Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Mme Nicole Borvo Cohen-Seat est logique avec elle-même en proposant la suppression de l’article 2 bis. Je peux le comprendre, car l'amendement n° 20 est également cohérent avec l’amendement n° 14 rectifié qui tendait à supprimer l’ensemble des dispositions de la loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Mon raisonnement est tout aussi logique : à partir du moment où l’on admet l’utilité du présent projet de loi, qui peut être aménagé sur certains points et que le travail réalisé en commission a d’ailleurs permis d’améliorer, on ne peut pas accepter un amendement qui vise soit à le supprimer en totalité, soit à en annuler une disposition essentielle.

Comme l’a très justement rappelé M. le rapporteur, l’article 2 bis prévoit que la personne placée sous surveillance de sûreté est informée de droits supplémentaires ou des conditions dans lesquelles vont s’exercer un certain nombre de mesures, il ne serait donc pas logique d’accepter un amendement de suppression.

Je ne vois donc que deux solutions : soit vous retirez cet amendement, madame Nicole Cohen-Seat, mais j’ai cru comprendre, depuis le début de cette discussion, que telle n’était pas votre logique, soit le Gouvernement émet un avis défavorable.

Quant à l'amendement n° 21, il est satisfait ; le Gouvernement y est également défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 20.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 21.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2 bis.

(L’article 2 bis est adopté.)

Article 2 bis
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Article 4

Article 3

L’article 706-53-21 du même code devient l’article 706-53-22 et après l’article 706-53-20, l’article 706-53-21 est ainsi rétabli :

« Art. 706-53-21. – La rétention de sûreté et la surveillance de sûreté sont suspendues par toute détention intervenue au cours de leur exécution.

« Si la détention excède une durée de six mois, la reprise de la rétention de sûreté ou de la surveillance de sûreté doit être confirmée par la juridiction régionale de la rétention de sûreté au plus tard dans un délai de trois mois après la cessation de la détention, à défaut de quoi il est mis fin d’office à la mesure. »

M. le président. L’amendement n° 22, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’amendement n° 22 vise à supprimer l’article 3, en cohérence avec notre opposition totale à la rétention de sûreté.

Je défendrai en même temps l’amendement de repli n° 23, monsieur le président, qui vise à garantir une égalité de traitement entre tous les condamnés en matière de rétention et de surveillance de sûreté.

Si ces mesures sont seulement suspendues lorsqu’intervient une détention au cours de leur exécution, il faut alors que la juridiction régionale de sûreté confirme leur reprise dans un délai de trois mois après la cessation de la détention, quelle que soit sa durée.

En effet, toute possibilité d’évolution de l’état de santé mentale du condamné doit être prise en compte, quelle que soit la durée de la peine. Si des soins adaptés sont dispensés durant la rétention, ce qui doit ou devrait être le cas, il faut prendre sérieusement en compte les possibilités de progrès des condamnés et l’éventualité que l’évolution de leur état de santé mentale soit suffisamment significative pour justifier la fin du placement en rétention de sûreté. Il n’est pas admissible qu’un condamné subisse le maintien de mesures de sûreté sans que leur absolue nécessité soit avérée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L’amendement n° 22 reçoit un avis défavorable, puisque la commission n’est pas favorable à l’abrogation de la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

En ce qui concerne l’amendement n° 23, il convient d’observer que le texte dont nous débattons a déjà beaucoup évolué. En effet, le projet de loi initial prévoyait que, lorsqu’une personne soumise à une surveillance de sûreté ou à une rétention de sûreté était incarcérée pour une infraction qu’elle avait commise, sa situation devait être réexaminée à sa libération par la juridiction régionale de rétention de sûreté, dès lors que la détention avait excédé un an. La commission a estimé que cette durée était un peu longue, dans la mesure où des soins doivent être délivrés en prison, selon l’exigence du Conseil constitutionnel, pour traiter les troubles dont souffre la personne. Elle a donc ramené ce délai d’un an à six mois.

