M. le président. L'amendement n° 147, présenté par M. Guillaume, Mme Herviaux, M. Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 18, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, les coûts de transformation et les coûts de distribution

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. L’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires doit collecter les différents prix pratiqués : prix à la production, prix après transformation et prix à la consommation.

Mais, comme son nom l’indique, il doit aussi éclairer les acteurs économiques et les pouvoirs publics sur les marges réalisées à chaque niveau, par chaque acteur de la chaîne de commercialisation des produits alimentaires.

Or l’article 6 ne prévoit pour l’instant qu’un examen des coûts de production au stade de la production agricole.

Cette disposition est utile, puisque les producteurs interviennent au début de la chaîne. Cela permettra de veiller à ce que les prix payés aux producteurs couvrent au moins leur prix de revient et la rémunération de leur travail, ce qui est de moins en moins souvent le cas. Toutefois, elle est bien insuffisante pour étudier les marges réalisées par chaque acteur et déterminer si l’un d’eux n’accapare pas une trop grande partie de la valeur ajoutée créée.

On peut d’ailleurs craindre qu’en dévoilant uniquement les coûts de production au stade de la production agricole, les acheteurs n’en profitent pour « coller » à ce prix plancher, refusant de revaloriser la marge des producteurs en dehors des crises conjoncturelles. Les agriculteurs y perdraient encore plus en capacité de négociation.

Nous souhaitons donc, pour assurer une plus grande transparence et une plus grande équité, que les coûts de chaque opérateur soient étudiés : coûts de production, coûts de transformation et coûts de distribution. C’est le seul moyen pour connaître réellement les marges nettes.

Par ailleurs, je m’interroge sur les prix qui seront collectés par l’Observatoire. FranceAgriMer lui transmettra les données économiques qui lui sont nécessaires et l’INSEE les résultats de ses enquêtes. Mais l’Observatoire disposera aussi de moyens humains permettant de faire des contrôles et de collecter des informations directement auprès des opérateurs. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions sur ce point ?

J’ai entendu parler des indices des prix à la consommation, mais, parce qu’ils mesurent l’inflation, ils ne sauraient constituer la base des analyses menées par l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires

M. le président. L'amendement n° 148, présenté par M. Cazeau, Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 18

I. - Première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et l'évolution du revenu final des producteurs

II. - Seconde phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et formule le cas échéant des préconisations en faveur d'une répartition équitable des marges dans la chaîne de commercialisation des produits alimentaires

La parole est à M. Yannick Botrel.

M. Yannick Botrel. La question de l’impact des prix agricoles dans la formation des prix alimentaires est délicate et complexe. La volatilité croissante, ces dernières années, des prix des matières premières agricoles et la crise que connaît aujourd’hui le monde agricole en font un problème majeur.

Des efforts importants de productivité tant dans l’agriculture que dans l’industrie ont permis, depuis plusieurs décennies, une baisse des prix agricoles et alimentaires. D’une manière générale, les produits alimentaires consommés sont de plus en plus transformés, et leur valeur ajoutée ne cesse de croître. Ce mouvement de fond se traduit par un poids généralement plus faible du prix de la matière première agricole dans celui du produit consommé.

Malgré cela, le poids des produits agricoles est encore très dominant dans l’ensemble des filières des produits frais et certaines variations de prix méritent des explications. Les filières alimentaires sont nombreuses et diversifiées ; elles font intervenir plusieurs intermédiaires et possèdent chacune leurs spécificités.

Dès lors, l’étude des mécanismes de formation des prix au sein de la chaîne alimentaire doit se faire filière par filière. C’est pourquoi l’Observatoire des prix et des marges, chargé d’établir une plus grande transparence dans la formation des prix, a été doté, en novembre 2008, d’un comité de pilotage spécifique pour les produits alimentaires.

Celui-ci a pour mission la mise en place d’outils opérationnels de suivi et d’analyse des prix et des marges sur l’ensemble des maillons des filières alimentaires. Les travaux de cet Observatoire ont été publiés tout au long de l’année 2009 sur la viande de porc, les produits laitiers et les fruits et légumes frais ; accessibles à tous sur internet, ils sont régulièrement mis à jour. Toutefois, nous constatons aujourd’hui l’impuissance de cet Observatoire.

