M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. C’est exact !

M. Jean-Louis Carrère. « Certains » ont eu raison de ne pas y participer !

M. Albéric de Montgolfier. Non, parce que tout le monde doit participer à l’effort de réduction des déficits !

Saluons également la mobilisation du Gouvernement sur ce sujet.

Le rôle du Parlement sera également primordial. La prochaine loi de finances sera décisive, d’autant plus si la réforme constitutionnelle annoncée permet de mettre en œuvre la volonté affichée que toutes les dispositions fiscales relèvent de la seule loi de finances. Nous y gagnerons en lisibilité et en maîtrise de nos dépenses.

Mme Nicole Bricq. On en reparlera !

M. Albéric de Montgolfier. Combien de niches n’ont-elles pas été créées dans des textes hors budget ?

À cet égard, la mobilisation européenne est salutaire. Misons aussi sur une mobilisation et une solidarité nationales en cette période de crise. Au-delà de nos clivages partisans, l’intérêt général doit primer, notamment pour l’équilibre budgétaire.

Mes chers collègues, l’Europe est née d’une crise majeure, celle de la guerre et de la confrontation de pays. Elle doit maintenant survivre à la confrontation des économies de ses États membres, à la mondialisation et au pouvoir des marchés.

La vocation du politique est de réagir : le Gouvernement l’a fait ; le Parlement l’a fait en votant le plan d’aide à la Grèce voilà quelques semaines. Désormais cependant, notre vocation n’est plus simplement de réagir, elle est d’agir. C’est ce que nous faisons aujourd’hui.

Le chantier est immense, entre la réduction des niches fiscales et sociales, la réforme des retraites, la réforme de la dépendance, la responsabilisation de chacun des acteurs publics en matière de dépenses, l’approfondissement de la construction européenne et la régulation bancaire et financière.

Dans tous ces domaines, le groupe UMP du Sénat soutiendra bien sûr le Gouvernement en apportant sa part à ce vaste chantier. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.

M. Jean-Pierre Fourcade. Madame la ministre, mon collègue et ami Albéric de Montgolfier vient de vous apporter le témoignage de notre soutien et vous a indiqué que nous allions très largement voter le projet de loi de finances rectificative que vous nous proposez.

En effet, tout le monde admire l’effort que vous avez accompli pour parvenir à surmonter les difficultés qui nous assaillent et à nous présenter un texte qui, en ce qui concerne tant le fonds de soutien européen que les garanties qui l’accompagnent, ne bouleverse pas le budget que nous avons voté pour 2010 et se contente de confirmer ce qui a été prévu.

Or, c’est justement ce qui a été prévu qui nous inquiète. C’est pourquoi, tout en vous manifestant mon soutien personnel continu, je tiens à vous faire part – car c’est le rôle de la majorité que d’apporter un regard lucide – de trois observations sur notre situation budgétaire actuelle.

La dette de l’État, en 2010, dépassera 80 % du PIB, car elle croîtra encore de plus de 105 milliards d’euros.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui, elle se porte bien !

M. Jean-Pierre Fourcade. C’est en tout cas ce qui est prévu dans le texte, pour le moyen et long terme.

Néanmoins, comme le Parlement ne vote pas l’évolution du volume des bons du Trésor ni des engagements financiers à moins d’un an, toute modification des taux d’intérêt se traduira, comme l’a souligné tout à l’heure Mme Bricq, par une aggravation de la charge budgétaire de plusieurs milliards d’euros, ce qui va rendre difficile le retour à de meilleures conditions financières.

Donc, premier point, je souhaite, comme le rapporteur général, que l’on présente au Parlement non pas seulement l’augmentation de nos emprunts à court et moyen terme, mais aussi la variation en volume des bons du Trésor. Nous avons un stock de plus de 200 milliards d’euros de bons du Trésor, dont les taux sont très faibles : une augmentation de un point se traduirait immanquablement par une dépense budgétaire supplémentaire !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faudra préciser cela dans la programmation budgétaire, qui aura un caractère organique !

M. Jean-Pierre Fourcade. Absolument ! C’est vraiment un point essentiel.

Par ailleurs, le rapporteur général a fait observer dans son très intéressant rapport que la composition de notre dette à court, à moyen et à long terme est de plus en plus orientée et supportée par des non-résidents et que la part des résidents s’affaiblit.

