Mme Virginie Klès. Madame la présidente, madame le ministre d’État, mes chers collègues, de quoi s’agit-il aujourd’hui ? Il nous faut débattre du projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution. Les objectifs de ce texte sont de réaffirmer voire de rétablir la confiance du citoyen en sa justice, laquelle – doit-on encore le garantir et le prouver ? – est impartiale et indépendante.

Beaucoup de choses ont déjà été dites. L’originalité de mon intervention tiendra peut-être au fait que j’ai décidé d’adopter le point de vue d’un citoyen lambda, d’un simple « justiciable », pour reprendre un terme juridique, et surtout pas celui d’un juriste.

Puisqu’il s’agit de rétablir la confiance du citoyen, mettons-nous à sa place ! Demandons-nous si, pour un citoyen, ce texte est effectivement de nature à garantir l’impartialité et l’indépendance de la justice, et à le prouver. La confiance ne se décrète pas : elle se construit, mais se détruit aussi rapidement. C’est un sentiment qui se fonde sur des engagements clairs, réciproques, crédibles, suffisants, mais surtout tenus, compris et accessibles.

Ce texte traite de la composition et des modalités de fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature. Qu’est-ce que le Conseil supérieur de la magistrature pour nos concitoyens ? L’instance qui juge les juges. Cette instance a donc le devoir d’être absolument irréprochable et exemplaire. Elle a une grande valeur symbolique pour le citoyen ; elle sera le vecteur de la confiance en la justice. Dès lors, il importe d’accorder le plus grand intérêt à ce texte, à la composition du CSM et à la nomination des personnalités qualifiées, comme à son fonctionnement.

Ce texte comporte un certain nombre d’avancées, il convient de le reconnaître.

La possibilité accordée au justiciable de saisir le CSM et d’y être entendu est une avancée non négligeable, malgré la lourdeur et la complexité des procédures. Ce droit existe désormais, et il faut le faire connaître afin que les gens s’en saisissent.

J’approuve également l’amélioration de la parité entre les femmes et les hommes concernant les nominations des personnalités qualifiées. Madame le ministre d’État, en tant que femmes, nous ne pouvons que nous réjouir des avancées en la matière.

La procédure d’interdiction temporaire d’exercice applicable aux magistrats ainsi que la reconnaissance de la gravité du manquement en cas de saisine disciplinaire du CSM par les justiciables sont aussi des avancées.

Le fait que le Président de la République ne soit plus le président du CSM et le garde des sceaux son vice-président est une disposition phare du texte dont la portée est à mon sens purement symbolique, ce qui ne signifie pas qu’elle soit inutile. Le symbole permet souvent, au même titre que les effets de communication, d’intéresser le citoyen à ce type de procédure. Cette disposition est donc importante, même si elle est loin d’être suffisante.

Le fait que le chef de l’État ne préside plus le CSM ne suffit pas à garantir l’indépendance du Conseil. Plusieurs orateurs ont évoqué les conditions de nomination du secrétaire général. Le Sénat avait prévu la saisine pour avis du CSM sur cette nomination, mais cette disposition ne figure plus dans le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale. Quel dommage !

J’en viens maintenant aux nominations des personnalités extérieures. Quoi qu’on en dise, elles demeurent aux mains du pouvoir politique et soumises au fait majoritaire. Ces personnalités ont pourtant un poids important au sein du CSM ; il ne faut pas les négliger. Quel dommage, encore une fois ! Pourquoi maintenir un dispositif prévoyant uniquement l’avis du pouvoir politique en place, et ce d’autant que nous ne savons pas quelles compétences ou qualités seront requises pour siéger au CSM ?

Le CSM se doit pourtant d’être exemplaire. Il est la vitrine de la transparence et de l’indépendance de la justice. Les compétences et les qualités des personnalités extérieures devraient en conséquence être définies en amont de leur nomination. En tout cas, c’est mon opinion en tant que citoyenne.

