M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, malgré le calendrier décousu de nos débats, je pense que nous sommes tous plutôt satisfaits des améliorations que nous avons pu collectivement apporter au texte de ce projet de loi relatif au Grand Paris tel qu’il est issu des travaux de la commission mixte paritaire, sans oublier ceux de la commission spéciale du Sénat, présidée par Jean-Paul Emorine et efficacement animée par son rapporteur, Jean-Pierre Fourcade.

Une difficulté majeure menaçait pourtant la qualité de nos débats : la mise en œuvre d’un projet national, voire européen, sur le territoire d’une collectivité locale, dans le cadre d’une compétence partagée, constituait en effet un terrain glissant. Ce projet a mis ainsi en lumière les difficultés de gouvernance du mille-feuille administratif de la région d’Île-de-France, aux multiples couleurs politiques : elles ont rendu nos discussions sur ce texte parfois houleuses.

J’évoquerai en quelques mots l’idée sous-jacente à ce projet de loi, même si d’autres l’ont fait avant moi, car elle me paraît importante.

À l’heure de la concurrence entre les grandes villes du monde, il est indispensable de donner au Grand Paris l’envergure que peut avoir son homologue chez notre voisin proche, je veux parler du Grand Londres, parce qu’aujourd’hui le développement économique se fait par la puissance de l’urbanisation. Ce n’est pas tant la Chine qui se développe, que Hong-Kong, Shanghai, Pékin et Canton. C’est la croissance économique des villes-monde qui tire la croissance économique des pays.

Sans le projet du Grand Paris, la ville de Paris et la région d’Île-de-France sont vouées à devenir deux « puissances moyennes ». En ce sens, le projet du Grand Paris est ambitieux, et je considère qu’il constitue une initiative majeure en termes d’investissements structurants futurs. Je réitère donc le soutien de la grande majorité des sénateurs du groupe de l’Union centriste à l’esprit de ce projet de loi.

Sur la question du cluster de l’innovation de Paris-Saclay, je me félicite de l’adoption des amendements que mon groupe avait déposés, tendant à favoriser la subsidiarité de la gouvernance de l’établissement public de Paris-Saclay et à mieux équilibrer son rôle au service de cet écosystème.

Il était indispensable de considérer le conseil d’administration non pas comme une autorité qui dicte une stratégie, mais bien comme un facilitateur d’initiatives – un « marieur », pour reprendre l’exemple de la Silicon Valley – qui, partant de la base, c'est-à-dire des projets des hommes et femmes qui travaillent sur le plateau de Saclay, facilite la mise en relation des uns avec les autres afin de créer des activités nouvelles, dans un mouvement ascendant.

Ce principe du bottom up – excusez l’emploi de ce terme anglais – est assurément une clé du développement du plateau de Saclay, qui devrait tirer la croissance de l’économie française. Par ailleurs, en soutenant la sauvegarde hydraulique du plateau, le groupe centriste a défendu une vision de l’aménagement du territoire qui associe aménagement économique et respect de l’environnement dans le cadre d’un développement durable et humain.

En outre, la construction d’un métro automatique interconnecté aux infrastructures de transport nationales et internationales, et reliant des pôles économiques stratégiques et des bassins de vie, est assurément un facteur d’attractivité économique ; si c’est un pari sur l’avenir, c’est aussi une nécessité.

Là encore, l’initiative prise par l’État de financer et mettre en œuvre un réseau de transports est salutaire dans le contexte de la compétition économique mondiale, comme nous l’ont montré les derniers événements enregistrés par les bourses mondiales.

Dans le cadre de l’exercice d’une compétence partagée, il était important de limiter le pouvoir de l’État sur l’aménagement de ces zones. Les contrats de développement territorial conclus avec les collectivités locales constituent ainsi un outil juridique nouveau particulièrement intéressant. L’amendement du président Nicolas About, adopté au sein de notre assemblée, limite d’ailleurs à bon escient les marges de manœuvre de l’État aménageur agissant en dehors d’un contrat de développement territorial.

En ce qui concerne les transports, je souhaite revenir brièvement sur trois points.

Tout d’abord, je salue l’initiative de la commission mixte paritaire qui a amélioré de nombreuses dispositions, de même que l’amendement de notre rapporteur visant à renforcer la desserte de l’est parisien par le TGV.