Aussi, je vous propose à travers cet amendement de permettre à l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires de formuler des préconisations en faveur d’une répartition équitable des marges. Il s’agit ici de donner au Parlement les moyens concrets d’améliorer le revenu des paysans.

M. le président. L'amendement n° 603, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Alinéa 18, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

en prenant en compte l'ensemble des facteurs de production, dont le travail

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Depuis le début de l’examen de ce projet de loi, nous avons évoqué les questions de politique alimentaire et de compétitivité, les contrats, les coûts de production. Nous en sommes maintenant parvenus à l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.

Tout cela est très intéressant, mais où sont passés les êtres humains, ces femmes et ces hommes au nom desquels nous débattons aujourd’hui, ces femmes et ces femmes qui, dans la situation actuelle, travaillent de plus en plus pour gagner de moins en moins ?

Aussi, je propose d’affiner la notion de coûts de production, que l’Observatoire aura pour mission d’étudier, en précisant que celle-ci recouvre également le travail de l’agriculteur.

Classiquement, dans les analyses de groupe, les coûts de production recouvrent les charges variables, les intrants – les énergies et les semences, ainsi que, dans les systèmes conventionnels, les pesticides et les engrais –, les autres charges affectées – irrigation, assurances spécifiques. Dans certains cas, on y intègre aussi les charges fixes que sont les amortissements, les intérêts des emprunts et les autres charges de structure.

Il se trouve que nous examinons un projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Introduire le principe d’une rémunération descente de l’agriculteur, reconnaître à celui-ci le droit de vivre de son travail, voilà qui serait innovant !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. S’agissant des amendements identiques nos 53 rectifié ter et 338 rectifié, je rappelle à Rémy Pointereau et à Alain Houpert que la mission de l’Observatoire est d’éclairer les pouvoirs publics. Son champ d’investigation est suffisamment balisé par le nouvel article L. 692-1 créé par le projet de loi : l’Observatoire analyse en effet la formation des prix et des marges au cours des transactions au sein de la chaîne alimentaire.

Il ressort de ces dispositions que, pour les distributeurs et les autres étapes de transformation de la chaîne alimentaire, les coûts entrants et sortants seront connus, puisque l’Observatoire étudie les transactions.

Par ailleurs, il est nécessaire de préciser que l’Observatoire étudiera également les coûts de production au stade du premier maillon de la chaîne, avant que n’aient lieu les premières transactions.

Aussi, la commission demande à chacun des auteurs de ces deux amendements de bien vouloir les retirer ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

L’amendement n° 503 rectifié, présenté par Pierre Jarlier, vise à étendre les missions de l’Observatoire à l’étude générale de la situation des producteurs. C’est peut-être aller un peu loin, mon cher collègue…

Le projet de loi garantit un équilibre dans la mesure où il inclut, dans le champ des compétences de l’Observatoire, le suivi de la formation des prix et des marges aux différents stades de la commercialisation des produits alimentaires et où il prévoit, par ailleurs, l’étude des coûts de production au stade de la production.

De plus, mentionner de manière précise l’étude du revenu final des producteurs pourrait entraîner un double effet potentiellement négatif pour les producteurs en cas de remontée des prix agricoles.

Enfin, d’une rédaction complexe, cet amendement ne permettra sans doute pas d’éclairer réellement la filière.

Aussi, la commission demande à son auteur de bien vouloir le retirer ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

S’agissant de l’amendement n° 147, présenté par Paul Raoult, l’étude des coûts de transformation et de distribution est déjà prévue par le texte dans la mesure où le champ d’investigation de l’Observatoire est clairement énoncé : il analyse « la formation des prix et des marges au cours des transactions ».

Il est donc seulement nécessaire de prévoir, en plus, l’étude des coûts de production au stade du premier maillon de la chaîne de commercialisation des produits alimentaires.

La commission émet un avis défavorable.