En revanche, il ne lui paraît pas justifié d’obliger la juridiction à se prononcer de nouveau sur le placement en rétention de sûreté ou en surveillance de sûreté pour une personne condamnée à une très courte durée d’emprisonnement – quelques jours parfois – pendant laquelle, parce que sa situation a peu de chance d’évoluer, les éléments ayant justifié un placement en rétention de sûreté ou en surveillance de sûreté n’ont sans doute pas changé.

Nous pensons donc qu’un délai de six mois correspond à la juste mesure, c’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État. L’amendement n° 22 recueille un avis défavorable, puisque l’article 3 du projet de loi reprend les recommandations du rapport Lamanda relatives à la suspension de la mesure de surveillance ou de rétention de sûreté lorsqu’une détention intervient au cours de son exécution.

En ce qui concerne l’amendement n° 23, comme vient de le dire M. le rapporteur, il est extrêmement difficile, pour des raisons objectives, de descendre en dessous du délai de six mois recommandé par la commission. Mon avis est donc également défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 22.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 23, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

Si la détention excède une durée de six mois,

par les mots :

Quelle que soit la durée de la détention,

Cet amendement a déjà été défendu, la commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés.

L’amendement n° 43 rectifié, présenté par MM. Anziani et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel et Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

Si la détention excède une durée de six mois

par les mots :

À l’issue de la détention

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. On pourrait se demander pourquoi notre amendement tend à supprimer toute référence à la durée de détention. Il faut savoir que, selon le Conseil constitutionnel, le temps de détention doit permettre une prise en charge effective et adaptée à la personne. Or, les conditions qui ont justifié le placement sous surveillance ou en rétention de sûreté – souvent le refus de soins – pourraient ne plus être réunies à l’issue de la détention.

La commission a ramené le délai d’un an à six mois, ce qui représente une amélioration tout à fait indéniable, mais nous souhaitons aller beaucoup plus loin. Nous proposons donc que la juridiction régionale de la rétention de sûreté se préoccupe de l’évolution de tout ancien condamné nouvellement incarcéré, quelle que soit la durée de la détention. Elle doit en effet vérifier que la personne concernée a effectivement bénéficié d’une prise en charge adaptée en détention, comme le prévoit l’article 1er du projet de loi.

Elle doit également évaluer la pertinence, au regard de ces nouveaux éléments, de son placement ou de son maintien sous surveillance de sûreté ou en rétention de sûreté.

Pour cela, la notion de durée de détention nous gêne et nous jugeons préférable que ces dispositions s’appliquent dans tous les cas.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Comme pour l’amendement précédent, notre avis est défavorable.

D’une part, il faut tout de même songer un peu aux conditions quotidiennes de fonctionnement de la juridiction régionale de la rétention de sûreté.

D’autre part, il ne faudrait pas en arriver au fait qu’une incarcération très courte, de quelques jours, devienne une opportunité pour la personne de voir augmenter ses chances de sortie de surveillance de sûreté.

Un délai de six mois nous semble, dans ces conditions, une bonne mesure.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Nous partageons l’avis défavorable de la commission, pour des raisons pratiquement identiques à celles que j’ai exposées lors de la discussion de l’examen de l’amendement n° 23.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
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Article 5

Article 4

L’article 723-37 du même code est ainsi modifié :

1° (Supprimé)

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La juridiction régionale de la rétention de sûreté peut également, selon les modalités prévues à l’article 706-53-15, ordonner une surveillance de sûreté à l’égard d’une personne placée sous surveillance judiciaire à laquelle toutes les réductions de peine ont été retirées, en application du premier alinéa de l’article 723-35 à la suite d’une violation des obligations auxquelles elle était soumise dans des conditions qui font apparaître des risques qu’elle commette à nouveau l’une des infractions mentionnées à l’article 706-53-13. La surveillance de sûreté s’applique dès la libération de la personne. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 24 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 95 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade et Tropeano.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 24.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La commission des lois a fort opportunément procédé au retrait d’une disposition votée par la majorité à l’Assemblée nationale et qui prévoyait de ramener de quinze à dix ans le quantum de la peine susceptible d’être suivie d’une surveillance de sûreté à l’issue de la surveillance judiciaire.