Oui, évidemment, à l’autonomie budgétaire et financière ! Initialement proposée, puis retirée du texte, elle y est réintroduite. Il faut la garantir et la maintenir.

Sans autonomie budgétaire et financière, le Conseil supérieur de la magistrature n’est pas indépendant. Or nous voulons qu’il le soit ! En effet, comme il est la vitrine, comme il est le « juge des juges », c’est à partir de sa composition et de son fonctionnement que le citoyen appréciera l’autonomie, l’indépendance et l’impartialité de la justice. Il est donc important, essentiel même, de maintenir l’autonomie budgétaire et financière du CSM.

Sur la complexité des procédures que j’ai déjà évoquée tout à l’heure, je serai brève. J’ignore s’il faut être juriste pour simplifier les choses. Toujours est-il qu’il me paraît aujourd'hui extrêmement compliqué pour un simple citoyen de trouver la bonne porte en vue de saisir le CSM. (Mme la ministre d’État fait un signe de dénégation.) Il lui est, en tout cas, bien difficile de voir sa requête aboutir. Il y a des procédures différentes, sur lesquelles la communication n’est sans doute pas encore bien faite ; nous verrons à l’usage. Quoi qu’il en soit, les procédures actuelles me semblent tout de même relativement compliquées pour le simple citoyen.

Mais ce qui me paraît le plus important – cela a déjà été souligné tout à l’heure – et le plus sujet à caution, à discussion, voire à suspicion à propos du CSM, c’est le rôle de l’avocat.

En effet, aux termes du texte qui nous est proposé aujourd'hui, l’avocat pourra continuer d’être conseil juridique tout en siégeant au CSM. Pourquoi cette obstination ? Si le constituant a demandé qu’il y ait un avocat, il n’a pas forcément demandé qu’il soit en fonction ! On pourrait très bien imaginer un avocat honoraire. À mon sens, l’exigence du constituant portait, avant tout, sur les compétences professionnelles inhérentes à la profession d’avocat.

Nous le savons parfaitement, un avocat siégeant au CSM aura inévitablement à connaître, dans le cadre de son activité professionnelle, d’affaires impliquant des magistrats sur la carrière desquels il sera amené à se prononcer en qualité de membre du Conseil.

Pourquoi maintenir au CSM un avocat en exercice, même si on précise aujourd'hui qu’il ne pourra pas, « pendant la durée de son mandat, plaider devant les juridictions judiciaires » ? Allez donc expliquer à un citoyen lambda la subtile distinction entre le fait d’être conseil juridique et celui de plaider ! Allez lui expliquer en quoi on est plus ou moins objectif, plus ou moins partie, selon que l’on plaide ou que l’on est conseil juridique dans une autre affaire !

Pourquoi amener de la suspicion quand on affirme vouloir améliorer la transparence et la confiance ? Quel dommage ! Quel dommage, encore une fois, de ne pas aller au bout des textes, au bout de ce que l’on affirme, au bout de nos objectifs ! Quel dommage de gâcher les chances d’un réel rétablissement de la confiance, si tant est qu’il y en ait besoin, entre le citoyen et sa justice !

Il s’agit véritablement d’une obstination que, en qualité de simple citoyenne, je ne comprends pas ! Et je ne la comprendrai jamais !

À mon sens, pour rétablir la confiance entre les citoyens et une institution, le Gouvernement doit montrer l’exemple en affichant sa propre confiance à l’égard de l’institution concernée, ce qui n’est pas forcément le cas aujourd'hui.

Le Gouvernement doit également être exemplaire en matière de sanctions, lorsque c’est nécessaire, voire de non-sanctions, lorsqu‘elles ne s’imposent pas. Et, qu’il y ait ou non sanction, il faut expliquer les choix. Les décisions doivent être prises en toute transparence, sans aucun corporatisme. Or le texte qui nous est proposé ne me paraît pas en apporter la garantie. Trop d’éléments laissent encore sous-entendre que l’indépendance du CSM vis-à-vis du Gouvernement n’est pas totale, n’est pas parfaite, et que ses membres peuvent ne pas disposer de l’autonomie dont ils ont besoin pour siéger.