Ensuite, la solution de compromis obtenue sur la question des Arc Express nord et sud, dont les tracés étaient à 80 % analogues au tracé du métro, me paraît satisfaisante. Je vous parlais des problèmes de gouvernance, de compétences concurrentes : nous sommes au cœur de cette problématique. Mon amendement sur les Arc Express, qu’avait adopté le Sénat, a ouvert un débat important. Il a permis sans doute de crever un abcès politique, qui figeait le Gouvernement et la région d’Île-de-France dans la défense de leurs positions « politiques ».

Enfin, je reste convaincu que, du point de vue tant de la rationalisation des finances publiques que de la lisibilité du schéma de transports parisien, l’État ne doit pas financer des projets qui entreraient directement en concurrence avec le métro automatique du Grand Paris, comme le projet CDG Express. Je vous rappelle d’ailleurs que j’avais déposé un amendement en ce sens, qui a été adopté à l’unanimité par le Sénat ; le dispositif a été encore amélioré par la commission mixte paritaire et je suis satisfait de sa rédaction définitive.

Pour conclure, j’espère que le dialogue et la concertation entre le secrétariat d’État chargé du développement de la région capitale et le conseil régional d’Île-de-France permettront une mise en œuvre concertée et coordonnée de ce projet ambitieux, parce que les Franciliens et les Français, pour ne pas dire les Européens, ont besoin du Grand Paris.

J’irais même plus loin : j’espère que ce projet de loi relatif au Grand Paris que vous portez, monsieur le secrétaire d’État, constituera le socle d’un projet plus vaste – mon collègue Philippe Dallier s’en réjouira –, je veux parler d’une vraie réforme de la gouvernance de l’Île-de-France et de son mille-feuille administratif.

Peut-être le projet de loi sur la réforme des collectivités locales – avec mon collègue Dominati, j’attends une réponse du ministre à ce sujet et j’espère qu’elle sera positive ! – nous apportera-t-il les outils pour faire du Grand Paris une métropole exemplaire au niveau mondial.

D’ici là – je m’y engage en tant qu’élu de Paris –, je souhaite que le syndicat mixte Paris-Métropole soit plus hardi dans ses initiatives, plus visionnaire dans son action. Je ne suis pas opposé à ce que ses pouvoirs soient renforcés, afin qu’il soit plus qu’un syndicat d’études. Je ne suis pas non plus opposé à ce que ses capacités d’action soient développées pour poser les bases de la nouvelle gouvernance attendue sur le territoire francilien.

Pour l’heure, je salue sincèrement le travail de M. le secrétaire d’État, qui nous a présenté une vision que nous avons partagée ; je salue également le travail de l’Assemblée nationale, comme celui du Sénat, car les deux assemblées ont corrigé et amélioré le dispositif correspondant à cette vision.

Je confirme que le groupe de l’Union centriste, dans sa grande majorité, votera ce projet de loi. (Applaudissements au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le secrétaire d’État, finalement, la discussion de ce projet de loi arrive à son terme !

Vous devez cet aboutissement au soutien de votre majorité parlementaire, qui a adopté la finalité de votre projet et n’en conteste pas la faisabilité. Or c’est précisément l’une et l’autre que le groupe socialiste ne partage pas.

Sans revenir sur nos débats initiaux, l’absence de navette parlementaire ne nous a pas permis de nous faire entendre suffisamment, mais la commission mixte paritaire, qui s’est déroulée dans un bon climat, ne nous a pas laissé davantage d’espace. Il faut dire que l’affaire était bouclée dès l’abord, monsieur le secrétaire d’État, grâce au compromis que vous aviez négocié avec votre majorité.

La finalité qui nous inspire a été exprimée par les Franciliens et leurs élus : ils veulent disposer d’un réseau de transports apte à leur faciliter la vie, de villes à vivre et, d’une manière générale, d’un cadre de vie épanouissant.

Vous avez voulu faire de la double boucle de transports le symbole de votre projet de loi en l’opposant tout au long des débats à Arc Express, projet de la région, mais le compromis majoritaire de la commission mixte paritaire sur le débat public simultané ne doit pas masquer l’essentiel.

Nul ne peut contester les deux points forts du projet Arc Express de la région, à savoir son financement, qui est assuré, et son maillage avec le réseau francilien, qui assure la desserte de la zone dense. La double boucle, quant à elle, repose sur une finalité théoriquement guidée par le souci économique, mais la démonstration n’est toujours pas faite de son insertion dans le réseau existant, ni dans celui que va construire la région.

