compte rendu intégral

Présidence de Mme Monique Papon

vice-présidente

Secrétaires :

M. François Fortassin,

M. Jean-Noël Guérini.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Scrutin pour l’élection de juges à la Cour de justice de la République

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le scrutin pour l’élection d’un juge titulaire et d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République, en remplacement respectivement de M. Hubert Haenel, nommé membre du Conseil constitutionnel, et de M. Bernard Saugey, qui a démissionné de sa fonction de juge suppléant.

Le groupe UMP a présenté la candidature de M. Bernard Saugey comme juge titulaire et de M. Jean-Patrick Courtois comme juge suppléant.

Je rappelle que la majorité absolue des suffrages exprimés est requise pour cette élection.

Le scrutin aura lieu dans la salle des conférences, où des bulletins de vote sont à votre disposition.

Pour être valables, les bulletins ne doivent pas comporter plus d’un nom comme juge titulaire et plus d’un nom comme juge suppléant, le nom du juge titulaire devant obligatoirement être assorti du nom de son suppléant. Ne sont comptabilisés ensemble que les suffrages portant sur le même titulaire et le même suppléant.

Le juge titulaire nouvellement élu et son suppléant seront immédiatement appelés à prêter serment devant le Sénat.

Je prie MM. Jean-Noël Guérini et François Fortassin, secrétaires du Sénat, de bien vouloir présider le bureau de vote et de superviser les opérations de dépouillement.

Le scrutin pour l’élection d’un juge titulaire et d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République sera ouvert pendant une heure.

Mes chers collègues, il est quatorze heures trente-cinq. Je vous annonce l’ouverture du scrutin pour l’élection d’un juge titulaire et d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République. Il sera clos à quinze heures trente-cinq.

3

Débat sur la protection des jeunes sur les nouveaux médias

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat sur la protection des jeunes sur les nouveaux médias, organisé à la demande de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

La parole est à M. le président de la commission de la culture.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, compétente pour les questions relatives à la jeunesse, s’est particulièrement impliquée depuis deux ans dans ce domaine, d’abord en confiant à M. David Assouline un rapport d’information sur l’impact des nouveaux médias sur la jeunesse, puis au travers de la participation à la mission commune d’information créée par le Sénat sur la politique en faveur des jeunes, dont M. Christian Demuynck était le rapporteur.

Le rapport de M. David Assouline, présenté à la commission en 2008, a fait l’objet d’échanges passionnants et a été adopté à l’unanimité. Il comportait un grand nombre de propositions ambitieuses pour accompagner la « génération numérique », à l’heure où, rappelons-le, un jeune sur trois a un blog, un sur deux se sert d’une messagerie instantanée, deux sur trois jouent sur un ordinateur et plus de neuf sur dix naviguent sur Internet et possèdent un téléphone mobile. Voilà des chiffres impressionnants !

C’est pourquoi j’ai souhaité, au travers de ce débat que la réforme constitutionnelle nous permet désormais d’organiser dans le cadre de la semaine sénatoriale de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques, faire le point sur les réponses que le Gouvernement a d’ores et déjà pu nous apporter et connaître les suites qu’il entend donner aux recommandations que nous avons formulées.

Je crois utile de pouvoir faire entendre la voix de la commission de la culture à la veille de l’examen par le Sénat du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dit LOPPSI 2. Ce texte, qui ne relève pas de notre compétence, pourra en effet utilement servir de véhicule législatif à un certain nombre de dispositions dans ce domaine. À cet égard, j’approuve les dispositions prévues à son article 4, qui visent notamment à empêcher l’accès aux sites pédopornographiques.

Par ailleurs, les 7 et 8 avril prochains, le ministre de l’éducation nationale réunira à la Sorbonne des états généraux de la sécurité à l’école. Nous le savons tous, nombre d’incidents qui se sont produits au cours des derniers mois sont souvent liés à l’utilisation de téléphones portables. Je pense, par exemple, à la circulation d’informations sur des jeux violents comme celui du foulard ou de la tomate – jeux de strangulation, d’apnée ou conduisant à freiner l’irrigation sanguine du cerveau –, aux scènes d’attaques d’enseignants filmées par les élèves ou aux rendez-vous de bandes organisées à la sortie des établissements.

Je souhaite que les problèmes liés à l’utilisation des nouveaux médias puissent être étudiés dans le cadre de ces rencontres. Je salue d’ailleurs l’initiative du ministre de l’éducation nationale : la constitution d’un conseil scientifique chargé d’apporter une expertise et la dimension interministérielle des débats me paraissent essentielles.

