M. le président. L'amendement n° 492 rectifié ter, présenté par Mme Klès et MM. Anziani et Sueur, est ainsi libellé :

A. Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

II. L'article L. 2113-16 du code général des collectivités territoriales pour son application aux communes visées au premier alinéa du I est ainsi rédigé :

« Art. L. 2113-16. - I. - Le représentant de l'État dans le département peut prononcer la suppression de la ou des communes associées lorsqu'il a été saisi d'une demande à cet effet, soit par délibération à la majorité des deux tiers du conseil municipal, soit par le tiers des électeurs inscrits de la commune ou de la portion de territoire en question après accomplissement des formalités prévues aux articles L. 2112-2 et L. 2112-3.

« II. - Les dispositions du I s'appliquent aux communes visées au premier alinéa du I de l'article 11 de la loi n° ... du ... de réforme des collectivités territoriales. »

B. Compléter le premier alinéa de l'article 11 par les mots :

sous réserve des dispositions du II

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Cet amendement constitue le pendant de celui qui vient d’être présenté par M. Sueur et j’espère, mes chers collègues, que vous lui réserverez le même accueil.

Lorsque les communes associées rencontrent des difficultés, elles peuvent soit défusionner, comme le suggère M. Sueur, soit se diriger vers la fusion, comme le propose Mme Klès à travers cet amendement.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est-à-dire créer les communes nouvelles dont vous ne voulez pas !

M. Alain Anziani. Cette seconde possibilité existe déjà aujourd’hui, mais la procédure, complexe, requiert un vote du conseil municipal, qui doit demander au préfet d’organiser un référendum. Ce dernier est coûteux, et les électeurs ne montrent pas nécessairement un grand intérêt pour ce type de consultations.

Toujours dans le même esprit, qui consiste à vouloir renforcer le pouvoir des élus locaux et à simplifier les procédures, nous vous proposons de substituer au référendum une délibération du conseil municipal prise à la majorité des deux tiers, ou une demande formulée par un tiers des électeurs inscrits sur la liste électorale de la commune concernée, ce qui permettrait alors d’envisager la fusion.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement, qui constitue effectivement le pendant du précédent, vise à assouplir la procédure actuelle de suppression d’une commune associée, qui dépend de l’accord des électeurs de ladite commune, recueilli à la majorité absolue des suffrages exprimés correspondant à un nombre de voix au moins égal au quart des inscrits.

Cet amendement prévoit que la demande de suppression de la commune associée pourra résulter d’une délibération du conseil municipal de la commune fusionnée, adoptée à la majorité des deux tiers.

Cette procédure présente des similitudes avec la création d’une commune nouvelle, puisqu’une commune associée fusionnerait avec une commune existante pour créer une commune nouvelle.

En conséquence, la commission émet un avis de sagesse favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. Cet amendement me semble extrêmement intéressant…

M. Michel Mercier, ministre. Je vous remercie, madame la présidente, de souligner qu’il vise en réalité à transposer l’article 8 du projet de loi !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne m’a pas échappé !

M. Michel Mercier, ministre. Il faut croire que la nuit a porté conseil… Tout pécheur a droit à la repentance, monsieur Sueur ! (Sourires.)

Pour ma part, je n’éprouve donc aucune difficulté à émettre un avis de sagesse très favorable !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’ai bien compris que cet amendement tendait à revenir à l’article 8 et à supprimer la consultation des habitants. Nous ne pourrons donc pas le voter.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 492 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié.

(L'article 11 est adopté.)

Article 11
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Article 12

Articles additionnels après l'article 11

M. le président. L'amendement n° 102, présenté par M. Longuet, est ainsi libellé :

Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au dernier alinéa de l'article L. 2143-1 du code général des collectivités territoriales, le nombre : « 20 000 » est remplacé par le nombre : « 10 000 ».

Cet amendement n'est pas soutenu.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Monsieur le président, j’en reprends le texte.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 719, présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois, qui reprend le contenu de l’amendement n° 102.

Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La loi du 27 février 2002 a rendu obligatoire les conseils de quartiers pour les villes de plus de 80 000 habitants et a donné la possibilité d'en créer dans les communes de 20 000 à 80 000 habitants.

Il serait donc souhaitable d'étendre cette possibilité aux villes de plus de 10 000 habitants.

Tel est le sens de cet amendement, initialement présenté par M. Longuet, et sur lequel la commission avait émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 719.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 11.

L'amendement n° 506 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin et Mme Escoffier, est ainsi libellé :

Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé:

I. - Le Titre Ier du Livre IV de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est abrogé.

Les biens visés par les dispositions de l'alinéa précédent ont vocation à être acquis par la commune sur le territoire de laquelle ils sont situés selon une procédure d'expropriation dont les modalités sont fixées ci-après.

II. - Le représentant de l’État dans le département établit, dans un délai de quatre mois suivant l'entrée en vigueur de la présente loi, un inventaire des sections de communes. Cet inventaire est communiqué, pour la partie les concernant, aux maires des communes intéressées.

III. - À compter de la réception de l'inventaire des sections de communes situées sur le territoire de la commune, le maire établit par procès-verbal publié dans les quinze jours la liste des sections de communes situées sur le territoire de la commune. Il dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'inventaire pour informer la commission syndicale du projet d'expropriation de la section de commune dont elle assure la gestion des biens et des droits ainsi que de ses modalités. La commission dispose d'un délai de deux mois pour présenter ses observations. Par dérogation à l'article L. 2411-4, son président peut convoquer une réunion extraordinaire dans un délai de quinze jours pour émettre un avis sur le projet communiqué par le maire.

Si aucune commission syndicale n'est constituée, le maire informe les ayant droit connus dudit projet, dans un délai d'un mois. Ceux-ci disposent d'un délai de deux mois pour présenter leurs observations.

Si l'un des ayants droit n'a pu être identifié ou si son domicile n'est pas connu, la notification du projet d'expropriation est valablement effectuée par affichage durant trois mois à la mairie de la commune. Ce projet fait également l'objet d'une insertion dans deux journaux d'annonces légales diffusés dans le département.

IV. - Si nul ne s'est manifesté à l'issue du délai visé au troisième alinéa du III., le maire constate par procès-verbal la clôture de la procédure de publicité et l'état de bien sans maître de la section de commune concernée. La section de commune est incorporée au domaine communal dans les conditions prévues aux quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 1123-3 du code général de la propriété des personnes publiques.

V. - 1° À l'issue du délai de deux mois visé aux premier et deuxième alinéas visé au III., le maire saisit le conseil municipal qui l'autorise à poursuivre l'expropriation des sections de commune ayant fait l'objet du procès-verbal visé au premier alinéa du III. En cas de refus du conseil municipal, le représentant de l'État dans le département se substitue à la commune pour l'ensemble de la procédure d'expropriation.

2° En cas d'approbation par le conseil municipal, le maire constitue un dossier présentant le projet simplifié d'acquisition publique qui est mis à la disposition du public appelé à formuler ses observations dans un délai de deux mois.

Par dérogation aux dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le représentant de l'État dans le département, dans un délai de trois mois à compter de la réception du dossier :

- Déclare d'utilité publique le projet visé aux premier et deuxième alinéas du III;

- Procède à l'enquête parcellaire dans les conditions prévues aux articles R. 11-19 à R. 11-27 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique;

- Déclare cessibles les sections de commune et droits réels concernés;

3° Les modalités de transfert de propriété des biens visés par le présent article sont soumises aux dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, à l'exception de son article 12-6 et sous réserve du 2° ci-dessus.

VI. - La commune est entièrement substituée à la section de commune dans ses droits et obligations à compter du transfert définitif de propriété, notamment pour ce qui relève des usages et conventions légalement formées à cette date visés à l'article L. 2411-10.

VII. - La commune qui souhaite revendre tout ou partie de la section de commune dans les cinq ans qui suivent l'acquisition est tenue d'en informer les anciens ayants droit, dans la limite des parcelles concernées, qui peuvent s'en porter acquéreurs en priorité.

