M. Éric Woerth, ministre. C’est d’ailleurs pour cela que vous avez déjà un texte à soumettre au Gouvernement.

Le rapport Zelnik n’a été remis qu’au mois de janvier dernier au Président de la République. Celui-ci a demandé à la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi de formuler des propositions fiscales sur l’organisation de cette taxe. Une expertise a été engagée en collaboration avec les services du ministère de la culture et de la communication. Vous avez d’ailleurs souligné, monsieur le rapporteur général, que ce travail n’était pas très avancé. S’il en est ainsi, c’est bien parce que la demande est plus récente que vous ne le pensez.

Monsieur le rapporteur général, votre amendement n’est pas sans poser problème et vous avez-vous-même mentionné les difficultés qu’il suscitait.

La première difficulté concerne les hébergeurs. En effet, le plus souvent, l’hébergeur n’est qu’un prestataire technique, qui ne perçoit pas de recettes publicitaires.

La deuxième difficulté consiste à définir précisément ce que l’on entend par « activité publicitaire sur internet ». C’est une notion assez vaste et un domaine difficile à cerner. Le e-marketing offre en effet un éventail de prestations nouvelles de publicité et de promotion, comme les achats de mots-clés.

La troisième difficulté concerne les questions de territorialité. Comment taxer des opérateurs qui s’établissent partout en Europe, parfois même en dehors de l’Europe, et qui s’adressent à des clients français avec des publicités portant éventuellement sur des produits étrangers ? Cela pose un véritable problème d’appréhension fiscale.

Nous devons également tenir compte de la faisabilité technique du dispositif qui pourrait être instauré.

Enfin, il nous faut expertiser les conséquences économiques d’une telle taxation.

Comme vous le constatez, monsieur le rapporteur général, cela fait beaucoup de sujets à examiner, auxquels, pour la plupart, vous répondez dans cet amendement d’appel extrêmement important. J’ignore s’il a fait l’objet de commentaires critiques, mais, si ce fut le cas, c’est indéniablement à tort.

Il faut bien l’admettre, sur un sujet aussi complexe, vous essuyez un peu les plâtres. Je ne suis pas sûr que nous trouvions immédiatement la bonne solution, car des problèmes de définition, de territorialité, de cible – quel est l’interlocuteur que l’on taxe ? – se posent.

C’est extrêmement compliqué, mais il faut agir. Je pense que M. Ralite partage ce constat. Sur ce point au moins, les choses sont claires. Les orientations fixées par le Président de la République au Gouvernement le sont aussi, dans le droit fil de la mission confiée à M. Zelnik.

Sous ces réserves, le Gouvernement demande le retrait de ces amendements identiques. Les services de mon ministère pourraient se rapprocher de ceux de la commission des finances, qui ont d’ores et déjà réalisé de très importantes recherches, pour travailler en toute transparence sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.

M. Philippe Dominati. Je remercie M. le rapporteur général de la commission des finances d’avoir posé ce problème, qui est vaste et récurrent et qui ne se limite pas à ses seuls aspects budgétaires.

M. Ralite l’a souligné, lors de la présentation de ses vœux aux membres de la culture, le Président de la République a affirmé sa volonté de saisir l’Autorité de la concurrence, à l’instar d’autres pays européens, telles l’Allemagne et l’Italie, qui sont confrontés aux mêmes problèmes. Pour ma part, je suis en désaccord avec la méthode.

Comme M. Philippe Marini l’écrit dans son rapport, le premier réflexe consiste à faire appel à l’Autorité de la concurrence, parce que la société dont il est question jouit d’un quasi-monopole dans le domaine du moteur de recherche, à hauteur de 91 %, et sera probablement en situation de monopole sur le marché publicitaire dans deux ou trois ans.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Taxons d’abord, nous verrons ensuite !

M. Philippe Dominati. Dans ce contexte, un État qui souhaite mettre en œuvre une politique fiscale pour dégager des recettes nationales doit définir des critères stricts et mesurer les déséquilibres que la taxation entraînera pour un certain nombre de métiers.

