M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais si !

M. Daniel Marsin. C’est le point le plus délicat de ce projet de loi.

Les dispositions proposées par la commission mixte paritaire sont nécessaires, mais suffiront-elles à apporter des solutions aux trop nombreuses difficultés que rencontrent les entrepreneurs individuels pour accéder au financement bancaire ? Créer son entreprise, hier, c’était faire un pari – souvent gagné – sur la réussite économique ; aujourd’hui, c’est de plus en plus souvent un moyen d’affronter les difficultés sociales du présent, sans avoir la garantie de recevoir un soutien financier reposant sur la confiance.

Je considère pour ma part que ce texte constitue une avancée considérable. Toutefois, faute d’être convaincue de son efficacité, la majorité de mes collègues du groupe du RDSE s’abstiendra lors du vote final. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme l’ont souligné les orateurs qui m’ont précédé à cette tribune, cette réforme était attendue depuis plus de trente ans.

L’introduction de la notion de patrimoine d’affectation constitue une avancée très intéressante qui ne peut que conforter l’esprit d’entreprise dont notre pays a tant besoin.

Globalement, ce projet de loi me semble satisfaisant. Je me réjouis que les spécificités du monde agricole aient été mieux prises en compte. Nombreux sont les agriculteurs de mon département qui m’ont interrogé sur ce sujet. Ils auraient été choqués, et à juste titre, que leur profession reste éloignée du dispositif. J’ai pu constater, non sans une certaine surprise, que les « élus de base », c’est-à-dire les maires, leurs adjoints, les conseillers municipaux, avaient suivi attentivement le fil des débats parlementaires, car je pensais qu’ils se focalisaient plutôt sur le vote final.

En revanche, je suis très réservé sur le principe de l’opposabilité rétroactive, qui constitue d’ailleurs le point principal de divergence entre le Sénat et l’Assemblée nationale. La commission mixte paritaire a adopté une position intermédiaire, ce qui ne me paraît pas sain.

De mon point de vue, les engagements et contrats préexistants au vote de la loi doivent continuer de bénéficier des garanties antérieures et tous ceux qui seront conclus postérieurement à ce vote doivent relever du nouveau régime.

J’étais absolument opposé à la position qu’avait adoptée l’Assemblée nationale et je reste réservé quant aux dispositions retenues par la commission mixte paritaire à cet égard.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte élaboré par la commission mixte paritaire ne nous a pas conduits à modifier le regard que nous avons d’emblée porté sur le projet de loi relatif à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

Certes, il est temps de remettre en question le dogme de l’unicité du patrimoine pour assurer aux entrepreneurs et à leur famille une protection en cas de faillite. Mais revenir sur l’une des pierres angulaires du droit civil français en instituant un « patrimoine affecté » ne suffit pas.

Pour porter ses fruits, cette petite révolution de la théorie du droit aurait dû s’accompagner d’une protection du patrimoine personnel des entrepreneurs et organiser leur accès réel au financement. Or, il n’en est rien. Le texte ne prévoit aucun mécanisme destiné à garantir vraiment la protection du patrimoine personnel. La déclaration d’insaisissabilité a même failli disparaître, et il est heureux que la commission mixte paritaire ait adopté un amendement visant à supprimer l’article prévoyant l’extinction de ce mécanisme.

En ce qui concerne l’accès au crédit, le texte n’empêche absolument pas les banques de demander des sûretés réelles assises sur le patrimoine personnel des entrepreneurs.

On essaie de nous convaincre que les dispositions relatives au statut d’OSEO, adoptées sans vrai débat et retenues par la commission mixte paritaire, sont destinées à donner à cet organisme les moyens « de jouer pleinement son rôle dans le soutien aux entreprises et ainsi de permettre le succès de l’EIRL » en leur assurant un accès au crédit.

