Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jacques Mahéas. J’aurais pourtant bien d’autres choses à dire, madame la présidente, mais je vais conclure !

La réforme des collectivités territoriales comporte également son lot d’incertitudes et d’inquiétudes. Tout cela crée une atmosphère assez délétère. C’est pourquoi la traduction législative des accords de Bercy aurait pu, aurait dû constituer un moment privilégié pour conforter les fonctionnaires, pour assurer les bases d’un dialogue social rénové. Malheureusement, vous avez instrumentalisé ce texte afin de faire passer tout autre chose, avec des ajouts qui vont jusqu’à contredire totalement son esprit originel.

Aussi le groupe socialiste ne peut-il, en l’état – restons optimistes ! –, voter un projet de loi désormais dénaturé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en 1946, le dialogue social a été conçu comme un compromis visant à contrebalancer la rigidité de la subordination statutaire par une consécration des garanties individuelles et collectives des fonctionnaires, car ces derniers ne sont pas des employés comme les autres.

Ce compromis fondateur s’est forgé entre principe hiérarchique et participation. Mais, aujourd’hui, le dialogue social dans la fonction publique présente de très nombreuses imperfections.

Certes, l’intitulé du présent projet de loi sonne, à l’évidence, plutôt agréablement à l’oreille, dans la mesure où personne ne saurait être contre l’idée de rénover le dialogue social dans la fonction publique.

Cependant, on a ripoliné les menuiseries sans prendre la précaution de vérifier qu’elles n’étaient pas vermoulues ! Or nombre d’éléments ont été incontestablement oubliés. Les organisations syndicales de fonctionnaires avaient certes d’abord émis un avis favorable, mais elles se sont quelque peu ravisées par la suite…

Par ailleurs, on relève certaines curiosités. Ainsi, il a été décidé de recourir à la procédure accélérée sur ce texte, alors qu’il avait été déposé à l’Assemblée nationale le 1er avril 2009 : son examen intervient presque quatorze mois plus tard ! Comprenne qui pourra ! Peut-être l’approche de l’été n’est-elle pas étrangère à cette situation, monsieur le secrétaire d’État, et souhaitez-vous avoir fait adopter ce projet de loi avant de partir en vacances… (Sourires.)

Ce texte vise à améliorer les règles du statut de 1946, mais sans que soit exactement précisé lesquelles. Nous pourrions néanmoins nous féliciter d’une telle initiative, car ces règles n’avaient que très peu évolué jusqu’alors. Malheureusement, de nombreuses inquiétudes se font jour.

Une première inquiétude a trait à ce que j’appellerai le « paritarisme à la carte », qui constitue à l’évidence une entorse au principe républicain.

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. François Fortassin. La France dispose des fonctionnaires les mieux formés et les plus efficaces au monde.

M. Jacques Mahéas. Tout à fait !

M. François Fortassin. Sur quoi notre principe républicain est-il fondé ?

Certes, les élus décident, mais l’indépendance des fonctionnaires qui sont à leur service doit être garantie, à l’instar de celle des magistrats de la chambre régionale des comptes, dont la mission est de relever a posteriori d’éventuelles anomalies.

Or, avec le paritarisme à la carte, il est évident que le principe républicain n’est plus observé sur l’ensemble du territoire français. Pourtant, quand une loi a été votée, mieux vaut qu’elle s’applique à tous.

Le paritarisme est une réalité dans les collectivités territoriales. Le dialogue social y est de qualité, parce que, très souvent, l’employeur et les fonctionnaires se retrouvent autour d’une table pour un dialogue certes sans concession, mais tout à fait constructif dans l’immense majorité des cas.

Il convient en outre de signaler que le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, lors de sa séance du 19 novembre 2008, a émis unanimement un avis défavorable sur le projet de loi et a dénoncé « la volonté de reprise en main forte de l’État », un « néo-jacobinisme » qui va incontestablement à l’encontre du discours officiel : il y a les paroles, et leur traduction concrète sur le terrain. Au demeurant, M. le rapporteur, de façon tout à fait courtoise et pudique, l’a donné à entendre…

Cette recentralisation manifeste, qu’on le veuille ou non, une défiance de l’État à l’égard des élus locaux, qui seraient coupables de gaspillage, responsables de l’embauche d’un trop grand nombre de fonctionnaires. Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d’État, comment se fait-il que les collectivités locales soient en moyenne peu endettées, contrairement à l’État ? Si les élus locaux étaient aussi mauvais gestionnaires et gaspillaient autant que d’aucuns le prétendent, cela se traduirait par de lourdes dettes.