Mme Nicole Bricq. Il faut faire comme au Japon !

M. Jean-Pierre Fourcade. Cela me paraît très grave dans la conjoncture actuelle et compte tenu de l’évolution des marchés financiers.

Si le Japon peut avoir une dette très forte – près de 200 % de son PIB ! –, c’est parce qu’elle est portée par les Japonais.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Jean-Pierre Fourcade. Voilà deux ans, madame la ministre, je vous ai proposé de créer un nouvel instrument de collecte de l’épargne française, de l’épargne des résidents, pour éviter ce genre de difficulté.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !

M. Jean-Pierre Fourcade. Je crois, et c’est mon deuxième point, que le moment est venu. Il faut, autant que possible, créer des bons du Trésor à cinq et dix ans réservés aux résidents ; il faut que vous envoyiez des fonctionnaires de votre ministère au Japon afin de comprendre comment fait ce pays pour conserver une dette interne, de façon que nous puissions essayer de drainer, au bénéfice de notre budget, les excédents d’épargne qui existent.

C’est un problème de plus en plus crucial et, si nous sommes un jour obligés de recourir pour notre propre dette et notre propre budget aux garanties qui figurent dans le présent projet de loi de finances rectificative, on nous demandera pourquoi nous avons laissé à ce point nos emprunts « filer » à l’étranger.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faudrait que le Trésor accepte de nous écouter !

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Exactement !

M. Jean-Pierre Fourcade. C’est bien pourquoi je le répète de manière très forte : pour que le Trésor et sa ministre de tutelle nous écoutent ! (Sourires.)

À l’heure actuelle, nos créanciers sont de plus en plus des créanciers internationaux. C’est extrêmement dangereux et, comme à la fin de 2010 notre dette dépassera 80 % de notre production intérieure – pour ne pas dire 81 % ou 82 % ! –, il est clair que nous devons rapidement prendre des mesures et mettre en place des instruments de mobilisation de l’épargne des ménages. C’est de cette manière que nous pourrons nous protéger face non pas à la spéculation, mais au jeu des marchés – puisque tout le monde aujourd’hui joue sur les marchés financiers.

Troisième point, nous avions prévu dans une loi de programmation des finances publiques un retour à un déficit public de 3 % en 2013.

Pour moi, le retour à 3 % n’est pas un objectif suffisamment crédible.

Mme Nicole Bricq. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Fourcade. L’objectif crédible auquel nous devons arriver, c’est le rétablissement de la situation dans laquelle nous étions en 2006 et en 2007 – il n’y a donc pas si longtemps ! –, quand le déficit budgétaire n’était dû qu’à la charge de la dette : le solde primaire, c’est-à-dire la différence entre les recettes et les dépenses de l’État hors charge de la dette était, lui, équilibré. C’est cela l’objectif ! Car, dès qu’il sera atteint, nous pourrons envisager la stabilisation de notre dette, élément important pour notre crédibilité et pour la position de la France sur les marchés. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

Mme Nicole Bricq. Dites-le au Gouvernement !

M. Jean-Pierre Fourcade. C’est donc, à mon avis, le retour au solde primaire que nous devons d’abord envisager, car c’est cela, la véritable mesure financière qui nous est nécessaire.

Madame la ministre, nous allons transmettre et nous continuerons de transmettre à la Commission et à l’Eurogroupe des prévisions de dépenses et de recettes et des prévisions de retour à l’équilibre.

Je n’entrerai pas dans le débat que certains ont voulu développer sur le point de savoir si le fait que beaucoup de pays européens prennent des mesures de réduction de leur déficit est attentatoire à la croissance ou non. Je me contenterai de souligner que, étant donné la mondialisation de l’économie, étant donné l’équilibre fragile, à l’heure actuelle, entre les États-Unis et la Chine sur la question du financement par la Chine des bons du Trésor américains, qui a des conséquences et sur l’euro, et sur la livre sterling, et sur le yen, il est clair que notre objectif de réduction du déficit n’est pas crédible, madame la ministre.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Si ! En augmentant les impôts !

