Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Mesdames, messieurs les sénateurs, avant de répondre de manière détaillée aux questions qui m’ont été posées, concernant notamment la rédaction actuelle de la directive AIFM et les suites que nous en attendons, permettez-moi de revenir quelques instants sur les conditions dans lesquelles l’article 1er de ce projet de loi de finances rectificative a été élaboré.

Cet article dispose qu’est soumise à une taxation de 50 % la part variable des rémunérations octroyées aux opérateurs de marché. M. le rapporteur général défendra tout à l'heure, au nom de la commission des finances, un amendement qui tend à élargir quelque peu le champ des personnes dont les rémunérations feront l’objet de cette taxation, amendement qui, je le dis d’emblée, m’inspire une certaine sympathie…

Cette disposition revêt un caractère exceptionnel, car elle s’inscrit dans une période exceptionnelle, durant laquelle l’État a apporté un concours exceptionnel à l’ensemble des établissements visés par l’article 1er, tout simplement pour permettre le financement de l’économie à un moment où l’ensemble des circuits de financement étaient totalement asséchés par la crise financière, largement importée des États-Unis.

J’indique à M. Foucaud qu’il faut clairement distinguer, d’une part, la taxation annoncée par le président des États-Unis et, d’autre part, le projet franco-britannique présenté tout à la fois par le Premier ministre britannique, M. Gordon Brown, et par le Président de la République, Nicolas Sarkozy, concernant la taxation exceptionnelle des rémunérations variables des opérateurs de marché.

La taxation annoncée, puis commentée par le président des États-Unis, et dont les modalités évoluent d’ailleurs au fil des déclarations, n’a rien à voir avec le dispositif que nous mettons en place. Aux États-Unis, la taxation, qui porte d’ailleurs sur des montants bien plus importants, est destinée à compenser, sur une période de dix, voire douze ans, la perte nette subie par les contribuables américains à la suite du programme TARP mis en place, sous la présidence Bush, par le prédécesseur de M. Timothy Geithner. Il s’est agi d’un plan massif de soutien à un système bancaire en très mauvaise situation, avec un coût net pour le contribuable américain. Le programme TARP comportait d’ailleurs un dispositif permettant le remboursement par les banques, sur une période donnée, des aides financières ainsi consenties.

Autrement dit, la taxation « à l’américaine » est de nature à compenser des pertes sèches, tandis que la taxation que nous prévoyons est exceptionnelle parce qu’elle est liée à des circonstances exceptionnelles.

Il faut bien comprendre que nous souhaitons très vivement coller le plus possible au mécanisme mis en œuvre par les Britanniques, ou plutôt, devrais-je dire, au mécanisme actuellement en cours de discussion – car nous sommes un peu plus avancés qu’eux sur le sujet – afin d’éviter, comme vous l’avez précisé, monsieur le rapporteur général, tout déséquilibre compétitif dont les opérateurs tireraient très rapidement parti.

Le Président de la République avait clairement annoncé, lors de la conférence de presse qu’il a tenue le 25 août dernier à l’issue de la réunion qu’il avait organisée avec l’ensemble des dirigeants de banque, que cette taxation exceptionnelle devait être affectée à la garantie du système. C’est dans ces conditions que nous avons élaboré ce dispositif, que Mme Bricq a qualifié, si je me souviens bien, de « subtile architecture », en prévoyant que les fonds ainsi collectés viendraient renforcer le Fonds de garantie des dépôts, en vue précisément de garantir les avoirs de nos déposants.

À l'Assemblée nationale, à l’issue d’un débat nourri et fructueux avec la majorité et avec les membres de la commission des finances, nous avons modifié, par amendement gouvernemental, l’affectation de ces fonds puisque le produit de cette taxe est désormais destiné à OSEO pour financer les petites et moyennes entreprises.

Madame Bricq, la transposition de la directive se fera par voie réglementaire, au plus tard le 31 décembre 2010, de manière qu’elle soit effective au 1er janvier 2011. Ensuite, il faudra bien entendu appeler les fonds nécessaires pour renforcer le montant de la garantie, qui passera de 70 000 euros à 100 000 euros.