Je souhaiterais maintenant évoquer l’article 30 du projet de loi et le statut des infirmiers et des personnels paramédicaux. Ces professionnels de santé sont inquiets quant à l’évolution de leur métier. Ils entendent que leur qualification soit reconnue à sa juste valeur, or il me semble que vous ne répondez pas avec suffisamment de précision à leurs légitimes attentes.

Vous leur proposez en effet de choisir entre l’intégration à la catégorie A, assortie d’une revalorisation salariale et d’un départ à la retraite plus tardif qu’actuellement, et le maintien de leur présent statut. Mais la question de la pénibilité n’est à aucun moment évoquée de façon précise, alors que nous savons tous qu’elle est essentielle pour ce type de professions. Il n’y a rien de commun entre le travail d’une infirmière ou d’un infirmier exerçant dans une maison de retraite dont nombre de pensionnaires sont quasiment grabataires et celui d’une infirmière scolaire, qui consiste surtout – ne voyez aucune connotation péjorative dans mes propos – à distribuer la pilule du lendemain.

M. Jean-Pierre Sueur. Elles assument beaucoup d’autres tâches !

M. François Fortassin. Certes, mais la pénibilité physique de leur travail n’est en rien comparable.

Si l’on ne prend pas en compte la pénibilité, on va susciter énormément de frustration chez ceux qui, trop éprouvés par leurs conditions de travail pour pouvoir retarder leur départ à la retraite, n’auront en pratique pas d’autre choix que de renoncer au passage en catégorie A. Au-delà des considérations financières, il y a la reconnaissance d’un métier.

Mme Josiane Mathon-Poinat. La reconnaissance sociale !

M. François Fortassin. Il me semble que cet aspect n’a pas été suffisamment pris en compte, de même que l’alourdissement incessant des charges, du fait du vieillissement de la population.

Comme cela a été souligné tout à l'heure, il s’agit effectivement d’un cavalier législatif. Cet empressement est difficilement compréhensible, d’autant que la réforme des retraites sera examinée d’ici à la fin de l’année.

En définitive, nous contestons votre conception du dialogue social. Il s’agit bien là d’un passage en force, marqué par un certain mépris des partenaires sociaux, puisque les infirmiers et leurs organisations syndicales ont massivement rejeté l’intégralité de ce projet, qui n’a été accepté que par un seul syndicat.

Voilà pourquoi les membres du groupe du RDSE, dans leur grande majorité, sont extrêmement dubitatifs. Ils se montreront très vigilants au cours de la discussion de ce texte, qui comporte beaucoup trop de dispositions en trompe-l’œil, séduisantes tant que l’on ne les examine pas avec précision. Or, en l’occurrence, le diable se cache dans les détails ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 2 juin 2008, après consultation, six des huit organisations syndicales représentatives de la fonction publique ont signé le « relevé de conclusions relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique » proposé par le Gouvernement. Ces accords, dits de Bercy, devaient entériner un certain nombre d’avancées sociales et démocratiques au sein de la fonction publique, où l’organisation du dialogue social est une tâche complexe.

Historiquement, les règles du dialogue social dans la fonction publique ont été conçues comme un compromis visant à contrebalancer une subordination statutaire rigide par une consécration des garanties individuelles et collectives des fonctionnaires. Ce choix, qui a ses avantages, notamment en termes de carrière, d’égalité de traitement et de stabilité de l’emploi, a malgré tout empêché le développement dans le secteur public d’une véritable culture de négociation sur les conditions de travail. Si des accords partenariaux existent, ils ne sont, à ce jour, pas véritablement opposables par les fonctionnaires, dont la situation relève du règlement. Il était donc impératif d’aller plus loin en créant les conditions d’une meilleure maîtrise par les fonctionnaires de leurs conditions de travail.

Depuis la signature de ces accords, nous attendions la modification du statut général de la fonction publique qui devait en découler. Nous espérions en effet que les avancées contenues dans ces accords connaîtraient une transcription législative et réglementaire fidèle, ce qui est le cas dans certains articles du projet de loi.