S’agissant de l’amendement n° 148, comme pour l’amendement n 503 rectifié, le texte garantit un équilibre dans la mesure où il inclut, dans le champ des compétences de l’Observatoire, le suivi de la formation des prix et des marges aux différents stades de la commercialisation des produits alimentaires et où il prévoit, par ailleurs, l’étude des coûts de production au stade de la production.

En outre, mentionner de manière précise l’étude du revenu final des producteurs pourrait entraîner un double effet, avec le risque d’une stigmatisation en cas de remontée des prix agricoles.

La commission émet un avis défavorable.

L’amendement n° 603, présenté par M. Muller, vise à préciser que l’Observatoire étudie les coûts de production au stade de la production « en prenant en compte l’ensemble des facteurs de production, dont le travail ».

Cette précision, si elle s’inscrit effectivement dans l’esprit de la disposition, semble néanmoins superfétatoire dans la mesure où, dans la prise en compte générale de tous les facteurs, elle ne mentionne spécifiquement que le travail.

Un tel ajout n’apporterait rien à l’impartialité et à la rigueur des travaux de l’Observatoire, qui n’a pas pour vocation de privilégier un facteur de production en particulier.

La commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Tous ces amendements sont sous-tendus par une seule et même question : l’Observatoire doit-il traiter de la question des coûts de production ?

Pour ma part, j’estime en conscience qu’il faut répondre par l’affirmative à cette question, précisément parce qu’il est bien difficile, comme vous l’avez indiqué, monsieur Pointereau, de définir les coûts de production. Ceux-ci sont très variables d’un endroit à un autre du territoire, d’une région à une autre, et c’est bien pourquoi, tout au long de l’examen de ce projet de loi, j’ai constamment refusé, par souci de cohérence, que les coûts de production servent de référence.

Précisément, un Observatoire du type de celui que nous souhaitons n’a pas à prendre les coûts de production comme référence mais doit nous permettre d’avoir une vue plus claire de ce que sont ces coûts de production à l’échelle du territoire national et, partant, d’évaluer de façon plus pertinente les marges.

Dès lors que nous connaîtrons les coûts de production dans les différentes régions, il sera plus facile d’évaluer les marges que réalisent, par exemple, les industriels Lactalis, en Savoie, ou Entremont – qui, je l’espère, deviendra prochainement Entremont-Sodiaal – en Bretagne.

Si nous avons comme références des coûts de production distincts d’une région à l’autre, l’évaluation de la marge sera plus pertinente.

Pour l’ensemble de ces raisons, je le répète, il me paraît nécessaire de maintenir parmi les missions de l’Observatoire l’étude des coûts de production, étant entendu que ceux-ci seront appréhendés non pas de manière uniforme, mais en tenant compte de la diversité des situations d’un point à un autre du territoire.

Aussi, je demanderai à Rémy Pointereau, à Alain Houpert et à Pierre Jarlier de bien vouloir retirer leurs amendements.

Cela étant dit, il ne faut pas non plus aller au-delà du raisonnable, monsieur Raoult, au risque de définir ce que doivent être les marges nettes et, par voie de conséquence, de porter atteinte à la liberté d’entreprendre.

Monsieur Raoult, je ne conteste pas vos bonnes intentions, mais l’adoption de votre amendement conduirait à divulguer les secrets de fabrication et de commercialisation des industriels ou des distributeurs.

Que l’on qualifie, le cas échéant, les marges brutes d’excessives, je l’admets ; mais vouloir ensuite fixer leur niveau à un stade ou un autre de la transformation ou de la distribution d’un produit porterait atteinte à la liberté du commerce, voire à la liberté d’entreprendre, ce qui serait réellement problématique.

Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 147.

Monsieur Botrel, vous proposez, à travers l’amendement n° 148, que l’Observatoire formule des préconisations en faveur d’une répartition équitable des marges. Or il me semble que c’est au Parlement qu’il appartient de tirer les enseignements des analyses qui lui seront communiquées par le président de l’Observatoire dans son rapport annuel. C’est bien là tout l’objet de ce rapport !