Monsieur le rapporteur général, je vous répondrai très précisément sur la question des fonds alternatifs, également évoquée par M. Marc.

Il s’agit d’un phénomène important puisque les fonds alternatifs concourent manifestement, par leur volatilité, à des mouvements parfois extrêmement brutaux sur un certain nombre de marchés. Leurs déplacements d’un marché à l’autre peuvent évidemment donner lieu à des déséquilibres.

Le G20 avait décidé qu’aucun acteur, aucun produit, aucun marché n’échapperait à la régulation. Établie conformément à ces conditions, la directive européenne sur les fonds alternatifs est actuellement soumise à l’examen à la fois du Parlement européen – je salue au passage le travail exceptionnel, très technique et très précis, de son rapporteur, Jean-Paul Gauzès, qui œuvre pour faire avancer ce texte le plus rapidement possible – et du Conseil, puisqu’il s’agit d’une codécision.

Une bonne nouvelle : tant le commissaire au marché intérieur et aux services financiers, Michel Barnier, que j’ai rencontré ce matin à l’occasion de la réunion du conseil Ecofin, que la présidence espagnole souhaitent faire aboutir ce texte avant la fin du mois de juin 2010. La commission économique et financière du Parlement européen, le conseil Ecofin et la Commission européenne travaillent de concert, avec le même souci d’une adoption rapide de ce texte. Mais il est clair que, s’agissant d’une codécision, le texte final devra être le fruit d’un consensus.

Monsieur le rapporteur général, trois maîtres mots caractérisent, me semble-t-il, la question des fonds alternatifs : régulation, transparence et intégration.

Concernant la régulation, la directive prévoit un enregistrement des gestionnaires des fonds alternatifs et introduit des règles quant aux fonds propres, des règles de gestion des conflits d’intérêts, des principes de gouvernance et de gestion des risques.

Concernant la transparence, nous menons aujourd'hui un travail parallèle, mais indispensable, pour que cette directive prospère. On le constate bien souvent, les fonds alternatifs opèrent sur le marché OTC, sur lequel les informations sont très limitées.

Corrélativement au chantier de la directive, nous devons faire avancer celui qui est relatif aux plateformes de compensation, au niveau français certes, mais bien plus encore au niveau des zones monétaires, notamment la zone euro, sur lesquelles nous manquons aujourd'hui d’éclairage. Il faut que nous puissions vraiment connaître les mouvements des fonds.

La directive met donc fin à une sorte d’obscurité dans laquelle prospèrent les fonds alternatifs en prévoyant la communication d’informations aux autorités de supervision.

Concernant l’intégration, la directive vise à bâtir un marché européen sûr et intégré pour la gestion d’actifs garantissant un niveau élevé de protection des investisseurs. L’objectif est de faire de ce cadre de régulation un standard international de référence pour la régulation de tels fonds.

Une question a donné lieu à de sérieuses difficultés entre différents États membres ; je veux parler du passeport.

Dans sa rédaction initiale, la directive telle qu’elle avait été élaborée par le prédécesseur de Michel Barnier à la Commission, Charlie McCreevy, notamment, prévoyait un mécanisme de passeport qui autorisait que des fonds off shore, et non pas on shore, soient parfaitement habilités à intervenir sur le marché européen. Ce dispositif a été écarté, grâce à l’action déterminée de la France.

La France souhaite par ailleurs que l’autorité européenne qui rassemblera les superviseurs de marché, l’ESMA, soit dotée d’un pouvoir de plafonnement de l’effet de levier en cas de circonstances exceptionnelles. Ce débat est indispensable, mais il sera, je ne vous le cache pas, très difficile, car cette mesure n’est guère souhaitée par un certain nombre d’autres États membres.

À propos de la rémunération, la France a demandé l’application de toutes les règles du G20 aux rémunérations des gérants de fonds. Ce dossier avance, mais, là aussi, nous ne sommes certainement pas encore au bout du chemin !

Enfin, je souhaite que, sur le territoire français, l’Autorité des marchés financiers ait la capacité d’enregistrer et de contrôler l’activité des fonds alternatifs.