Une telle disposition était à mon sens inconcevable : d’abord, parce que le seuil de dix ans est précisément celui prévu pour la surveillance judiciaire par l’article 723-29 du code de procédure pénale, dans sa rédaction actuelle ; ensuite, comme vous l’avez rappelé, madame le garde des sceaux, et comme l’a également confirmé le Conseil constitutionnel, parce que la surveillance de sûreté est une disposition exceptionnelle pour des faits d’une extrême gravité.

Un tel dispositif juridique est tellement dérogatoire aux principes fondamentaux de notre droit qu’il ne saurait en aucun cas être banalisé. Apparemment, tout le monde est d’accord sur ce point !

Le risque existe pourtant, puisque a été intégré, à l’article 4, une nouvelle extension du champ d’application de la surveillance de sûreté. Cela étend en conséquence la possibilité d’un placement en rétention de sûreté, celui-ci pouvant constituer, selon la loi, la sanction de la violation des obligations de la surveillance de sûreté.

Une sanction extrêmement grave pourra donc être prononcée contre l’intéressé, au seul motif que le manquement à ses obligations ferait apparaître un « risque » de récidive, ce qui n’est pas tout à fait induit.

Outre ces observations, nous sommes évidemment assez hostiles au dispositif de surveillance de sûreté, tel qu’il est issu de la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Nous proposons donc la suppression de l’article 4.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 95 rectifié.

M. Jacques Mézard. Nous partageons les motifs qui viennent d’être exposés. Étant opposés au principe, nous ne pouvons être qu’opposés à l’extension du dispositif !

L’article 4, en dépit des efforts manifestes de la commission des lois pour revenir sur les dispositions retenues par l’Assemblée nationale – efforts que nous saluons –, vise à étendre encore davantage les mesures de sûreté, en abaissant le quantum de peine ouvrant la possibilité de prononcer une mesure de surveillance de sûreté à l’issue d’une mesure de surveillance judiciaire.

Selon nous, le fait d’étendre le dispositif revient déjà à ouvrir la porte à d’autres mécanismes reposant sur le même principe, principe, je le répète, auquel nous nous opposons fermement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L’article 4 vise effectivement à étendre le régime de la surveillance de sûreté, mais cette extension est bienvenue et remédie à un paradoxe justement dénoncé par le rapport Lamanda.

Je vais m’expliquer, mes chers collègues, tout en vous priant d’excuser de la technicité de mon argumentation : elle est inévitable.

Cet article, que les amendements présentés tendent à supprimer, vise à permettre l’application de la surveillance de sûreté à une personne placée sous surveillance judiciaire à laquelle toutes les réductions de peine ont été retirées.

En effet, une surveillance de sûreté ne pouvant être ordonnée que dans le prolongement d’une surveillance judiciaire, elle ne peut être décidée directement après la libération d’une personne incarcérée en raison de la révocation de l’intégralité des réductions de peine. En d’autres termes, si celles-ci ont toutes été retirées, la surveillance de sûreté ne peut intervenir dans le prolongement de la surveillance judiciaire, celle-ci étant devenue impossible.

Ainsi, paradoxalement, la surveillance de sûreté peut être ordonnée uniquement lorsque la surveillance judiciaire est menée à son terme sans incident et, partant, lorsque l’intéressé présente les meilleurs gages d’une possible réinsertion.

L’article 4 tend à corriger cette anomalie qui, vous l’avouerez, mes chers collègues, était particulièrement choquante.

Notre avis est donc défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Notre avis est également défavorable puisque l’article 4 vise à tirer les conséquences du rapport Lamanda.

Le travail de M. Vincent Lamanda a été salué et, comme j’ai cru le comprendre, tout le monde s’est à peu près accordé sur un certain nombre de ses recommandations. Il serait tout de même paradoxal qu’on nous demande aujourd’hui de retirer des dispositions tirant les conséquences de ces recommandations.

C’est pourquoi je ne peux qu’être en désaccord avec la suppression de cet article 4.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 24 et 95 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Article 4
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(Non modifié)

Article 5

Article 5
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Article 5 bis

(Non modifié)

La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est ainsi modifiée :

1° L’intitulé de la troisième partie est complété par les mots : « et aux personnes placées en rétention de sûreté » ;

2° Après le deuxième alinéa de l’article 64-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le premier alinéa est également applicable aux missions d’assistance à une personne retenue dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté, s’agissant des décisions prises à son encontre pour assurer le bon ordre du centre. » – (Adopté.)

