Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le sénateur.

M. Jacques Mahéas. Scinder le projet de loi en deux aurait été une solution bien plus logique et beaucoup plus efficace.

Dans ces conditions, nous allons voter cette question préalable.

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 54, tendant à opposer la question préalable, et dont l'adoption entraînerait le rejet du projet de loi.

Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement demandent le rejet de cette motion.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 209 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 326
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l’adoption 138
Contre 188

Le Sénat n'a pas adopté.

Nous passons donc à la discussion des articles.

TITRE IER

DISPOSITIONS RELATIVES AU DIALOGUE SOCIAL DANS LA FONCTION PUBLIQUE

Chapitre Ier

Dispositions communes aux trois fonctions publiques

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique
Article 1er

Articles additionnels avant l'article 1er

Mme la présidente. L'amendement n° 55, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique est abrogée.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Le texte qui nous est aujourd’hui soumis constitue une nouvelle offensive contre la fonction publique.

Sous couvert d’engager une rénovation du dialogue social dans la fonction publique, acceptée par les partenaires sociaux, le Gouvernement procède à un démantèlement de la fonction publique, qui s’inscrit parfaitement dans un contexte européen. C’est d’ailleurs sans surprise que nous avons appris que Bruxelles entendait qu’il soit procédé à la transformation du statut de la SNCF en société anonyme.

Les dogmes libéraux ont pourtant encore récemment, lors de la crise, montré leurs limites. Malgré ce patent constat d’échec, nous continuons de voir transposer une logique d’entreprise au sein même la fonction publique.

Après avoir banalisé le contrat dans la fonction publique et le recours à l’intérim, on fait aujourd'hui un pas supplémentaire vers l’individualisation des rémunérations et la rémunération au mérite. Ainsi, on entend mettre en place une concurrence entre les agents d’un même service, voire entre les services eux-mêmes.

L’intérêt général est remplacé par la logique de la rentabilité et de l’efficacité, des critères que l’on évalue sans tenir compte du service rendu aux usagers. D’ailleurs, peut-on encore vraiment, aujourd'hui, parler d’usagers ? La sémantique a évolué, le terme « client » remplaçant progressivement celui d’« usager ».

Chaque nouveau texte contient des cavaliers législatifs, qui annihilent les bonnes intentions affichées en matière de concertation, de clarification et d’amélioration du service public.

Ainsi, dans le texte qui nous est aujourd'hui soumis, aux dispositions sur la rénovation du dialogue social a-t-on ajouté « diverses dispositions relatives à la fonction publiques ». Or seules les premières ont été discutées avec les organisations syndicales. C’est tout de même un comble pour un texte relatif au dialogue social !

Dans ces conditions, nous proposons d’abroger les dispositions de la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, qui ne sont qu’une contribution au démantèlement du statut de la fonction publique et qui ont échappé au dialogue social.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Vial, rapporteur. La loi du 3 août 2009 offre aux fonctionnaires les moyens de réorienter leur carrière. En décloisonnant les fonctions publiques, elle permet de passer de l’une à l’autre.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement est évidemment défavorable à cet amendement.

La mobilité dans la fonction publique n’est pas une abstraction. C’est un élément tout à fait fondamental et indispensable, nous le verrons au cours des débats que nous allons avoir dans les prochaines semaines.

Madame la sénatrice, je ne déclinerai pas ici toutes les dispositions prévues dans la loi relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, mais tous les agents de la fonction publique ne sont pas simplement intéressés par cette loi, ils sont directement bénéficiaires des dispositifs indemnitaires – les primes de mobilité, les indemnités de restructuration, les indemnités différentielles, etc. – prévus pour encourager le processus de mobilité.

Cette loi a été adoptée il y a juste un an. La remettre aujourd'hui en cause me semble complètement contre-productif.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On ne va pas refaire la loi tous les huit jours !

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.

M. Jacques Mahéas. Je comprends le souci de nos collègues du groupe CRC-SPG : on assiste, avec les suppressions d’emploi, à un certain démantèlement de la fonction publique. De plus, on peine à connaître le nombre réel de contractuels : on nous parle de 850 000 contractuels, alors qu’ils seraient au moins 1,2 million !