Pour conclure, je tiens à vous remercier, monsieur le rapporteur général, de l’action que vous menez au sein du Haut Comité de place. Si nous avons notamment amélioré le dispositif OPCVM et si nous pouvons soutenir que la place de Paris est propice à la gestion d’actifs dans des conditions de transparence et de régulation convenables, c’est notamment grâce à votre action au sein de ce comité.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je vous remercie, madame la ministre !

M. le président. L'amendement n° 117, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après les mots :

code monétaire et financier

insérer les mots :

, autres que celles mentionnées à l'article L. 532-9 du même code,

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Permettez-moi, au préalable, de vous remercier, madame la ministre, des explications particulièrement complètes et précises que vous avez apportées au sujet de l’article 1er. Grâce à vous, la France continue de jouer un rôle moteur dans les discussions internationales, ce qui me satisfait grandement.

Toutefois, je formulerai trois remarques.

Premièrement, lorsque l’on joue un rôle de challenger, on doit avoir un différentiel positif vis-à-vis de ses concurrents. En l’espèce, notre concurrent, c’est la place de Londres, qui ne fait pas partie de la zone euro. Nous avons donc un double rôle de challenger à assumer, en nous méfiant à la fois de la compétitivité britannique et de celle des autres pays européens.

J’aimerais avoir l’assurance que le rôle moteur que joue la France ne sera pas, à terme, de nature à nous déséquilibrer.

Deuxièmement, dès lors qu’il est question de taxe ou d’impôt exceptionnel, on craint que l’État, par une sorte d’effet d’addiction aux recettes, ne cherche à la ou le rendre permanent ! De fait, plus on étend le champ de ses recettes, plus il lui sera difficile, à l’avenir, de s’en passer.

Ma troisième remarque sera d’ordre politique.

Le gouvernement français trouve de temps en temps sa source d’inspiration auprès de son homologue britannique, gouvernement travailliste, social-démocrate. Il serait souhaitable qu’il trouve auprès de nos voisins la même inspiration pour tout ce qui concerne les dépenses publiques ou encore la rémunération des fonctionnaires. Au demeurant, on ne sait pas ce que, dans un an, il adviendra de cette politique, car on ne sait pas si le peuple britannique voudra maintenir cette tendance de fond.

Pour ce qui est de l’amendement n° 117, je l’ai déposé dans un souci de clarification, afin de m’assurer que le champ d’application de cette taxe correspond à celui qui est retenu par les normes européennes et nationales en matière de régulation prudentielle et que les sociétés de gestion en sont donc exclues.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je pense que cet amendement d’appel est satisfait par le texte qui nous est soumis.

Dans la rédaction actuelle, les sociétés de gestion de portefeuilles sont très clairement exclues du champ d’application de cette disposition. Dès lors, il est logique d’exclure également les autres entreprises d’investissement qui ne pratiquent pas la négociation pour compte propre. Rappelons-le, l’objectif est de veiller à une bonne maîtrise des risques encourus par le placement des fonds propres de l’entreprise.

Mais je sollicite l’avis du Gouvernement, et j’espère que la réponse de Mme la ministre vous conduira, mon cher collègue, à retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Je vous encourage effectivement, monsieur Dominati, à retirer votre amendement.

Je reprends à mon compte la distinction opérée par M. le rapporteur général entre, d’un côté, les gérants de SICAV ou d’OPCVM et, de l’autre, les gérants qui font de la gestion pour compte propre dans les établissements financiers.

Votre amendement est satisfait, puisque l’article 1er du projet de loi vise implicitement à exclure les sociétés de gestion du champ de la taxe en se fondant sur une acception étroite de la notion d’entreprise d’investissement, dont la réglementation prévue par le code monétaire et financier n’est applicable aux sociétés de gestion de portefeuille que dans des conditions définies par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers.

Par conséquent, implicitement, la référence étroite dans l’article 1er exclut les sociétés de gestion telles que les SICAV ou les OPCVM.

M. le président. Monsieur Dominati, l'amendement n° 117 est-il maintenu ?

M. Philippe Dominati. Étant entièrement satisfait, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 117 est retiré.

L'amendement n° 95, présenté par MM. Foucaud et Vera, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 1, première phrase

Remplacer le mot :

exceptionnelle

par le mot :

spéciale

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Par souci de cohérence, je vais faire une présentation globale de nos amendements portant sur l’article 1er.