L’Observatoire ne doit pas, me semble-t-il, être prescripteur ; son rôle est d’analyser précisément les situations qu’il aura à étudier, quitte à ce que le Parlement, ce qui est son rôle, en tire les conséquences politiques.

Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Monsieur Muller, votre amendement n° 603 est satisfait puisque l’Observatoire aura pour mission d’étudier les coûts de production, lesquels incluent naturellement le facteur « travail ».

Aussi, je vous prierai de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 53 rectifié ter et 338 rectifié.

M. Gérard Bailly. Le monde agricole attend beaucoup de cet Observatoire, dont il espère qu’il pourra identifier la part de chacun dans la formation des prix.

Une fois n’est pas coutume, je suis en désaccord avec mon collègue Rémy Pointereau : il me paraît nécessaire de connaître les coûts de production, en tenant compte, bien entendu, des spécificités de chacun des secteurs, car la formation des prix n’obéit pas partout aux mêmes règles. Or, depuis des décennies, les organismes agricoles évaluent chaque année le coût de production moyen d’un kilogramme de viande ou d’un litre de lait. Par souci d’efficacité, il conviendrait de connaître en outre le coût de transformation des produits et les marges qui sont réalisées à cette occasion, lesquels demeurent largement ignorés à ce jour.

Tous les agriculteurs souhaitent que les organismes de transformation réalisent des marges suffisantes pour leur permettre d’investir, de préparer l’avenir, car nous ne souhaitons pas du tout leur mort !

Les grandes surfaces s’approvisionnent auprès de sept grandes centrales d’achat. Comme beaucoup dans cette enceinte, j’ignore combien coûte aux grandes surfaces la commercialisation d’un kilogramme de sucre, de fruits, de légumes, ou d’un litre d’huile.

Des propos très durs ont été tenus, ici même, y compris par moi, à l’encontre de la grande distribution. Mais peut-être ces critiques ne sont-elles pas fondées.

Pour que cet Observatoire soit réellement opérationnel, il faudra qu’il puisse déterminer la part de chacun des acteurs dans la formation des prix et des marges, de manière à leur permettre à tous de poursuivre leurs activités dans des conditions normales. À défaut, monsieur le ministre, je crains que, dans trois ou quatre ans, on ne déplore l’incapacité de l’Observatoire à permettre une répartition équitable.

J’avoue que je m’interroge.

Monsieur le ministre, je le répète, il est important de connaître ces informations pour savoir combien il faut laisser à la grande distribution et quelle compensation il sera possible de lui demander pour tel ou tel produit de sorte que les producteurs puissent avoir en quelque sorte une part du gâteau.

Le monde agricole réclame une transparence complète et, si ce projet de loi n’y contribuait pas, il lui manquerait quelque chose.

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.

M. Paul Raoult. La création de cet Observatoire ne manque pas d’intérêt, mais elle soulève deux questions de fond.

D’une part, monsieur le ministre, vous décidez subitement de créer ce nouvel organe chargé d’établir des statistiques, mais où trouverez-vous le personnel pour le faire fonctionner, alors même que, depuis deux ans, des postes sont supprimés notamment au sein de l’INSEE ? Je ne demande pas mieux que de vous croire, mais je suis un peu sceptique.

D’autre part, on a tendance à faire fi de la complexité de la vie économique dans notre pays. Ainsi, il est possible de produire du lait à partir d’une herbe poussant naturellement en zone de montagne, à partir d’une herbe de culture ou à partir du maïs. De même, les conditions de production diffèrent selon que l’on fait le choix de telle ou telle race, entre une Prim’Holstein, qui produit 10 000 litres de lait par an, ou une race mixte lait-viande.

Cette même complexité se retrouve au sein de l’industrie laitière. Une délégation de la commission de l’économie s’est rendue à Moscou, où nous avons visité une usine Danone. Ses 500 employés fabriquent quinze produits de référence différents.

Si l’on considère la palette de tous les produits fabriqués à partir du lait, du lait en poudre qui dégage très peu de valeur jusqu’au beurre industriel de pâtisserie exporté en Italie, ou au beurre utilisé par les ménages, en passant par les innombrables sortes de yaourts que l’on s’ingénie à trouver, il est difficile de déterminer la rentabilité de l’industriel.