Certes, il faut poser le problème, mais il ne faut pas se contenter d’une taxe pour le résoudre immédiatement : la dimension culturelle est importante, et les aspects budgétaires du dossier ne rendent pas compte de l’ensemble de la problématique. Par ailleurs, j’ai le sentiment que nous agissons trop rapidement et par réflexe.

Je suis hostile à tout monopole, mais je pense que l’ouverture du marché mérite d’abord un diagnostic précis.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Le rapporteur général et le président de la commission des finances ne m’en voudront pas d’apporter une nuance au débat.

La question qui est posée est parfaitement légitime, mais je veux m’assurer que la réponse que l’on souhaite y apporter correspond à des objectifs circonscrits et précis et que les modalités envisagées ne sont pas contre-productives.

Trois objectifs bien différents me semblent ressortir de cette discussion.

S’agit-il de régler un problème de position dominante ? Dans ce cas, il faudra que l’Autorité de la concurrence se prononce. S’agit-il de régler un problème d’évasion de matière fiscale ? S’agit-il de régler un problème de financement de la culture en taxant les nouvelles technologies au profit des anciennes ? S’il s’agit d’instaurer un financement, il convient de préciser l’objectif visé.

J’attire l’attention de mes collègues sur le fait que les modalités fiscales retenues peuvent être contre-productives.

Nous pensons tous à cette entreprise établie à Mountain View en Californie qui jouit d’un quasi-monopole et qui « aspire » une grande partie de la substance du marché publicitaire. Néanmoins, gardons-nous d’adresser à ceux qui souhaitent se lancer dans les nouvelles technologies le signal que notre pays serait le seul, ou l’un des seuls, à prévoir une taxation particulière en la matière.

Google est l’arbre qui cache la forêt. Nous ne devons pas oublier que de nombreux opérateurs qui sont apparus en France ont moins de cinq ans et se verraient taxés alors qu’ils peinent à parvenir à l’équilibre. C’est le cas de Dailymotion, concurrent de YouTube, filiale de Google. Prenons garde à ne pas lester de semelles de plomb la nouvelle économie que nous souhaitons par ailleurs promouvoir et développer !

Enfin, il nous faut veiller à ne pas donner une mauvaise image de la publicité sur internet. Celle-ci permet à nombre de petites et moyennes entreprises de faire sauter les barrières aux entrées, contrairement à la publicité traditionnelle, qui présente l’inconvénient d’être extrêmement coûteuse. En outre, de récentes études économiques révèlent que la publicité en ligne offre un très avantageux retour sur investissement. Il s’agit donc d’une opportunité très intéressante pour les nouveaux modèles économiques, notamment pour les PME.

Le grand emprunt apporte de bonnes réponses. Ainsi, destiner 750 millions d’euros à la numérisation d’ouvrages et d’œuvres du patrimoine est une réponse offensive. En outre, l’informatique en nuages pose la question de la souveraineté nationale, de l’accès à de grandes capacités de calcul pour nos jeunes entreprises et nos PME. Là encore, il s’agit d’une décision positive, puisque cela concerne notamment Google et Amazon, dont il a été question tout à l’heure.

Le rapporteur général de la commission des finances a excellemment posé la problématique ; à nous maintenant de travailler et de laisser mûrir la réflexion.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Nous voterons ces amendements identiques, car, depuis la loi du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, dite « loi DADVSI », le groupe socialiste ne cesse de demander la taxation d’internet. En vain.

Nous souscrivons à un grand nombre des propos de M. le rapporteur général de la commission des finances. Il me semble important de verser au débat un argument supplémentaire s’agissant des jeunes.

Il se trouve que les jeunes sont habitués au téléchargement illégal et illimité et, partant, sont rétifs à l’offre légale, qu’ils jugent trop chère.

Selon le rapporteur général de la commission des finances, le produit attendu de la taxe atteindrait environ 20 millions d'euros, ce qui se rapproche du montant prévu dans le rapport Zelnik. Cela pourrait aider au financement de la carte Musique en ligne, permettant précisément aux jeunes un téléchargement illimité mais légal.

Ces amendements identiques vont dans le sens de la sauvegarde de l’industrie culturelle, d’un accès amélioré des jeunes aux offres à contenu culturel et d’une plus grande égalité fiscale des supports proposant ce type de contenus.