Remarquons tout d’abord que nous n’avons trouvé aucun amendement visant à remettre en question le dispositif de cet article. Tout se passe donc comme si ceux qui, dans le passé, ont voté sans trop sourciller l’ensemble des textes libéralisant largement les activités financières se rendaient compte, peut-être sous la pression de l’opinion publique, qu’il est indispensable de « marquer le coup » un peu plus d’un an après le déclenchement de la crise financière.

Une telle situation ne serait sans doute pas advenue sans les quelques initiatives qui ont été prises à l’échelon international, initiatives qui, hélas, nous ne pouvons que le souligner, ne sont donc pas d’origine française…

Nous voici en présence d’une taxe exceptionnelle – j’ai bien entendu tout à l'heure Mme le ministre y insister – portant sur la rémunération des traders, taxe d’autant plus justifiée que les banques de notre pays ont été quelque peu secourues par l’État, c’est-à-dire grâce à de l’endettement public. C’est ce que rappelait aussi notre collègue Nicole Bricq dans son intervention sur l’article.

Pour notre part, nous sommes partisans de donner à cette taxe un caractère pérenne – c’est le sens de notre premier amendement –, ce qui implique naturellement de limiter à la seule année 2009 le versement au profit d’OSEO du produit de la taxe dans sa totalité, quitte à en faire par la suite une recette du budget général.

Outre le fait que nous sommes en accord avec l’amendement de la commission des finances qui tend à accroître le nombre des redevables de la taxe en intégrant la rémunération des cadres dirigeants des entreprises de marché, il nous semble qu’il importe de donner un caractère pérenne et donc plus efficient à une telle taxation.

La taxe doit, à notre sens, participer d’une logique de « dés-incitation », ramenant de fait les établissements de crédit vers leur mission principale, à savoir le financement de l’économie et son développement, et non, comme cela a trop souvent été le cas, la spéculation sur des valeurs de marchés et produits dérivés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il est vrai que cette taxe est annuelle. Mais le budget l’est aussi ! Par conséquent, chaque année, on pourra reparler de ce sujet.

L’approche qui a été exposée ici est liée à la situation très spécifique du secteur bancaire en 2008-2009. Mais ne préjugeons pas de l’avenir. Au reste, il faudra aussi trouver des recettes pour les budgets futurs.

Pour le moment, c’est une taxe exceptionnelle et la commission la conçoit ainsi. De ce fait, celle-ci est défavorable aux amendements de M. Foucaud.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Défavorable, monsieur le président, car il s’agit bien d’une taxation exceptionnelle pour des circonstances exceptionnelles. Par conséquent, nous ne souhaitons pas pérenniser cette taxation.

En revanche, je voudrais attirer l’attention de M. Thierry Foucaud et des membres de cette assemblée sur le caractère pérenne de l’autre taxation, celle que nous avons mise en œuvre pour financer la supervision et qui, elle, est évidemment pérenne, à la différence de la taxation exceptionnelle sur les bonus.

Il est une autre taxation dont nous serons amenés plus tard à examiner le fondement, dès lors qu’il serait international : c’est la taxation à laquelle réfléchit actuellement le Fonds monétaire international, qui nous rendra ses travaux au mois d’avril. Elle serait parfaitement justifiée dès lors qu’elle constituerait un mécanisme permettant de prévenir le risque sous une forme assurantielle ou sous une autre – la forme assurantielle n’est pas prédéterminée – et dès lors qu’il s’agirait bien d’un instrument international applicable à tous les établissements financiers et non aux établissements financiers français ou de tel ou tel autre pays.

On en revient là au débat sur l’avantage compétitif dont bénéficieraient ceux qui ne seraient pas soumis à cette taxation.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 59 rectifié, présenté par MM. Collin et Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 1, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Cette taxe est affectée, selon des modalités définies en loi de finances, aux établissements publics ou privés qui financent les investissements créateurs d'emplois des entreprises, leurs actions de recherche et d'innovation, ainsi que les domaines de leur activité présentant un intérêt national.