M. Jean-Pierre Fourcade. Aussi, je me permets de le dire ici de manière claire : nous ne pouvons pas ne pas envisager à la fois une réduction des dépenses et une augmentation de la fiscalité pesant sur les revenus. Nous ne pouvons pas continuer à faire la politique de l’autruche et arguer du niveau élevé des prélèvements pour refuser une réforme de la fiscalité.

Certes, il ne serait pas bon de toucher à la TVA. (M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et M. Philippe Marini, rapporteur général, s’exclament.)

Mme Nicole Bricq. C’est déjà prévu, mais ils ne veulent pas le dire !

M. Jean-Pierre Fourcade. Mais aujourd’hui, en France, la fiscalité sur les revenus ressemble plus à celle d’un pays en développement qu’à celle d’un pays de l’OCDE !

Si nous voulons que les marchés croient à un retour à un équilibre budgétaire satisfaisant et à un bon pilotage économique, il est certain qu’il faut réduire la dépense, notamment la dépense fiscale, mais il est non moins certain que nous serons obligés de revoir la fiscalité des revenus de l’ensemble des citoyens français

Mme Nicole Bricq. Non, pas de l’ensemble ! De certains plus que d’autres !

M. Jean-Pierre Fourcade. Il faut le dire de manière claire, parce que, si nous ne le disons pas, et malgré ce que racontent les chefs économistes des différentes banques, personne ne croira que nous pouvons ramener en quelques années notre déficit budgétaire de 8 % à 3 %.

Il faut dire la vérité, et il appartient à des gens qui ont l’expérience, madame la ministre, de vous la dire et de vous faire part de leurs inquiétudes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, sans répondre à chacune des interventions de manière spécifique, je reviendrai sur quelques points particuliers.

Monsieur le rapporteur général, vous avez avancé certaines propositions, et vous avez d’abord évoqué les agences de notation, non sans faire référence au thermomètre et au malade.

Je rappellerai que, durant la présidence française de l’Union européenne, nous avions pris l’initiative, dès le mois de septembre 2008, de solliciter de nos partenaires européens une réglementation spécifique sur les agences. Celle-ci fait désormais l’objet d’un règlement européen qui entrera pleinement en vigueur à partir du 7 décembre 2010. Est donc en train de se mettre en place un mécanisme d’agrément et de contrôle des agences, d’indication très précise du mode d’élaboration des notations et d’identification des conflits d’intérêt pour permettre de séparer très strictement les opérations de notation des opérations de conseil.

M. Jean-Louis Carrère. On va noter les agences de notation !

Mme Christine Lagarde, ministre. Je rappelle également que j’ai confié à l’Autorité des marchés financiers la tâche d’être l’organe auprès duquel les agences de notation déposeront leur demande d’agrément et qui surveillera par la suite leur fonctionnement.

Je suis tout à fait d’accord sur la nécessaire concurrence en la matière, point qui est d’ailleurs relevé dans votre rapport, car aujourd’hui, même s’il existe environ 150 agences de notation de par le monde, ce sont en réalité trois grands opérateurs qui font la note, quelles que soient les circonstances et les personnes, privées ou publiques.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Plus il y en a, plus c’est cacophonique, donc la notation perd de son effet !

Mme Christine Lagarde, ministre. Nous soumettrons au commissaire Barnier un certain nombre d’idées pour qu’il puisse les prendre en compte dans ses perspectives d’approfondissement du régime applicable aux agences de notation.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, il faut noter les agences qui notent les agences !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et ainsi de suite…

Mme Christine Lagarde, ministre. Plusieurs d’entre vous ont évoqué plus particulièrement le renforcement d’un gouvernement économique au sein de la zone euro. Je ne saurais que vous conforter dans cette appréciation ! Ce renforcement est nécessaire, j’en veux pour preuve notre récente expérience de gestion de crise.

Il est clair que ce sont les pays unis au sein d’une même zone monétaire qui, étant directement concernés, sont les plus à même de prendre des mesures en matière de coordination des politiques économiques, de mutuelle surveillance – et non pas de tolérance ! – concernant les règles budgétaires internes et l’approbation par l’organe souverain national des budgets respectifs sur une base annuelle, pluriannuelle, ou quinquennale, selon les cas.