Madame la secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité, vous représentez aujourd’hui le Gouvernement, mais nous sommes bien conscients que les responsabilités sont partagées avec vos collègues de l’éducation, de la communication, de l’économie numérique, et même de l’intérieur. Je ne doute pas que le débat qui nous occupe favorisera la nécessaire coordination interministérielle et permettra de faire avancer les choses.

Je n’entrerai pas dans le détail des constats et propositions du rapport d’information que M. David Assouline présentera dans un instant. Je vous ferai part, dans cette intervention liminaire, de deux convictions.

D’une part, les nouveaux médias sont une immense chance pour les jeunes. Même si nous avons centré ce débat sur leur protection, il ne faut pas nier tous les avantages que cette révolution numérique comporte en termes d’information, de diffusion de la culture, de support pédagogique, au travers du tableau numérique ou du développement du e-learning, qui est aussi une solution pour l’aménagement du territoire, sans compter le développement des réseaux sociaux, tels Facebook ou Twitter. Ces derniers sont un formidable outil de communication, permettant la socialisation et l’expression de jeunes, qui, autrefois, seraient restés solitaires ou sous-informés.

D’autre part, je me dois de rappeler que, lors des débats au sein de la commission, un constat a été partagé : celui de la démission de la famille et de l’école, liée souvent à l’ignorance des dangers représentés par ces nouveaux médias, notamment Internet. C’est pourquoi je considère qu’il appartient aux responsables politiques d’agir pour que les bienfaits de ces nouvelles technologies l’emportent sur leurs dangers.

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité. C’est vrai !

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Nous avons malheureusement tous à l’esprit les addictions numériques, notamment aux jeux vidéo, les comportements violents conduisant des adolescents à des agressions avec des armes blanches ou des bouteilles d’acide, ou les déviances sexuelles dont on ne mesure pas encore toutes les conséquences sur les générations futures.

Nous sommes parvenus pour la télévision, média traditionnel, à instaurer une régulation. À cet égard, je tiens à saluer l’action du CSA, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui a lancé une campagne de protection des mineurs à la télévision, ainsi que celle de Mme Françoise Laborde, menée dans le cadre d’un groupe de travail qu’elle préside sur ce sujet. Des propositions ont été avancées sur les publications destinées à la jeunesse. À l’occasion de l’examen de la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, notre commission se penchera sur la nécessaire réforme de la loi de 1949 ; celle-ci a en effet bien vieilli et est désormais inadaptée au monde numérique.

À l’heure où les jeunes regardent le plus souvent la télévision sur leur ordinateur, une telle mobilisation demeure indispensable, surtout lorsque l’on mesure l’influence de la télévision sur les comportements, y compris chez les adultes, comme l’a montré un récent documentaire sur un jeu de télé-réalité.

Reste le domaine de l’internet. Lors de la présentation de ses vœux pour 2010, M. Michel Boyon, président du CSA, a une nouvelle fois déploré que la loi ne permette pas de réguler les vidéos diffusées sur des sites de partage lorsqu’elles ont des contenus illégaux, c’est-à-dire lorsqu’elles ont un caractère pornographique, attentatoire à la dignité de la personne humaine ou bien lorsqu’elles comportent des appels à la haine, à la violence, au racisme ou à l’antisémitisme. Je partage sa conviction : il faudra envisager de réguler ce domaine et ne pas s’abriter derrière la mondialisation pour se déclarer impuissants. Notre commission ouvrira ce chantier, car la liberté sur Internet n’exclut pas la protection des droits fondamentaux !

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’espère que notre débat au Sénat contribuera à avancer rapidement dans tous ces domaines ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline, au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dix-huit mois après l’adoption du rapport de la mission commune d’information sénatoriale sur l’impact des nouveaux médias sur la jeunesse, que j’ai eu l’honneur de rédiger, je me félicite de l’organisation d’un tel débat sur ce thème, qui est à la fois un sujet d’avenir et une source d’inquiétude. Je remercie à cet égard la commission de la culture et son président d’avoir soutenu son inscription à l’ordre du jour de notre assemblée.

Dix-huit mois, c’est long. Dans le domaine des nouveaux médias, c’est même une éternité. Si j’avais à refaire ce rapport, j’apporterais d’importants compléments. Mais cela permet aussi de faire le point sur les mesures qu’a pu prendre le Gouvernement en la matière. Avançons-nous sur ces sujets ? Si oui, allons-nous dans la bonne direction ? Que reste-t-il à faire ? Je souhaite que le débat éclaire ces enjeux.