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.

M. Alain Fouché. Je trouve cet amendement excellent : il a le mérite de poser le problème, alors que bien peu a été fait depuis plusieurs mois dans ce domaine. J’ai cru comprendre que M. le rapporteur général de la commission des finances comptait le retirer. Dans ce cas, monsieur le ministre, quand pensez-vous déposer un texte qui permettra de fiscaliser ces activités et de dégager les ressources financières dont le pays a besoin ?

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Les deux amendements identiques présentent l’immense avantage de poser les termes d’une problématique qui deviendra, n’en doutons pas, extrêmement prégnante.

Le développement de l’économie numérique est une évidence et il n’est pas question de faire le procès de Google, dont les apports prodigieux sont difficilement contestables.

En revanche, monsieur le ministre, au-delà des problèmes de monopole et de concurrence, la matière fiscale n’est-elle pas en train de se volatiliser ? Les groupes comme Google et toutes les entreprises de l’économie immatérielle ne vont-ils pas inventer une sorte de carte de la fiscalité pour s’établir là où les conditions sont pour eux optimales ?

Le dispositif que nous vous proposons a ses limites : en instituant une taxe de 1 %, nous atteindrons non pas Google, mais bien plutôt ses utilisateurs et ses clients qui, peut-être, auront un prix à payer de 1 % supérieur.

Monsieur le ministre, il faudrait préciser le concept d’entreprise numérique qui opère en France et qui, par conséquent, perçoit en France un niveau de revenu constitutif d’un certain bénéfice. Comment asseoir un impôt sur les bénéfices d’une entreprise telle que Google ?

Une dimension du problème n’a pas encore été évoquée, celle de la TVA. Aujourd’hui, Google a deux types de clients : les particuliers et les entreprises. Je fais l’hypothèse que les particuliers paient une TVA de 21 %, encaissée par l’État irlandais et non par la France, alors que ces clients sont domiciliés en France, tout cela probablement sur le modèle d’un accord conclu pour faire plaisir au Luxembourg qui continue à empocher la TVA sur l’économie immatérielle ! (M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis, sourit.)

M. Juncker nous rappelle à nos obligations d’équilibre budgétaire, mais il nous fait les poches lorsqu’il s’agit de l’économie numérique ! Amazon, eBay et quelques autres sont implantés au Luxembourg : la TVA à 15 % est payée par les clients français, mais perçue par le Grand-Duché !

Pour Google, le fonctionnement doit être identique : l’Irlande empoche la TVA facturée aux clients français. Il faudrait mener une enquête sur ce point particulier.

Par ailleurs, monsieur le ministre, j’aimerais savoir ce qu’il en est pour les clients de Google qui sont des entreprises assujetties à la TVA. Si Google facture de la TVA aux entreprises françaises, ces dernières peuvent-elles la récupérer, puisqu’il s’agit d’une charge d’exploitation et que la TVA doit être déductible ?

Nous avons tout un chantier à ouvrir et la commission des finances vient de s’engager dans cette voie. Nous aurons besoin de toute l’aide experte de la direction de la législation fiscale et de vos services, monsieur le ministre, pour avancer.

Monsieur le rapporteur général, peut-être pourrions-nous, à ce stade, retirer cet amendement.

J’apprécierais cependant que le Gouvernement nous confirme son engagement de nous accompagner pour avancer dans cette voie, et sans attendre. D’ailleurs, le sujet dépasse les préoccupations nationales, c’est un vrai dossier européen.

Dans les semaines qui viennent, j’aimerais que nous puissions en débattre sur des bases documentées et en apportant des réponses aux différentes questions posées ce soir.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Notre amendement n’est pas encore suffisamment abouti pour être transformé en loi et atteindre son objectif.

Néanmoins, il est indispensable d’entreprendre cette étude avec la ferme volonté d’aboutir d’ici quelques mois. D’ailleurs, notre initiative a soulevé quelques espoirs. En voici un échantillon.