Ainsi, ce texte généralise la logique de l’élection aux organisations syndicales de fonctionnaires. Les élections aux comités techniques associeront l’ensemble des personnels titulaires et contractuels. Leurs résultats serviront de base au calcul de la représentativité syndicale, pour que la voix de chacun soit prise en compte à tous les niveaux.

La création d’une instance de dialogue social commune aux trois fonctions publiques, longtemps attendue, constitue également une avancée. En effet, les négociations étaient auparavant disjointes, alors que les enjeux étaient les mêmes pour les trois branches. Il était donc indispensable qu’une instance permette de les réunir autour d’une même table.

La reconnaissance des compétences développées dans l’exercice d’un mandat syndical au titre des acquis de l’expérience professionnelle est une autre avancée. Les formations reçues et les actions menées dans le cadre des activités syndicales débouchent indubitablement sur l’acquisition de savoir-faire. Elles seront désormais prises en compte dans l’évolution des carrières et auront pour effet de conforter celle-ci, ce qui pourra encourager les agents à s’engager dans la vie syndicale et dans le mouvement social.

Malheureusement, ces avancées trouvent rapidement leurs limites, et sont contrebalancées par quelques dispositions pour le moins critiquables.

Dès la fin de l’année 2008, le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale nous alertait en publiant un avis défavorable au projet de loi issu des accords de Bercy. En effet, le texte qui lui avait été soumis annonçait la mort programmée du paritarisme dans les instances représentatives des fonctions publiques d’État et territoriale.

Certes, il avait été question, lors de la négociation des accords de Bercy, de modifier les règles du paritarisme, jugées parfois trop rigides pour permettre un bon dialogue, mais certainement pas de les supprimer totalement. Si tel avait été le cas, jamais une majorité ne se serait dégagée au sein des organisations syndicales pour approuver ces accords.

Cela n’a pas gêné le Gouvernement outre mesure, puisque son texte prévoit la suppression du paritarisme au sein des comités techniques, des conseils supérieurs des trois fonctions publiques, ainsi que dans l’instance commune à ces trois conseils supérieurs.

Les comités techniques ont en principe pour fonction de permettre des pourparlers entre les représentants du personnel et ceux de l’administration. Or un tel dialogue ne peut valablement s’instaurer que si les parties concernées sont représentées de façon plurielle et équitable. Si une seule d’entre elles peut prendre part au vote, la discussion devient purement formelle ; il ne s’agit plus alors que d’un semblant de démocratie.

Prévoir l’octroi du droit de vote aux seuls représentants du personnel altère considérablement les avancées contenues dans le projet de loi. L’administration ne fera plus qu’acte de présence. Dans ces conditions, comment envisager qu’elle prête une oreille attentive aux revendications des fonctionnaires ? Quel intérêt trouvera-t-elle à participer aux comités techniques ? Probablement aucun !

La disparition du paritarisme conduira à un affaiblissement de la qualité des débats entre syndicats et administration, voire à leur disparition. Il nous paraît pourtant pour le moins paradoxal que, dans un texte relatif au dialogue social, le Gouvernement introduise des dispositions qui n’ont fait l’objet d’aucun accord et qu’il supprime un outil de régulation démocratique. Cela est d’autant plus injustifiable que ces mesures figurent dans un projet de loi dont l’une des dispositions principales est l’instauration des accords majoritaires. En effet, l’accord de juin 2008 prévoit que, d’ici peu, un accord ne sera valide que s’il est signé par des syndicats représentant une base électorale de plus de 50 % des votants.

Malgré tout, les débats à l’Assemblée nationale ont permis d’infléchir quelque peu le texte en offrant à chaque collectivité territoriale la possibilité de maintenir le paritarisme dans les comités techniques. En outre, nous avons déposé des amendements tendant à renforcer ce principe, mais je crains que la commission n’ait d’ores et déjà décidé de les rejeter…

Enfin, reste la question de la concordance des élections. Telles qu’elles sont organisées aujourd’hui, les élections ne permettront pas une mise en œuvre globale et immédiate de la réforme du dialogue social. Si l’on souhaite que la représentativité syndicale prenne en compte les nouvelles règles du jeu d’ici à la fin de 2013, une période transitoire est indispensable. Or il semblerait que cela ne soit absolument pas une urgence pour le Gouvernement, en dépit des déclarations qu’il a faites. Un système bancal, alliant l’ancien et le nouveau régime, sera donc en vigueur pendant quelques années, ce qui, de fait, invalidera les avancées contenues dans le texte.

