M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus, après plusieurs jours d’un débat de haut niveau, au terme de la discussion du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Cette discussion, toujours courtoise, parfois même conviviale, je tiens à le souligner, s’est déroulée dans une réelle ambiance de travail, ce qui a parfois permis de trouver des consensus.

Aussi, au nom de mon groupe, et notamment des différents intervenants du RDSE qui se sont succédé, je tiens à remercier tout particulièrement nos excellents rapporteurs, le président de la commission de l’économie, ainsi que vous-même, monsieur le ministre, non seulement pour votre exceptionnel sens de l’écoute et votre patience, mais aussi pour la qualité et la précision de vos réponses.

Monsieur le ministre, aussi grave que soit le sujet, le débat a malgré tout été serein, sérieux et très riche.

Comme en témoigne notre présence en cette veille de fête des mères – comment l’oublier quand cela a été tant de fois rappelé ? (Sourires.) –, nous n’avons pas ménagé notre temps. Mais un secteur aussi fondamental pour notre économie et nos territoires ne méritait-il pas que l’on s’y attarde, pour tenter de trouver des solutions, pour sortir de ces crises à la fois structurelles et conjoncturelles ?

L’agriculture française occupe encore aujourd’hui des milliers d’hommes et de femmes, qui s’investissent avec passion, sans compter ni leur temps ni leur peine. Elle dessine la plupart de nos paysages. Dans beaucoup de régions, elle contribue au maintien de la cohésion sociale. Elle constitue le soubassement du secteur agroalimentaire et dynamise le commerce extérieur de notre pays. Et n’oublions pas cette évidence : elle a une fonction alimentaire, laquelle est désormais reconnue et constitue un défi perpétuel.

Toutes ces dimensions imposent que l’on appréhende l’agriculture comme un secteur d’avenir et non comme une activité en perdition. Le France demeure et demeurera une grande nation agricole, tout le monde ici, je le crois, en est intimement convaincu.

Pourtant, comme l’écrivait déjà Voltaire, « on a trouvé, en bonne politique, le secret de faire mourir de faim ceux qui, en cultivant la terre, font vivre les autres ». Il serait sans doute excessif de prétendre que cette phrase d’un autre siècle est toujours d’actualité, mais elle n’en reflète pas moins une part de la réalité d’aujourd'hui : pour de nombreux agriculteurs, obtenir des prix rémunérateurs pour leurs produits et retirer de leur travail des revenus décents est malheureusement un combat quotidien et difficile, les crises qui frappent les exploitants étant multiformes. Aléas climatiques, crises sanitaires, volatilité des cours : les agriculteurs doivent se battre sur tous les fronts. Au fil des décennies, les embellies sont de plus en plus rares et réservées à quelques filières qui font figure d’exceptions.

La triste réalité, nous la connaissons : en 2009, toutes productions confondues, le revenu des chefs d’exploitation a chuté de 32 %. Dans mon département, les arboriculteurs ont subi des pertes atteignant 50 % !

Je le répète, l’agriculture joue un rôle stratégique. Elle ne laisse donc pas les pouvoirs publics indifférents. Cependant, les plans de soutien et les lois d’orientation se succèdent sans parvenir à la sanctuariser. Les textes ont souvent un temps de retard : plutôt que de prévenir les crises, ils servent d’abord à les amortir. C’est bien cette dimension prospective qu’il nous faut parvenir à retrouver.

À l’issue de nos débats en commission et en séance publique, le présent projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche nous entraîne-t-il, cette fois-ci, dans la bonne voie ?

Beaucoup de modifications substantielles ont été apportées au texte initial, le rendant souvent plus pertinent, mais, hélas ! encore peu convaincant, ce qui donne parfois le sentiment d’un travail inachevé. De ce point de vue, nous ne pouvons que regretter l’absence d’une deuxième lecture du fait de l’engagement par le Gouvernement de la procédure accélérée.