Madame la secrétaire d’État, je vous avais rencontrée à l’occasion de cette mission et vous m’aviez alors annoncé une LOPPSI 2 imminente et déterminante. Imminente, elle ne l’a pas été ; heureusement, pourrait-on dire... Déterminante, elle ne le sera a priori pas, sauf si le Gouvernement change radicalement de point de vue. Mais peut-être le fera-t-il à la suite de ce débat, qui est susceptible d’accélérer les choses : soyons optimistes !

Cela étant, revenons à la problématique qui nous occupe.

La jeunesse se situe au cœur de la révolution numérique. En effet, non seulement les jeunes n’ont pas échappé au bouleversement numérique, mais ils en constituent les fers de lance en tant que principaux utilisateurs des nouvelles technologies ; je pourrais nourrir l’hémicycle de chiffres sur cette question, mais ils figurent déjà dans le rapport et le président Legendre en a livré un certain nombre tout à l’heure.

Les jeunes ont tendance à utiliser les nouveaux médias de manière combinée, regardant la télévision en même temps qu’ils « chattent » avec leurs copains et qu’ils envoient des SMS aux énoncés cryptiques. Ils ont créé d’ailleurs des usages originaux, à tel point que leurs pratiques médiatiques contribuent de manière essentielle à la définition d’une « culture jeune ».

Le rapport faisait ressortir que les nouveaux médias étaient à la fois des outils de socialisation, des catalyseurs de compétences, des diffuseurs de culture, des sources de créativité et des supports pédagogiques efficaces. Voilà autant de vertus qu’on peut leur accorder et qui sont probablement à l’origine de leur succès.

Il reste que de tels effets positifs sont fragiles et susceptibles d’être remis en cause selon la manière dont on les utilise. Un débat similaire avait d’ailleurs eu lieu au moment de l’arrivée massive de la télévision dans tous les foyers de France.

Le constat que j’avais pu faire à cet égard était relativement simple : les jeunes éprouvent un sentiment de liberté du fait de leur maîtrise des nouveaux médias, ce qui est un point très positif, mais cette liberté n’est absolument pas accompagnée ou mise à profit par les pouvoirs publics.

En effet, dès lors que l’on parle d’Internet, on évoque les amis, le réseau social, les blogueurs, ceux qui « twittent » toute la journée, le dernier « buzz » sur Skyblog, mais l’on constate aussi l’absence frappante de la famille et de l’école qui laissent les jeunes abandonnés, sans repères, dans un monde multimédiatique omniprésent.

Je suis pourtant convaincu que la République peut jouer un rôle d’émancipation et d’éducation, un rôle réel de libération, c’est-à-dire de responsabilisation, des jeunes, grâce à l’aiguisement de leur regard critique sur leurs pratiques dans le domaine des nouveaux médias et sur le monde numérique en général.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le premier thème que j’aborderai a trait à l’éducation. Oui, l’éducation aux médias est un impératif.

Alors que la fracture numérique ne se creuse plus grâce, notamment, à un effort important des collectivités territoriales en matière d’équipement, c’est une double fracture culturelle et intellectuelle qui menace aujourd’hui les enfants. Il faut leur apprendre les bons usages de l’internet, comme on leur apprenait au siècle dernier à bien manier les livres et les concepts. Le fait que le support soit nouveau n’est pas anodin lorsque l’on parle de l’internet. Puisqu’il s’agit d’une véritable révolution culturelle, il importe, à ce titre, de l’accompagner par des politiques très ambitieuses.

C’est à ce défi que doit répondre, d’abord, l’école, soumise à une double obligation : donner aux élèves les moyens d’adopter une posture critique à l’égard des nouveaux médias, de l’information, de la publicité et des contenus qu’ils diffusent ; démontrer que les médias, notamment Internet, ne sont pas les seuls transmetteurs d’un savoir indiscutable, que la médiation est humaine, multiple et doit pouvoir être discutée et contestée.

L’éducation aux médias devient, dans cette optique, non plus seulement une discipline scolaire supplémentaire, mais bien un « impératif démocratique », qui doit être mis au cœur de tout et considéré comme support et sujet dans l’ensemble des disciplines.

J’avais, par ailleurs, proposé de mettre en place, au collège, un module d’heures spécifiquement dédiées à l’éducation aux médias, avec un travail en faible effectif, faute de quoi on ne pourra ni dispenser cet enseignement ni l’évaluer correctement. Bien évidemment, les heures consacrées à ce sujet seraient prélevées sur le quota horaire annuel et ne viendraient pas alourdir l’emploi du temps, déjà très chargé, des élèves.