En tous les cas, c’est au sein de la zone euro, et non au niveau de l’Union européenne à vingt-sept,…

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. … où la solidarité est évidemment moins profonde et moins tangible, puisque la monnaie n’est pas partagée, que doit s’exercer le mécanisme du gouvernement économique. Je veux souligner que nos partenaires allemands y sont sensibles, dans la mesure où, par ailleurs, nous sommes prêts à renforcer le pacte de stabilité et de croissance, à lui donner une existence effective, étayée par des sanctions applicables et appliquées, et à y adjoindre, de mon point de vue, un examen attentif du critère de compétitivité entre les États membres. Car il me semble que l’Eurogroupe, dont les membres partagent la même monnaie, ne peut prospérer que dans la mesure où, au fil du temps, les écarts de compétitivité en son sein sont progressivement réduits.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Parfait !

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le rapporteur général, vous avez évoqué un organe européen de la comptabilité publique.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Une autorité !

Mme Christine Lagarde, ministre. Il s’agirait d’une autorité à caractère probablement indépendant, et néanmoins parfaitement compétente pour définir des normes comptables publiques que l’ensemble des membres de l’Eurogroupe seraient évidemment prêts à respecter et dont le contrôle devrait être assuré par l’autorité elle-même, probablement, bien sûr, avec le concours d’un organe statistique du type Eurostat qui, lui aussi, serait en mesure de contrôler l’application de ces principes.

C’est un sujet très intéressant qu’il faut que nous élevions au niveau de la réflexion du groupe Van Rompuy, et je serais tout à fait désireuse de le faire. C’est effectivement une bonne proposition, en particulier dans le contexte de l’examen de statistiques, de normes comptables, de méthodes de chiffrage que nous avons pu tester dans le cas de la Grèce et qui auraient bien mérité d’être validées à l’étalon de normes comptables publiques européennes.

C’est donc une proposition, monsieur le rapporteur général, dont je vous remercie et à laquelle je donnerai suite.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Puis-je vous interrompre, madame la ministre ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Je vous en prie, monsieur le président de la commission.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, avec l’autorisation de Mme la ministre.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il convient, là aussi, d’évaluer la gouvernance du pays concerné. En l’occurrence, dans le cas de la Grèce, personne n’ignorait que l’institut de la statistique grec, dont la déontologie exigeait qu’il soit indépendant du Trésor public grec, était précisément entre ses mains !

Ces situations doivent être correctement évaluées par les autorités européennes, en particulier par le Conseil de l’Union européenne, afin de mettre un terme à ce qui relève en définitive d’une véritable tricherie !

L’Europe ne peut pas être une maison de tolérance !

M. le président. Veuillez poursuivre, madame la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Pour éviter la tolérance à laquelle vous faisiez allusion, rien de tel que la surveillance, consentie, respectée, fondée sur la transparence et l’authenticité des chiffres.

D’ailleurs, comme vous l’avez noté, le gouvernement grec a soumis au Parlement un texte de loi tendant à donner son indépendance à la direction de la statistique, auparavant intégrée à la direction du Trésor.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

Mme Nicole Bricq. Il ne suffit pas de prévoir cette disposition dans la Constitution pour que l’indépendance soit acquise !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est exact !

Mme Christine Lagarde, ministre. Par ailleurs, vous êtes nombreux à souligner le risque d’un double langage et d’une possible discordance entre le langage budgétaire tenu devant les assemblées et celui des programmes de stabilité adressés à la Commission européenne et aux partenaires européens.

Comme vous le savez, le commissaire Olli Rehn a proposé, le 12 mai dernier, la mise en place d’un mécanisme itératif permettant aux parlements nationaux de s’approprier les programmes de stabilité et donnant à la Commission européenne, comme aux États membres de la zone euro, un droit de regard sur les documents budgétaires.

Il conviendra de déterminer avec soin la profondeur de cet examen ainsi que la nature des documents budgétaires qui y seront soumis afin que cet échange entre la Commission européenne et les États membres de la zone euro, d’une part, et les parlements nationaux, d’autre part, ne porte pas atteinte à la souveraineté des assemblées chargées de voter chaque année les budgets annuels dans leur globalité, en dépenses comme en recettes.