Une fois de plus, je crains qu’on ne confonde vitesse et précipitation ! C’est donc aux travaux de l’Assemblée nationale que nous devons nous en remettre pour que ce texte aille plus loin, en espérant surtout que nos collègues députés ne reviendront pas sur les apports du Sénat, et notamment sur l’adoption des amendements présentés par le groupe du RDSE. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour « veiller au grain », si j’ose dire !

Nous avons ainsi renforcé la politique de l’alimentation, avec les dispositifs relatifs aux circuits courts et aux marchés publics. Nous avons également amélioré le texte sur la question des relations entre les acheteurs et les producteurs, au bénéfice de ces derniers. Le groupe du RDSE avait déposé, sur cette question, des amendements, dont certains ont été satisfaits : les progrès concernant les accords de modération des marges et la taxe additionnelle à la TASCOM en font partie. L’importance du stockage de l’eau est enfin reconnue, et l’adoption, dans une belle et touchante unanimité, de mon amendement portant sur ce point est une source de réelle satisfaction.

Enfin, en tant qu’auteur d’une proposition de loi sur l’assurance récolte, je dois reconnaître, monsieur le ministre, l’esprit d’ouverture dont vous avez fait preuve sur ce sujet, notamment au travers de l’amendement du Gouvernement sur la réassurance publique. Ce progrès indéniable a été salué sur tous les travées. La volonté d’avancer a été unanime et, au-delà des clivages partisans, c’est bien l’œuvre du Sénat tout entier ; il faut s’en réjouir !

Pour autant, la majorité des membres de mon groupe a quelques regrets. Sur la contractualisation, notamment, nous restons sur notre faim. Le volet foncier ne nous semble pas en mesure de stopper la déprise agricole. La politique d’installation menée en direction des jeunes, malgré des avancées notables, n’est pas encore suffisamment dynamique. L’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ne disposera pas de tous les moyens qui lui sont nécessaires pour mener à bien sa mission. Le risque existe que nous en restions, une fois de plus, au stade des discours, fussent-ils présidentiels, et de la bonne volonté affichée.

Au terme de notre discussion, l’appréciation que mon groupe porte sur ce texte pourrait se résumer ainsi : « Des progrès, mais peut mieux faire. »

Au fond, je dois le dire, ma grande inquiétude se situe ailleurs. Tant qu’on n’en reviendra pas à une agriculture régulée à l’échelle européenne, avec la PAC, et surtout au niveau mondial, avec l’OMC, ainsi que me le rappelait encore récemment notre excellent collègue Jean-Pierre Chevènement, nos dispositifs franco-français resteront autant de coups d’épée dans l’eau.

Aussi, nous souhaitons que le Gouvernement français se mobilise, comme il a su le faire pour les banques. Il doit déployer la même énergie pour convaincre nos partenaires qu’on ne peut pas continuer à exiger des normes sociales, sanitaires et environnementales pour quelques pays seulement. Le principe de concurrence loyale devra être mieux défini dans les instances commerciales internationales. Comme en matière économique, il nous faut parvenir à une coordination des politiques agricoles à une échelle supranationale, et même mondiale.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la grande majorité des membres du groupe du RDSE, tentée par l’abstention, s’opposera finalement à ce projet de loi, qui ne porte pas suffisamment l’espoir d’une agriculture retrouvant les moyens de produire dans la sérénité, pas plus qu’il n’apporte à nos agriculteurs la certitude de pouvoir vivre de leurs productions et donc de leur travail. Le reste du groupe se partagera entre l’abstention et le vote positif.

M. le président. La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Monsieur le président, je serai bref, car j’ai, moi aussi, un train à prendre dans peu de temps. (Sourires.)

Monsieur le ministre, je souhaite simplement exprimer toute ma satisfaction devant le travail qui a été mené, dans un climat marqué par la volonté d’être constructif.

Selon moi, les dispositions contenues dans ce projet de loi – qu’il s’agisse de la contractualisation, du développement du système assurantiel, des dispositifs de récupération d’énergie, et j’en passe –, jointes à l’action que vous-même menez au niveau européen en faveur d’une meilleure régulation des marchés, permettront d’améliorer la situation de l’agriculture.