En renvoyant au débat public le soin de choisir entre les deux visions, la commission mixte paritaire, et donc la majorité parlementaire, a refusé de trancher. Avouons-le, ce « choix » n’est pas très glorieux de la part du législateur ! Le rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale n’a pas craint de prétendre avoir « sauvé le soldat Huchon ». C’est une forfanterie, car nous n’avions pas compris que le président Huchon fût en danger, au vu du score réalisé dans les urnes le 21 mars dernier !

Mais revenons aux choses sérieuses !

En entretenant le flou, le risque est grand in fine que ne soit réalisé à moyen terme qu’un tout petit morceau du Grand huit, qui serait commun à Arc Express, et, compte tenu des délais de réalisation, le non-choix de la majorité parlementaire renvoie à plus tard, beaucoup plus tard – peut-être même trop tard ! – les vrais choix.

Le développement économique en pâtira, alors qu’il était la motivation initiale du secrétaire d’État et du rapporteur, et tout le monde y aura perdu : les Franciliens, dont les besoins de mobilité rythment la vie quotidienne, et l’ensemble du territoire français, qui n’a rien à gagner à l’affaiblissement de sa région capitale. En effet – je le rappelle, car on l’oublie trop souvent – l’Île-de-France a une très forte capacité de redistribution à l’égard des autres régions.

Quant à la faisabilité d’une telle infrastructure, et donc sa crédibilité et son délai de réalisation, elle est mise en doute par la faiblesse du financement apporté par le Gouvernement.

Vous avez égrainé, monsieur le secrétaire d’État, un certain nombre de possibilités de financement tout au long de l’examen du texte, mais, au final, votre schéma repose soit sur des financements virtuels, soit sur des financements hasardeux.

La seule réalité tangible est l’affectation au budget de la Société du Grand Paris de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER, qui est due par le réseau de transport et donc, dans ce cas précis, par l’autorité organisatrice des transports – le STIF –, émanation des collectivités territoriales de l’Île-de-France. C’est tout de même extravagant ! En effet, vous n’avez eu de cesse d’écarter et la région et le STIF de la gouvernance effective de votre projet.

Les deux rapporteurs se sont engagés, lors de la commission mixte paritaire, à aménager le tarif de cette IFER due par le STIF dans le cadre d’une prochaine loi de finances.

Monsieur Fourcade, ce renvoi à la loi de finances est une commodité de langage que nous connaissons bien, mais qui est très rarement suivie d’effets ! Je ne veux pas parler de promesse de Gascon –  j’ai trop de respect pour les rives de la Garonne, du Tarn et de bien d’autres fleuves que nous aimons les uns et les autres… (Sourires.) – mais, tout de même, cette facilité ne peut pas nous satisfaire, car nous savons trop bien ce qu’il adviendra lors de l’examen du projet de loi de finances.

Cette ressource est donc bien maigre pour réaliser une infrastructure dont le coût est, de surcroît, dès le départ sous-estimé.

L’alimentation financière initiale de la Société du Grand Paris repose, quant à elle, sur une virtualité, celle du remboursement du prêt consenti à la filière automobile.

Les constructeurs voudraient bien procéder à ce remboursement avant la date anniversaire de la fin de l’année 2011, mais le Gouvernement s’y est opposé. Il a le temps et, surtout, il lui reviendra de faire le choix de la réutilisation des fonds. Or, en ces temps de disette budgétaire et de compression de la dépense publique, monsieur le secrétaire d’État, il n’y a aucune certitude que vous pourrez en faire disposer la Société du Grand Paris.

C’est sans doute ce qui vous a fait persévérer avec obstination dans la voie pourtant écartée par le groupe de travail présidé par Gilles Carrez, celle de la taxe sur les plus-values immobilières. Il est inacceptable de priver de cette ressource les collectivités locales directement concernées, celles qui seraient sur le tracé et disposeraient d’une gare. Il est au demeurant très curieux de faire reposer un financement pérenne sur la spéculation foncière, qui, comme vous le savez, est par définition aléatoire.

À ce propos, je voudrais faire une remarque d’ordre juridique.

Selon l’article 9 bis du texte issu de la commission mixte paritaire, que j’ai relu attentivement, la taxe est exigible dans un périmètre situé à moins de 800 mètres d’une entrée de gare de voyageurs. Mais, dans le même article, il est question d’un taux réduit pour les biens situés à une distance de moins de 1 200 mètres. Comment pourra-t-on exiger le paiement de la taxe, même à taux réduit ? Il faudrait vérifier ce point, monsieur le rapporteur, car il y a là une difficulté juridique qui demandera certainement une rectification.