Quoi qu’il en soit, le paritarisme aurait pu être l’objet principal de ce texte. Cette question ayant été renvoyée à plus tard par les accords de Bercy, les débats auraient pu déboucher sur une avancée. Si tel n’avait pas été le cas, du moins aurions-nous pu peser le pour et le contre, entre les avancées permises par le texte et la fin du paritarisme.

Mais les modifications de dernière minute que vous avez apportées au texte nous privent de la possibilité de participer à un réel débat parlementaire. L’affaire fait désormais grand bruit : par le biais d’une lettre rectificative à ce projet de loi, vous avez ajouté au volet concernant la retraite des dispositions relatives à la mise en œuvre du protocole d’accord du 2 février 2010 sur le passage des infirmiers à la catégorie A.

Outre le chantage indigne que subissent les infirmiers –mon collègue François Autain, membre de la commission des affaires sociales, s’exprimera plus longuement sur ce sujet –, le procédé utilisé est tout simplement scandaleux. Pouvez-vous nous expliquer quel est le lien entre la rénovation du dialogue social dans la fonction publique et la retraite des professions paramédicales ? Pourquoi ne pas avoir attendu les négociations sur la pénibilité et sur les retraites concernant l’ensemble des salariés, qui devront de toute façon déboucher sur l’élaboration de textes de loi ? S’agit-il, en procédant catégorie par catégorie, de diviser les salariés, qui seront probablement opposés à votre réforme ? Cette façon de greffer au dernier moment sur le texte un autre sujet s’apparente à une basse manœuvre politicienne.

L’ajout d’un article relatif à la retraite des infirmiers n’est d’ailleurs pas le seul cavalier législatif de ce projet de loi. Le débat à l’Assemblée nationale a redessiné intégralement le texte, avec l’insertion d’articles instaurant des primes de résultats, des dispositifs d’intéressement collectif et autres parachutes dorés pour cadres de la fonction publique, bref des règles de management privé, dont on se demande d’ailleurs quel rapport elles ont avec le dialogue social !

L’introduction de l’intéressement dans la fonction publique, déjà expérimenté dans certains ministères, constitue une autre mesure n’ayant aucun lien avec les accords de Bercy. L’instauration d’une part d’intéressement dans la rémunération des fonctionnaires territoriaux faisait l’objet de négociations depuis plusieurs mois entre le Gouvernement et les organisations syndicales. Bien que ces négociations se soient finalement soldées par un échec au mois de mars, le Gouvernement a décidé de passer en force en insérant une telle mesure dans le présent projet de loi.

Ces nouvelles dispositions prévoient qu’une partie de la rémunération des agents sera fondée sur la performance individuelle et mettent en place un intéressement collectif, déterminé selon la supposée « satisfaction des usagers ». De telles règles de management n’ont aucun rapport, de près ou de loin, avec le dialogue social, l’esprit de la fonction publique, les missions de service public ou l’intérêt général…

En somme, le texte que nous examinons aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec le projet de loi initial. Au lieu de débattre d’un sujet clair et délimité – le dialogue social –, nous voici contraints d’aborder des thèmes aussi différents que la retraite, la pénibilité de certains métiers ou encore l’intrusion des règles du management privé au sein de la fonction publique, qui plus est après engagement de la procédure accélérée.

Vous organisez volontairement la cacophonie, la précipitation et l’éparpillement, afin de mieux diluer les responsabilités et de faire passer ainsi quelques-unes de vos réformes en toute discrétion. Le procédé commence cependant à être connu ! Vous aviez opéré de la même manière en insérant dans le projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique des dispositifs permettant de licencier des fonctionnaires…

L’exposé des motifs du projet de loi a beau faire référence à un « tournant historique », à un « consensus sans précédent », à une « modernisation très profonde » ou encore à une « nouvelle ère de démocratie sociale », jamais un gouvernement n’aura fait autant de tort au service public et porté à ce point atteinte aux principes d’égalité et de modernité qui le sous-tendent. Tous les corps de la fonction publique subissent une saignée sans précédent du fait de la révision générale des politiques publiques, qui conduit à sabrer des pans entiers des services publics de la vie quotidienne.