Ces dispositions seront-elles suffisantes ? Je l’ignore, tant il est vrai que les coûts de production pèsent très lourd. Nous devrons y réfléchir, car les charges que subit l’agriculture française sont supérieures à celles qui s’appliquent chez nos partenaires, y compris nos voisins allemands. Je me plais néanmoins à souligner les avancées importantes que permettra l’adoption de ce texte.

La partie agricole a été confiée à mon ami Gérard César, avec qui j’ai étroitement travaillé. Pour approfondir sa réflexion, il a tenu à rencontrer de nombreuses personnalités.

Concernant la partie pêche et aquaculture, domaines auxquels je suis très attaché, ne serait-ce qu’en tant président du groupe d’études du littoral et de la mer, nous avons également réalisé des progrès importants, qu’il convient de souligner.

Je me réjouis notamment que nous ayons su trouver une bonne adéquation entre la nécessité d’une gouvernance plus cohérente à l’échelon régional ou interdépartemental et le maintien de la proximité, souhaité par l’ensemble de nos pêcheurs et, me semble-t-il, par l’ensemble des groupes.

Je me félicite de la mise en place des schémas régionaux de développement de l’aquaculture marine. Alors que l’IFREMER avait répertorié tous les sites potentiels, nous ne disposions d’aucun schéma. Désormais, nous allons pouvoir développer l’aquaculture, qu’elle soit marine ou en eau douce.

Je me réjouis également, monsieur le ministre, de la création du comité de liaison scientifique et technique des pêches maritimes et de l’aquaculture, grâce auquel seront réunis, sur un même bateau, pêcheurs et scientifiques. Une telle instance nous permettra sans doute d’y voir plus clair ! En effet, alors que les pêcheurs prétendent qu’ils peuvent continuer de pêcher, les scientifiques poussent un véritable cri d’alarme, relayé tout à l’heure par notre collègue du groupe CRC-SPG.

Par ailleurs, pour développer la pêche et l’aquaculture – car je ne pense pas qu’on puisse descendre en dessous de 15 % de couverture de nos besoins en produits de la mer par la flotte de pêche française –, il nous faudra mettre en place les outils de formation nécessaires, en vue de préparer les marins de demain, et prévoir certains investissements. La flotte de pêche doit être rénovée. Le Grenelle de la mer a notamment évoqué les problèmes liés à la motorisation, sur lesquels nous devrons revenir.

Monsieur le ministre, je voterai bien entendu ce projet de loi. Je tiens à vous remercier, ainsi que l’ensemble de vos services, et aussi les collaborateurs de la commission. Je crois que nous avons fait tous ensemble du bon travail.

Pour conclure, monsieur le président, je dirai un mot de l’organisation de nos débats.

Plusieurs de nos collègues se sont étonnés, avec raison, me semble-t-il, que le temps maximal autorisé pour présenter un amendement, à savoir trois minutes, soit inférieur au temps imparti pour l’explication de vote, à savoir cinq minutes. Si ces durées étaient inversées, peut-être gagnerions-nous du temps et nous épargnerions-nous des discussions parfois quelque peu chaotiques. Mais je sais bien que vous n’y êtes pour rien, monsieur le président !

M. le président. Monsieur Revet, c’est en toute connaissance de cause que, lors de la modification du règlement, nous avons choisi de limiter à trois minutes le temps imparti pour présenter un amendement.

En effet, non seulement les amendements font généralement l’objet d’un examen préalable en commission, mais ils sont, en séance publique, sous les yeux de chacun et s’accompagnent d’un exposé des motifs écrit qu’il est loisible à chacun de consulter. En pratique, le temps moyen nécessaire pour présenter un amendement est d’ailleurs très souvent inférieur à trois minutes, et il est rare que cette durée se révèle insuffisante.

