir son nom sur la plaque le jour de l’inauguration ou pour être sûre d’avoir le droit d’être sur la photo quand on coupe le ruban », est caricaturale, insultante pour les élus de toutes sensibilités, inacceptable et dangereuse, car elle alimente un mauvais débat, ce qui ne préfigure jamais une phase de progrès de la démocratie. (M. Jean-Pierre Michel applaudit.)

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, ne masquez pas ces enjeux par une accusation d’immobilisme sans fondement. (Exclamations sur les travées de lUMP.) Nous sommes favorables à toutes les évolutions…

M. Alain Gournac. Lesquelles ?

M. Yves Daudigny. … qui renforceront la décentralisation et l’efficience des politiques publiques.

Les propositions du rapport de la mission sénatoriale présidée par M. Belot constituaient une base consensuelle d’évolution positive. Mais nous ne pouvons accepter des mesures destructrices d’une organisation qui, aujourd’hui, dans un monde complexe, prouve quotidiennement son efficacité.

Le rapprochement du département et de la région repose sur un non-sens dans l’analyse de notre fonctionnement. Couples s’il y a, et même ménages à trois, ce sont, d’une part, l’ensemble constitué par les communes, les intercommunalités et les départements, c’est-à-dire les collectivités de la proximité, des solidarités humaines et territoriales, et, d’autre part, l’ensemble formé par les régions, l’État et l’Europe, c’est-à-dire le niveau des grands équipements, de la stratégie, de la compétitivité.

Et c’est bien dans cette logique que M. le ministre de l’intérieur avait indiqué combien il serait indispensable de maintenir la possibilité, pour les départements, de soutenir financièrement l’échelon local. J’ajoute que c’est avec les régions que l’État signe les contrats de projets.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, le conseiller territorial n’apportera pas une meilleure lisibilité de l’action publique pour les citoyens. Éloigné, moins disponible, il sera moins porteur de la réalité quotidienne des habitants qu’il représentera. Il sera au contraire source de confusions et créateur, dans de futures assemblées régionales pléthoriques, de situations peu propices à l’élaboration de grandes stratégies.

Cet EGM, comprenez « élu génétiquement modifié », qui siégerait dans deux assemblées, avec des compétences distinctes, représentant deux territoires différents, dont l’un est inclus dans l’autre – il n’existe à ma connaissance aucun précédent et la constitutionnalité de cet élu pourrait être mise en doute – marquerait un recul de la démocratie, une atteinte aux principes de décentralisation, la négation du concept de collectivité territoriale. Il serait l’instrument de moins d’action publique territoriale, de moins de services pour les habitants, de moins d’équipements pour les territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, sur l’article.

Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous abordons, avec l’article 1er, le cœur de la réforme du Gouvernement : la création du conseiller territorial.

Depuis le début de notre discussion, le groupe socialiste s’est fermement opposé à la création de ces nouveaux élus dont nous ignorons le nombre, le mode d’élection ou encore le principe de répartition. Notre démocratie locale en pâtira, car la proximité entre le conseiller territorial et ses administrés va forcément se distendre, ce qui le coupera des réalités locales. Ces risques ont déjà été largement mis en avant par de nombreux collègues depuis le mois de décembre.

Je tiens à revenir aujourd’hui sur un des arguments phares utilisé par le Gouvernement pour défendre sa réforme, et plus précisément pour justifier la création de ce fameux conseiller territorial, à savoir la réduction des coûts. Ce nouvel élu permettrait de réaliser des économies.

Nous avons pu entendre à maintes reprises que le conseiller territorial, fruit de la fusion du conseiller général et du conseiller régional, engendrerait moins de dépenses et permettrait donc à l’État de constituer des économies importantes. Démagogie !

Beaucoup d’entre nous, et j’en fais partie, se sont intéressés à la légitimité d’un tel argument et aux incidences financières réelles de la mise en place de ce nouvel élu. Nos interrogations sont nombreuses. J’en évoquerai quelques-uns.

En instituant le conseiller territorial, vous créez un « super-élu » dont la charge de travail sera multipliée par deux. En outre, vous institutionnalisez le cumul des mandats.