(Non modifié)
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Article 5 ter (début)

Article 5 bis 

Après le titre XX du livre IV du code de procédure pénale, il est inséré un titre XX bis ainsi rédigé :

« Titre XX bis

« Du répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires

« Art. 706-56-2. – Le répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires, tenu par le service du casier judiciaire sous l’autorité du ministre de la justice et placé sous le contrôle d’un magistrat, est destiné à faciliter et à fiabiliser la connaissance de la personnalité et l’évaluation de la dangerosité des personnes poursuivies ou condamnées pour l’une des infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru, et à prévenir le renouvellement de ces infractions.

« Le répertoire centralise les expertises, examens et évaluations psychiatriques, médico-psychologiques, psychologiques et pluridisciplinaires des personnes mentionnées à l’alinéa précédent qui ont été réalisés :

« 1° Au cours de l’enquête ;

« 2° Au cours de l’instruction ;

« 3° A l’occasion du jugement ;

« 4° Au cours de l’exécution de la peine ;

« 5° Préalablement au prononcé ou durant le déroulement d’une mesure de surveillance ou de rétention de sûreté ;

« 6° En application des articles 706-136 ou 706-137 ;

« 7° Durant le déroulement d’une hospitalisation d’office ordonnée en application de l’article 706-135 du présent code ou de l’article L. 3213-7 du code de la santé publique.

« En cas de décision de classement sans suite, hormis les cas où cette décision est fondée sur le premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal, de décision définitive de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement, les données concernant la personne poursuivie sont immédiatement effacées.

« Les informations contenues dans le répertoire sont directement accessibles, par l’intermédiaire d’un système de télécommunication sécurisée, aux seules autorités judicaires.

« Les membres de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, les experts et les personnes chargées par l’autorité judiciaire ou l’administration pénitentiaire d’une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité peuvent également être destinataires, par l’intermédiaire de l’autorité judiciaire et pour l’exercice de leurs missions, des informations contenues dans le répertoire.

« Les modalités et conditions de fonctionnement du répertoire sont déterminées par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

« Ce décret précise les conditions dans lesquelles le répertoire conserve la trace des interrogations et consultations dont il a fait l’objet, ainsi que la durée de conservation des informations inscrites et les modalités de leur effacement. » 

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.

Mme Alima Boumediene-Thiery. La commission des lois a largement récrit cet article, qui porte sur le répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires.

Si elle a clarifié la nature des données susceptibles d’être collectées et encadré l’accès à ce répertoire, en le réservant à l’autorité judiciaire, il demeure un problème de fond, qui agite d’ailleurs notre commission depuis plusieurs mois. Quel régime souhaitons-nous donner aux répertoires ou aux fichiers ? Quel contrôle le Parlement est-il en mesure d’exercer sur ceux-ci ? Comment s’assurer que ces outils sont compatibles avec le droit de toute personne au respect de sa vie privée ?

Nous sommes parvenus à un consensus : les fichiers doivent être créés par la loi. D’ailleurs, c’est la recommandation qui a été proposée par nos collègues Yves Détraigne et Anne-Marie Escoffier dans leur excellent rapport intitulé : « La vie privée à l’heure des mémoires numériques ».

Lorsque nous revendiquons le droit pour le Parlement d’exercer un contrôle sur ces fichiers ou sur ces répertoires, il ne s’agit pas seulement d’en autoriser le principe : il s’agit également d’en contrôler le contenu.

Dans notre rôle de protection des libertés individuelles, nous ne pouvons nous contenter de donner notre aval à la création de ces fichiers ou de ces répertoires sans contrôler leur contenu et leur compatibilité avec les principes relatifs au respect de la vie privée. Or c’est exactement ce qui nous est proposé avec l’article 5 bis : donner un blanc-seing à un répertoire, dont le contenu sera fixé par le pouvoir réglementaire !

Nulle part dans cet article ne sont précisées les modalités et conditions de fonctionnement de ce répertoire. Ces éléments sont, semble-t-il, renvoyés à un décret en Conseil d’État, avec un contrôle préalable de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL.