Quant au partenariat avec les communes, prôné par le Gouvernement, il est mis à mal par la commission mixte paritaire et sa décision d’étendre le périmètre d’aménagement à 400 mètres autour des gares, soit 50 hectares où la Société du Grand Paris aura les pleins pouvoirs, y compris contre les communes. Cette disposition, misant sur l’enchérissement des terrains au détriment des besoins en logements sociaux, que le Gouvernement prétend pourtant défendre, ira à l’encontre d’un urbanisme cohérent.

La majorité a refusé que la commune donne son accord – c’était l’objet d’un de nos amendements –, lui octroyant un simple avis, ce qui ne fait que renforcer la méfiance des élus locaux à l’égard de l’État. Cela ne nous étonne pas beaucoup car, tout au long des débats, nous nous sommes heurtés à cette défiance du Gouvernement à l’égard des collectivités et, parfois, à celle du rapporteur.

Pour conclure, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, si vous considérez le fait d’avoir mené ce projet de loi jusqu’à son vote final comme une victoire, permettez-moi de dire que vous le devez plus au contexte qu’a une adhésion de conviction de votre majorité.

Celle-ci se devait de resserrer les rangs, mais, après tout, ce texte l’engage-t-il vraiment ? Du temps s’écoulera avant d’en voir la mise en œuvre. Qui plus est, le Grand Paris ne se résume heureusement pas à ce projet de loi : Paris-Métropole va prospérer – nous l’espérons –, la région va faire son travail, les élus s’organisent et vont continuer de s’organiser, l’atelier des architectes va bâtir des projets… et l’État sera bien obligé de faire avec les uns et les autres !

La vie est toujours plus forte que la procédure et celle que vous avez construite risque bien – fort heureusement ! – de tourner à vide. D’ailleurs, s’il fallait une raison supplémentaire de voter contre ce texte, cette procédure en serait une. Mais il n’est pas nécessaire de nous fournir cette raison de plus, car, comme vous l’avez compris, mes chers collègues, nous n’avons pas beaucoup changé d’avis tout au long des débats ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen du projet de loi relatif au Grand Paris, un texte qui a suscité des débats vifs et passionnés, ici au Sénat, à l’Assemblée nationale, mais également au sein des collectivités locales concernées.

Depuis plusieurs mois, les élus franciliens se sont fortement mobilisés pour exprimer leurs attentes, leurs interrogations et finalement, pour beaucoup d’entre eux, leur déception. Cette déception, la plupart de mes collègues du RDSE et moi-même la partageons.

Le principe d’une attention spécifique portée à Paris et sa région nous semblait, au départ, une bonne initiative. Conscients du potentiel économique d’une capitale, nous comprenons bien la nécessité de dynamiser celui-ci dans l’espoir d’un effet d’entraînement bénéfique pour le reste du pays.

Concentrant près de 30 % du produit intérieur brut national, l’Île-de-France joue un rôle moteur indéniable. Avec sept gares de TGV, deux grands aéroports, un axe fluvial majeur, la région francilienne dispose également d’une situation de carrefour exceptionnelle.

Tous ces atouts permettent à Paris de faire partie du club très fermé des quatre premières villes-monde, aux côtés de New York, Londres et Tokyo. Mais pour combien de temps encore ? Depuis quelques années, la ville est rattrapée par des capitales européennes de plus en plus attractives, comme Madrid ou Berlin, et par des agglomérations asiatiques à la croissance spectaculaire, comme Shanghai, Pékin ou Bombay.

Aujourd’hui, Paris accuse un retard de deux points de croissance par rapport aux autres capitales. Il était donc important de réagir afin de lui offrir de nouvelles capacités de développement.

Malheureusement, le projet de loi relatif au Grand Paris ne me semble pas en mesure de répondre à ce défi. Comme j’ai eu l’occasion de le dire, le 6 avril dernier, lors de la discussion générale, le texte appelle de nombreuses réserves, dont la plupart n’ont pas été levées par la commission mixte paritaire réunie la semaine dernière.

C’est regrettable, mais ce n’est pas étonnant au regard des conditions dans lesquelles le projet de loi a été élaboré, puis examiné.