Je reconnais que ce texte comporte quelques avancées. À cet égard, je voudrais saluer notre rapporteur, M. Jean-René Lecerf, et rendre hommage à son obstination pour maintenir, malgré tout, un certain nombre de barrières et de garde-fous. Mais parce que le mot « dommage » est trop souvent revenu au sujet du présent projet de loi organique, je voterai contre.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, madame la ministre d’État, mes chers collègues, je centrerai mon propos sur le seul projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature. Ce texte est la conséquence immédiate et inéluctable du projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65  de la Constitution, dont nous venons d’entendre l’économie générale. Dès lors, il est inutile de revenir sur le Conseil en lui-même ou sur les modalités de désignation de ses membres.

À l’instar de tous ceux qui se sont exprimés ou qui vont s’exprimer, je voudrais regretter le retard pris dans l’adoption du projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution.

D’ailleurs, la Haute Assemblée n’avait-elle pas été mise en garde lors de l’examen en première lecture de ce texte par notre collègue rapporteur Jean-René Lecerf sur les risques qu’entraînerait un retard de cette nature ? Dans son rapport, il écrivait notamment ceci : «  La désignation du Conseil supérieur de la magistrature selon les nouvelles dispositions constitutionnelles dépend de l’adoption définitive de la présente loi organique, qui devra ensuite être soumise au Conseil constitutionnel. Si cette adoption définitive n’intervient pas avant février 2010, le mandat des membres composant actuellement le Conseil supérieur devra être prorogé. »

Février 2010 est derrière nous. L’échéance est passée, et le simple compte à rebours des délais nécessaires à la conduite des opérations électorales pour la désignation des deux collèges rend inéluctable la prorogation du mandat des membres actuels du Conseil.

Chacun s’accorde ici à regretter un tel retard, à s’étonner que le projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution, pourtant déposé sur le bureau de notre Haute Assemblée dès le mois de juin 2009 – voilà près d’un an déjà –, ait tant tardé à nous revenir.

Comme nombre de nos collègues, sur toutes les travées, nous nous inquiétons de l’encombrement de l’ordre du jour du Parlement et du nombre croissant des textes qui y sont inscrits. Outre qu’ils sont inaboutis, ils sont trop souvent appelés en urgence, ce que nous dénonçons chaque fois. Et les textes réglementaires qui devraient être pris pour leur application tardent à être élaborés !

Sans épiloguer plus longuement sur un constat qui me paraît unanimement partagé, je voudrais, au nom du groupe auquel j’appartiens, et qui votera ce texte, former le vœu que le dysfonctionnement relevé aujourd'hui – il n’était malheureusement pas inédit ; faut-il rappeler le tout récent cas de la prorogation du mandat du Médiateur de la République ? – reste bien exceptionnel. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je m’appesantirai d’autant moins sur ces textes que les sujets en cause ont déjà fait l’objet d’un certain nombre de discussions et que nous aurons l’occasion, lors de l’examen des amendements, de revenir sur quelques-unes des remarques formulées.

Je souhaite néanmoins répondre, ne serait-ce que sommairement, à certaines observations ou critiques qui ont été émises.

Je passe rapidement sur les reproches exprimés par Mme Borvo Cohen-Seat, car nous les retrouverons, pour la plupart, dans ses amendements. Je souhaite toutefois relever un ou deux points.

Madame la sénatrice, vous avez évoqué le partage des voix en cas de décision de transmission à la formation de jugement.

Bien entendu, le problème n’est pas du tout le même lorsqu’il s’agit de la commission d’admission des requêtes. En l’occurrence, ce n’est pas un doute qui profite à l’accusé. La fonction de la commission d’admission des requêtes se limite à vérifier si les conditions objectives et précises sont effectivement remplies. C’est dire qu’il s’agit là d’une simple instance de filtre. Il est normal que la formation de jugement soit saisie en cas de partage des voix. C’est elle qui va garantir l’effectivité de la saisine du CSM par le justiciable et décider de ce qu’il en est.