En revanche, avec l’explication de vote, on est dans le cœur du débat, et le Sénat entend privilégier le débat. Dès lors, il est peu probable que ces règles évoluent.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà deux semaines, tout avait bien commencé. Les mots se voulaient rassurants : régulation des volumes, prix rémunérateurs, quotas. On a vu des sénateurs s’insurger contre le comportement des députés européens et d’autres dénoncer très humblement, sinon les effets pervers, en tout cas l’impuissance de la loi de modernisation de l’économie à protéger les producteurs.

Vous-même, monsieur le ministre, déclariez au début de la discussion que nous devions changer de modèle économique, trop d’agriculteurs investissant sans savoir ce qu’ils gagneront.

Pourtant, après deux semaines de débats morcelés, parfois nocturnes, force est de constater que le projet de loi sur lequel nous nous apprêtons à nous prononcer aujourd’hui ne sera pas en mesure d’apporter des réponses à la crise que traverse le monde agricole et au malaise qui semble s’y être durablement installé.

Bien sûr, on peut concéder quelques satisfactions : elles sont parfois symboliques, mais les symboles ont leur importance, surtout quand il s’agit d’affirmer le caractère public de la politique de l’alimentation ; elles sont parfois plus concrètes, et je pense à l’interdiction partielle des remises, rabais, ristournes ou à l’interdiction de renvoyer aux producteurs les marchandises non vendues.

Nous apprécions d’autant plus ces progrès qu’ils sont peu nombreux et nous vous savons gré, monsieur le ministre, d’avoir été prêt à les accueillir.

Il reste que, dans sa globalité, ce texte ne nous satisfait pas.

En premier lieu, il s’inscrit dans le cadre de politiques internationales et européennes délétères pour le secteur agricole. Or les décisions prises dans le cadre de l’OMC, du G8, du G20 ou de l’Union européenne ne tombent pas du ciel ! La France a le devoir de porter un message. Dès lors, on ne peut que constater l’absence de volonté de changer les politiques agricoles, de soustraire l’agriculture aux lois du marché.

Monsieur le ministre, vous avez déclaré que, aux niveaux européen et international, notamment à l’occasion de la présidence française du G20, vous agiriez pour la régulation des marchés. Lors des débats, nous avons demandé des engagements en ce sens et vous nous avez répondu que le Gouvernement suivait cette question à l’échelon européen. Or, lorsque nous vous avons proposé de soutenir, dans le cadre de la révision de la PAC, des mécanismes qui garantissent une régulation des volumes et des prix rémunérateurs, vous nous avez rétorqué que cela relevait de l’Union européenne !

Vous dites qu’en matière viti-vinicole une libéralisation des plantations n’aurait pas de sens. Ce n’est pourtant pas ce que prévoit l’organisation commune du marché du vin, que la droite européenne a soutenue.

Par ailleurs, le dispositif de contractualisation, présenté par le Président de la République comme le remède à tous les maux, ne convainc personne. Même les membres de la majorité n’y croient pas ! La contractualisation existe déjà, mais elle n’est pas mise en œuvre. Elle peut entériner un rapport de force, mais non l’inverser. Or la question est bien là : si l’État ne s’engage pas fermement dans la défense d’un prix rémunérateur pour les agriculteurs, rien ne changera.

La mise en œuvre d’outils existants, comme les principes équitables du coefficient multiplicateur, serait plus utile que le dispositif prévu à l’article 3 !

Les autres mesures, telle la concentration des organisations de producteurs, sont des solutions qui ont déjà montré leurs limites, notamment en raison du faible poids des coopératives agricoles face aux centrales d’achat et aux distributeurs.

Nous déplorons également que nos amendements visant à instaurer plus de représentativité dans la gouvernance des organisations du secteur agricole aient été jugés inutiles.

En bref, la contractualisation ne fait pas une politique agricole.

La gestion des risques agricoles par l’assurance privée facultative, au détriment de la mutualisation des risques et de la solidarité entre les exploitants, ne nous satisfait guère tant elle risque de laisser bon nombre d’agriculteurs sur le bord du chemin.