Le non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux a été justifié par un discours démagogique sur la nécessité de réduire les dépenses publiques. Or les économies ainsi escomptées ont aussitôt été perdues avec la réduction du taux de TVA applicable à la restauration. Cette politique a détruit des dizaines de milliers d’emplois utiles à des centaines de milliers de citoyens !

Les entreprises publiques qui subsistent sont quant à elles vendues à la découpe, sans aucun gain pour la société. Des services publics comme l’hôpital sont délibérément mis en faillite pour qu’ils puissent mieux être privatisés. À cette destruction en règle s’ajoute celle à venir des collectivités locales, qui, associée à la suppression de la taxe professionnelle, conduira à une déstructuration de l’équilibre économique et social de territoires déjà bien éprouvés.

Dans ces conditions, on comprendra que nous ne puissions accorder de crédit à un tel projet de loi. Sur le fond comme sur la forme, il dénature les accords initiaux et illustre un désengagement à l’égard du service public. Nous voterons donc contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe-André Frassa.

M. Christophe-André Frassa. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’a rappelé notre collègue Jean-Pierre Vial, le texte qui nous est soumis constitue la traduction législative des accords de Bercy, signés en juin 2008 par six syndicats représentant plus de 70 % des voix à l’échelle des trois fonctions publiques. Je tiens à saluer le large et inédit consensus trouvé il y a deux ans. Cette date marquera à jamais un changement de méthode. Ces accords concrétisent la volonté des syndicats et du Gouvernement de faire des concessions réciproques pour définir en commun les nouvelles règles du dialogue social.

Désormais, l’élection sera le premier fondement de la représentativité syndicale : elle sera organisée partout et pour tous. Tout syndicat légalement constitué pourra se présenter aux élections professionnelles. Les instances de dialogue social seront toutes composées en fonction des résultats d’élections désormais ouvertes à tout agent, qu’il soit titulaire ou contractuel.

Par ailleurs, la négociation sera le pilier fondamental du dialogue social. Elle se tiendra à tous les niveaux et sur tous les sujets.

Les accords de Bercy ont jeté les bases d’une culture de négociation et de partenariat, amenée à se substituer à une culture de confrontation plus formelle.

A également été posé le principe qu’un accord sera désormais reconnu valable s’il est signé par des syndicats représentant au moins 50 % des voix, c’est-à-dire à la seule condition qu’il soit majoritaire. Cette consécration de l’accord ne modifie néanmoins en rien son environnement juridique : la reconnaissance de sa validité n’implique pas d’effets juridiques, le fonctionnaire demeurant soumis à un statut fixé par le législateur et le pouvoir réglementaire.

En revanche, nous nous réjouissons que soient confortées la pratique de la concertation et la démarche consensuelle, par la responsabilisation des partenaires.

La démocratie sociale se concrétisera donc, pour 5,2 millions d’agents, titulaires ou non, par l’élection de représentants au sein des instances consultatives.

La révision des règles de représentativité doit permettre de reconnaître la place des organisations syndicales qui recueillent des suffrages importants aux élections, tout en favorisant l’expression d’une diversité des sensibilités syndicales.

Le Président de la République s’était engagé à mettre fin au paritarisme numérique. Le projet de loi qui nous est soumis met un terme au caractère paritaire des trois conseils supérieurs de la fonction publique, ainsi que des comités techniques. Le groupe UMP ne peut que s’en féliciter.

J’ai entendu affirmer que « la suppression du paritarisme serait une remise en question du bon fonctionnement des collectivités territoriales et des instances de la fonction publique territoriale ». J’avoue que cet argument, avancé par l’opposition, me semble quelque peu obsolète. En quoi les collectivités territoriales connaîtraient-elles des défaillances de fonctionnement parce que la collectivité employeur ne participerait pas à égalité aux décisions prises par et pour ses employés ?

L’identification imparfaite d’un niveau de dialogue social commun aux trois fonctions publiques a trop souvent conduit à prendre pour référence la fonction publique de l’État pour le traitement des dossiers ayant des incidences sur les trois fonctions publiques.

C’est pourquoi nous trouvons tout à fait opportune la création du Conseil commun de la fonction publique.