Il ne semble donc pas absurde de demander que les organisations syndicales puissent intervenir et donner leur avis – je parle simplement de donner un avis – dans le domaine de la réorientation professionnelle ou de l’intérim pour faciliter l’emploi des contractuels. Certes, j’aurais aimé que l’on précisât un peu plus ces domaines d’intervention, mais nous partageons la philosophie qui sous-tend cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 55.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 56, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La présente loi s'applique aux fonctionnaires civils et aux agents contractuels de droit public des administrations de l'État, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics y compris les établissements mentionnés à l'article 2 du titre IV du statut général des fonctionnaires de l'État et des collectivités territoriales, à l'exclusion des fonctionnaires des assemblées parlementaires et des magistrats de l'ordre judiciaire. Elle s'applique également aux agents contractuels de droit public des groupements d'intérêt public.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement vise à préciser le champ d’application du projet de loi.

Nous estimons nécessaire de définir clairement les personnels auxquels ce texte s’appliquera : fonctionnaires, agents contractuels de droit public des administrations et des groupements d’intérêt public, les GIP.

En effet, ces dernières années, nous avons assisté à une forte multiplication du nombre de personnels contractuels embauchés dans les administrations, le recours à des contractuels étant de plus en plus fréquent dans les structures publiques et parapubliques. Aujourd'hui, cohabitent, au sein des mêmes structures, des personnels de droit public et de droit privé.

La volonté clairement affichée du Gouvernement est de restreindre toujours plus le statut et les règles spécifiques applicables aux agents publics. Chaque réforme est, pour lui, l’occasion de tenter d’appliquer le droit privé du travail aux personnels, notamment à leurs instances représentatives.

Le présent texte, même s’il respecte certaines spécificités de la fonction publique quant à la validité des accords, par exemple, n’échappe pas à cette tendance.

C’est pourquoi il nous paraît nécessaire d’être précis et d’insister sur le fait que ce texte doit aussi s’appliquer aux personnels contractuels des groupements d’intérêt public.

Dans la mesure où les groupements d’intérêt public sont des personnes morales de droit public, les conditions des négociations collectives doivent être les mêmes que pour les autres personnes morales de droit public. C’est d’autant plus vrai que les dispositions du code du travail relatives aux instances représentatives ne s’appliquent qu’aux GIP relevant du domaine industriel et commercial.

En conséquence, il est opportun de préciser que le texte s’applique également aux agents contractuels de droit public des GIP.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Vial, rapporteur. Cet amendement, à l’instar d’autres amendements déposés par les mêmes auteurs sur différents articles, prévoit d’étendre les dispositions inscrites dans ce texte aux contractuels de droit public des groupements d’intérêt public, les GIP.

Toutefois, il convient de rappeler que les GIP sont des personnes morales de droit public. Les conditions de recrutement de leurs personnels sont précisées dans leur convention constitutive, selon le principe de la mise à disposition ou du détachement par les membres du groupement. Il peut donc s’agir d’agents publics ou de salariés ; c’est d’ailleurs la particularité des GIP.

Précisons que la mise à disposition ou le détachement sont ouverts à tous les fonctionnaires, y compris lorsqu’ils n’appartiennent pas à un corps ou cadre d’emplois d’un membre du groupement.

Certains GIP bénéficient de la possibilité de recruter du personnel propre, à la condition que ce recrutement conserve un caractère subsidiaire et se justifie par la qualification ou un besoin particulier. Celui-ci doit être décidé par le conseil d’administration, après autorisation du commissaire du Gouvernement et du contrôleur d’État.

Il est vrai que la multiplication des GIP et des dispositions les régissant entraîne parfois des imprécisions pour ce qui concerne le statut des personnels. C’est pourquoi un texte législatif unique a été élaboré, ainsi que l’avait préconisé le Conseil d’État dans une étude de 1996 ; il fait l’objet des articles 58 à 82 de la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit.

Ainsi mieux vaut renvoyer à la discussion de ce texte d’ensemble la proposition de nos collègues du groupe CRC-SPG.

En conséquence, la commission vous demande, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Pour les raisons précises exposées par M. le rapporteur, le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 56.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 92, présenté par MM. Fischer et Autain, Mmes Pasquet, David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dès lors que le Gouvernement entend, par voie d'amendement, de projet de loi ou de toute autre manière, réduire, diminuer ou supprimer un droit acquis aux personnels relevant de la fonction publique nationale, territoriale ou hospitalière, il est tenu d'assurer, par le ministère de tutelle, la concertation avec les organisations syndicales représentant les fonctionnaires concernés.