Cela soulève une vraie question.

De surcroît, on le sait, ces groupes industriels – je pense à Danone -, parce qu’ils sont menacés d’absorption par des groupes américains, tentent, pour distribuer des dividendes et maintenir leurs cours en bourse, de dégager les marges les plus importantes.

Des pressions diverses s’exercent donc à tous les niveaux, sans même évoquer la commercialisation.

Tout le monde pointe du doigt les hypermarchés. Je vais me faire l’avocat du diable, mais le cours de l’action de Carrefour ou d’Auchan baisse aujourd’hui du fait de marges réduites, en tout cas sur le territoire français ! Cela nourrit d’autant la pression exercée par les groupes sur les coûts de distribution.

À partir de là, j’ignore comment nous pourrons résoudre le problème de fond de la relation entre le producteur, l’industriel et le distributeur. Le problème est d’autant plus complexe que, derrière les Lidl, les Aldi et les autres, il reste la petite épicerie du coin, aussi, et il ne faut pas oublier cette forme de distribution.

Je suis donc tout à fait d’accord pour que l’information soit la plus complète possible. Néanmoins, il faut également appréhender la complexité de la vie économique dans notre pays aujourd’hui. Vouloir donner un peu plus à l’agriculteur par rapport à l’industriel ou au distributeur, c’est déjà s’engager dans une réflexion très délicate, mais s’imaginer de surcroît pouvoir en faire la solution de tous les problèmes de revenus que connaissent les agriculteurs, cela me laisse quelque peu sceptique…

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Je ne partage pas nécessairement à 100 % l’avis de mon collègue Paul Raoult.

Cela étant, monsieur le président, je souhaite surtout intervenir sur l’amendement n °147, car je n’ai pas compris l’avis défavorable du rapporteur. En revanche, j’ai bien entendu le Gouvernement quand il évoque le risque de divulgation de secrets industriels et, si cela peut tout arranger, je suis prêt à ôter de mon libellé la mention des coûts de transformation.

Comme mes collègues Gérard Bailly et Paul Raoult, je défends un Observatoire ambitieux. Nous sommes d’accord, monsieur le ministre, sur la place essentielle que doit y tenir l’analyse de la production agricole. Sans elle, il n’y a rien ! Il me paraît toutefois nécessaire d’aller plus loin.

Car, ce que nous demandent les agriculteurs, plus globalement, c’est le pourquoi de cette multiplication par 4, 5, 6, 7, voire 10 qu’ils constatent entre le prix de départ chez le producteur, l’éleveur, l’exploitant, et le prix de vente au consommateur, en grande surface ou non.

Pour certaines raisons, pour certains produits et pour certaines étapes, ces multiplications peuvent s’expliquer, mais, pour la plupart des produits, elles ne sont nullement justifiées. C’est la raison pour laquelle cet Observatoire revêt une telle importance.

Dans la mesure où nous partons de loin, cela ne peut qu’améliorer la situation !

Paul Raoult évoquait tout à l’heure les conséquences de la RGPP sur les personnels, en l’occurrence ceux qui seront chargés d’accomplir ce travail d’analyse. Je n’y reviens pas longuement, sinon pour insister, monsieur le ministre : dans une ambition partagée, nous souhaitons que cet Observatoire des prix et des marges fonctionne au mieux. Vous nous avez donné des assurances concernant les moyens dont il disposera. Dont acte ! Cependant, s’il doit étudier les coûts au stade de la production agricole, sans qu’il lui soit possible de connaître avec exactitude les marges liées à la distribution, alors il me semble que ses analyses seront incomplètes.

Monsieur le ministre, pourquoi ne pas essayer ? Essayons, et, si la tâche s’avère trop complexe, malgré les moyens humains que vous allez mettre à disposition de cet Observatoire, ce ne sera pas un drame, nous en reviendrons au dispositif tel qu’il ressort du texte initial de la commission.

Il serait dommage de ne pas avoir plus d’ambition pour pouvoir répondre aux questions que se posent les agriculteurs français.

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote.