La question de la désignation de l’avocat a également été abordée sous différents angles. Vous avez notamment insisté, madame la sénatrice, sur les conditions de sa nomination.

Je le rappelle, le Conseil national des barreaux représente l’ensemble des avocats. Il paraît donc normal de confier au président de cette instance, qui rassemble toutes les garanties puisqu’il est élu par les membres de ce Conseil, le soin de désigner l’avocat membre du CSM.

D’ailleurs, je rappelle que le choix sera validé par l’Assemblée nationale et le Sénat. Ne faisons pas comme s’il s’agissait de nominations abstraites ou arbitraires ! Vous exercerez tous un contrôle sur les personnalités qui seront désignées pour siéger au sein du Conseil supérieur de la magistrature.

À l’instar d’un certain nombre d’entre vous, M. Zocchetto a regretté que toutes les lois découlant de la révision constitutionnelle n’aient pas encore été soumises au vote des deux assemblées.

Pour ma part, je me suis occupée du texte dont nous débattons aujourd'hui dès mon arrivée à la Chancellerie. Mais, vous le voyez bien, même avec une véritable volonté d’accélération, ce qui était mon cas dès le départ, il faut un certain temps pour que les textes puissent être examinés.

Comme je m’y suis engagée devant la Haute Assemblée, et notamment devant M. le président de la commission des lois, ici présent, je déposerai un projet de loi sur la responsabilité pénale du Président de la République d’ici au mois de juin. Je l’ai dit, et je le ferai !

Pour autant, il est également vrai que nous sommes confrontés à une certaine lourdeur des procédures parlementaires. En outre, il y a un réel besoin de contrôle, ce qui prend du temps.

Mais tout cela ne doit pas non plus nous empêcher d’adopter un certain nombre de textes nécessaires à la modernisation de notre pays.

Notre société bouge beaucoup. Nous avons donc besoin que la France se modernise pour pouvoir faire face aux défis et concurrences de toutes sortes auxquels nous sommes confrontés. Des initiatives s’imposent dans un grand nombre de domaines.

M. Michel a immédiatement tracé le cadre en précisant d’emblée qu’il voterait contre un texte déposé en application d’une révision constitutionnelle à laquelle il s’était opposé. Dans ces conditions, nous savons les uns et les autres à quoi nous en tenir !

Pour autant, il a également formulé un certain nombre de remarques portant plus particulièrement sur le mode de désignation du secrétaire général du CSM.

Monsieur le sénateur, énormément de hauts fonctionnaires sont nommés par le Président de la République et par décret.

En outre, il y a, dans le cas précis, des garanties supplémentaires. Ce qui compte, ce n’est pas le formalisme de la nomination par décret ; ce sont les conditions de sa proposition. Or je vous rappelle que le secrétaire général est nommé sur proposition conjointe du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près cette même cour.

Par ailleurs, il convient également, me semble-t-il, de relativiser les choses. Il est faux de dire que le secrétaire général joue un rôle essentiel ou déterminant au sein du CSM. Il n’a aucun pouvoir de décision ! Il assure simplement le secrétariat du CSM et il assiste les présidents des formations. Il joue donc un rôle administratif et remplit une fonction de gestion. Certes, c’est important. Ce n’est pas moi qui vous dirai que le soutien n’est pas important ! Mais il ne faut pas non plus donner à ce rôle une signification qu’il n’a pas.

Monsieur Michel, vous avez également évoqué, tout comme d’ailleurs M. Mézard, la réforme de la procédure pénale. Pour ma part, je veux bien en parler et je la défendrai ! Après tout, si j’ai pris l’initiative d’une telle réforme, c’est pour qu’elle soit la meilleure possible. Et je n’accepte pas un certain nombre de présupposés, de critiques a priori ou de critiques avec des a priori.

Mais, comme M. Gélard l’a clairement rappelé, tel n’est pas l’objet du texte que nous examinons aujourd'hui.