La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Cet amendement d'appel a pour objet de rappeler le Gouvernement à son obligation de dialogue avec les organisations syndicales dès lors que celui-ci entend porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, aux droits attachés aux fonctionnaires.

Cet amendement vise l’affaire de la gare Montparnasse. Vous vous êtes expliquée, madame la ministre, déclarant que vous aviez reçu les syndicats et que ceux-ci étaient, malgré tout, allés interrompre ensuite la circulation ferroviaire.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Au même moment !

M. François Autain. Mais si vous les avez réellement reçus, madame la ministre, les infirmiers anesthésistes n’avaient plus aucune raison de se rendre à la gare Montparnasse ! Pourtant, ils ont manifesté au prétexte que vous leur auriez opposé un refus !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ce sont de mauvais bergers !

M. François Autain. J’avoue ne pas bien comprendre !

Je crois plutôt qu’ils ont demandé à être reçus le mardi 18 mai 2010 et que vous n’y avez pas donné suite.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mais si, ils ont été reçus par mes services, car j’étais à l'Assemblée nationale pour la séance de questions au Gouvernement !

M. François Autain. J’aimerais donc savoir pour quelle raison vous ne les avez pas reçus ce jour-là.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vais tout vous réexpliquer, monsieur le sénateur.

M. François Autain. Je vous en remercie, car j’avoue que quelque chose m’échappe. Mais, vous savez, je suis un peu diminué… (Sourires.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Oh non, pas du tout ! (Nouveaux sourires.)

M. François Autain. En fonction des explications qui me seront fournies, je retirerai peut-être mon amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Vial, rapporteur. L’article 1er du projet de loi élargit le champ de la négociation aux conditions de travail, à la formation professionnelle et à l’action sociale notamment. Il devrait donc répondre aux préoccupations des auteurs de l’amendement.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Autain, vous n’êtes absolument pas diminué, au moins dans votre pugnacité… (Sourires.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement, et je vais vous en donner les raisons.

Tout d’abord, je tiens à réaffirmer que l’augmentation des rémunérations profite également aux infirmiers anesthésistes, ce qui est d’ailleurs tout à fait normal, avec, certes, des modulations adaptées au fait que les augmentations avaient déjà fait l’objet d’un précédent protocole, relativement récent. Ainsi, en début de carrière, l’augmentation est bien de 2 879 euros nets, ce qui est considérable.

Par ailleurs, je redis ici que l’exercice réservé aux infirmiers anesthésistes – l’exclusivité même de leurs compétences – est absolument sauvegardé. Cette mesure est extrêmement importante, et nous sommes même en train de travailler avec les organisations syndicales sur la question de la mastérisation du diplôme.

Bien entendu, les organisations syndicales sont reçues au ministère ! Elles l’ont été les 3 et 10 mai dernier. Le mardi 18 mai, elles ont été reçues par mes services, puisque je me trouvais à l’Assemblée nationale, pour répondre aux questions au Gouvernement. Car nous sommes questionnées, monsieur Autain ! Vous le savez, ayant vous-même été ministre !

M. François Autain. Il y a longtemps !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Certes ! Mais vous vivez de souvenirs, et ceux-là doivent être vivaces. Les ministres sont interpellés par la représentation nationale et se doivent de répondre ! Néanmoins, j’ai veillé à ce que mes collaborateurs et mes services entendent les organisations syndicales.

Celles-ci seront de nouveau reçues jeudi prochain, conformément à un nouveau calendrier de négociation. Elles ne peuvent raisonnablement pas prétendre qu’elles ne sont pas traitées avec la considération qui leur est due !

Au bénéfice de ces explications, je vous demande donc, monsieur Autain, de bien vouloir retirer votre amendement.

Mme la présidente. L’amendement n°  92 est-il maintenu, monsieur Autain. ?

M. François Autain. J’ai bien compris que Mme la ministre aurait souhaité rencontrer, si elle avait été disponible, les organisations syndicales. Toutefois, pour des raisons indépendantes de sa volonté, elle n’a pas pu les recevoir ce jour-là.

Satisfait de vos explications, madame la ministre, je retire cet amendement.

Mme la présidente. L’amendement n°  92 est retiré.