La société civile des auteurs multimédias, la SCAM, qui rassemble des réalisateurs, des auteurs d’entretiens et de commentaires, des écrivains, des traducteurs, des journalistes, des vidéastes, des photographes et des dessinateurs, m’écrit aujourd’hui : « Votre amendement marque le point de départ d’une vraie réflexion de fond concernant le financement de la création à l’ère du numérique, dans le prolongement de la loi “Création et internet”. L’économie du numérique ne peut être fondée sur le déséquilibre actuel entre les revenus florissants de certains opérateurs et ceux, dérisoires, des créateurs, éditeurs, producteurs de contenus, qui donnent à internet sa véritable valeur ajoutée. »

J’ai reçu par ailleurs un message de la société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs, l’ARP, dont le bureau est constitué de personnes tout à fait éminentes. Elle se félicite que la commission des finances du Sénat ait adopté un amendement en faveur d’une taxation sur la publicité en ligne et ajoute : « Cette position donne toute leur résonance aux réflexions actuellement menées sur le financement de la création à l’heure du numérique, dans la continuité du rapport de la mission “Création et internet” ».

Il est indispensable de poursuivre le travail avec les professionnels, les collaborateurs des ministres – les vôtres, monsieur le ministre du budget, et ceux de Mme Christine Lagarde – et la direction de la législation fiscale, pour cheminer raisonnablement sur cette voie et aboutir, avant la fin de l’année, à un dispositif opérationnel.

Nous aurons bien entendu à nous préoccuper de l’aspect communautaire de la question. La commission poursuivra son étude pour élaborer un dispositif compatible avec le droit communautaire.

Mes chers collègues, et je me tourne en particulier vers M. Retailleau et M. Dominati, les problèmes de finances publiques qui sont devant nous sont considérables. Dans ce contexte, nous devons non seulement économiser mais aussi créer des assiettes fiscales nouvelles et, à tout le moins, éviter que celles qui existent ne souffrent d’attrition ou de détournement du fait de technologies comme internet. L’enjeu est essentiel pour nos finances publiques.

Lorsque nous publierons notre étude réalisée en collaboration avec Greenwitch Consulting, nous tâcherons d’apprécier l’ordre de grandeur de ce phénomène, qui, à l’échelle des finances publiques, est loin d’être négligeable.

Merci infiniment, monsieur le ministre, de votre réponse très concrète et argumentée, qui nous donne de l’espoir. Il est toujours agréable d’ouvrir un chantier aussi important que celui-ci !

C’est dans cet esprit que nous retirons notre amendement.

M. le président. L’amendement n° 27 est retiré.

Quel est désormais l’avis de la commission sur l’amendement n° 110 ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je me tourne vers M. Ralite. Mon cher collègue, il serait souhaitable que nous cheminions d’un même pas. Ne nous dissocions pas et tâchons, sur ce sujet, au moins, dans une large mesure, de réaliser en quelque sorte une union sacrée !

Dans cet esprit, peut-être pourriez-vous accepter de retirer votre amendement. En effet, j’ai la conviction que, sur un plan technique, cet amendement n’est pas plus susceptible que le nôtre d’atteindre son objectif.

M. le président. Monsieur Ralite, l’amendement n° 110 est-il maintenu ?

M. Jack Ralite. J’entends bien tous les arguments développés par plusieurs de nos collègues, par le président de la commission des finances et par le rapporteur général, mais je n’arrive pas à me résoudre à retirer cet amendement.

La raison en est très simple : ce soir, nous avons non pas un débat technique, mais un débat politique. Depuis des années, ce débat est posé. Dans cette enceinte même et au cours de tant de réunions et de colloques auxquels j’ai participé, j’ai toujours entendu dire par la majorité, avec des propos nuancés : « Il va falloir étudier »… Dans le temps, on disait : « On va créer une commission ». Aujourd’hui, on renvoie à une étude. Mais l’étude « sur le sol » est faite, il suffit de parler avec les gens.

J’ai reçu des messages sans doute identiques aux vôtres, monsieur le rapporteur général. Trois m’ont été adressés encore aujourd’hui. J’ai assisté, il y a quelques jours, à un débat organisé par la SACD, la société des auteurs et compositeurs dramatiques : il a porté presque essentiellement sur cette question. M. Toubon, qui participait à ce débat, a d’ailleurs montré une ferme assurance et la volonté d’aller dans ce sens.