L’heure d’évoquer la réforme de la procédure pénale viendra, et je vous promets que nous aurons de vrais débats à cette occasion. Je vous ferai alors part de mes convictions profondes : cette réforme représente une véritable avancée pour les libertés publiques, pour la garantie de la défense, notamment parce qu’elle va considérablement renforcer les droits des victimes. Et elle permettra une meilleure administration de la justice, qui n’est pas toujours comprise de nos concitoyens aujourd'hui.

Je pense que cette réforme est porteuse d’avancées considérables. J’entends les différents acteurs de ce débat. Pour l’instant, nous sommes dans la phase de la concertation. J’en retiendrai les meilleures propositions, mais je ne transigerai pas. Je suis prête à aborder tous les débats, y compris les problèmes de statut du parquet, même si le sujet ne fait pas partie de la réforme de la procédure pénale.

En la matière, il y aurait, en effet, beaucoup à dire. Pour ma part, je suis sûre de mes convictions et de ce qu’il faut faire. Discutons-en et nous verrons, argument contre argument, qui a raison ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Monsieur Mézard, vous avez déploré que le Gouvernement ne tienne pas les délais. Soyez-en assuré, je suis la première à regretter que les textes dont j’ai la responsabilité ne soient pas examinés plus rapidement. Je regrette aussi que nous ne puissions pas en débattre plus longuement. C’est que ces textes sont nombreux, car il y a beaucoup à faire pour conforter la place et le rôle de la justice au sein de nos institutions, pour rapprocher la justice du citoyen et pour développer la confiance de ce dernier envers elle.

Mais il y a également beaucoup à faire dans d’autres domaines, et il est normal que les assemblées puissent traiter en toute sérénité de tous les sujets. Il ne me revient pas de bousculer l’ordre du jour du Parlement !

Vous avez, vous aussi, exprimé votre opposition à la réforme de la procédure pénale. Nous en reparlerons, comme je vous l’ai dit, et nous verrons bien. Au final, les parlementaires choisiront. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas très bien saisi la relation que vous faisiez entre l’affaire d’Outreau et l’indépendance du CSM. Sans doute me l’expliquerez-vous à une autre occasion.

Vous avez soulevé le problème de la nomination d’un avocat au sein du CSM et vous avez évoqué les interdictions qui lui sont faites d’exercer une partie de sa profession.

Nous aborderons ce point lorsque nous examinerons les amendements, mais il me semble qu’interdire toute activité à un avocat reviendrait à obliger le Conseil national des barreaux à désigner un avocat honoraire, ce qui ne me paraît absolument pas conforme à l’esprit du constituant. Ce n’est pas non plus ce que prévoit le texte de la Constitution. Cette restriction de lege ou implicite pourrait aboutir à une censure du Conseil constitutionnel. C’est la raison pour laquelle je n’y suis pas favorable.

Par ailleurs, vous avez regretté l’absence d’aide juridictionnelle pour les personnes qui souhaitent se plaindre du comportement d’un juge auprès du Conseil supérieur de la magistrature. Je vous rappelle que ce dernier peut être saisi par simple courrier. Il n’y a donc nul besoin d’être assisté d’un avocat. Nous avons justement voulu rompre avec toutes nos habitudes et simplifier, en la matière, la relation entre le citoyen et la justice.

M. Masson a, lui aussi, regretté les délais de mise en œuvre des textes, y compris pour les décrets d’application.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il n’est pas là !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Il est certes déjà parti,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Un petit tour, et puis s’en va !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. … mais je lui répondrai tout de même !

En ce qui concerne les textes dont j’ai la charge, je m’évertue aussi souvent que possible à présenter au Parlement les projets de décrets d’application en même temps que les projets de loi. Je l’ai fait à plusieurs reprises, car c’est pour moi une façon d’éclairer le Parlement. Je ne pense pas que le ministère de la justice ait beaucoup de retard en la matière. Cette critique me paraît donc parfaitement injustifiée.