Il importe également de préciser le rôle que doivent jouer la Commission européenne et les États de la zone euro dans ce dispositif ainsi que la nature de l’examen en question, et de définir un calendrier permettant que cette mission de surveillance s’exerce non seulement ex post mais également, dans la mesure du possible, ex ante.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Chevènement, vous m’avez interrogée sur la durée des prêts garantis qui pourraient être accordés au bénéfice de certains États nécessitant un soutien financier.

On a pu entendre, de la part d’analystes financiers un peu rapides, que le dispositif mis en place au service de la Grèce ne pouvait qu’être temporaire et nous amènerait selon toutes probabilités à une restructuration de la dette grecque, ou à tout le moins à un allongement des procédures.

En premier lieu, il n’est pas question d’envisager une quelconque restructuration, compte tenu de l’importance de ce plan financier et de la détermination du gouvernement grec comme du Parlement grec à mettre en place toutes les mesures nécessaires.

En second lieu, le dispositif prévu pour la Grèce est un prêt de cinq ans assorti d’une période de grâce de trois ans, pendant lesquelles le remboursement n’est pas exigé. Ces chiffres, qu’il faut garder à l’esprit, seront probablement ceux dont l’on s’inspirait si d’aventure un autre État membre avait besoin du soutien financier du Fonds européen de stabilité financière.

Certes, il faudra également tenir compte du programme mis en place par l’État concerné au titre de la conditionnalité, ainsi que de son plan de financement et de la qualité de sa dette. Mais, pour l’essentiel, nous reprendrions certainement le dispositif prévu pour la Grèce aujourd’hui, soit un prêt de cinq ans assorti d’une période de grâce, en l’occurrence de trois ans.

Je tiens également à rappeler qu’il n’y a pas, à proprement parler, de désaccord entre la France et l’Allemagne au sujet du Fonds européen de stabilité financière. Ce que souhaite vivement l’Allemagne, comme l’a indiqué mon collègue Wolfgang Schäuble devant son Parlement - il a en effet été le premier à faire voter par le Bundestag et le Bundesrat la partie allemande des garanties -, c’est un fonds à durée déterminée, soit une institution différente de ce à quoi nous consentons aujourd’hui.

L’Allemagne ne concevait pas ce fonds comme une institution permanente dotée de secrétariats et d’autres structures bureaucratiques qui l’aurait ancrée dans le cadre des institutions européennes traditionnelles. C’est ce compromis qui a présidé à la mise en place du Fonds européen de stabilité financière.

Il en va de même en ce qui concerne la vente à découvert, sujet sur lequel certains ont vu un désaccord entre la France et l’Allemagne, ou du moins une absence de coordination. Or la France a déjà mis en place un dispositif équivalent à celui de l’Allemagne. En effet, depuis le mois de septembre 2008, est interdite la vente à découvert à nu d’une quinzaine de valeurs financières. Cette interdiction n’a d’ailleurs jamais été levée.

Nous proposons par ailleurs de permettre à l’Autorité des marchés financiers d’interdire les ventes à découvert, dans certaines circonstances particulières, comme vous le verrez lors de l’examen du projet de loi de régulation bancaire et financière.

Mme Nicole Bricq. C’est très partiel ! Il faut aller plus loin !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je partage cette opinion !

Mme Christine Lagarde, ministre. Or le projet de loi soumis hier au conseil des ministres allemand tend précisément à la mise en place d’une mesure de ce type.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Donc, la France et l’Allemagne sont en parfait accord !

Mme Christine Lagarde, ministre. Nous sommes donc sur la même ligne. Le projet allemand va cependant plus loin, puisqu’il interdit également les ventes à découvert à nu de certains CDS sur dette souveraine.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ils ont raison !

Mme Christine Lagarde, ministre. Nous devons avoir ce débat. J’espère toutefois que nous serons guidés par un souci de coordination européenne, afin de ne pas créer un univers européen fragmenté, à géométrie variable, bénéficiant au final à un certain nombre d’arbitragistes prompts à partir faire leur petite cuisine dans ceux des États membres qui n’auraient pas mis en place une telle réglementation.