En outre, j’avais émis l’hypothèse que l’on puisse confier aux professeurs documentalistes une grande partie de cet enseignement. Ceux-ci pourraient, du reste, être le référent ou le coordinateur pédagogique dans chaque établissement scolaire interdisciplinaire pour l’utilisation de ces supports dans toutes les matières.

En effet, alors qu’ils sont détenteurs du certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré, le CAPES, ces documentalistes ne sont jamais des professeurs, parce que l’éducation nationale ne leur donne aucun rôle de ce type, ce qui suscite d’ailleurs un malaise au sein de la profession.

Lors de la rédaction de mon rapport, j’avais rencontré M. Xavier Darcos, alors ministre de l’éducation nationale, qui m’avait paru particulièrement peu concerné par l’avenir de cette catégorie de personnels : composée essentiellement de femmes, elle se réduit comme peau de chagrin année après année.

Or ces personnels pourraient, à mon sens, jouer un rôle extrêmement intéressant à l’école grâce à leurs compétences spécifiques et à leur connaissance des médias.

Qu’en pensez-vous, madame la secrétaire d’État ? Comment vous-même et le Gouvernement dont vous êtes membre comptez-vous faire vivre l’éducation aux médias dans un contexte général favorisant plutôt la réduction des moyens et des effectifs et singulièrement peu adapté à nos besoins nouveaux ?

Par ailleurs, tous les outils doivent être mis à contribution. Dans le cadre de la réforme de France Télévisions, j’avais émis le souhait que, au lieu de supprimer la publicité sur la télévision publique, on insère dans le cahier des charges du groupe l’obligation de diffuser une émission d’analyse des effets de la publicité et de décryptage du rôle des médias et de l’image. On pourrait toujours le faire, même si la publicité est supprimée.

À l’heure où l’indépendance des médias traditionnels est contestée au point que les jeunes s’en détournent pour explorer l’information sur Internet produite avec plus ou moins de professionnalisme, mais sans tabous, à l’heure où l’on réalise des émissions de « télé trash » avec le désormais célère Jeu de la mort sur France Télévisions, il faut plus que jamais insister sur l’intérêt de ces émissions critiques de décryptage sur les médias, qui ont disparu de la télévision publique.

Que contient le cahier des charges de France Télévisions sur ce sujet ? Pas grand-chose ! Qu’est-ce qui est fait concrètement ? Presque rien !

Réveillons-nous, sinon les jeunes se détourneront définitivement de l’information traditionnelle, au risque de voir la transmission générationnelle se gripper sérieusement.

J’avais proposé, en outre, que l’on instaure une signalétique positive sur certains programmes « jeunesse », suivant un cahier des charges précis faisant état, par exemple, de non-discrimination entre les genres, d’ouverture à un public élargi, de diffusion de valeurs citoyennes, s’agissant notamment des droits de l’homme.

Que pensez-vous, de cette proposition, madame la secrétaire d’État ? La plupart du temps, les signalétiques traduisent une interdiction. Ne pourrait-on en imaginer certaines qui encouragent à regarder telle ou telle émission ?

J’évoquerai ensuite les problématiques d’encadrement de l’utilisation d’Internet, parce qu’il s’agit de la priorité affichée par le Gouvernement, mais aussi de la stratégie la plus simple et la plus intuitive à mettre en œuvre.

Pour lutter contre les problèmes, luttons contre la source des maux, c’est-à-dire contre tous ceux qui diffusent de mauvais messages sur Internet. Si l’on prend ainsi le risque d’être simpliste, risque auquel nous n’échappons pas plus que le Gouvernement, on répond à une partie du problème.

J’avais formulé, dans mon rapport, un certain nombre de préconisations sur l’utilisation de listes blanches pour les jeunes enfants et de listes noires pour les adolescents. Il apparaît que les fournisseurs d’accès ont progressé sur ces questions, grâce à la livraison de logiciels de contrôle parental de plus en plus efficaces intégrant lesdites listes. Je sais, madame la secrétaire d’État, que vous y avez contribué.

Cependant, le problème majeur, très concret, n’est pas résolu : il est lié à la gestion des profils, les parents ayant des difficultés à créer des mots de passe spécifiques et à privatiser leurs sessions sur Internet.