Ce nouvel élu devra répondre à des problématiques aujourd’hui traitées à l’échelon départemental et au niveau régional. Il devra donc assumer seul les fonctions de deux élus actuels.

M. Guy Fischer. C’est impossible !

Mme Nicole Bonnefoy. Il devra par ailleurs couvrir un espace beaucoup plus important, naviguer de réunions en réunions au sein de son territoire – son département et sa région – afin de remplir l’ensemble des tâches et des représentations qui lui seront confiées.

M. Guy Fischer. Il papillonnera !

Mme Nicole Bonnefoy. Cette situation aboutira inévitablement à une explosion de ses frais de déplacement.

Par ailleurs, si cet élu souhaite, sans trop se couper des réalités locales – je doute qu’il y parvienne – remplir pleinement l’ensemble de ses fonctions, il devra soit se dédoubler, soit s’entourer de suppléants, d’adjoints, de conseillers. Cette perspective semble inévitable, sauf à créer un élu « fantôme » ne pouvant satisfaire à l’ensemble des sollicitations auxquelles répondent aujourd’hui les conseillers généraux et les conseillers régionaux. Or, s’entourer d’une équipe importante, se faire assister d’un suppléant impliquera obligatoirement des dépenses supplémentaires.

Ensuite, si nous restons fidèles à la politique du Gouvernement et au slogan du Président de la République, cet élu, qui travaillera plus, devra donc gagner plus ! Si cette logique est respectée, il devra percevoir une indemnité proportionnelle à sa charge de travail, substantiellement supérieure à celle des actuels conseillers généraux et régionaux. Comme cela a été souligné, cette réforme aboutira donc à une professionnalisation de la politique.

Le présent projet de loi soulève aussi des difficultés d’ordre matériel. Dans de nombreux territoires, la taille des hémicycles départementaux et régionaux ne sera plus adaptée aux besoins. D’une manière générale – sans compter la sous-représentation du monde rural –, beaucoup de conseils généraux seront surdimensionnés tandis que de nombreux conseils régionaux ne pourront plus accueillir l’ensemble des élus. Faudra-t-il construire de nouvelles infrastructures ? En tout état de cause, il faudra à tout le moins prévoir leur aménagement. Qui paiera : l’État, les collectivités, les ménages ?

Ces aspects concrets ont été soulevés par de nombreux élus locaux et nationaux. Il me semblait important de les rappeler en cet instant.

Une fois encore, le Gouvernement se cache derrière de faux arguments – parfois démagogiques, comme je viens de le montrer – afin de faire voter une loi d’inspiration profondément politique. Cette réforme territoriale n’engendrera pas d’économies substantielles. Présenter la création du conseiller territorial comme une réponse à des coûts considérés comme excessifs est une supercherie.

Tous ces éléments me confortent dans l’idée que le Gouvernement s’est précipité dans une réforme pour des raisons purement électoralistes et que ses conséquences n’ont pas été suffisamment évaluées.

Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, je ne voterai pas cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, sur l’article.

Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, au début de cette séance, vous nous avez invités à faire preuve de raison et à engager le débat sur l’article 1er. Toutefois, vous ne nous avez apporté aucun élément tangible susceptible de nous rassurer après le fait d’armes de la soirée de jeudi dernier.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Comment cela, le fait d’armes !

Mme Dominique Voynet. À vrai dire, monsieur le président, nous sommes stupéfaits que le Sénat ait pu se prêter à une telle opération alors que vous vous étiez porté garant de la sérénité de nos discussions, alors que M. le ministre rappelait urbi et orbi que, sur des questions d’une telle importance, il faut prendre le temps du débat. Nous avons été stupéfaits, pour ne pas dire plus, de constater qu’il était possible d’adopter un amendement qui visait à fixer le mode d’élection d’un élu qui n’existera qu’après l’adoption de cet article 1er. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

M. Guy Fischer. Manipulation !

Mme Dominique Voynet. D’une façon ou d’une autre, la discussion est « pliée », si je puis m’exprimer ainsi, du fait de l’adoption de cet amendement mal fichu, ambigu, qui dit tout et son contraire sur le mode d’élection des futurs conseillers territoriaux, et ce aux seules fins de constituer une majorité de façade et d’intérêt sur ce texte.