Revenir sur la réforme de la procédure pénale, ce n’était pas forcément évoquer les projets de loi organique que nous examinons aujourd’hui. En tout cas, je ne saurais admettre que M. Masson parle de procureurs de la République « aux ordres ». Il s’agit d’une affirmation totalement dénuée de fondement. Elle est injurieuse à l’égard des procureurs dont la personnalité et l’image ne méritent pas de telles appréciations ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.) Elle est totalement contraire à la réalité que nous constatons chaque jour. Parler de honte pour la République est plutôt honteux pour l’auteur de tels propos ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Gélard nous a, comme à son habitude, fait une brillante démonstration juridique et constitutionnelle. Je l’en remercie. Il a évoqué, de même que M. Zocchetto, le problème de l’autonomie financière. Ce débat, nous l’avons déjà eu et nous l’aurons sans doute encore.

Je rappelle que la révision constitutionnelle n’a pas eu pour conséquence d’ériger le CSM en pouvoir constitutionnel, au même titre que le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République.

S’agissant d’autorités de natures juridiques différentes, il n’est pas normal d’envisager de faire figurer le budget du Conseil supérieur de la magistrature sur le même plan que le budget de ces deux autres instances.

Cela dit, mon problème n’est pas de savoir dans quelles missions seront inscrits les 2,2 millions d’euros du Conseil supérieur de la magistrature. Mais une autonomie totale signifierait que le président du Conseil supérieur de la magistrature devrait aller défendre son propre budget devant les fonctionnaires du ministère du budget. Que pèserait-t-il alors avec ses 2,2 millions d’euros ? Tel est le véritable problème !

Mon souci est de conserver au Conseil supérieur de la magistrature ses pouvoirs d’action, voire de rayonnement et de diffusion à l’extérieur.

Or si le budget du CSM, dont vous examinez et contrôlez le montant chaque année, reste dans un ensemble plus vaste, il sera plus facilement abondé. On ne chipotera pas sur de telles sommes si elles sont comprises à l’intérieur de la mission « Justice ». Croyez-moi, je commence à avoir quelque expérience des négociations avec l’administration du ministère du budget ! Que les crédits du CSM continuent de figurer dans la mission « justice » me paraît constituer une protection supplémentaire pour cette institution.

Nous en reparlerons tout à l’heure au sujet d’un amendement qui a été déposé. Il peut, en effet, paraître gênant que les crédits du CSM dépendent de la direction chargée d’établir les propositions de nomination sur lesquelles le CSM doit se prononcer. Peut-être pourrions-nous trouver des moyens d’éviter tout risque en la matière ? Je suis prête à en discuter avec vous. Quoi qu’il en soit, inscrire ce tout petit budget sur une ligne complètement autonome me paraît encore plus dangereux pour l’institution !

Monsieur Gélard, je pense vous avoir répondu sur la question du statut pénal du chef de l’État puisque le texte est finalisé. Comme je m’y étais engagée devant le Président de la République, il sera déposé d’ici quelques brèves semaines.

Vous avez eu, madame Klès, une démarche intéressante puisque vous avez choisi d’adopter le point de vue du non-juriste. Bien que juriste, je fais souvent comme vous lorsque je rédige des textes, car la loi est faite pour tout le monde. Cela relève du sens démocratique que de permettre à tout citoyen, même dépourvu de toute connaissance juridique, de comprendre les textes et le fonctionnement des institutions.

De ce point de vue, les projets de loi organique comportent des avancées très sensibles, y compris en termes de compréhension et de confiance entre l’institution judiciaire et le citoyen.

Par ailleurs, vous avez exprimé votre opposition sur un certain nombre de points.

J’ai déjà évoqué les raisons qui justifient les conditions de la nomination du secrétaire général et les garanties qui entourent cette nomination. Je le répète une fois encore, le secrétaire général ne joue pas un rôle essentiel. Aucune fonction décisionnelle ne lui est dévolue.