Nous ne sommes pas dupes. En fait, ces dispositions n’ont aucun lien avec le projet de loi et ne visent pas les finalités évoquées par M. le rapporteur. Cela a été rappelé lors des travaux de la commission mixte paritaire, comme l’a souligné M. Richard Yung qui avait, comme nous, déposé un amendement de suppression de ces dispositions.

La version finale du projet de loi ne nous convient donc pas davantage que sa rédaction initiale. Elle nous semble même encore moins satisfaisante. Ainsi, les modifications apportées à l’article 1er, relatif à l’opposabilité de la réduction du gage consécutive à la création d’un patrimoine affecté aux créanciers dont les droits sont nés avant cette affectation, ne nous paraissent pas être de nature à garantir une information suffisante desdits créanciers.

Le nouvel article 1er adopté en commission mixte paritaire prévoit une opposabilité de l’affectation et entend l’encadrer en assurant l’information des créanciers, mais il renvoie à l’adoption d’un décret pour l’organisation des modalités concrètes de cette information. Nous ne pouvons que déplorer cette délégation au pouvoir réglementaire qui a manifestement constitué la seule solution pour que la commission mixte paritaire trouve une issue à ce blocage. Concrètement, cette question reste en suspens.

L’article 1er bis AA donne aux mineurs la faculté de créer une entreprise individuelle et d’être ainsi titulaire d’un patrimoine d’affectation. Cet article modifie donc substantiellement quatre articles du code civil et un article du code de commerce, une nouvelle fois sans qu’un réel débat ait eu lieu et sans que l’on ait pris le temps de mesurer les conséquences de ces révisions.

Le Gouvernement cautionne ces modifications, considérant que, à l’heure actuelle, les jeunes « veulent créer leur entreprise » et que doit cesser la « défiance française envers les entreprises ». Le risque d’instrumentalisation des enfants par des parents qui pourraient être tentés de les utiliser pour créer des patrimoines d’affectation ne paraît avoir retenu l’attention de personne.

Dans la mesure où nous n’avons pas la certitude que le statut de l’EIRL constituera une réelle opportunité pour les 1 400 000 entrepreneurs exerçant en nom propre – auxquels il faut ajouter 320 000 auto-entrepreneurs –, nous voterons contre ce texte.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, comme l’ont souligné certains intervenants, la commission mixte paritaire a apporté des progrès assez significatifs au présent projet de loi.

La question du patrimoine unique, que j’avais soulevée lors de la discussion du texte en première lecture, a fait l’objet d’un compromis, grâce à un amendement du rapporteur, qui s’est… je n’ose dire « rendu », car ce terme a une connotation militaire et désagréable…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ah non ! J’ai gagné !

M. Richard Yung. Disons, monsieur le rapporteur, que vous avez été convaincu par mes arguments sur l’opposabilité.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Absolument !

M. Richard Yung. C’est ainsi qu’une date de revoyure, en quelque sorte, est fixée à 2013. Nous sommes revenus à une conception plus saine de l’insaisissabilité.

Nous avons quelque peu progressé en matière d’opposabilité des créances antérieures, mais le dispositif résultant des travaux de la commission mixte paritaire risque d’être difficile à mettre en œuvre, en particulier quant à l’obligation d’avertir personnellement l’ensemble des créanciers, tant il s’apparente en fait à une usine à gaz.

La protection du patrimoine personnel soulève, nous en sommes tous conscients, une vraie question : celle du risque. Certes, le risque est inhérent à l’activité du créateur d’entreprise. Doit-on pour autant accepter qu’une personne qui se lance dans les affaires, qui représente ce qu’il est convenu d’appeler les forces vives de la nation, se trouve confrontée au risque, qui me paraît excessif, de perdre sa voiture, sa maison, sa femme, de voir sa famille brisée et, finalement, de tomber dans l’opprobre du ruisseau ? Il s’agit là d’un problème bien réel, monsieur le secrétaire d’État, et vous avez raison de vouloir le traiter.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Je vous remercie !