J’appelle donc de mes vœux une réglementation à l’échelon européen, applicable dans les plus brefs délais. J’en ai fait part à Michel Barnier, qui, dans un entretien accordé à un quotidien du matin, semble d’accord sur le principe d’une accélération afin de parvenir à des règles harmonisées, coordonnées et ne privilégiant pas l’arbitrage, ce qui ne serait ni opérationnel, ni conforme à ce que nous souhaitons en termes de solidarité.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà qui serait beaucoup mieux.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Puis-je vous interrompre, madame la ministre ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Je vous en prie, monsieur le rapporteur général.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, avec l’autorisation de Mme la ministre.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je partage l’analyse que vous venez de présenter, madame la ministre. Je souhaiterais toutefois souligner une difficulté.

Nous sommes aujourd’hui vingt-sept États membres au sein de l’Union européenne et les règles du jeu définies dans le domaine financier doivent l’être selon les procédures normales.

Ainsi, selon que l’on représente la City ou la place financière de Paris ou de Francfort, l’attitude diffère. Il semble parfaitement naturel que des États comme l’Allemagne ou la France soient en avance par rapport à d’autres pour la conception de règles, de mécanismes et de dispositifs assurant leur transparence.

Je regrette ainsi qu’une distance soit prise par rapport à la déclaration de la Chancelière, qui, certes, a pu apparaître peu coopérative mais qui, sur le fond, ne peut qu’être entièrement approuvée !

M. le président. Veuillez poursuivre, madame la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le rapporteur, dans votre excellent rapport, vous préconisez la transparence, voire l’interdiction. Je crois en effet qu’il faut faire preuve de fermeté quant à la transparence. Cependant, les conséquences de l’interdiction, ainsi que les modalités dans lesquelles elle serait prononcée, doivent être examinées avec attention.

Ces principes me paraissent tout à fait opportuns. On ne peut qu’être d’accord avec le principe de transparence, de même qu’avec le principe d’interdiction, dans certaines circonstances.

Il convient toutefois d’être très attentif à la liquidité que requièrent ces marchés. Une combinaison de réglementations non coordonnées, dont l’impact n’aurait pas été correctement évalué, serait susceptible de créer un risque de tension supplémentaire.

Par ailleurs, je retiens votre remarque concernant les délais de la production législative européenne. Cela avait déjà été évoqué à propos des agences de notation. Il me semble néanmoins possible de s’inspirer de principes partagés par les États membres, sans attendre nécessairement la publication d’une directive ou d’un règlement.

Monsieur Bizet, je souhaitais vous remercier de votre soutien.

Sur la question des statistiques, il est nécessaire de disposer de chiffres fiables et d’évaluations crédibles. Nous vous rejoignons totalement sur la nécessité du renforcement d’Eurostat en termes tant de moyens que d’indépendance et d’efficacité des contrôles.

Je suis également d’accord sur la nécessité de renforcer la surveillance, comme je l’évoquais précédemment. Nous serons attentifs aux conclusions du groupe Van Rompuy, qui a décidé d’accélérer ses travaux pour remettre ses conclusions définitives au mois d’octobre.

J’ai suggéré au groupe d’adopter une démarche en deux temps, d’abord, à court terme et à traité constant, pour être certains de fournir des éléments le plus rapidement possible ; ensuite, à plus long terme, et éventuellement à droit non constant. Nous devons dès aujourd’hui renforcer la surveillance et la responsabilité des États les uns envers les autres et assurer une meilleure coordination des politiques économiques menées par les différents pays européens.

À cet égard, la mise en place d’un semestre économique européen, tel que proposé par le commissaire Rehn, ainsi que la création d’outils communs facilitant la mise en œuvre des politiques européennes, comme le tableau de bord, me paraissent des mesures tout à fait appropriées.

Quant à la question de savoir s’il serait opportun de renforcer le volet correctif, le réalisme s’impose. Nous devrions examiner les possibilités qui s’offrent à traité constant et en appliquant le pacte de stabilité et de croissance tel qu’il a été conçu, si j’ose dire, dans sa pureté originelle, afin de déterminer les sanctions applicables dès aujourd’hui.

Le dispositif actuel me paraît suffisant. Certes, des modifications peuvent être envisagées, par exemple des règlements relatifs aux fonds structurels ou aux fonds de cohésion. Ce sont en effet autant d’armes financières qui permettent d’appliquer des sanctions sans modifier le traité.