Cette nouvelle instance examinera toute question commune aux trois fonctions publiques, s’agissant notamment des évolutions de l’emploi public dans toutes ses composantes, du dialogue social européen, de la mobilité entre les trois fonctions publiques, de la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes, de l’insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique et de l’adaptation des conditions de travail à l’évolution des techniques, en particulier des technologies de l’information et de la communication.

Comment certains peuvent-ils encore affirmer que cette instance pourrait « condamner le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale à jouer les seconds rôles et limiter le rôle des employeurs de la fonction publique territoriale » ?

Comme l’a rappelé M. Bernard Derosier, député socialiste et président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, « la création d’une instance commune de concertation aux trois conseils supérieurs est indispensable pour traiter les questions transversales aux trois volets de la fonction publique et pour s’interroger sur leurs relations ».

Ce conseil commun est une instance transversale dont la création s’inscrit dans la convergence voulue des statuts des trois versants de la fonction publique, qui me semble indispensable pour permettre les passerelles.

Cependant, une telle unité ne doit pas aboutir à niveler les particularismes. Le groupe UMP veillera à ce que le Conseil commun de la fonction publique œuvre pour l’unité, et non pour l’unification.

Comme le rappelle M. le rapporteur, il nous semble fondamental que, au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales, les employeurs locaux conservent un pouvoir propre d’expression sur les questions spécifiques à la fonction publique territoriale.

Par ailleurs, je tiens à saluer l’initiative du Gouvernement, qui a inséré l’article 30 du projet de loi. C’est la concrétisation législative du vaste plan de revalorisation statutaire et salariale de la profession d’infirmier et d’autres professions paramédicales voulu par le Président de la République.

Depuis vingt ans, les infirmières et infirmiers n’ont eu de cesse de demander la reconnaissance de leur diplôme au niveau de la licence et une revalorisation salariale pour les personnels qui pourront accéder à la catégorie A. Le groupe UMP se réjouit que soit désormais offerte aux infirmières et infirmiers qui le souhaitent la possibilité d’accéder à cette catégorie.

Bien évidemment, pour tout avantage, il y a une contrepartie : en l’occurrence, le passage de ce nouveau corps de la catégorie active à la catégorie sédentaire et, par conséquent, celui de l’âge de départ à la retraite de 55 ans à 60 ans.

J’en suis convaincu, l’ensemble de ces mesures permettront d’accroître l’attractivité des métiers infirmiers et paramédicaux, qui sont essentiels à la qualité de l’offre de soins dans notre pays.

Enfin, le groupe UMP salue le choix audacieux fait par le Gouvernement d’inciter les agents publics à la performance individuelle et collective. Ainsi, le projet de loi vise à modifier la politique de rémunération dans la fonction publique, avec l’instauration de la prime de fonctions et de résultats, la PFR. La rémunération sera donc déterminée selon trois critères : le grade, la fonction et le mérite.

Le groupe UMP tient à saluer l’excellent travail effectué par notre collègue et ami Jean-Pierre Vial. Nous voterons ce texte, qui a pour vocation de mieux défendre les agents publics et d’améliorer le service public rendu. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je centrerai mon intervention sur l’article 30 du projet de loi.

Je ne reviendrai pas sur le paradoxe, déjà largement souligné, qu’il y a de voir figurer un tel article dans un projet de loi « relatif à la rénovation du dialogue social ». Outre que l’on se demande bien ce qu’il vient y faire, une telle initiative augure mal du futur dialogue social au sein de la fonction publique hospitalière !

En revanche, je m’attarderai sur ce qui m’apparaît, dans cet article, constituer un piège, dont seront victimes les infirmières et les infirmiers, spécialisés ou non, travaillant dans les structures hospitalières publiques.

En effet, voilà des années – je puis en témoigner – que les personnels paramédicaux concernés souhaitaient légitimement la prise en considération, sur les plans statutaire et financier, de leur niveau d’études, qui est au minimum de bac+3.

La réforme LMD et la reconnaissance de leur diplôme au niveau de la licence leur ouvrent l’accès à la catégorie A de la fonction publique. C’est une bonne chose. On aurait pu en rester là et opérer les reclassements qui s’imposaient pour les personnes intéressées en service dans les structures et institutions hospitalières concernées.