VIII. - Les dispositions du I. entrent en vigueur le 1er janvier de la quatrième année qui suit l'entrée en vigueur de la présente loi.

IX. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre III bis

Suppression des sections de communes

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Cet amendement porte sur les biens détenus par les sections de communes.

L’un des buts fondamentaux de la réforme des collectivités territoriales étant la simplification et la modernisation de notre organisation territoriale, un moyen simple d’y parvenir consiste à permettre définitivement aux communes de régler le problème des biens sectionnaires.

On dénombre aujourd’hui plus de 26 000 biens de cette nature : cette question importante concerne donc des milliers de communes, dans de nombreux départements, en particulier dans les zones rurales.

Vous faites souvent le bonheur de nos communes rurales, monsieur le secrétaire d’État, en répartissant la réserve ministérielle ; mais si vous émettiez un avis favorable sur cet amendement, des centaines de maires érigeraient sans doute des statues sur les places de leur village pour vous rendre hommage ! (Sourires.)

Cet amendement vise, très simplement, à supprimer le titre Ier du livre IV de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales, et à préciser que les biens de section ont vocation à être acquis par la commune sur le territoire de laquelle ils sont situés, selon une procédure d’expropriation dont les modalités sont également fixées dans l’amendement.

Nous avons déjà utilisé la procédure d’expropriation pour la suppression des avoués ; nous pouvons fort bien y recourir pour la suppression des biens de section, ce qui permettra une indemnisation équitable de ceux qui ont la jouissance de ces biens. Je rappelle que les sections sont dotées de la personnalité morale, qu’elles sont propriétaires de biens immobiliers, mobiliers ou de droits collectifs, et que leurs ayants droit n’en ont que la jouissance collective.

Nous avons la possibilité, dans le cadre de cette réforme des collectivités territoriales, de supprimer les difficultés considérables générées par les milliers de procédures engagées chaque année.

Nous proposons de rendre plus facile, pour les maires, le recours à l’expropriation et à l’indemnisation des ayants droit, et de mettre définitivement fin à ces problèmes récurrents qui rendent très difficile la gestion de centaines et de milliers de communes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement soulève effectivement un problème important, puisqu’il vise à mettre fin au régime des sections de communes, qui fait l’objet du titre Ier du livre IV du code général des collectivités territoriales.

Nombre de maires voient les sections de communes comme une source de contraintes et un obstacle à l’aménagement et au développement rural. Un rapport de l’Inspection générale de l’administration de 2003 a proposé des pistes pour améliorer la gestion des sections de communes. En outre, plusieurs lois successives ont tenté de faciliter le transfert aux communes des biens de section et, ce faisant, de supprimer ces sections.

Ainsi, à côté des procédures de transfert impliquant la consultation de la commission syndicale ou des ayants droit, qui sont très lourdes, la loi du 13 août 2004 a créé une procédure allégée n’impliquant ni déclaration d’utilité publique ni indemnisation des ayants droit. Cependant, la cour administrative d’appel de Lyon a considéré, en décembre 2009, que cette procédure était contraire à l’article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ou CEDH, dans la mesure où elle rompait l’équilibre entre les exigences de l’intérêt général et la sauvegarde du droit au respect des biens.

Le dispositif prévu au présent amendement doit être examiné à cette aune. Aussi légitime que soit son objet, il ne présente pas, à ce stade, toutes les garanties de conformité à l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme consacrant le droit de propriété, ainsi qu’au protocole additionnel à la CEDH.

Il prévoit en effet une procédure simplifiée d’expropriation pour cause d’utilité publique, qui n’offre pas les mêmes protections aux personnes concernées que la procédure normale. Ainsi, elle ne comporte pas d’enquête publique à proprement parler, avec les garanties qui l’accompagnent, telles que la présence d’un commissaire-enquêteur auprès duquel les ayants droit peuvent se manifester, pas plus qu’elle ne prévoit l’élaboration d’un rapport comportant d’éventuelles contre-propositions.

En outre, dans la procédure normale, l’existence d’un projet justifiant l’expropriation est nécessaire, et, si ce dernier n’est pas mené à bien dans les cinq ans, il doit y avoir une nouvelle enquête publique ou une rétrocession des biens. Le présent amendement ne prévoit pas un tel dispositif.