Articles additionnels avant l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique
Article 2

Article 1er

I. –  (Non modifié) Le dernier alinéa de l’article 8 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est supprimé.

II. – Après l’article 8 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, il est inséré un article 8 bis ainsi rédigé :

« Art. 8 bis. – I. – Les organisations syndicales de fonctionnaires ont qualité pour participer au niveau national à des négociations relatives à l’évolution des rémunérations et du pouvoir d’achat des agents publics avec les représentants du Gouvernement, les représentants des employeurs publics territoriaux et les représentants des employeurs publics hospitaliers.

« II. – Les organisations syndicales de fonctionnaires ont également qualité pour participer, avec les autorités compétentes, à des négociations relatives :

« 1° Aux conditions et à l’organisation du travail, et au télétravail ;

« 2° Au déroulement des carrières et à la promotion professionnelle ;

« 3° À la formation professionnelle et continue ;

« 4° À l’action sociale et à la protection sociale complémentaire ;

« 5° À l’hygiène, à la sécurité et à la santé au travail ;

« 6° À l’insertion professionnelle des personnes handicapées ;

« 7° À l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

« III. – Sont appelées à participer aux négociations mentionnées aux I et II les organisations syndicales disposant d’au moins un siège dans les organismes consultatifs au sein desquels s’exerce la participation des fonctionnaires et qui sont déterminées en fonction de l’objet et du niveau de la négociation.

« Une négociation dont l’objet est de mettre en œuvre à un niveau inférieur un accord conclu au niveau supérieur ne peut que le préciser ou en améliorer l’économie générale dans le respect de ses stipulations essentielles.

« IV. – Un accord est valide s’il est signé par une ou plusieurs organisations syndicales de fonctionnaires ayant recueilli au moins 50 % du nombre des voix lors des dernières élections professionnelles organisées au niveau auquel l’accord est négocié. »

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 24, présenté par MM. Mahéas, Le Menn, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après les mots :

représentants des employeurs publics territoriaux

insérer les mots :

formant le collège employeur du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale

La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. La fonction publique territoriale comporte plus de deux millions d’agents. Elle est l’expression même de la décentralisation, bien mise à mal par le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, qui est en cours d’examen à l’Assemblée nationale.

Surtout, la fonction publique territoriale comporte près de 60 000 employeurs : communes, départements, régions et établissements publics de coopération intercommunale. C’est d’ailleurs ce qui fait sa spécificité par rapport à la fonction publique d’État.

Cet amendement prévoit que le collège employeur du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, le CSFPT, est consulté par le Gouvernement sur toute question relative à la politique salariale ou à l’emploi public territorial.

Le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale est en effet l’instance paritaire de consultation nationale de la fonction publique territoriale. Il rassemble des élus locaux des communes, départements et régions et les représentants des organisations syndicales représentatives de la fonction publique territoriale. Il est obligatoirement consulté par le Gouvernement sur tout projet de loi ou texte réglementaire relatif à la fonction publique territoriale.

Bien entendu, il serait incompréhensible que cette obligation de consultation soit écartée, surtout pour ce qui concerne les salaires, quand bien même le collège employeur du CSFPT comprendrait des élus de l’opposition !

Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Vial, rapporteur. En l’état actuel du droit, le collège employeur du CSFPT est consulté par le Gouvernement sur toute question relative à la politique salariale ou à l’emploi public territorial. Cette précision a été introduite en 2007.

Les employeurs territoriaux invités à la table des négociations sont désignés par les associations d’élus.

Ensuite, le collège employeur du CSFPT est consulté sur les projets de texte mettant en œuvre les conclusions des accords signés. Il est donc associé aux différents niveaux de l’évolution de la politique salariale et de l’emploi public territorial et peut s’exprimer sur les propositions arrêtées à chaque étape.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui ne prévoit que l’intervention du collège employeur du CSFPT au cours des différentes étapes, en laissant de côté les associations des élus.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

La loi relative à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique, une fois adoptée, viendra consacrer la pratique de la négociation et la légitimité des employeurs territoriaux à s’inscrire dans cette évolution.

La démarche qu’elle traduit illustre l’importance que le Gouvernement attache, d’une manière générale, au dialogue social, et plus particulièrement au rôle concret des collectivités dans ce dialogue. Cette démarche est d’autant plus justifiée qu’il est essentiel que leurs représentants puissent débattre des sujets susceptibles de faire évoluer les conditions d’emploi des agents publics ainsi que leurs rémunérations.