À cet égard, nous avons affaire à un problème de culture et de communication. Si les campagnes de prévention télévisuelle ont un grand intérêt, le renforcement des outils pédagogiques et explicatifs à destination des parents est aujourd’hui un impératif. Or la mise en place et la fonction de ces listes de sites sont importantes, notamment sur la question de la pornographie ; dans mon rapport, j’en soulignais l’impact particulièrement néfaste sur les comportements adolescents présents et futurs.

Madame la secrétaire d’État, où en est le Gouvernement sur cette question très pratique ?

J’avais également émis quelques propositions élémentaires, telles que la régulation dans les messageries instantanées de l’utilisation de la webcam par les mineurs, notamment les plus jeunes, qui ne savent pas qu’ils sont exposés dans leur environnement personnel, leur chambre. Il doit y avoir au moins l’obligation de diffusion d’un message de prévention et d’alerte en page d’accueil des plateformes de blogs et des sites de réseaux sociaux.

Je n’ai rien vu venir, me semble-t-il, sur ce sujet, et je le regrette. Mais peut-être est-ce en voie ?

On me dira, je l’anticipe, que le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dit LOPPSI 2, répondra à un certain nombre de questions que j’évoque ici. Admettons…

De même, des dispositifs spécifiques ont été adoptés dans le cadre de la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, ou loi HADOPI, et du projet de loi relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne.

La proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique, votée au Sénat alors que le Gouvernement freinait étrangement des quatre fers – vous me l’expliquerez peut-être, madame la secrétaire d’État –, représente également une avancée dans la protection des jeunes, dont il faut se réjouir, alors que la sphère de l’intime est de plus en plus réduite.

À cet égard, sur Internet, paradoxalement, c’est souvent le masque qui libère et la transparence qui enferme.

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. Absolument !

M. David Assouline, au nom de la commission de la culture. Les pseudos et avatars sont extrêmement protecteurs. L’étalement de l’intimité sur les sites de réseaux sociaux et la diffusion à l’envi des données personnelles par les gérants des réseaux sociaux, qui en font un argument commercial majeur, sont extrêmement pernicieux pour les libertés.

Il n’en demeure pas moins que, fondamentalement, quels que soient les textes que l’on voit poindre à l’horizon, le Gouvernement est confronté à un obstacle majeur lié à une approche, à mon avis, partielle et parcellaire de la problématique.

Les questions sur les nouveaux médias, bien que transversales et interministérielles, méritent une politique cohérente prenant en compte les défis relatifs à la protection des jeunes ou à la neutralité de l’internet.

À l’heure actuelle, chaque ministère agit à cet égard dans son domaine spécifique. Il faudra bien à un moment donné envisager une vision globale et cohérente pour mener une politique ambitieuse, à la hauteur des enjeux.

J’attends donc des propositions qui s’inscrivent dans une politique globale et cohérente. Un projet de loi spécifique et ambitieux serait à mon sens le bienvenu. La transposition du « paquet télécom » pourrait, par exemple, s’accompagner de dispositifs pertinents, notamment d’une modification de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, qui, en partie obsolète, ne répond plus aux objectifs de protection de la jeunesse.

Y avez-vous réfléchi, madame la secrétaire d’État ? Est-ce là l’un de vos axes de travail, ou prévoyez-vous une transposition a minima ? Avez-vous d’autres ambitions sur ce point ?

J’aborderai à présent l’une des questions centrales que vous ne traitez pas : celle des modalités de régulation d’Internet.

Bien que très contrôlée, la télévision est de plus en plus dépassée par les usages numériques des jeunes. Or rien n’est fait sur ce sujet, alors même que la convergence numérique brouille tous les usages. Il est ainsi possible à un jeune d’accéder en VOD, ou vidéo à la demande, à un programme qui lui serait interdit ou qui ne pourrait être diffusé à la télévision qu’à certaines heures, sous le contrôle du CSA. Quel paradoxe ! On pourrait multiplier les exemples de ce type en ce qui concerne les téléphones mobiles et Internet.

Aujourd’hui, Internet est aussi une jungle, avec tout ce qu’il apporte en termes de luxuriance d’information, d’oxygène intellectuel et de diversité culturelle, mais aussi avec ses corollaires plus négatifs : la dangerosité de certaines espèces, la difficulté d’accès aux lieux intéressants et la loi du plus fort.

Face à cela, certains seraient tentés de remplacer la jungle par un zoo ! Grillager, encadrer, réprimer… Entre la jungle et le zoo, il existe tout simplement un espace de nouvelle civilisation qu’il faut progressivement construire ensemble.

En résumé, à quand un organe de régulation ou de corégulation efficace, un « CSA de l’internet » ?

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Voilà !