Pour ces différentes raisons, il semble plus raisonnable, tout en prenant sérieusement en compte ce problème, de s’assurer d’abord du caractère irréprochable du dispositif, afin qu’il puisse être effectivement mis en œuvre.

Je demanderai donc au Gouvernement de s’engager à présenter un projet allant dans ce sens dans un délai raisonnable, voire de créer un groupe de travail avec les signataires de cet amendement.

Si M. le secrétaire d’État prend cet engagement, je vous demanderai, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement peut prendre cet engagement, d’autant qu’un projet de loi de modernisation agricole sera prochainement présenté à l’Assemblée nationale et au Sénat. La dernière fois que la législation a été modifiée sur ce point, c’était en 1999, me semble-t-il, lors de la loi d’orientation agricole présentée par M. Le Pensec.

M. Michel Charasse. C’était en 2003 !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Non, il y a eu une modification en 1999, j’en suis certain, et j’avais fait voter en 1983 une disposition qui allait dans le sens d’une municipalisation. Les deux versions sont bonnes puisqu’il y a eu deux textes, monsieur le sénateur.

Sur le fond, il est vrai que les communes soulèvent très souvent ce problème qui complique énormément leur gestion et qui crée des « microclimats » très difficiles pour le maire et pour les sous-préfets d’arrondissement concernés.

Monsieur le sénateur, je vous demande à mon tour de retirer votre amendement, car il vise à supprimer les biens de section par expropriation au profit des communes et il me semble un peu trop « radical » – non pas au sens politique mais au sens littéral – pour être accepté sans une réflexion plus approfondie qui devrait aussi prévoir les conditions d’amélioration de leur fonctionnement.

Il me semble également indispensable, au-delà de la concertation avec les élus, de prévoir une concertation avec la profession agricole. C’est la raison pour laquelle la future loi de modernisation me paraît être un pôle de discussion important. Pourquoi ? On est dans un système où les agriculteurs contractualisent avec l’Europe pour une durée de cinq ans, et cette contractualisation est fondée sur la surface agricole utile, la SAU, à laquelle on ne peut pas toucher pendant cette période. L’enjeu financier de cette contractualisation, je vous le rappelle, est la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, et toutes sortes de primes qui dépendent de la surface agricole utile dans laquelle on compte, bien entendu, les biens de section.

D’ailleurs, sans ces biens de section, nombre de paysans n’auraient pas le droit de s’installer puisque la surface minimum d’installation, la SMI, est en moyenne en France de 25 à 28 hectares. Dans ces conditions, beaucoup de jeunes agriculteurs sont très heureux d’avoir des biens de section pour s’installer. (M. Jean-Louis Carrère fait un signe de dénégation.) Si, monsieur Carrère, dans les départements du Massif central, des Pyrénées ou des Alpes, c’est encore un sujet très important.

Sur le fond, je pense qu’il faut moderniser le système, le faire évoluer, mais ce n’est pas à l’occasion du vote d’un amendement, si important soit-il et déposé par une personnalité aussi éminente que M. Mézard, que l’on peut régler ce problème.

Il est nécessaire de mener une concertation avec la profession agricole, parce que le revenu agricole dépend aussi de cette contractualisation. C’est l’ensemble des biens de section qui seraient supprimés. Dans votre département, monsieur le sénateur, ce sont cent à deux cents contrats qui disparaîtraient dans les mois qui viennent. Par conséquent, cela aurait des conséquences financières extrêmement lourdes pour le monde agricole.

M. le président. Monsieur Mézard, l'amendement n° 506 rectifié est-il maintenu ?

M. Jacques Mézard. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Dans plusieurs départements mais pas dans tous, monsieur le secrétaire d’État, la question des biens de section est tout à fait irritante. C’est une question ancienne, elle a une origine historique, c’est ce que l’on appelait autrefois dans un village, un secteur d’une commune, les « feux » : un certain nombre de « feux » se regroupaient et devenaient sectionnaires, c’est-à-dire qu’ils étaient propriétaires des biens alentours. Lorsque la loi de 1884 sur les communes a été votée, on a introduit peu après dans la législation le régime particulier des biens de section.