Cet amendement n’est pas soutenu.

L'amendement n° 96, présenté par MM. Foucaud et Vera, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 1, seconde phrase

Remplacer les mots :

dans la limite de 360 millions d'euros

par les mots :

pour l'année 2009

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Il s’agit d’un amendement de principe, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 96.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 85, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Cette taxe n'est pas déductible pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Madame le ministre, vous vous référez aux Britanniques, et vous l’avez encore fait tout à l’heure. Vous les suivez pour éviter une perte de compétitivité de la place de Paris, mais ils ont choisi, eux, de ne pas rendre la taxe sur les bonus déductible de l’impôt sur les bénéfices des sociétés. C’est un premier motif pour lequel nous avons déposé cet amendement.

Plus fondamentalement, cette taxe, telle qu’elle est conçue, ne permettra pas d’éviter les comportements à risque. Elle n’est pas faite non plus en vue d’une réparation Or, même si la procédure ne présente qu’un caractère exceptionnel, sur lequel vous insistez beaucoup, elle doit quand même être liée à la réparation due au peuple français.

Vous pouvez toujours dire que la plupart des banques ont remboursé, mais, nous le savons bien, les bilans ne sont pas encore complètement « nettoyés » et quelques-unes comptent encore beaucoup d’actifs dits « toxiques ». Certaines d’entre elles ont même incité des petits porteurs à souscrire de tels actifs. Je ne les citerai pas, car je ne suis pas là pour faire de la dénonciation ; de toute façon, sur la place de Paris, tout le monde les connaît !

Par conséquent, cette taxe sur les bonus devrait, nous semble-t-il, illustrer cette réparation pour le passé. Si, comme vous l’avez voulu au départ, elle est indolore pour les opérateurs financiers, franchement, à quoi sert-elle ?

L’argument que vous nous opposez est connu : selon le droit commun, les impôts et taxes de toute sorte doivent être déductibles et il n’est pas possible de payer un impôt sur un impôt. Permettez-moi cependant de vous faire remarquer qu’il existe déjà une exception à cette règle : la CSG comporte une part non déductible ! On me rétorquera évidemment – ce débat remonte à plus de vingt ans ! – que ce n’est pas un impôt, mais un prélèvement. Aujourd’hui, il me paraît vraiment difficile de le prétendre !

En bref, pour les trois raisons que j’ai indiquées, cette taxe ne doit pas être déductible de l’impôt sur les sociétés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission est défavorable à cet amendement parce qu’elle est opposée au principe de la double peine (Sourires sur les travées de l’UMP) et qu’une charge d’exploitation se déduit du résultat. C’est un principe de base de la fiscalité française. Par conséquent, la solution choisie par le Gouvernement est parfaitement logique.

Quant à la disparité avec la Grande-Bretagne, madame Bricq, je pense que Mme la ministre vous apportera les éléments d’information nécessaires.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Madame Bricq, vous avez raison pour ce qui est du projet : le principe de la non-déductibilité y est prévu, mais la question ne sera pas débattue avant un certain temps, car le projet de budget britannique sera examiné plus tard.

Nous essayons d’établir deux régimes parallèles. Si vous avez lu les réponses que j’ai faites à l’Assemblée nationale, vous constaterez que mon point de vue n’a pas varié à ce sujet. Nous parvenons à une espèce de parité entre le mécanisme français et le mécanisme britannique, compte tenu des différences existant par ailleurs : les banques françaises sont soumises à la taxation sur les salaires, ce qui n’est pas le cas des banques britanniques.

La cote n’est donc pas parfaitement taillée, mais elle respecte néanmoins le principe de notre droit fiscal qui est d’éviter la double peine, sauf pour les amendes, ce qui, en l’occurrence, n’est clairement pas le cas.

C’est pour tenir compte de l’absence de taxe sur les salaires en Grande-Bretagne que nous avons préféré mettre en place le principe de la déductibilité.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 85.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune et tous deux présentés par M. Jégou.