Le plan durable de gestion de l’agriculture perd un peu de son intérêt quand on sait combien le Grenelle 2 est en recul par rapport aux ambitions initiales. Ainsi, un amendement de la majorité visant à assujettir la restriction ou le retrait de pesticides à l’évaluation des effets socio-économiques, et non plus seulement sanitaires ou environnementaux, a été adopté, avec le soutien du Gouvernement. Cette nouvelle disposition restreint la possibilité de retirer son homologation à un produit phytosanitaire alors même que sa dangerosité aurait été démontrée.

Que penser des objectifs affichés depuis des mois en ce qui concerne la préservation de la biodiversité quand on marchande nos forêts sans tenir compte, dans l’exploitation des bois, des règles minimales nécessaires à leur renouvellement ?

Enfin, le projet de loi brille par l’absence de tout volet social. La réalité est pourtant dramatique pour les agriculteurs, les pêcheurs et leurs familles : des revenus en baisse malgré un travail de plus en plus lourd, des retraites inférieures au seuil de pauvreté et un départ en retraite qui recule sans cesse, telle la ligne d’horizon Pour le monde agricole, ce ne sont pas les champs Élysées ! Voilà des femmes et des hommes qui souffrent et qui, après une vie de dur labeur, voient le moment de souffler un peu s’éloigner toujours et leur pension se réduire comme peau de chagrin.

Exploités par le négoce, l’agroalimentaire, les banques et l’assurance, ainsi que par la grande distribution, les agriculteurs n’ont plus qu’à subir les dégâts causés par le libéralisme (Mme Jacqueline Panis et M. Rémy Pointereau s’exclament.) Cette loi ne sera pas en mesure de soigner les blessures profondes du monde agricole ni d’assurer le maintien des activités agricoles sur notre territoire.

Pour toutes ces raisons, nous sommes contraints de voter contre ce texte, car nous ne voulons pas tromper les agriculteurs et les pêcheurs de métropole et d’outre-mer sur sa prétendue efficacité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. Le premier élément marquant du contexte dans lequel ce texte a été présenté est bien entendu celui de la crise, avec la baisse des revenus des agriculteurs de près d’un tiers, parfois plus.

Le second élément marquant, c’est l’Europe. Ce projet de loi s’inscrit clairement dans la perspective de la préparation de l’agriculture française à la PAC de l’après-2013.

Les travaux du Sénat, tant en commission qu’en séance publique, témoignent d’un intérêt particulier pour le monde agricole, appréhendé à la fois dans son unité et dans sa diversité.

Au titre Ier du projet de loi, l’orientation prise en faveur d’une politique de l’alimentation a été largement saluée. Le Sénat a souhaité fixer dans la loi le principe d’un étiquetage obligatoire de l’origine des produits agricoles et alimentaires, bruts ou transformés, appuyant ainsi la position de la France dans les négociations menées actuellement au niveau européen pour modifier le règlement sur l’étiquetage des denrées alimentaires.

Au titre II, qui est le cœur du texte, le Sénat a souhaité donner plus de visibilité aux agriculteurs en soutenant la contractualisation.

Par ailleurs, nous avons voulu remédier aux dérives auxquelles peuvent conduire certaines pratiques commerciales de la distribution dans le secteur des fruits et légumes et des produits frais.

En outre, le Sénat a renforcé le rôle des interprofessions par rapport ce que prévoyait le texte initial du Gouvernement.

Nous avons, bien sûr, approuvé ce qui concerne l’assurance contre les aléas climatiques, car c’est une bonne mesure. Nous devrons néanmoins aller plus loin, étendre son champ et dépasser la seule question des aléas climatiques.

Ensuite, le Sénat, sur l’initiative du rapporteur, a institué le compte épargne d’assurance pour la forêt, afin d’aider au développement du marché de l’assurance des bois et forêts. Il a également posé les fondements d’une politique forestière plus ambitieuse.