M. Yannick Botrel. M. le ministre nous a affirmé que l’Observatoire fournirait des rapports et des analyses, en particulier sur la question, centrale, celle qui revient constamment dès lors que l’on a des contacts réguliers avec des producteurs, des coûts de production et du partage des marges.

Il y aura donc des analyses et un rapport, je vous en donne acte, monsieur le ministre, mais tout cela ne nous fait guère dépasser le stade du simple constat. La formule que nous proposons – l’Observatoire « formule, le cas échéant, des préconisations » – permet d’aller plus loin que le simple constat pour tirer les conséquences de ces analyses. De toute manière, il faudra bien à un moment que le constat débouche sur des propositions. Si quelqu’un doit s’en charger, pourquoi pas l’Observatoire ?

Dans le cas contraire, la démarche serait dénuée d’intérêt. Si des dysfonctionnements, quels qu’ils puissent être, sont observés, des préconisations doivent être formulées afin de parvenir à une meilleure répartition.

Je n’ai donc pas saisi le sens de votre avis négatif.

Je rejoins ici les propos de notre collègue Gérard Bailly. Les producteurs, comme cela a été illustré par les dernières crises que nous avons connues, ont le sentiment, me semble-t-il légitime, que, dans cette chaîne de production, dans cette filière, ce sont eux qui servent constamment de variable d’ajustement.

En outre, Paul Raoult l’a redit après moi tout à l’heure, en tout état de cause, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires aura un travail considérable, pour ne pas dire énorme. C’est en effet tout le territoire national qui sera concerné. L’activité d’une multiplicité de filières et de partenaires économiques devra en conséquence être analysée.

Vous n’avez pas pu me répondre quand j’ai soulevé ce problème en intervenant sur l’article et je constate que cet aspect n’a pas du tout été évoqué, mais, si l’on souhaite que l’Observatoire produise des rapports dans de bonnes conditions, des moyens considérables devront lui être alloués. Nous voudrions avoir la certitude que l’Observatoire sera bien à la hauteur des ambitions que nous lui prêtons les uns et les autres.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Malgré l’heure tardive, je souhaiterais cadrer ce débat, qui porte sur des sujets importants.

Je rejoins Gérard Bailly dans son analyse : il importe que l’Observatoire puisse couvrir le spectre le plus large possible.

Sans l’étude des coûts de production, nécessaire aux producteurs, on pourra toujours étudier les marges, mais sans référence de base. Or c’est précisément l’une des énormes faiblesses actuelles de l’Observatoire des prix et des marges !

Observer des marges sans connaître le coût de production ne peut en effet mener à aucune conclusion utile au producteur. Si nous ne faisons pas figurer dans la mission de l’Observatoire l’analyse des coûts de production, alors nous retombons dans ce qui s’est fait depuis des mois et nous nous condamnons à ne pas tirer des travaux de cet Observatoire toutes les conséquences qui seraient utiles aux producteurs.

Quant aux remarques de Didier Guillaume, je comprends très bien sa volonté d’aller le plus loin possible. Cependant, je pense que l’on franchirait réellement une ligne rouge en incluant les coûts de transformation.

Malgré l’heure tardive, ces questions sont trop importantes pour que je n’insiste pas sur les conséquences du dispositif que vous proposez, monsieur le sénateur.

En effet, concrètement, cela revient à mettre sur la place publique les secrets de fabrication d’une entreprise industrielle. Cela ne concerne d’ailleurs pas uniquement les très grosses entreprises industrielles comme Danone. Cela va concerner la petite entreprise d’industrie agroalimentaire qui fabrique du saucisson à côté de chez vous, à qui vous allez demander ses secrets d’innovation, la part du chiffre d’affaire qu’elle consacre à sa politique salariale, celle qu’elle affecte à sa politique de l’énergie, si elle a installé des panneaux solaires ou non. Bref, c’est toute sa stratégie de développement économique que vous allez dévoiler !

Ce n’est pas là ce que nous souhaitons, car cela n’est pas dans l’intérêt des entreprises.

M. Didier Guillaume. J’ai retiré cette partie de mon amendement.