Que restera-t-il de la réforme d’envergure censée rendre plus lisible et plus efficace l’organisation territoriale de la France, annoncée par le Président de la République ? Les cinq premiers alinéas de ce texte auront suffi à ruiner les espoirs des citoyens et de leurs élus en la matière.

En effet, la création des conseillers territoriaux s’effectue dans les pires conditions qui soient. Un premier texte a eu pour effet d’amputer la durée du mandat des conseillers régionaux élus cette année, et des conseillers généraux qui le seront l’an prochain.

L’objet du présent texte est de créer des conseillers territoriaux avant que – un jour peut-être, après les élections régionales, dans un autre contexte, dans une autre ère démocratique …– il soit discuté des compétences et du mode de scrutin. Tout cela est préoccupant.

Mais, au fond, ce qui me préoccupe davantage encore, c’est que vous semblez vous-même ne pas savoir quoi faire de votre réforme, et n’avoir pas la moindre idée des répercussions à moyen et long termes des décisions prises aujourd’hui dans la confusion.

Je ne fais pas partie de ceux qui ne veulent rien changer. L’idée que des points de vue différents puissent se confronter ne m’inquiète pas. Il est évidemment de notoriété publique que, parmi nous, certains défendent plutôt la cohérence du triptyque intercommunalités-régions-Europe, quand d’autres sont davantage attachés à la commune, au département et à l’État-nation.

Au regard de l’ancrage multiséculaire du département, d’aucuns parmi nous craignent que ce dernier ne soit affaibli par votre réforme, qu’il ne soit miné par l’érosion de son autonomie financière et par la montée en puissance du fait métropolitain. D’autres, au contraire, considérant la taille et la place des régions chez nos principaux partenaires européens, déplorent qu’elles soient, chez nous, privées à terme de ressources dynamiques et de crédibilité.

Mais ce qui me soucie vraiment, c’est que personne, à cette heure, ne sait sur quel pied danser. Que voulez-vous exactement ? Puisque vous prétendez réformer, vous ne pouvez tout de même pas vous contenter des économies de bout de chandelle que vous réaliserez sur les indemnités de 3 000 des 550 000 élus français… Vous avez forcément un autre dessein. Entendez-vous, en complément de l’intercommunalité, privilégier les régions ou les départements ?

En vérité, la confusion règne, chacun spéculant sur les intentions affichées, les tentations subliminales et les conséquences inattendues du bricolage proposé.

Finalement, que restera-t-il de tout cela ? Une remise en cause de la parité, à rebours du mouvement historique en faveur de l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux en France…La suppression de la clause générale de compétence, dont on ne sait pas à cette heure si elle pourra simplifier quoi que ce soit, compromettra d’abord la dynamique des territoires…

Il faut réformer, mais sans casser. Il faut délester la France des frilosités qui la paralysent parfois, mais sans ignorer les mises en garde de ceux qui, à droite comme à gauche, plaident pour une organisation cohérente.

Alors, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je vous le redis : il ne s’agit pas de transformer le mille-feuille administratif français en tarte à la crème, mais de travailler sérieusement, pour l’histoire, à une organisation cohérente, c’est-à-dire fonctionnelle, et démocratique, c’est-à-dire compréhensible par nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l’article.

Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à mon tour, je regrette que nos rappels au règlement n’aient pas rencontré un écho plus favorable au sein de cette assemblée. Nous nous retrouvons en effet dans une situation assez ubuesque où un amendement, devenu article additionnel, met en place un système électoral pour des élus dont le statut n’a pas encore été adopté !

L’article 1er du présent texte tend en effet à instituer une nouvelle catégorie d’élus, les conseillers territoriaux, qui doivent siéger tout à la fois au conseil général et au conseil régional, et se substituer aux conseillers généraux et régionaux. Ces femmes et ces hommes – ou plutôt ces hommes, car, au vu du mode de scrutin proposé, et malgré l’amendement présenté par M. About, la parité sera bien maltraitée  – seront élus sur la base du premier mandat qui impose le cumul, mes chers collègues !