L'amendement n° 49 est ainsi libellé :

I. - Alinéa 2

Après les mots :

rémunérations attribuées,

insérer les mots :

au titre de leur activité exercée en France,

II. - Alinéa 3

Après les mots :

part variable

insérer le mot :

discrétionnaire

L'amendement n° 51 est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

rémunérations attribuées, 

insérer les mots :

au titre de leur activité exercée en France,

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou. Madame la ministre, dans votre propos liminaire, vous avez complété vos précédentes déclarations et éclairé le débat. Toutefois, les quatre amendements que je présenterai ont pour objet d’apporter des précisions.

L’amendement n° 49 vise à préciser la nature des rémunérations constituant l'assiette de la taxe ainsi que le périmètre de cette taxe. Dans l’échange que vous avez eu avec le rapporteur général, il était bien question d’activités de marché. Il convient donc de viser les professionnels des marchés dont les activités sont porteuses de risques pour l'entreprise et qui perçoivent des bonus très généralement discrétionnaires. C'est d'ailleurs l'assiette retenue par le projet de taxation en Grande-Bretagne, pays avec lequel nous agissons en parallèle.

Soit vous précisez qu’il en est bien ainsi, madame la ministre, et cet amendement deviendra sans objet, soit ce n’est pas le cas et mon amendement se révélera pertinent.

L’amendement n° 51 vise, tout comme le I de l’amendement n° 49, à préciser que sont visées les activités exercées dans notre pays.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. En ne visant que les bonus « discrétionnaires », on risque d’exclure de l’assiette les bonus garantis sur un an, dont l’arrêté du 3 novembre 2009 maintient la possibilité. En effet, cet arrêté prévoit notamment que « les entreprises assujetties veillent, concernant les salariés, professionnels des marchés financiers, dont les activités sont susceptibles d’avoir une incidence significative sur leur exposition aux risques, […] à ce que la rémunération variable ne soit pas garantie au-delà d’un an ».

Incidemment, on peut rappeler que le groupe de travail de la commission des finances sur la crise financière et la régulation des marchés, dans son rapport d’information d’octobre 2009, a préconisé de manière plus stricte d’interdire toute forme de bonus garanti.

Quant à la précision concernant la territorialité, elle crée une ambiguïté qui pourrait contribuer à diminuer l’assiette, car le critère d’activité exercée en France par les opérateurs de marché n’est pas aussi clair que celui de domiciliation fiscale ou d’exploitation d’une entreprise en France.

Qu’en est-il, par exemple, des opérateurs employés en France, mais qui réalisent des opérations exclusivement sur les marchés étrangers : britannique, américains, asiatiques, etc. ? Pareillement, qu’en est-il des opérateurs, même s’il s’agit de cas marginaux, qui exercent majoritairement en France, mais ont aussi des activités à Londres ou dans d’autres places ?

Au regard de ces différentes questions, la commission souhaite vivement entendre votre avis, madame la ministre.

M. le président. Quel est, donc, l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Sur l’amendement n° 49, le Gouvernement a émis un avis défavorable, pour les raisons évoquées par M. le rapporteur général.

La rémunération variable inclut aussi les sommes versées au titre des bonus garantis, qui sont autorisés exclusivement dans la limite d’une année. Pourquoi ces rémunérations, prévues par la réglementation et plafonnées à un an, échapperaient-elles à la taxation ?

Par ailleurs, il ne semble pas pertinent de mettre en place un mécanisme incitatif pour une pratique que nous acceptons, mais de manière restrictive.

En ce qui concerne l’amendement n° 51, je préfère en rester à la formulation prévue dans le texte, laquelle a pour avantage de clarifier très précisément le champ d’application et d’éviter ainsi tout risque de contournement et de débordement.

Le texte permet ainsi d’appliquer le mécanisme de taxation à 50 % sur la rémunération de tous les salariés de l’entreprise visés par le dispositif. Ceux-ci sont donc clairement identifiés puisqu’ils sont liés à l’entreprise par un contrat de travail. Cela permet d’éviter un champ d’application à géométrie variable ou dont la délimitation serait floue.

Le Gouvernement vous demande donc, monsieur Jégou, de bien vouloir retirer les amendements nos 49 et 51. À défaut, il se verra contraint d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Jégou, les amendements nos 49 et 51 sont-ils maintenus ?