Monsieur Badré, je vous remercie de votre soutien et de la préoccupation qu’exprime votre groupe en faveur du renforcement de l’Union européenne et de la zone euro en son sein ainsi que de la consolidation budgétaire dans un certain nombre d’États.

Il me semble possible, en faisant preuve d’une extrême vigilance, de mener tout à la fois une politique de redressement des finances publiques, impératif absolu, et une politique de consolidation et de maintien de la croissance. Cette croissance est certes fragile, mais la France a l’avantage, comme deux autres pays au sein de l’Union européenne, d’en percevoir les aspects les plus tangibles et les plus solides.

En effet, les chiffres français des derniers trimestres nous permettent d’ores et déjà d’aborder l’année 2010 avec un acquis de croissance de 0,7 %, ce qui nous place en assez bonne position, y compris par rapport à nos partenaires européens.

Le redressement de nos finances publiques, nécessaire pour éviter la formation de déficits et l’aggravation de la dette publique et cher à M. Fourcade, doit être mené parallèlement à une politique de soutien à la croissance, et à une croissance durable. C’est toute la difficulté de l’exercice !

Cette politique délicate doit être menée tant en 2010 qu’en 2011. Mais vous avez entendu la détermination du Président de la République, dont il a fait part lors de la conférence sur les déficits publics, et vous savez l’engagement du Gouvernement à réduire les déficits, et ce de la façon la plus efficace possible.

Cela signifie en premier lieu couper dans la dépense publique. C’est en ces termes que nous nous sommes exprimés auprès de nos partenaires européens et de la Commission européenne dans le programme de stabilité, en envisageant notamment la suppression de près de 6  milliards d’euros de niches fiscales. François Baroin et moi-même nous y attaquerons dès 2011, comme le Premier ministre nous l’a demandé dans le cadre de la préparation des documents budgétaires.

Madame Bricq, vous m’avez interrogée sur les banques françaises, en particulier sur l’engagement qu’elles ont pris de maintenir leur exposition, à l’instar des banques allemandes. Celles-ci se sont en effet engagées sur l’ensemble de leur exposition à la dette grecque, ce qui est très important compte tenu de la part qu’elles détiennent dans cette dette souveraine. Si d’aventure nous devions mettre en œuvre le mécanisme européen de stabilité financière pour venir en aide à d’autres pays, nous demanderions bien sûr aux banques nationales de faire le même exercice et de garantir leur exposition.

Différents aspects de la consolidation budgétaire ont été évoqués, je n’y reviendrai pas, car je me suis déjà exprimée sur ce sujet. Personne ne peut douter de notre détermination en matière de réduction des dépenses, qu’il s’agisse des dépenses opérationnelles ou des dépenses d’intervention. Le Premier ministre a pris des engagements à cet égard.

Un effort tout particulier sera fait en 2011 et jusqu'à la fin du cycle, soit jusqu’en 2013, afin de nous permettre d’atteindre nos objectifs, lesquels, monsieur Fourcade, vous avez raison, sont extrêmement ambitieux et reposent sur des hypothèses de croissance dont on nous dit parfois qu’elles sont un peu audacieuses.

J’ai considéré avec intérêt la réévaluation par l’OCDE de la perspective de croissance française pour l’année 2011 : le taux de croissance auquel elle aboutit se rapproche du nôtre. Alors que nous tablons sur un taux de 2,5 %, l’OCDE envisage plutôt 2,1 %. Je suis également attentive au consensus de place et à ce que nous disent les chief economists des différentes banques. Tous ne s’accordent pas sur le taux de 2,5 %, mais tous les chiffres envisagés sont avoisinants. Nous devons évidemment nous efforcer par tous les moyens d’orienter notre croissance à la fois vers l’investissement, l’innovation et l’international, en mettant tous les talents dont dispose notre pays au service de la compétitivité française.

Je reviendrai maintenant très rapidement sur le panachage entre bons du Trésor, lesquels, par hypothèse, sont une dette à court terme, dette à moyen terme et dette à long terme. Je rappelle tout d’abord que les assemblées parlementaires approuvent chaque année les émissions du Trésor…