M. Richard Yung. Je considère, pour ma part, que les moyens de remédier à cette situation existent déjà, mais qu’ils ne sont pas utilisés. Je pense, par exemple, à la déclaration d’insaisissabilité qui a, jusqu’à présent, plutôt mal fonctionné.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Elle monte en puissance !

M. Richard Yung. Est-ce lié à un défaut de pédagogie ? Les chambres de commerce n’ont-elles pas été assez actives ? Je l’ignore. En tout état de cause, la déclaration d’insaisissabilité est une réalité.

C’est un défaut bien français que d’empiler les systèmes juridiques. Lorsque nous rencontrons une difficulté, nous légiférons. En l’occurrence, nous créons un nouveau statut. Selon les recherches auxquelles je me suis livré, les sociétés de petite taille ont le choix entre sept ou huit statuts différents, entre autres l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, ou EURL, la société en nom collectif, ou SNC, la société à responsabilité limitée, ou SARL, l’entreprise personnelle. Je ne sais pas comment les créateurs d’entreprise, qui ne sont évidemment pas des juristes, parviennent à s’y retrouver.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ils sont conseillés !

M. Richard Yung. Sans doute, mais ils ne sont pas très riches…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ils n’ont pas besoin d’être riches ! Il y a des organismes qui sont là pour les conseiller !

M. Richard Yung. Quoi qu’il en soit, nous empilons les dispositifs. Je ne suis pas convaincu que nous nous orientions dans la voie de la simplicité, qui est pourtant l’un des objectifs que vous vous êtes fixés, monsieur le secrétaire d'État.

Je ne suis pas persuadé que le problème français réside vraiment dans la création d’entreprises. Nous sommes déjà des champions dans ce domaine, puisque notre pays est, en Europe, l’un de ceux où se créent le plus d’entreprises. En revanche, nous rencontrons de grandes difficultés pour passer au stade suivant. Nous ne possédons ni la culture ni le système bancaire et financier nécessaires pour permettre aux jeunes entreprises de prospérer. Nous nous heurtons très vite au plafond de verre de la très petite entreprise qui, parvenue à cinq, six ou dix salariés, ne croît plus. C’est là que réside notre vrai problème, mais je n’insisterai pas sur ce sujet, car il ne relève pas du champ du projet de loi.

Je ne suis pas davantage persuadé que les dispositions du présent texte aideront l’entrepreneur individuel dans sa quête de financement. D’une manière ou d’une autre, les banques continueront de demander des garanties. Le soutien d’OSEO sera certes utile, mais le dispositif qui est envisagé ne me semble pas de nature à remédier aux difficultés de financement que rencontrent les entrepreneurs.

J’aborderai à présent les raisons de fond qui motivent nos réserves, voire notre hostilité à ce projet de loi.

En premier lieu, nous créons de nouvelles niches fiscales. Vous me répondrez sans doute que les montants en cause ne sont pas énormes. Je l’admets. On évoque en effet des sommes qui se situent entre 50 et 100 millions d'euros. Il n’en demeure pas moins que nous ne souhaitons pas envoyer un tel message au pays. Dans la période actuelle, marquée par une grande austérité, par de sévères réductions des dépenses, la création de niches fiscales est à bannir, au même titre que les exonérations de cotisations.

En deuxième lieu, et cette raison est peut-être plus importante encore, un système de précarité croissant se développe dans les relations du travail. Nous le savons tous, les employeurs exercent des pressions parfois non négligeables sur certaines catégories de salariés, afin qu’ils optent pour la création d’une EURL, pour le statut de l’auto-entrepreneur – et, demain, de l’EIRL –, et assument ainsi eux-mêmes une part du risque et des cotisations correspondantes.

Si le choix du statut de l’EIRL ou de l’auto-entrepreneur pour mener une activité de complément, à temps partiel ou annexe, peut se comprendre, il n’en est pas de même quand il s’agit d’une activité principale. N’oublions pas que le revenu mensuel moyen de l’auto-entrepreneur oscille entre 750 et 800 euros. (M. le secrétaire d’État s’exclame.)