Monsieur le secrétaire d’État, cet avantage, qui était certain lorsque les sections ont été constituées, est devenu aujourd'hui pour beaucoup de communes une pénalisation.

Il est vrai que la loi de 1999 a constitué une avancée incontestable, mais il y a eu aussi la loi du 13 août 2004 dans laquelle quatre ou cinq amendements, dont j’étais l’auteur, ont été votés avec l’accord du Gouvernement, à la suite des rapports de l’Inspection générale de l’administration évoqués par M. le rapporteur il y a un instant. Cette loi a permis de nouvelles avancées, mais elle n’a pas réglé la question.

Que les choses soient claires : dans une section, si besoin est, on peut toujours exproprier, mais il faut le faire parcelle par parcelle, et c’est une procédure extrêmement longue et lourde. La section se mobilise aussitôt ; si la commission syndicale de section n’a pas été constituée, elle est créée car tous les ayants droit ont intérêt à faire bloc pour s’opposer à l’opération. C’est une pénalisation terrible pour les communes malgré les assouplissements de la loi de 1999, monsieur le secrétaire d’État, vous avez raison de le rappeler, et de la loi de 2004.

Notre collègue Jacques Mézard propose d’aller un peu plus loin et de mettre un terme à ce régime lorsque la commune et le maire estiment qu’il faut le faire, ce qui n’est pas une obligation. On ne peut donc pas dire que demain, subitement, tous les biens de section vont être supprimés. Ce n’est que dans les cas où il y aura une utilité communale, monsieur le secrétaire d’État, au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789 sur la propriété.

J’ai écouté tout à l’heure M. le secrétaire d’État et M. le rapporteur, mais la question qui préoccupe la commission des lois dans cette affaire, c’est moins celle de la propriété qui, dans la Déclaration de 1789, n’est pas intangible puisqu’elle peut toujours être supprimée pour cause d’utilité publique dûment constatée, que celle de l’indemnisation.

Si, du côté de la commission, le différend ne porte que sur cette question, je pense qu’on peut très bien profiter de la navette pour mettre le texte au point. Et d’ici là, nous pouvons essayer, les uns et les autres, de trouver une solution consensuelle, étant entendu – je le redis de la façon la plus claire – que l’amendement Mézard ne supprime pas les sections de communes, mais donne la possibilité au maire et au conseil municipal de mettre un terme à un régime s’il est « nuisible » pour une commune – au sens administratif du terme –, c’est-à-dire pénalisant.

Voilà, monsieur le président, les motifs pour lesquels je souhaite que nous adoptions l’amendement de M. Mézard et que nous profitions de la navette pour mettre au point le dispositif d’une façon définitive dans le sens souhaité par la commission des lois, qui ne me paraît pas déraisonnable ni incompatible avec la proposition de M. Mézard.

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, pour explication de vote.

M. Jean Boyer. Je n’apprendrai rien à personne en disant que les biens de section ont quelque chose de psychologiquement très délicat. Mais je me demande si nous ne manquons pas de courage, s’ils n’appartiennent pas à un passé révolu.

Certains biens de section sont productifs – les forêts, les carrières, les plans d’eau – et doivent être dissociés des biens de section qui bloquent le développement et l’aménagement de nos communes. C’est le cas, dans certains villages, quand le propriétaire d’une maison ne peut pas construire une terrasse !

Je ne parle pas, bien sûr, des richesses patrimoniales ou des forêts, il faut les respecter. Mais certains biens de section n’ont aucune valeur sauf psychologique et provoquent, mes chers collègues, des polémiques dans les villages qui devraient être dépassées aujourd'hui.

Monsieur Mézard, nous sommes des élus de la même région : c’est une polémique qui n’a plus de raison d’être en 2010, sauf peut-être dans des cas exceptionnels.

Monsieur le secrétaire d’État, je sais que c’est facile à dire, un peu plus difficile à faire.