De surcroît, il n’y aura plus que 3 000 élus, contre 6 000 actuellement, pour piloter les dossiers d’aménagement et représenter la population de ces territoires. Vous m’objecterez qu’ils seront assistés de suppléants, ou de remplaçants, mais l’on ignore encore tout des missions et des compétences de ces derniers ! Là encore, une clarification s’impose. On peut néanmoins s’interroger légitimement sur la capacité de ces conseillers territoriaux à conserver un lien avec les territoires, leurs populations et leurs acteurs économiques.

Cumul des mandats, non-respect de la parité, difficile représentation des populations et de leurs territoires, surtout s’il s’agit de territoires ruraux ou de montagne, atteinte au pluralisme et à notre démocratie : je ne vois que des mauvaises réponses dans ce nouveau dispositif, qui prétend renforcer le couple département-région, mais qui s’apparente en réalité à une fusion-absorption à laquelle les départements ne survivront pas !

Associée à la réduction de la représentation des communes au sein des intercommunalités, à la disparition de la clause générale de compétence et au renforcement des pouvoirs des préfets, la création du conseiller territorial organise en réalité la destruction de notre République et de ses valeurs.

À l’instar des « citoyens de la modernité », rassemblés en comité, je prétends qu’être moderne aujourd’hui, c’est tout faire pour redonner le pouvoir aux citoyennes et aux citoyens. Or c’est tout le contraire que cette réforme met en œuvre ! Oui, la modernité passe par la réappropriation des valeurs et des institutions républicaines ! Il s’agit de redonner le pouvoir aux citoyennes et aux citoyens, depuis la commune, maillon fondamental de notre République, jusqu’à la nation, en passant par les départements comme niveaux structurants de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, en phase avec les agglomérations communales, les régions et l’Europe !

Décembre 1789 a vu la naissance des communes et des départements, destinés à casser les provinces et à donner le pouvoir aux citoyennes et aux citoyens. Décembre 2009 voudrait casser les départements et les communes pour retirer le pouvoir aux citoyennes et aux citoyens et le donner aux préfets !

Je refuse, avec d’autres, cette trahison des valeurs de liberté, d’égalité, de laïcité et de solidarité, qui ont façonné notre pays depuis 1789, et de toutes les grandes avancées que nous avons connues jusqu’au Conseil national de la résistance ! Deux cent vingt et un ans après l’assemblée des trois ordres du Dauphiné qui, à Vizille, dans mon département de l’Isère, fit se lever le vent révolutionnaire en réclamant la convocation des états généraux, je vous appelle, mes chers collègues, à entrer en résistance face à ce coup d’État.

Cette réforme ne se discute pas, elle se combat ! C’est pourquoi je vous invite à voter contre l’article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, sur l’article.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le conseiller territorial constitue le plat de résistance de ce projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, le reste s’apparente à de la garniture.

Je note que, cette semaine, les préfets ont reçu pour instruction de faire des interventions médiatiques dans chaque département pour présenter ce projet de loi, alors même que nous sommes en train d’en discuter…

M. Guy Fischer. C’est scandaleux !

M. Jean-Pierre Michel. C’est le Second Empire !

M. Jacques Mézard. Ou plutôt le Troisième…

Le Président de la République a également indiqué très clairement que le résultat du référendum en Guyane et en Martinique préfigurait ce qui allait se passer demain en métropole.

Il s’agit en réalité d’un projet de loi sans père nommé. Nous avons eu la loi Defferre, l’excellente loi Chevènement, mais aucun ministre ne semble revendiquer la paternité de ce texte.

M. Jean-Pierre Michel. La loi Balladur, peut-être…

M. Jacques Mézard. Après tout, le conseiller territorial est peut-être un enfant non reconnu : c’est à la mode, surtout lorsqu’il existe une suspicion de paternité du côté de l’Olympe ! (Sourires.)

Jean-Pierre Chevènement a rappelé, avec beaucoup de pertinence, les raisons de notre opposition à ce texte, en particulier à l’article 1er, l’organe essentiel de la réforme, greffé sur un texte dont les autres articles n’ont pas grand-chose à voir avec lui.