Ainsi, souvenons-nous qu’en amont la consultation des élus franciliens a été réduite au strict minimum. Le maire et le Conseil de Paris n’ont eu que quelques semaines pour donner leur avis sur un projet de loi pourtant très important pour les Parisiens. Pour notre part, la procédure accélérée nous a privés d’un débat d’une durée à la hauteur des enjeux.

Il s’agit tout de même d’un texte engageant l’avenir d’une ville et de sa région sur vingt-cinq ou trente ans ! Projeter un chantier aussi pharaonique sans donner le temps de la concertation aux acteurs concernés et le temps de la réflexion aux parlementaires est déraisonnable. Nous sommes nombreux sur ces travées à avoir regretté cette méthode, et pas seulement du côté de l’opposition. Certains élus de votre majorité, monsieur le secrétaire d’État, n’ont pas caché leur malaise.

Il résulte de ce manque de temps un projet de loi imparfait. La commission spéciale, dont je salue le travail, a tenté de l’améliorer sur de nombreux aspects, sans toutefois parvenir à le rendre très convaincant. De plus, la plupart des amendements de l’opposition, avant tout motivés par le souci de rendre de la cohérence au projet du Grand Paris, ont connu un sort funeste.

À l’issue du processus législatif, nous obtenons donc un texte qui a toujours les mêmes défauts : il est autoritaire, aléatoire et incomplet. Le constat est sévère, chers collègues, mais il n’est que le reflet d’un travail au cours duquel, comme je le disais à l’instant, le dialogue a fait cruellement défaut.

Pourquoi un texte autoritaire ? Le 29 avril 2009, au Palais de Chaillot, le Président de la République avait évoqué un véritable partenariat avec les collectivités locales. Or, je le répète, la concertation n’a pas prévalu avec les élus locaux ni même d’ailleurs avec les architectes.

Monsieur le secrétaire d’État, alors que vous écrivez dans votre livre Le Grand Paris du xxie siècle que « l’équilibre entre complexité et harmonie nécessitera tout le travail de nos architectes et urbanistes », alors que la lettre de mission du Président vous commandait d’intégrer les propositions des architectes pour le développement francilien, élaborées dans le cadre de la consultation internationale lancée par l’État avec le concours financier de la Ville de Paris, celles-ci ont été écartées.

On voit ainsi émerger un projet se résumant à la création d’une rocade de métro automatique et au développement du plateau de Saclay.

Pour mettre en œuvre cette ambition, vous avez choisi de créer la Société du Grand Paris et d’accorder une place prépondérante à l’État au sein de son conseil de surveillance, tenant ainsi à distance les élus franciliens, alors même que des pans entiers de leur territoire vont être bouleversés.

Vous avez fait le choix de reléguer le STIF au second plan, un organe pourtant compétent et légitime pour l’organisation des transports en Île-de-France. Vous avez en revanche créé les conditions permettant de lui faire supporter le coût de l’exploitation.

Tout cela irrite les élus franciliens, qui se sentent dépossédés des décisions, mais qui sont bien conscients de devoir en supporter les conséquences, notamment financières.

Le procédé est d’autant plus choquant que les élections régionales ont reconduit une majorité porteuse de propositions très attendues par les habitants de la région parisienne : la modernisation du RER, la « désaturation » de la ligne 13 du métro, le prolongement de la ligne EOLE sont quelques-unes des priorités dégagées par les élus et pour lesquelles les financements ont déjà été mobilisés. Avant tout, un important travail a été engagé par la région pour la création de l’Arc Express, point sur lequel la commission mixte paritaire est heureusement parvenue à un compromis.

Au regard des résultats obtenus par la liste qu’il a conduite, il semble que les Franciliens fassent confiance à la vision proposée par Jean-Paul Huchon pour leur région.

Le texte relatif au Grand Paris pose problème en termes de démocratie, en ce qu’il vient se superposer autoritairement à des projets en cours, et des projets légitimes. Mes chers collègues, au sein de l’organisation décentralisée de la République, la région parisienne est visiblement destinée à subir un régime d’exception que la commission mixte paritaire n’a pas réussi à atténuer. Le système de gouvernance du Grand Paris demeure problématique et fortement recentralisateur.

J’ai également qualifié ce texte d’aléatoire, car, à mes yeux, la question du financement n’est pas réglée.

Cet aspect, pourtant fondamental, reste très flou pour un projet qui nécessitera toute de même la coquette somme de 21 milliards d’euros d’investissements. Au cours des débats, nous attendions donc des réponses, des garanties.