Nous étions intervenus sur la loi relative aux territoires ruraux, en 2005, pour décider que, lorsqu’une organisation syndicale n’avait pas payé d’impôts pendant cinq ans, la commune pouvait gérer les biens de section. Cette décision a généré des polémiques inutiles.

Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, l’amendement de M. Mézard est peut-être un peu prématuré. Mais quand on vit dans la France profonde, dans le Cantal ou dans la Haute-Loire, on constate que des petites surfaces de biens de section peuvent bloquer l’aménagement d’un village,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. Jean Boyer. … y compris pour créer un lagunage dans le cas de l’assainissement. Ce sont des batailles dépassées.

Je voterai l’amendement de M. Mézard, non pas par sympathie, parce que c’est un homme de bon sens, mais parce que je suis convaincu qu’il y va de l’avenir de nos territoires ruraux.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur Mézard, ce n’est pas ce qui était convenu. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Le sujet est important. Monsieur Charasse, contrairement à ce que vous pensez, c’est maintenant le régime unique qui nous est proposé pour les biens de section, ce n’est pas à discrétion.

M. Yvon Collin. Ce n’est pas à la carte !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Un certain nombre de problèmes juridiques n’ont pas été abordés et mériteraient un examen plus approfondi. On nous dit que l’on reverra le problème lors de la navette. Oui, mais vous changez un régime juridique qui est extrêmement complexe !

Monsieur Boyer, il n’y a pas que le fin fond de la France profonde qui est concerné : la Seine-et-Marne l’est aussi. Je rencontre des problèmes de sections de communes très délicats concernant les aménagements fonciers, par exemple.

Nous nous étions engagés à déposer une proposition de loi si le Gouvernement ne proposait pas rapidement une solution. Nous n’enterrons pas le projet ! Monsieur Mézard, je crois connaître un peu ces sujets : votre proposition mérite d’être approfondie. Nous sommes bien d’accord pour régler tous les problèmes de sections de communes, mais votre rédaction est incomplète et prématurée. Il faudra, par exemple, consulter la jurisprudence des tribunaux administratifs afin de ne pas répéter les erreurs des lois passées. Monsieur Mézard, vous serez spécialement désigné pour suivre ce dossier. (Très bien ! sur les travées de lUMP.)

Quoi qu’il en soit, je demande le retrait de l’amendement.

M. le président. Monsieur Mézard, l’amendement est-il retiré ?

M. Jacques Mézard. Je comprends enfin, aujourd’hui, les réticences du Gouvernement et la raison pour laquelle nous attendons depuis de nombreuses années la solution de ces problèmes.

M. le secrétaire d’État nous a dit qu’il convenait d’attendre le projet de loi de modernisation agricole. J’ai bien compris qu’il craignait en fait les réactions du monde agricole, en particulier de la FNSEA.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !

M. Jacques Mézard. Or, il n’y a pas dans les biens de section que des biens agricoles.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr que non !

M. Jacques Mézard. C’est une difficulté qui touche de nombreuses communes, y compris en dehors du secteur agricole.

Monsieur le président de la commission des lois, j’ai entendu le reproche sur la construction juridique de l’amendement. On me dit qu’il n’y a ni enquête publique, ni commissaire enquêteur et que l’on n’a pas prévu le cas où l’expropriation n’est pas réalisée dans les cinq ans après la déclaration d’utilité publique, conformément au droit commun.

Cela étant, le 23 décembre dernier, on a été moins exigeants, concernant la suppression des avoués, sur le code de l’expropriation. Ce n’est donc pas un argument.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est un engagement !

M. Jacques Mézard. Monsieur le président de la commission des lois, j’ai entendu votre propos. Je souhaite que M. le secrétaire d’État s’engage une bonne fois pour toutes à résoudre ce problème. Et je suis tout à fait d’accord avec mon collègue Jean Boyer : ce sont des problèmes qu’il faut définitivement régler.

Alors même que nous sommes en 2010, nous en sommes encore aujourd'hui à plaider sur les « feux », une notion antérieure à la Révolution française !

M. Michel Charasse. Absolument !

M. Bruno Sido. C’est la France !