Nous sommes donc confrontés à un vrai problème de fond dans l’organisation de la société française.

En dernier lieu, j’évoquerai pour mémoire, deux cavaliers qui, je l’admets bien volontiers, ne font pas figure d’Apocalypse ! (Sourires.)

Il s’agit d’abord de la restructuration juridique complète d’OSEO, ce qui n’est pas rien. L’organisation d’un débat préalable, à l’Assemblée nationale et au Sénat, nous aurait permis de connaître les intentions du Gouvernement en la matière.

Il s’agit ensuite de la transcription d’une directive européenne, sur laquelle le Gouvernement a pris beaucoup de retard. C’est pour cela que je suis très inquiet quant au respect du délai de six mois, monsieur le secrétaire d’État.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pourquoi ?

M. Richard Yung. Nous avons du retard dans la transcription de toutes les directives !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il s’agit d’une ordonnance !

M. Richard Yung. Pour toutes les raisons que j’ai évoquées, vous comprendrez que nous ne votions pas le présent projet de loi dans la rédaction de la commission mixte paritaire.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est bien dommage !

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue par un seul vote sur l’ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée
Article 1er bis AA

Article 1er

Le chapitre VI du titre II du livre V du code de commerce est ainsi modifié :

1° Au début, est insérée une section 1 intitulée : « De la déclaration d'insaisissabilité », comprenant les articles L. 526-1 à L. 526-5 ;

2° Il est ajouté une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

« De l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée

« Art. L. 526-6. - Tout entrepreneur individuel peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d'une personne morale.

« Ce patrimoine est composé de l'ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire, nécessaires à l'exercice de son activité professionnelle. Il peut comprendre également les biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire, utilisés pour l'exercice de son activité professionnelle et qu'il décide d'y affecter. Un même bien, droit, obligation ou sûreté ne peut entrer dans la composition que d'un seul patrimoine affecté.

« Pour l'exercice de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté, l'entrepreneur individuel utilise une dénomination incorporant son nom, précédé ou suivi immédiatement des mots : “entrepreneur individuel à responsabilité limitée” ou des initiales : “EIRL”.

« Art. L. 526-6-1. - La constitution du patrimoine affecté résulte du dépôt d'une déclaration effectué :

« 1° Soit au registre de publicité légale auquel l'entrepreneur individuel est tenu de s'immatriculer ;

« 1° bis Soit au registre de publicité légale choisi par l'entrepreneur individuel  en cas de double immatriculation ; dans ce cas, mention en est portée à l'autre registre ;

« 2° Soit, pour les personnes physiques qui ne sont pas tenues de s'immatriculer à un registre de publicité légale ou pour les exploitants agricoles, à un registre tenu au greffe du tribunal statuant en matière commerciale du lieu de leur établissement principal.

« Art. L. 526-7. - Les organismes chargés de la tenue des registres mentionnés à l'article L. 526-6-1 n'acceptent le dépôt de la déclaration visée au même article qu'après avoir vérifié qu'elle comporte :

« 1° Un état descriptif des biens, droits, obligations ou sûretés affectés à l'activité professionnelle, en nature, qualité, quantité et valeur ;

« 2° La mention de l'objet de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté. La modification de l'objet donne lieu à mention au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 526-6-1 ;

« 3° Le cas échéant, les documents attestant de l'accomplissement des formalités visées aux articles L. 526-8 à L. 526-10.

« Art. L. 526-8. - L'affectation d'un bien immobilier ou d'une partie d'un tel bien est reçue par acte notarié et publiée au bureau des hypothèques ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au livre foncier de la situation du bien. L'entrepreneur individuel qui n'affecte qu'une partie d'un ou de plusieurs biens immobiliers désigne celle-ci dans un état descriptif de division.