M. Jean-Jacques Jégou. Madame la ministre, après vous avoir écouté attentivement, je retire l’amendement n° 49.

Sur l’amendement n° 51, vos propos ne m’ont pas vraiment convaincu, mais peut-être ne les ai-je pas bien compris.

Nous souhaitons insérer les mots « au titre de leur activité exercée en France » pour une raison simple : il paraît tout de même difficile de taxer des activités qui ne seraient pas exercées réellement sur notre territoire.

Au demeurant, je suis prêt à retirer cet amendement si vous me dites que des activités qui ne sont pas exercées en France ne donnent pas lieu à une taxation sur les bonus.

M. Michel Charasse. Bonne question !

M. le président. L’amendement n° 49 est retiré.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. S’agissant du champ d’application de la taxe, nous avons voulu nous assurer, dans le cadre de l’article 1er, que les redevables sont bien les banques, lesquelles ne sont pas particulièrement mobiles.

Le contribuable est donc clairement identifié. Quant à l’assiette, elle est constituée de l’ensemble de la part variable des rémunérations qui sont versées aux salariés liés à l’établissement bancaire par un contrat de travail soumis au droit français.

Selon moi, le champ d’application que je viens de définir ne laisse place à aucune équivoque. En effet, si l’on commence à distinguer les parts de rémunération selon qu’elles correspondent à une activité exercée sur le territoire français ou sur un territoire tiers, je crains qu’on n’ouvre la porte à de longs et laborieux débats. Je pense notamment aux discussions fiscales relatives à l’application de certaines conventions visant à éviter la double imposition.

Dans le cadre d’une taxation exceptionnelle, nous avons intérêt à trouver un critère simple d’assujettissement, afin de laisser le moins de place possible à des finasseries qui permettraient de structurer les rémunérations de façon à éviter leur taxation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, je ne suis pas totalement convaincu par les propos de Mme la ministre, mais il faut savoir arrêter une discussion. Au demeurant, nous aurons probablement l’occasion de revenir sur ce sujet. Je retire donc l’amendement n° 51.

M. le président. L’amendement n° 51 est retiré.

L'amendement n° 97, présenté par MM. Foucaud et Vera, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2 et 3

Supprimer les mots :

au titre de l'année 2009

Cet amendement n’a plus d’objet, monsieur Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Effectivement, monsieur le président, car il vise à une coordination avec un amendement qui a été repoussé.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 86, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

mentionnées au I,

rédiger comme suit la fin de l'alinéa :

à leurs salariés.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Madame la ministre, la taxe que vous proposez repose sur la notion de personne « dont les activités sont susceptibles d’avoir une incidence significative sur l’exposition aux risques de l’entreprise ». Cette notion nous paraissant trop vague, nous souhaitons élargir le périmètre du dispositif.

Vous avez déclaré récemment qu’une telle mesure concernerait 3 000 personnes, ce qui, selon nous, ne recouvre pas l’ensemble de celles qu’il convient de viser. La taxe doit s’appliquer à la rémunération variable de tous les salariés des banques qui en perçoivent une, en conservant le plancher de 27 500 euros que vous avez fixé, mais en excluant l’intéressement et la participation.

Notre proposition nous paraît tout de même plus cohérente. Son adoption permettrait non seulement de recueillir un produit significatif, mais aussi d’envoyer, fût-ce à titre exceptionnel, un signal fort, de manière à prévenir pour le futur les comportements excessifs.

M. le président. L'amendement n° 50, présenté par M. Jégou, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

les activités

insérer les mots :

de marché

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou. Cet amendement a pour objet de préciser le périmètre de la taxe en indiquant que les activités faisant encourir des risques sont les activités de marché, expression que vous avez d’ailleurs employée dans vos propos liminaires, madame la ministre, ce qui renforce la pertinence de ma proposition. Je me réfère également au rapport sur l'évolution de la situation économique et budgétaire et à l'exposé des motifs figurant en introduction de ce projet de loi de finances rectificative, qui vise à mon sens explicitement les traders, et non l’ensemble des activités bancaires.

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

, ainsi qu'aux personnes sous le contrôle desquelles opèrent ces salariés.

La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 86 et 50.