En ce qui concerne les personnalités extérieures, je vous rappelle, madame la sénatrice, un point que vous avez oublié : chacune des personnalités extérieures sera, certes, nommée par le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat, mais ces nominations seront désormais soumises à l’approbation des commissions des deux assemblées. Ces conditions sont lourdes et sévères, ce qui change tout ! Vous disposez donc des garanties d’indépendance que vous réclamiez.

Je ne reviens pas sur l’autonomie budgétaire et financière du CSM.

La saisine vous paraît compliquée ? Je l’ai déjà souligné, une lettre du justiciable suffit !

La place de l’avocat ? Simple membre du CSM, il ne décidera pas seul d’une nomination. C'est la raison pour laquelle son poids, que ce soit à l’intérieur de l’institution ou sur l’image diffusée à l’extérieur, ne sera pas très important.

Enfin, je remercie Mme Escoffier du vote qu’elle a annoncé. Elle a, elle aussi, parlé du retard des textes législatifs et réglementaires. Je vous confirme, madame, mon souhait que nous allions le plus vite possible, tout en respectant totalement les consultations des commissions et le temps normal de délibération des assemblées.

Je le répète, le ministère de la justice s’efforcera de toujours soumettre au Parlement les textes réglementaires soit en même temps que les projets de loi, soit dans les meilleurs délais possibles. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants pour permettre les derniers préparatifs de la retransmission par Public Sénat et France 3 des questions cribles thématiques sur le logement, point suivant de l’ordre du jour.

Nous reprendrons la discussion des présents projets de loi organique à dix-huit heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

 
 
 

M. le président. La séance est reprise.

 
 
 

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Questions cribles thématiques

logement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur le logement.

L’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut éventuellement être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole. À cet effet, des afficheurs de chronomètres ont été installés à la vue de tous.

Je rappelle que cette séance de questions cribles est diffusée en direct sur Public Sénat et sera rediffusée ce soir sur France 3. Nous serons heureux de retrouver les téléspectateurs !

La parole est à M. François Zocchetto.

M. François Zocchetto. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, va-t-on attendre que les quartiers s’embrasent encore pour agir contre les ghettos ?

La racine du mal réside dans ces communes faites de grands ensembles d’HLM et de squares devenus terrains vagues, souvent classées en zones urbaines sensibles. Cet héritage urbain, nous devons le réformer d’urgence. Pour en venir à bout, une véritable politique de mixité en matière de logement s’impose. Je considère que le fer de lance de cette politique peut être l’accession à la propriété.

La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, a fixé des quotas en matière de logements sociaux : très bien ! Mais aucun quota équivalent n’existe pour l’accession à la propriété : c’est un problème.

Oui, c’est un problème que les communes les moins favorisées n’atteignent pas le taux de 20 % de logements sociaux en accession à la propriété, alors que tout devrait être fait pour le permettre ! Autrement dit, il faudrait poursuivre l’objectif d’avoir autant de logements sociaux au sein de la commune que de logements en accession à la propriété au sein du parc social.

Je le sais, la vente des logements HLM à leurs occupants exige de nombreuses opérations à tiroirs et, surtout, beaucoup d’énergie. De plus, comme ces logements sortent des quotas de logements sociaux, l’accession à la propriété pénalise la commune au regard des exigences de la loi SRU.

Nous avons déjà eu l’occasion de remédier à ce dernier effet pervers lors de la discussion du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite loi MOLLE. Son article 17 prévoyait l’intégration temporaire des logements en accession sociale à la propriété dans le décompte des logements pris en compte pour l’application de l’article 55 de la loi SRU. Malheureusement, cet article n’a pas été adopté.

Monsieur le secrétaire d’État, allez-vous présenter à nouveau une mesure de ce type ou, plus généralement, un plan en faveur de l’accession à la propriété dans les communes où la mixité sociale fait le plus défaut ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme. Monsieur le sénateur, votre question est absolument fondamentale. Si nous souhaitons changer la vie dans les quartiers, il faut y introduire le maximum de mixité sociale.

M. Guy Fischer. En luttant contre la pauvreté !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Comment améliorer cette mixité ? En faisant progresser le taux de propriétaires dans les quartiers. Le Gouvernement souhaite engager cette évolution avec le concours de la Haute Assemblée.