« L'établissement de l'acte notarié et l'accomplissement des formalités de publicité donnent lieu au versement d'émoluments fixes dans le cadre d'un plafond déterminé par décret.

« Lorsque l'affectation d'un bien immobilier ou d'une partie d'un tel bien est postérieure à la constitution du patrimoine affecté, elle donne lieu au dépôt d'une déclaration complémentaire au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 526-6-1. L'article L. 526-7 est applicable, à l'exception des 1° et 2°.

« Le non-respect des règles prévues au présent article entraîne l'inopposabilité de l'affectation.

« Art. L. 526-9. - Tout élément d'actif du patrimoine affecté, autre que des liquidités, d'une valeur déclarée supérieure à un montant fixé par décret fait l'objet d'une évaluation au vu d'un rapport annexé à la déclaration et établi sous sa responsabilité par un commissaire aux comptes, un expert-comptable, une association de gestion et de comptabilité ou un notaire désigné par l'entrepreneur individuel. L'évaluation par un notaire ne peut concerner qu'un bien immobilier.

« Lorsque l'affectation d'un bien visé au premier alinéa est postérieure à la constitution du patrimoine affecté, elle fait l'objet d'une évaluation dans les mêmes formes et donne lieu au dépôt d'une déclaration complémentaire au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 526-6-1. L'article L. 526-7 est applicable, à l'exception des 1° et 2°.

« Lorsque la valeur déclarée est supérieure à celle proposée par le commissaire aux comptes, l'expert-comptable, l'association de gestion et de comptabilité ou le notaire, l'entrepreneur individuel est responsable, pendant une durée de cinq ans, à l'égard des tiers sur la totalité de son patrimoine, affecté et non affecté, à hauteur de la différence entre la valeur proposée par le commissaire aux comptes, l'expert-comptable, l'association de gestion et de comptabilité ou le notaire et la valeur déclarée.

« En l'absence de recours à un commissaire aux comptes, à un expert-comptable, à une association de gestion et de comptabilité ou à un notaire, l'entrepreneur individuel est responsable, pendant une durée de cinq ans, à l'égard des tiers sur la totalité de son patrimoine, affecté et non affecté, à hauteur de la différence entre la valeur réelle du bien au moment de l'affectation et la valeur déclarée.

« Art. L. 526-10. - Lorsque tout ou partie des biens affectés sont des biens communs ou indivis, l'entrepreneur individuel justifie de l'accord exprès de son conjoint ou de ses coïndivisaires et de leur information préalable sur les droits des créanciers mentionnés au 1° de l'article L. 526-11 sur le patrimoine affecté. Un même bien commun ou indivis ou une même partie d'un bien immobilier commun ou indivis ne peut entrer dans la composition que d'un seul patrimoine affecté.

« Lorsque l'affectation d'un bien commun ou indivis est postérieure à la constitution du patrimoine affecté, elle donne lieu au dépôt d'une déclaration complémentaire au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 526-6-1. L'article L. 526-7 est applicable, à l'exception des 1° et 2°.

« Le non-respect des règles prévues au présent article entraîne l'inopposabilité de l'affectation.

« Art. L. 526-11. - La déclaration d'affectation mentionnée à l'article L. 526-6-1 est opposable de plein droit aux créanciers dont les droits sont nés postérieurement à son dépôt.

« Elle est opposable aux créanciers dont les droits sont nés antérieurement à son dépôt à la condition que l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée le mentionne dans la déclaration d'affectation et en informe les créanciers dans des conditions fixées par voie réglementaire.

« Dans ce cas, les créanciers concernés peuvent former opposition à ce que la déclaration leur soit opposable dans un délai fixé par voie réglementaire. Une décision de justice rejette l'opposition ou ordonne soit le remboursement des créances, soit la constitution de garanties, si l'entrepreneur individuel en offre et si elles sont jugées suffisantes.

« À défaut de remboursement des créances ou de constitution des garanties ordonnées, la déclaration est inopposable aux créanciers dont l'opposition a été admise.