Je note la volonté de notre collègue Alex Türk de donner un peu plus de place à la CNIL dans ce processus, mais je crois que nous devons exiger beaucoup plus que cela. Nous devons prévoir dans la loi toutes les modalités, la durée de conservation, les modalités d’effacement, de même que nous devons y inscrire le droit, fondamental, d’accès et de rectification aux données enregistrées.

Si le Sénat, ou plus largement le Parlement, renonce à ces exigences, il renonce de fait à son rôle de protection des libertés fondamentales. Parce qu’il s’agit d’une garantie démocratique, nous ne le souhaitons pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Guy Fischer applaudit également.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 25 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 44 est présenté par MM. Anziani et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel et Badinter, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 71 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade, Tropeano et Vall.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 25.

Mme Éliane Assassi. L’article 5 bis tend à créer un répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires.

Si le principe d’une telle base de données n’est pas choquant, cet article 5 bis pose tout de même des problèmes relativement sérieux.

D’abord, il faut être clair : c’est un énième fichier qui est créé !

Ce fichier porte sur des données sensibles – notamment de santé –, données à caractère personnel collectées à toutes les phases de procédures judiciaires antérieures, de l’enquête à l’exécution de la peine. Pourtant, l’avis de la CNIL n’a pas été sollicité.

Seraient inscrites dans ce fichier les personnes condamnées, mais aussi les personnes poursuivies, autrement dit présumées innocentes. S’il est compréhensible que des données recueillies dans une affaire en cours, sur une personne non encore condamnée, puissent faire l’objet d’une consultation par les magistrats et experts, l’inscription au fichier ne saurait être possible avant la condamnation.

Ce fichier a pour finalité une connaissance de la personnalité et de l’évaluation de la dangerosité de ces personnes, poursuivies ou condamnées pour une infraction pour laquelle elles peuvent encourir – je dis bien simplement encourir – un suivi socio-judiciaire. Vous avouerez, mes chers collègues, que ce champ est bien large...

Il en va de même du contenu du fichier ! Celui-ci comprend toutes les pièces des examens et évaluations psychiatriques, médico-psychologiques, psychologiques et pluridisciplinaires. Pourquoi ne pas se contenter de leur liste et de leurs conclusions ? Je note d’ailleurs que la commission des affaires sociales a instauré une limite à cette longue liste.

S’agissant des modalités, l’article 5 bis tend à renvoyer à un décret en Conseil d’État. Rien n’est dit de la durée de conservation. Quant à la « promesse » d’effacement en cas de classement sans suite, de décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement, on voit ce qu’il en est du casier judiciaire ou du système de traitement des infractions constatées, le fameux STIC.

Il est totalement illusoire de penser que les moyens actuels de la justice permettront de faire fonctionner ce nouveau fichier dans de bonnes conditions.

Le Comité des droits de l’homme des Nations unies, examinant la situation de la France en matière d’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, soulignait dans son rapport de juillet 2008 que la France devait veiller à ce que « la collecte et la conservation de données personnelles dans les ordinateurs, dans des banques de données et selon d’autres procédés, que ce soit par les autorités publiques, des particuliers ou des organismes privés, soient régies par la loi ». Nous en sommes loin !

Par ailleurs, quel droit d’accès pour les personnes concernées ? La commission des lois a réservé l’accès à ce fichier à l’autorité judiciaire. C’est bien le moins !

Enfin, une question : quel est le véritable intérêt de ce répertoire, sachant qu’une expertise se fait à un moment précis, que la situation de la personne concernée peut avoir évolué et nécessite en tout état de cause de nouvelles évaluations, sachant aussi combien la notion de dangerosité est peu fiable ?

Nous proposons donc, pour l’heure, la suppression de l’article 5 bis.

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l'amendement n° 44.

M. Alain Anziani. Ce matin, lors de la réunion de la commission des lois, le président de la CNIL a formulé des observations qui, toutes, nous ont paru pertinentes. Il rappelé avec bon sens qu’un fichier devait toujours être l’objet d’une grande attention et a précisé qu’il existait en France environ soixante-dix fichiers.

M. Alex Türk. Cinquante-huit !