Enfin, le Sénat ne s’est pas contenté d’examiner les dispositifs proposés par le Gouvernement dans ce projet de loi. Toujours sur l’initiative de M. le rapporteur, il a ajouté, en particulier, deux volets importants : d’une part, un volet relatif à l’accompagnement de l’installation, notamment afin d’encourager l’installation sous forme sociétaire ; d’autre part, un volet social et fiscal, la question des charges étant fondamentale.

Enfin, au titre IV, le Sénat s’est également penché sur le développement de l’aquaculture et sur la modernisation de la gouvernance des pêches françaises. Ce titre spécifique a été excellemment rapporté par notre collègue Charles Revet, auquel nous tenons à rendre un hommage tout particulier, pour ses grandes compétences en la matière.

Mes collègues de l’UMP et moi-même souhaitons également rendre un hommage appuyé à Gérard César, rapporteur de la commission, qui a travaillé sans relâche pendant plusieurs moi et dont l’expertise en matière agricole est reconnue par tous.

Je ne saurais terminer mon propos sans remercier aussi notre brillant ministre de l’agriculture et de la pêche, M. Bruno Le Maire, de l’attention qu’il a bien voulu porter aux propositions du Sénat, de son écoute et aussi de l’engagement total dont il fait preuve au service des agriculteurs, notamment dans son combat permanent pour une régulation à l’échelle européenne.

Le groupe UMP s’enorgueillit donc de voter ce projet de loi.

Même si ce texte n’a pas la prétention de régler tous les problèmes qui se posent aujourd’hui aux agriculteurs, il ne paraît pas responsable de s’y opposer et donc, de fait, de rejeter tous les outils nouveaux et concrets qu’il met en place, lesquels permettront aux agriculteurs de relever les défis de la volatilité des marchés, de la compétitivité et d’une agriculture que nous voulons durable et porteuse de projets d’avenir. C’est pourtant le choix qu’ont fait nos collègues socialistes, communistes et Verts, choix tout à fait regrettable qui contraste, chers collègues de l’opposition, avec l’attention bienveillante, et même attendrissante, que vous avez manifestée au cours de nos débats à l’égard des agriculteurs. Ça n’avait pas toujours été le cas lorsque vous étiez au pouvoir !

M. Rémy Pointereau. Je le répète, même si ce texte ne règle pas tous les problèmes, même s’il n’est pas parfait, vous choisissez une position contraire à l’intérêt des agriculteurs. Nous saurons le leur faire savoir. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Odette Terrade. Nous, nous comptons sur leur lucidité !

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai cette intervention en exprimant quelques regrets : si le texte du Gouvernement va dans le bon sens, il manque néanmoins un peu d’audace, et surtout de moyens. C’est la raison pour laquelle, avec un succès mitigé, nous avons tenté, à travers la plupart des amendements que mes collègues de l’Union centriste et moi-même avons présentés, de pousser la logique un peu plus loin, par exemple en matière de compétitivité ou d’assurance.

La mise en place d’un fonds de gestion des risques en agriculture me rassure. C’est un projet sur lequel mon collègue Daniel Soulage a longtemps travaillé, et qui répond à une attente forte des agriculteurs, surtout quand on connaît leur vulnérabilité aux aléas climatiques.

La tempête Xynthia comme celle qui a dévasté une partie des Landes témoignent de l’importance du risque.

S’agissant de la réassurance, le Gouvernement a fait un pas en avant en prévoyant un rapport sur les modalités de mise en place d’une réassurance publique. Toutefois, en reportant sine die la mise en œuvre elle-même de cette réassurance publique, on retardera d’autant l’essor des assurances récoltes, qui ont besoin d’une couverture de réassurance privée pour se développer. Par un effet de cascade, la réassurance privée a besoin de garanties publiques. Nous sommes donc très réservés, monsieur le ministre, sur votre engagement au mode conditionnel en ce domaine.