Demain, notre commission de la culture reçoit M. Marc Tessier, le rapporteur de la commission sur Google. La question est évoquée dans son rapport, auquel j’ai d’ailleurs emprunté, pour le combattre, l’argument selon lequel, puisqu’il serait prohibitif de vouloir faire comme Google, nous devrions accepter ses conditions.

Bien sûr, ces mesures ont des défauts ; les grandes réformes ne se sont jamais faites au cordeau, mais se sont construites sur une base fondamentale.

Tout est dit dans l’argumentation du président de la commission des finances. Tous ces grands géants ont tissé une sorte de toile – c’est leur mondialisation -, qui court-circuite tous les professionnels, tous les publics et tous les États ! Alors, il faut un acte, même s’il n’est pas d’une pureté extrême – en général, quand on est pur, on ne réussit pas –, qui soit le fruit d’une volonté politique affirmée.

« Il serait dommage que nous nous séparions », me dit M. Marini. Je lui répondrai : « Il serait dommage que vous décidiez cette séparation en vous abstenant aujourd’hui » !

Cette politique de yo-yo, où l’on avance et retire des dispositifs, n’est pas une pratique parlementaire constructive. Aussi, non seulement je maintiens cet amendement, mais notre groupe demandera au Sénat de se prononcer par scrutin public.

Rappelez-vous des difficultés rencontrées lors de la suppression de la publicité à la télévision, mesure appliquée avant que nous en ayons discuté au Parlement. Le Conseil d’État vient de régler la question, même si M. Lefebvre, UMP, fait semblant de ne pas comprendre et prétend que rien n’est changé.

Nous avons saisi le Conseil d’État et nos collègues socialistes ont saisi le Conseil constitutionnel. Les deux nous ont donné raison : ce n’est pas bien que l’exécutif se soit substitué au législatif, ce n’est pas bien que la télévision ait perdu de son indépendance dans un vote obligé.

Le Conseil constitutionnel a avalisé la loi, mais il a ajouté, dans un considérant n° 19, une réserve fondamentale : sans compensation exacte, la télévision perd son indépendance.

Nous n’avons rien fait de merveilleux, nous avons simplement osé ! Sur des questions aussi fondamentales, il faut que la France ose et, quand elle aura créé un exemple, une jurisprudence, même un peu boiteuse, on commencera alors à découdre cette espèce de monopole de faux droit qui tente d’enserrer le monde, alors qu’ internet est l’une des plus belles inventions humaines, malheureusement mal appliquée, à cause de la pratique des propriétaires de ces grands groupes. (M. Thierry Foucaud applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur Ralite, je voudrais vous lancer un ultime appel. Nous avons, sur le fond, une vraie convergence d’analyse et de volonté politique, mais nous ne devons pas nous tromper d’instrument. En votant cet amendement, nous risquons d’afficher une sorte d’impuissance politique, à l’heure où notre démocratie souffre d’un décalage trop fréquent entre la parole politique et l’effectivité de l’action.

Il serait infiniment préférable que vous preniez part aux travaux qu’a engagés la commission des finances sur ce sujet. Vos collègues Thierry Foucaud et Bernard Vera peuvent en témoigner, nous entendons avancer et formuler, dans des délais raisonnables, des propositions précises afin que nous disposions, demain, d’instruments suffisamment efficaces pour atteindre les objectifs que nous partageons.

M. le rapporteur général l’a rappelé, du fait de la montée en puissance de l’économie numérique, nous risquons de voir s’évaporer nos assiettes fiscales. Il serait vraiment dommage que vous nous demandiez de nous prononcer ce soir par un vote dont l’issue donnerait l’apparence d’une fracture entre nous, alors que, sur le fond, nous sommes, je le répète, en profonde convergence.

Je souhaiterais donc vraiment que vous renonciez à ce scrutin public.

M. le président. Monsieur Ralite, qu’en est-il en définitive de l’amendement n° 110 ?

M. Jack Ralite. Monsieur le président, je voudrais bien accéder à la demande du président de la commission des finances, mais je ne le peux pas. À l’entendre, nous risquons, en votant cet amendement, d’afficher notre impuissance politique. Mais, en ne le votant pas, nous nous enfermons dans une impuissance politique démissionnaire !