« L'opposition formée par un créancier n'a pas pour effet d'interdire la constitution du patrimoine affecté.

« Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil :

« 1° Les créanciers auxquels la déclaration d'affectation est opposable et dont les droits sont nés à l'occasion de l'exercice de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté ont pour seul gage général le patrimoine affecté ;

« 2° Les autres créanciers auxquels la déclaration est opposable ont pour seul gage général le patrimoine non affecté.

« Toutefois, l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée est responsable sur la totalité de ses biens et droits en cas de fraude ou en cas de manquement grave aux règles prévues au deuxième alinéa de l'article L. 526-6 ou aux obligations prévues à l'article L. 526-12.

« En cas d'insuffisance du patrimoine non affecté, le droit de gage général des créanciers mentionnés au 2° du présent article peut s'exercer sur le bénéfice réalisé par l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée lors du dernier exercice clos.

« Art. L. 526-12. - L'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté fait l'objet d'une comptabilité autonome, établie dans les conditions définies aux articles L. 123-12 à L. 123-23 et L. 123-25 à L. 123-27.

« Par dérogation à l'article L. 123-28 et au premier alinéa du présent article, l'activité professionnelle des personnes bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0, 64 et 102 ter du code général des impôts fait l'objet d'obligations comptables simplifiées.

« L'entrepreneur individuel à responsabilité limitée est tenu de faire ouvrir dans un établissement de crédit un ou plusieurs comptes bancaires exclusivement dédiés à l'activité à laquelle le patrimoine a été affecté.

« Art. L. 526-13. - Les comptes annuels de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ou, le cas échéant, le ou les documents résultant des obligations comptables simplifiées prévues au deuxième alinéa de l'article L. 526-12 sont déposés chaque année au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 526-6-1 pour y être annexés. Ils sont transmis, pour y être annexés, au registre prévu au 2° de l'article L. 526-6-1 lorsque le dépôt de la déclaration est effectué au répertoire des métiers dans le cas prévu au 1° du même article, et, s'il y a lieu, au registre du commerce et des sociétés dans le cas prévu au 1° bis du même article. À compter de leur dépôt, ils valent actualisation de la composition et de la valeur du patrimoine affecté.

« En cas de non-respect de l'obligation mentionnée au premier alinéa, le président du tribunal, statuant en référé, peut, à la demande de tout intéressé ou du ministère public, enjoindre  sous astreinte à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée de procéder au dépôt de ses comptes annuels ou, le cas échéant, du ou des documents résultant des obligations comptables simplifiées prévues au deuxième alinéa de l'article L. 526-12.

« Art. L. 526-14. - En cas de renonciation de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée à l'affectation ou en cas de décès de celui-ci, la déclaration d'affectation cesse de produire ses effets. Toutefois, en cas de cessation, concomitante à la renonciation, de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté ou en cas de décès, les créanciers mentionnés aux 1° et 2° de l'article L. 526-11 conservent pour seul gage général celui qui était le leur au moment de la renonciation ou du décès.

« En cas de renonciation, l'entrepreneur individuel en fait porter la mention au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 526-6-1. En cas de décès, un héritier, un ayant droit ou toute personne mandatée à cet effet en fait porter la mention au même registre.

« Art. L. 526-14-1 A. - Par dérogation à l'article L. 526-14, l'affectation ne cesse pas dès lors que l'un des héritiers ou ayants droit de l'entrepreneur individuel décédé, sous réserve du respect des dispositions successorales, manifeste son intention de poursuivre l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine était affecté. La personne ayant manifesté son intention de poursuivre l'activité professionnelle en fait porter la mention au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration visée à l'article L. 526-6-1 dans un délai de trois mois à compter de la date du décès.

« La reprise du patrimoine affecté, le cas échéant après partage et vente de certains des biens affectés pour les besoins de la succession, est subordonnée au dépôt d'une déclaration de reprise au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration visée à l'article L. 526-6-1.