J’ai consulté par curiosité le site du ministère de l’intérieur : c’est toujours intéressant… (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat marque son approbation.) J’y ai trouvé, à destination de nos concitoyens, le pourquoi de la réforme. Trois raisons sont avancées.

On y explique, premièrement, que tous les rapports publics relatifs aux collectivités territoriales sont unanimes et convergent pour dire qu’il faut en finir avec l’empilement des structures et l’enchevêtrement des compétences.

Deuxièmement, on peut lire que ces chevauchements institutionnels ont un coût exorbitant, et qu’il convient de maîtriser la dépense publique locale ; en d’autres termes, les collectivités devront se serrer la ceinture !

M. Jean-Pierre Michel. Comme l’Élysée !

M. Jacques Mézard. Enfin, troisièmement, il est précisé que l’État local est lui-même engagé dans un processus de modernisation, à travers la RGPP, la révision générale des politiques publiques.

De son côté, la commission des lois justifie la création du conseiller territorial en prétendant, d’une part, qu’elle permettra d’améliorer la coordination entre les départements et les régions et, d’autre part, qu’elle constitue – avouez, monsieur le rapporteur, que le propos est quelque peu provocateur ! – « un signal positif lancé aux élus locaux, qui représentent avec un esprit de responsabilité remarquable les citoyens », et que ces conseillers territoriaux bénéficieront de « responsabilités plus larges ». Mais si ces élus sont si responsables et si efficaces, pourquoi vouloir en supprimer la moitié ?

Je rappelle au ministre de l’intérieur qu’il fut une époque où le président Giscard d’Estaing interdisait aux conseillers généraux de la majorité d’être candidats aux régionales.

Les motivations évoluent donc substantiellement.

Nous allons assister, avec la création du conseiller territorial, à un gigantesque charcutage, avec, à la clef, des découpages problématiques dans chaque département.

M. le président. Il vous reste trente secondes, monsieur le sénateur.

M. Jacques Mézard. Vous prétendez que le débat en séance publique permettra d’améliorer le texte. En réalité, les événements de la semaine dernière nous ont montré que tout était déjà « bouclé ». Je vous rappelle en effet, mes chers collègues, qu’un amendement centriste relatif aux modalités du scrutin a été adopté, au motif qu’il posait un principe, tandis qu’un sous-amendement présenté, en réplique, par le groupe du RDSE, a été rejeté. Il n’y a donc pas de discussion possible sur les éléments essentiels du projet de loi. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, sur l’article.

Mme Jacqueline Gourault. J’ai toujours dit, dès le début des travaux de la commission présidée par M. Belot, que je n’étais pas opposée à l’idée même du conseiller territorial, et je maintiens cette position.

De même, j’ai toujours manifesté mon opposition au mode de scrutin proposé par le Gouvernement, et je continuerai de m’y opposer de toutes mes forces.

Naturellement, j’ai voté l’amendement présenté par notre groupe, qui pose un certain nombre de principes. J’espère toutefois très sincèrement – je me permets de le dire très gentiment au Gouvernement – que nous ne nous ferons pas avoir à la sortie ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG – M. Jean-Pierre Michel applaudit vigoureusement.)

Mme Dominique Voynet. C’est un aveu !

Mme Jacqueline Gourault. Je regrette le sort réservé aux amendements des autres groupes. J’ai bien entendu les protestations de mon collègue Jacques Mézard : pour une fois, l’amendement centriste a été adopté !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. L’autre était contradictoire !

Mme Jacqueline Gourault. Tout amendement est recevable, quel que soit le groupe dont il émane. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) D’ailleurs, vous savez bien, mes chers collègues, que je suis la première à voter des amendements d’autres groupes, s’ils me satisfont.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, la création du conseiller territorial doit naturellement s’accompagner d’un mode de scrutin qui respecte les territoires. Il faut un mode de scrutin proportionnel pour garantir le pluralisme et la parité.

M. René-Pierre Signé. Évidemment !

Mme Jacqueline Gourault. Naturellement, la proportionnelle ne peut pas s’appliquer à trois conseillers territoriaux parce que, dans ce cas, il ne s’agit plus de proportionnelle.