Tout le monde s’en serait félicité, moyennant quelques négociations salariales complémentaires, pour peu que les infirmiers anesthésistes diplômés d’État, déjà fonctionnaires de catégorie A, voient leurs cinq années d’études, soit un niveau équivalent à un diplôme universitaire de type master 2, sanctionnées par une majoration indiciaire spécifique.

Eh bien non ! Il a fallu que, dans le cadre de la réforme LMD et à la suite du protocole d’accord permettant le passage des personnels infirmiers en catégorie A, le Gouvernement introduise des dispositions visant à modifier le statut des infirmiers que nous retrouvons aujourd’hui dans ce fameux article 30 du présent projet de loi. Elles tendent à repousser de 55 ans à 60 ans la possibilité de partir à la retraite pour les infirmiers et les personnels paramédicaux.

Certes, ce faisant, le Gouvernement entend appliquer le droit commun applicable aux fonctionnaires en matière de retraite à l’occasion d’un passage de la catégorie B à la catégorie A. Toutefois, n’aurait-il pas fallu prendre le temps de négocier davantage avec les administrations et le régime de retraite concerné, afin d’obtenir une dérogation à ce principe de droit commun s’agissant du personnel infirmier et de chercher à lui conserver le bénéfice d’un classement dans la catégorie active pour son régime de pension, nonobstant son nouveau statut et le surcoût induit, d’ailleurs tout relatif par rapport à d’autres dépenses beaucoup plus critiquables ? Je pense que si ! Tel n’a pas été le choix du Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, et nous le regrettons.

Dès lors, les organisations syndicales ont, presque unanimement, boycotté la réunion du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière qui avait été convoquée en urgence pour émettre un avis sur le projet. Par ce boycott, elles entendaient marquer leur désapprobation et leur refus de ce qu’elles considèrent comme un coup de force. Mon groupe dénonce et déplore la situation dans laquelle sont placés les personnels infirmiers hospitaliers.

Car enfin, pourquoi une telle précipitation ? Ne nous annonce-t-on pas depuis des semaines que nous serons bientôt saisis de projets de loi visant à remettre à plat tous les systèmes de retraite, au regard notamment de leur financement ? N’était-il pas possible de prendre en compte le cas spécifique du personnel paramédical hospitalier dans ces concertations sur les retraites ? La proposition qui nous est soumise aujourd’hui est-elle un ballon d’essai ? Dans ce cas, la cible serait pour le moins mal choisie, s’agissant de corps de métiers dont tous nos concitoyens louent les services éminents, tout en s’inquiétant de la pénibilité, due au stress croissant, au rythme de travail soutenu, à la station debout prolongée, au travail de nuit astreignant, à la nécessaire vigilance de chaque instant, au côtoiement continu de la souffrance, et souvent de la mort… Pendant plus de trente ans, j’ai pu le constater dans les hôpitaux publics que j’ai eu l’honneur de diriger !

Ainsi, le choix proposé à ce personnel est à la fois déstabilisant et injuste eu égard au classement en catégorie A d’autres corps de fonctionnaires voilà peu d’années. Je pense par exemple aux instituteurs, reclassés professeurs des écoles en 1991 sans que pareil dilemme leur ait été imposé.

Si l'article 30 est adopté, les infirmières et infirmiers qui choisiront d’être reclassés en catégorie A, outre qu’ils ne pourront plus partir à la retraite à 55 ans, se verront également privés du bénéfice de la validation d’une année d’assurance retraite supplémentaire pour dix ans de service accomplis.

Par ailleurs, les infirmiers anesthésistes diplômés d’État, qui relevaient déjà de la catégorie A, ne pourront désormais plus partir à la retraite à 55 ans, ce qui est inacceptable !

Le dispositif de cet article 30 représente un marché de dupes dont seront victimes les personnels infirmiers des hôpitaux publics. Cette question ne peut nous être soumise aujourd’hui à la sauvette, à l’occasion de l’examen d’un projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social, sujet dont le champ est suffisamment vaste pour se suffire à lui-même.

Je ne saurais terminer sans reprendre à mon compte une question que se pose le personnel infirmier : la pénibilité au travail s’achète-t-elle ? Notre réponse est non ! C’est pourquoi nous présenterons un amendement de suppression de l’article 30 et, si nécessaire, un amendement de repli. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)