Que pouvons-nous faire ? La première action à entreprendre est une grande réforme de l’accession à la propriété, notamment en faveur des plus modestes et des familles moyennes. J’aurai l’occasion de m’exprimer tout à l’heure sur ce sujet.

La deuxième action que j’envisage – vous l’avez d’ailleurs évoquée – est la vente de logements HLM.

M. Guy Fischer. Vendre le patrimoine !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. La vente de logements HLM est l’un des objectifs de la politique que je poursuis,…

M. René-Pierre Signé. Cela ne marche pas !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. … parce qu’il me semble naturel que le locataire d’un logement HLM ait le droit, comme tout le monde, de devenir propriétaire de son logement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est risible !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Cette vente, importante en termes de mixité, apporte en outre au locataire un élément de sécurisation. Elle va aussi aider les organismes de logement social à constituer des fonds propres, leur permettant ainsi de développer la construction.

M. Guy Fischer. Ils seront notoirement insuffisants !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Aujourd’hui, les logements HLM vendus restent décomptés, pendant cinq ans, dans le fameux quota de 20 % prévu par l’article 55 de la loi SRU. Cette réponse nous paraît satisfaisante pour accélérer le processus de vente de logements HLM.

M. René-Pierre Signé. Il y a bien peu de candidats !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Puisque j’entends, sur certaines travées de cette assemblée, des critiques contre la vente des logements HLM, je voudrais rappeler un élément : à Roubaix, l’ensemble des partenaires sociaux – je dis bien « l’ensemble » – se sont engagés à vendre 1 % de leur parc HLM, à l’horizon de 2016, comme le souhaite le Gouvernement. Les organismes du « 1 % logement » ont pris cette décision il y a quelques jours.

M. Pierre-Yves Collombat. Se sont-ils aussi engagés à construire ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. De la même façon, les sept plus gros bailleurs sociaux français se sont engagés à vendre 1 % de leur parc, pour la simple raison qu’un locataire HLM a, je le répète, le droit de devenir propriétaire comme tout le monde.

M. Pierre-Yves Collombat. Pour sous-louer !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. C’est ainsi que nous renforcerons la mixité sociale des quartiers ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le secrétaire d’État, votre ministère paraît avoir privilégié une politique de découpage du territoire entre zones de marché « tendu » et de marché « détendu », avec la volonté de privilégier les efforts en faveur des premières, selon des critères qui nous semblent discutables. Ce type de schéma est toujours en partie arbitraire, d’autant que de fortes disparités existent souvent au sein d’un même département.

On risque ainsi de tourner le dos à une politique d’aménagement du territoire qui justifierait l’adoption d’une politique dynamique du logement dans des départements où la démographie décline, mais où l’espace est important, le taux de chômage plus faible que la moyenne, et la sécurité exemplaire.

Avez-vous l’intention de cantonner les zones « détendues » dans le logement des ménages très précaires, souvent insolvables, en fragilisant les organismes d’habitat social auxquels vous demandez de vendre le patrimoine à l’occupant ?

A contrario, dans les zones « tendues », vous favorisez les particuliers utilisant le dispositif Scellier pour investir dans l’immobilier locatif, aboutissant ainsi à une discrimination territoriale. Je puis vous dire, en tant que président d’une agglomération d’environ 57 000 habitants, que nous supportons mal de voir des citoyens aisés aller investir sur d’autres territoires relevant du dispositif Scellier. Allez-vous remédier à ce déséquilibre ?

Enfin, le doublement du prêt à taux zéro doit, à partir du 1er juillet 2010, s’appliquer uniquement aux projets labellisés BBC, destinés aux bâtiments à basse consommation. Prévoyez-vous de reporter d’au moins un an cette réforme, laissant ainsi aux professionnels le temps de s’adapter pour être en mesure de se conformer aux exigences BBC à moindre coût, ce qui permettrait le maintien de l’activité ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.