Dans le contexte d’un endettement public préoccupant, est-il bien raisonnable de lancer ce projet, concurrent de projets déjà existants ? Le Gouvernement compte notamment sur la valorisation foncière et immobilière dégagée à terme aux abords des gares de la rocade. Tout cela est bien hasardeux, car cela suppose la réussite du projet. Or la crise économique s’installe, hélas ! durablement. La prévision de 60 000 emplois qui, selon vous, devraient être créés grâce à la valorisation de la rocade et du plateau de Saclay, soit le double du nombre actuel de création de postes, me paraît bien optimiste, pour ne pas dire surréaliste.

Enfin, j’ai parlé d’un texte incomplet.

Le discours du Palais de Chaillot proposait de jeter les bases d’une véritable dynamique métropolitaine, ouverte, durable, solidaire. Pourtant, à ce stade, rien n’est prévu pour garantir la qualité de vie dans les futurs quartiers.

La dimension environnementale, pratiquement inexistante dans le projet initial, a été ajoutée au cours des débats, au détour de quelques articles mentionnant le développement durable. Soit ! La protection d’une zone naturelle à usage agricole sur le plateau de Saclay a été actée. Mais tout cela demeure bien faible au regard de l’urgence écologique.

S’agissant du volet relatif au logement, là aussi la déception est grande. Si le Sénat a ajouté, à l’article 1er, sur proposition de la commission spéciale, un objectif de production de 70 000 logements, rien n’est prévu pour réduire la fracture sociale. Ce n’est pas le préfet qui résoudra, à lui tout seul, le problème du manque de logements en Île-de-France !

Au bout du compte, ce texte reflète une vision parcellaire de la métropole de demain, très éloignée des objectifs de l’après-Kyoto et de la nécessaire solidarité territoriale.

Mes chers collègues, de nombreux outils existaient déjà pour développer la métropole parisienne. Paris Métropole avait ouvert la voie à une ambition fondée sur le dialogue avec les élus, les Franciliens et tous les acteurs publics et économiques soucieux de conserver à leur agglomération le titre de ville-monde. Le projet de loi a le grand défaut de balayer tout ce travail et de ne pas s’articuler avec l’existant.

Si quelques amendements adoptés par le Sénat ont rétabli, ici et là, un peu de cohérence, le texte définitif ne laisse pas entrevoir la possibilité d’un projet véritablement structurant. La plupart des radicaux de gauche et la grande majorité des membres du RDSE n’approuveront pas les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier.

M. Jacques Gautier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce texte est emblématique d’un fort volontarisme politique en matière d’aménagement du territoire et de développement économique. Il renoue avec une tradition française qui place l’État au cœur de la réalisation des grands projets structurants de dimension nationale.

M. Charles Pasqua. Très bien !

M. Jacques Gautier. Ce volontarisme, c’est celui du Président de la République, Nicolas Sarkozy, qui s’est personnellement investi dans ce projet d’envergure, et vous a confié, monsieur le secrétaire d’État, la difficile mission de faire de l’agglomération parisienne une ville-monde attractive, à l’avant-garde de l’innovation et du développement durable, au sein d’une compétition internationale de plus en plus dure, tout en améliorant la qualité de vie des habitants de la région-capitale.

Le défi est énorme, non seulement pour Paris, mais aussi pour notre pays, et nous devons le relever ensemble.

Ce projet, qui dessine ce que sera notre métropole dans quinze ans, témoigne d’une véritable ambition, porteuse d’avenir, qui profitera à la nation tout entière.

En effet, le Grand Paris est un projet d’intérêt général, qui n’oppose pas la droite à la gauche, l’Île-de-France aux autres régions. C’est un projet urbain global, nécessaire à la France, conçu en lien étroit avec le pays.

Monsieur le secrétaire d’État, certains n’ont voulu voir dans votre texte qu’un projet de réseau de transport automatique ou d’aménagement du plateau de Saclay. Or vous nous avez proposé une véritable « boîte à outils », qui nous permettra de définir et de réaliser, ensemble, une quarantaine de gares et, autour d’elles, des pôles de développement économique comportant des logements, des services publics et des activités, cela grâce aux « contrats de développement territorial », instruments novateurs qui sont au cœur du partenariat entre l’aménageur, la Société du Grand Paris, ou SGP, et les collectivités territoriales concernées.

Ce texte a été amélioré grâce au travail effectué au Sénat, notamment par le rapporteur Jean-Pierre Fourcade, auquel je tiens à rendre hommage.