De même, les sénateurs du groupe de l’Union centriste regrettent que vous n’ayez pas osé faire le pas en avant qui aurait consisté à confier aux associations d’organisations de producteurs la charge de gérer le fonds de gestion permettant de faire face aux aléas économiques. C’est un vrai risque, qui nécessite une couverture. Le Gouvernement est allé exactement à l’encontre de cette dynamique, en supprimant par ordonnance, au début du mois de mai, les comités économiques agricoles qui avaient cette compétence.

J’espère au moins que les nombreux décrets d’application auxquels renvoie l’article 9 prévoiront un large déploiement du Fonds national de gestion des risques et le développement de l’assurance.

En tout cas, le groupe de l’Union centriste sera extrêmement vigilant quant à la bonne application des articles 9 et 10 dans les mois à venir, notamment lors de la parution des décrets.

Je ne répéterai pas ce qui a été largement souligné à propos du manque de compétitivité de l’agriculture française, sur un secteur paradoxalement très internationalisé dans ses échanges commerciaux, et qui fait l’objet d’un protectionnisme de chaque pays producteur et de l’Union européenne.

En tout état de cause, je ne crois pas que les mesures prévues soient à la mesure des enjeux et de notre retard en la matière, ne serait-ce que parce que la politique agricole est avant tout communautaire et que la marge de manœuvre d’une politique franco-française est étroite.

Je soutiens le ministre dans sa démarche auprès de la Commission européenne sur les questions de régulation de l’agriculture et sur la modification du droit de la concurrence, mais je reste circonspecte quant au résultat.

Les mesures en la matière ne vont pas assez loin et ne sont pas novatrices. Certes, les contrats constituent une réelle avancée, d’autant que notre groupe a permis d’instituer un médiateur pour faciliter la négociation. Mais n’aurait-il pas été intéressant de prévoir leur transmission à l’Observatoire ?

L’Observatoire fait aussi l’objet de quelques réserves de notre part. Il ne constitue pas une innovation puisque FranceAgriMer joue déjà ce rôle pour trois filières. Il aurait été judicieux de compléter ses compétences plutôt que de créer un autre observatoire, d’autant que, comme on a pu le voir avec l’Observatoire des distorsions, son activité n’est pas garantie, la loi ne prévoyant pas de moyens particuliers, et l’amendement que mon groupe a déposé pour en faire un organe fort, visible et complémentaire de l’Observatoire des distorsions n’ayant pas été retenu.

Mais il faut « laisser sa chance au produit ». C’est pourquoi nous avons soutenu le Gouvernement dans cette démarche, en donnant un vrai pouvoir aux organismes statistiques afin qu’ils puissent obtenir des informations sur les prix, en renforçant les sanctions, aujourd’hui inefficaces. Les organismes qui refuseront de coopérer à la mission de l’Observatoire seront recensés sur une liste noire diffusée sur son site internet.

Quoi qu'il en soit, la compétitivité de l’agriculture française passera avant tout par un allégement de la fiscalité et des normes imposées aux agriculteurs. Or vous ajoutez, au contraire, un plan régional de l’agriculture durable !

Vous avez botté en touche les sujets fiscaux et normatifs, comme ceux qui ont trait aux commissions des structures ou à l’Observatoire des distorsions. Je trouve cela dommage, car ce sont des préoccupations sérieuses.

Le projet de loi prévoit la mise en œuvre d’un énième schéma régional de développement de l’agriculture, qui existait déjà au niveau départemental.

En bref, ce texte manque d’une vision globale de la politique agricole française.

Il apporte toutefois quelques consolations, comme le maintien d’un dialogue de terrain dans le secteur de la pêche, grâce à l’initiative de notre collègue Jean-Claude Merceron. Il faut encourager ces avancées, en espérant que leur bonne et juste exécution permettra de convaincre notre groupe de l’Union centriste qu’il avait tort de se montrer sceptique.

Enfin, l’extinction définitive du colonat partiaire est pour moi un grand sujet de satisfaction. C’est le dernier bastion de l’esclavage qui, aujourd’hui, vient de tomber.

Sous le bénéfice de ces observations, le groupe de l’Union centriste votera ce texte. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)