C’est dans cet esprit que le Gouvernement associe systématiquement, depuis le début de l’actuel quinquennat, les représentants du collège employeur du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, mais aussi les représentants des associations d’élus au travail de concertation ou de négociation de niveau inter-fonctions publiques. C’est le cas pour la négociation sur les salaires, la santé et la sécurité.

Le Gouvernement ne peut donc accepter l’amendement proposé, qui vise à écarter les partenaires, à ses yeux essentiels, que sont l’Association des maires de France, l’Assemblée des départements de France et l’Association des régions de France.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 23, présenté par MM. Mahéas, Le Menn et Domeizel, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Rédiger ainsi cet alinéa :

« III. - Sont appelées à participer aux négociations mentionnées aux I et II ci-dessus :

« 1° les organisations syndicales disposant d'au moins un siège dans les organismes consultatifs au sein desquels s'exerce la participation des fonctionnaires et qui sont déterminées en fonction de l'objet et du niveau de la négociation ;

« 2° les organisations syndicales qui ont recueilli aux dernières élections des titulaires de ces organismes consultatifs au moins 10 % des suffrages exprimées au sein des ou de la catégorie(s) de fonctionnaires que leurs règles statutaires leur donnent vocation à représenter.

La parole est à M. Jacques Mahéas.

M. Jacques Mahéas. Il s’agit d’un amendement de bon sens.

Les accords de Bercy ont prévu de consacrer le champ de la négociation dans le statut général de la fonction publique. Par ailleurs, l’obligation de négocier a été élargie aux sujets relatifs au pouvoir d’achat et aux conditions de travail. C’est cet esprit qui semble animer l’article 1er du texte que nous examinons aujourd’hui.

En effet, celui-ci prévoit que sont appelées à participer aux négociations les organisations syndicales disposant d’au moins un siège dans les organismes consultatifs au sein desquels s’exerce la participation des fonctionnaires et qui sont déterminées en fonction de l’objet et du niveau de la négociation.

Pourtant, cette disposition n’est pas suffisante. On peut tout à fait imaginer que certaines organisations syndicales puissent ne pas disposer d’un siège dans les organismes consultatifs et, dans le même temps, représenter un pourcentage non négligeable de fonctionnaires.

Or, comme l’a souligné Éric Woerth lors des débats qui se sont déroulés à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a conduit « une réforme similaire dans le secteur privé avec la loi de rénovation de la démocratie sociale du 20 août 2008. Le présent projet de loi présente un certain parallélisme, mais aussi quelques spécificités très fortes ».

Cette loi de 2008 a notamment prévu que « sont représentatives […] les organisations syndicales catégorielles affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale […] qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ». Cette disposition figure à l’article L. 2122-2 du code du travail. Elle permet aux syndicats catégoriels d’être considérés comme représentatifs dès lors qu’ils obtiennent 10 % des suffrages exprimés dans le ou les collèges des personnels qu’ils ont vocation à représenter.

L’amendement prévoit que les organisations syndicales qui ont recueilli aux dernières élections professionnelles au moins 10 % des suffrages exprimés peuvent participer aux négociations.

La position du rapporteur de ce projet de loi à l’Assemblée nationale n’est pas satisfaisante, bien qu’elle semble avoir évolué. Il a en effet affirmé que, « dans la fonction publique, les sièges seront répartis de manière strictement proportionnelle, sans seuil. Cela permettra à des organisations ayant obtenu moins de 10 % des voix d’être représentées ». Mais il s’agit ici non pas des conditions de représentation des organisations syndicales mais de la participation à la négociation.

D’ailleurs, le ministre lui-même a dit : « ma réponse est défavorable, mais avec une ouverture ». Or nous avons compris ce matin en commission des lois que cette réponse était peut-être liée à un autre amendement, qui aurait reçu un avis assez favorable.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à vous saisir de l’opportunité qui vous est donnée et à voter cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Vial, rapporteur. J’essaie de comprendre les allusions de notre collègue, qui a évoqué très longuement la représentation catégorielle.

Tout d’abord, cet amendement est formellement contraire aux accords de Bercy, qui ont prévu la participation des organisations aux différents niveaux de négociation par référence à leur présence dans l’instance consultative du niveau.

Mais sans doute faut-il également réfléchir au pourcentage qui est proposé. L’étude, plus précise que les chiffres, montre que ce seuil entraînerait un émiettement qui irait à l’encontre des orientations des accords de Bercy, lesquelles visent justement à renforcer la représentation des organisations syndicales.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.