« Art. L. 526-14-1 B. - I. - L'entrepreneur individuel à responsabilité limitée peut céder à titre onéreux, transmettre à titre gratuit entre vifs ou apporter en société l'intégralité de son patrimoine affecté et en transférer la propriété dans les conditions prévues aux II et III du présent article sans procéder à sa liquidation.

« II. - La cession à titre onéreux ou la transmission à titre gratuit entre vifs du patrimoine affecté à une personne physique entraîne sa reprise avec maintien de l'affectation dans le patrimoine du cessionnaire ou du donataire. Elle donne lieu au dépôt par le cédant ou le donateur d'une déclaration de transfert au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration visée à l'article L. 526-6-1 et fait l'objet d'une publicité. La reprise n'est opposable aux tiers qu'après l'accomplissement de ces formalités.

« La cession du patrimoine affecté à une personne morale ou son apport en société entraîne transfert de propriété dans le patrimoine du cessionnaire ou de la société, sans maintien de l'affectation. Elle donne lieu à publication d'un avis. Le transfert de propriété n'est opposable aux tiers qu'après l'accomplissement de cette formalité.

« III. - La déclaration ou l'avis mentionnés au II sont accompagnés d'un état descriptif des biens, droits, obligations ou sûretés composant le patrimoine affecté.

« Les articles L. 141-1 à L. 141-22 ne sont pas applicables à la cession ou à l'apport en société d'un fonds de commerce intervenant par suite de la cession ou de l'apport en société d'un patrimoine affecté.

« Le cessionnaire, le donataire ou le bénéficiaire de l'apport est débiteur des créanciers de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée mentionnés au 1° de l'article L. 526-11 en lieu et place de celui-ci, sans que cette substitution emporte novation à leur égard.

« Les créanciers de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée mentionnés au 1° de l'article L. 526-11 dont la créance est antérieure à la date de la publicité mentionnée au II du présent article, ainsi que les créanciers auxquels la déclaration n'est pas opposable et dont les droits sont nés antérieurement au dépôt de la déclaration visée à l'article L. 526-6-1 lorsque le patrimoine affecté fait l'objet d'une donation entre vifs, peuvent former opposition à la transmission du patrimoine affecté dans un délai fixé par voie réglementaire. Une décision de justice rejette l'opposition ou ordonne soit le remboursement des créances, soit la constitution de garanties, si le cessionnaire ou le donataire en offre et si elles sont jugées suffisantes.

« À défaut de remboursement des créances ou de constitution des garanties ordonnées, la transmission du patrimoine affecté est inopposable aux créanciers dont l'opposition a été admise.

« L'opposition formée par un créancier n'a pas pour effet d'interdire la transmission du patrimoine affecté.

« Art. L. 526-14-1. - L'entrepreneur individuel à responsabilité limitée détermine les revenus qu'il verse dans son patrimoine non affecté.

« Art. L. 526-14-2. - Le tarif des formalités de dépôt des déclarations et d'inscription des mentions visées à la présente section ainsi que de dépôt des comptes annuels ou du ou des documents résultant des obligations comptables simplifiées prévues au deuxième alinéa de l'article L. 526-12 est fixé par décret.

« La formalité de dépôt de la déclaration visée à l'article L. 526-6-1 est gratuite lorsque la déclaration est déposée simultanément à la demande d'immatriculation au registre de publicité légale.

« Art. L. 526-14-3. - Le ministère public ainsi que tout intéressé peuvent demander au président du tribunal statuant en référé d'enjoindre sous astreinte à un entrepreneur individuel à responsabilité limitée de porter sur tous ses actes et documents sa dénomination, précédée ou suivie immédiatement et lisiblement des mots : “entrepreneur individuel à responsabilité limitée” ou des initiales : “EIRL”.

« Art. L. 526-15. - Les conditions d'application de la présente section sont fixées par décret en Conseil d'État. »