En tant que parlementaire, cet aspect de la politique me hante. Combien de fois a-t-on entendu l’argument consistant à dire que ce sera mieux demain ? Pour ma part, je souhaiterais que ce soit un peu mieux aujourd’hui !

Si, humainement, il est toujours intéressant de constater une convergence de vue, je suis au regret de vous indiquer que je ne peux pas, en mon âme et conscience, retirer cet amendement, car j’aime trop ce sujet et ce qu’il implique pour notre pays et pour le monde entier.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 110 de M. Ralite, tendant à insérer un article additionnel après l’article 9.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 153 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 326
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l’adoption 139
Contre 187

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 92, présenté par MM. Vial et Faure, est ainsi libellé :

Après l’article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L’article L. 2333-52 du code général des collectivités territoriales est abrogé.

II. - La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

III. - La perte de recettes résultant pour l’État du II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Cet amendement n’est pas soutenu.

L’amendement n° 61 rectifié, présenté par MM. Charasse et Collin, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Après l’article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Il est institué une Commission d’évaluation des compensations versées par l’État aux collectivités territoriales et à leurs groupements en application des transferts de compétences prévus par les lois de décentralisation.

Cette commission est chargée de dresser le bilan de l’évolution et d’arrêter le montant des dépenses non compensées par l’État correspondant aux compétences transférées, en distinguant les dépenses obligatoires qui résultent des mesures législatives ou réglementaires que les collectivités sont tenues d’appliquer et les dépenses facultatives relevant de la libre appréciation des assemblées locales.

II. - La commission, présidée par le Premier président de la Cour de comptes, est composée de 30 membres, soit :

- 15 membres représentant les ministères concernés nommés par le Premier ministre,

- 4 députés désignés par l’Assemblée nationale,

- 3 sénateurs désignés par le Sénat,

- 8 élus locaux dont 3 présidents de conseil régional, 3 présidents de conseil général et 2 maires, dont un de grande ville, désignés par leurs associations respectives.

III. - Le rapport de la commission devra être remis au Premier ministre au plus tard le 1er octobre 2010.

La commission pourra faire toutes propositions utiles pour modifier les dispositions législatives ou réglementaires qui s’imposent aux collectivités territoriales et à leurs groupements, ainsi que les modalités de calcul des compensations.

Les résultats de ces travaux seront transmis à l’Assemblée nationale, au Sénat et à la Conférence nationale des déficits publics.

IV. - La commission peut entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile. Son secrétariat est assuré par la Cour des comptes qui peut solliciter notamment le concours des services des ministères de l’intérieur et du budget.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Nous connaissons tous à l’heure actuelle les débats, et maintenant les litiges, découlant du problème de l’évaluation des compensations versées par l’État aux collectivités territoriales, en particulier aux départements, en application des transferts de compétences prévus par les lois de décentralisation.

C'est la raison pour laquelle nous proposons d’instituer une commission chargée d’évaluer ces compensations : ses attributions, sa composition et ses conditions de fonctionnement sont précisées dans l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission souhaiterait entendre le Gouvernement sur ce sujet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Mézard, si le problème mérite évidemment d’être posé, de nombreux éléments doivent entrer en ligne de compte. Il s’agit non pas à cette heure d’entrer dans le débat de fond - la question du respect par l’État de ses obligations constitutionnelles est bien connue -, mais plutôt de le purger d’un certain nombre de malentendus, voire d’imprécisions.

Tel est précisément le rôle dévolu au groupe de travail sur les transferts de charges et les relations entre l’État et les collectivités locales qui a été créé lors de la récente réunion de la Conférence nationale sur les déficits publics organisée sous l’égide du Président de la République.

Les représentants des régions et des départements ont décidé de ne pas participer à cette conférence. Qu’ils en assument la responsabilité ! Une autre réunion est prévue en avril prochain : une fois les régionales passées, peut-être choisiront-ils d’y assister…En tout cas, je ne doute pas de la qualité des travaux que mèneront les membres du groupe de travail présidé par Gilles Carrez afin de remplir les objectifs fixés.

Pour cette raison, je ne suis pas favorable à votre amendement.

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.