Il faudra donc trouver un mode de scrutin équitable, sinon il sera impossible de voter la création du conseiller territorial car il y a, dans notre assemblée, une majorité pour s’opposer au mode de scrutin envisagé. (Applaudissements sur certaines travées de lUnion centriste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, sur l’article.

M. Hervé Maurey. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je répondrai, d’abord, à M. Sueur qui, dans son prêche, a donné des informations qui ne sont pas tout à fait exactes. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Monsieur Sueur, l’amendement que vous avez appelé « l’amendement About » a été déposé par l’ensemble du groupe de l’Union centriste, qui a été unanime sur ce point.

Par ailleurs, comme je l’ai déjà fait lors de mon explication de vote sur cet amendement, je rappelle que, loin de cautionner le système électoral proposé par le Gouvernement, il est au contraire l’expression de notre refus.

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas vrai !

M. Hervé Maurey. En effet, le Gouvernement proposait non pas un mode de scrutin mixte, je le répète, mais un scrutin « alibi »,…

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas vrai !

M. Hervé Maurey. … c'est-à-dire un scrutin uninominal à un tour destiné à instaurer le bipartisme dans notre pays, ce à quoi nous sommes tout à fait opposés.

M. Jean-Pierre Sueur. Vous proposez la même chose !

M. Hervé Maurey. Deuxième point, j’ai également été très étonné que M. Sueur se fasse l’écho des élus de terrain, lui qui, pas plus tard que jeudi soir, a proposé un amendement allant à l’encontre des attentes des élus, à savoir la généralisation du scrutin de liste dans les petites communes, sans aucune condition de seuil.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est l’Association des maires ruraux qui l’a proposé !

M. Hervé Maurey. Monsieur Sueur, vous rencontrez peut-être l’Association des maires ruraux de France, mais ce genre d’amendement montre que vous ne rencontrez pas souvent des élus locaux. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste. – Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.) J’en rencontre moi-même très souvent et ils sont tout à fait opposés à cette généralisation du mode de scrutin.

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas le point de vue de l’Association des maires ruraux !

M. Hervé Maurey. J’en viens maintenant à la création du conseiller territorial. Cette création va, me semble-t-il, dans le bon sens, dans la mesure où elle permettra de renforcer la cohérence des politiques publiques entre le département et la région, sans pour autant affecter aucune de ces collectivités locales.

Toutefois, je regrette que nous soyons obligés de nous prononcer sur cette création sans avoir plus d’éléments sur le mode de scrutin.

M. Hervé Maurey. C’est la raison pour laquelle l’adoption de cet amendement, qui pose au moins des principes, est une bonne chose.

M. Jean-Pierre Sueur. Il dit la même chose que le projet de loi !

M. Hervé Maurey. Néanmoins, un certain nombre d’inconnues demeurent et j’espère que le Gouvernement nous apportera, au moins à ce stade de la discussion, quelques éléments.

Le problème, c’est aussi la taille des cantons car, en milieu rural, ce qui compte, ce n’est pas tant le nombre d’habitants que la taille du canton et le nombre de ses communes. Des cantons qui compteraient, demain, cinquante ou soixante communes seraient trop importants.

Autre problème qui a déjà été évoqué, la tâche du conseiller territorial sera très importante et, par là même, certains conseillers territoriaux ne seront vraisemblablement plus en situation d’exercer une activité professionnelle, libérale ou a fortiori salariée.

M. Jean-Pierre Sueur. Votez contre !

M. Hervé Maurey. On risque donc de se priver de certaines compétences et de n’avoir plus que des conseillers territoriaux qui seront soit des retraités, soit des professionnels de la politique, soit des fonctionnaires. Il est très important que des assurances nous soient données sur le statut de cet élu qui garantissent qu’il aura le temps d’exercer ses fonctions et d’être candidat aux élections.

M. Jean-Pierre Sueur. Quelle abdication !

M. Hervé Maurey. Tels sont les points sur lesquels, je l’espère, le Gouvernement pourra, à ce stade, nous apporter quelques informations. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)