M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.

M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, chacun connaît le rôle important des réseaux consulaires et des chambres de métiers. M. le secrétaire d'État l’a déjà souligné et M. le rapporteur l’a parfaitement démontré dans son excellent rapport.

Je n’insisterai donc pas sur ce point, d’autant que nous avons tous, à un moment donné de notre carrière, travaillé avec les services et les dirigeants des chambres de commerce et d’industrie ou des chambres de métiers.

Tout d’abord, monsieur le secrétaire d'État, je tiens à saluer le sérieux des présidents de chambre de métiers, qui ont porté la réforme.

M. Jean-Claude Carle. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Fourcade. Ils ne se sont pas donnés en spectacle en se chamaillant,…

M. Claude Bérit-Débat. Effectivement !

M. Jean-Pierre Fourcade. … contrairement aux présidents de chambre de commerce et d’industrie, ce que je déplore.

MM. Daniel Raoul et Jean-Claude Carle. Très bien !

M. Jean-Pierre Fourcade. J’approuve donc sans réserve toute la partie du texte qui concerne les chambres de métiers.

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. Jean-Pierre Fourcade. Il est très important de préserver les chambres de métiers, car l’urbanisme moderne est dangereux pour l’ensemble des artisans et des ressortissants de ces chambres. Il est donc nécessaire d’avoir une infrastructure très localisée et très solide. Les présidents de chambre de métiers ont été capables d’adopter d’eux-mêmes cette réforme. Je leur dis bravo !

M. Daniel Raoul. Très bien, ça !

M. Jean-Pierre Fourcade. Concernant les chambres de commerce et d’industrie, deux systèmes étaient possibles.

Premièrement, nous pouvions prendre acte des conclusions de la commission Attali, qui estime que 175 chambres de commerce et d’industrie en France, c’est beaucoup trop, et qui proposait de les rassembler en une cinquantaine de CCI départementales ou interdépartementales, c'est-à-dire dans une structure permettant de bien représenter les entreprises à la fois sur le plan local, régional et international.

Ce n’est pas le parti du Gouvernement, ni celui de mon excellent ancien collègue Jean-François Bernardin, qui a pris son bâton de pèlerin et qui est allé partout défendre l’élaboration d’une nouvelle structure.

Deuxièmement, nous pouvions rassembler les CCI au niveau des chambres régionales, lesquelles servent de support à la fois pour définir la stratégie, pour répartir le budget, pour employer l’ensemble des collaborateurs des chambres de commerce et d’industrie, des chambres départementales ou interdépartementales, des délégations – je pense à la petite couronne de Paris dont je parlerai dans quelques instants –, afin d’assurer les missions opérationnelles sur le terrain.

Il est clair que nous avons là un principe essentiel. L’organisation des chambres de commerce et d’industrie percevra une taxe additionnelle à la nouvelle cotisation territoriale prélevée sur les entreprises. Il est raisonnable que cette taxe soit accordée au seul niveau régional. C’est pourquoi je soutiendrai la position du Gouvernement et celle de l’excellent rapporteur, M. Cornu, qui préconisent de surveiller le niveau de cette cotisation, estimé à 1,2 milliard d’euros, son évolution dans le temps, sa répartition et l’usage qui en sera fait par les chambres de commerce et d’industrie.

Évidemment, nous aurions pu aller jusqu’au bout du système, en créant des chambres régionales et des délégations. C’est ce qui existe dans le département des Hauts-de-Seine, dont le potentiel économique n’est pas nul, comme chacun le sait, mais également dans le Val-de-Marne et en Seine-Saint-Denis.

Si l’on rassemble le potentiel de Paris et celui des trois départements de la petite couronne, on obtient un niveau de PIB qui n’est pas déraisonnable. Cette organisation fonctionne très bien et les délégations départementales, comme Mme Escoffier l’a excellemment souligné, sont des structures légères, efficaces et peu coûteuses.

M. Jean-Pierre Fourcade. Nous aurions pu concevoir un système composé de vingt-six chambres régionales et de délégations, chargées de l’accomplissement des missions opérationnelles.

Vous n’avez pas souhaité aller jusque-là et vous avez conservé des chambres régionales, qui recueillent la taxe, définissent la stratégie et répartissent l’ensemble des budgets. Et vous avez maintenu des chambres territoriales.

La commission de l’économie du Sénat, que je suivrai, a adopté un certain nombre d’amendements, à la suite de modifications importantes apportées par l’Assemblée nationale, afin de faire une synthèse.

Il était temps de trouver une formule qui réponde tout à la fois à la demande des entreprises et des chambres de commerce et d’industrie. Le texte qui nous est présenté aujourd'hui va donc dans le bon sens.

En ce qui concerne l’Île-de-France,…

M. Jean-Pierre Fourcade. … deux solutions étaient également possibles : soit, comme je viens de l’entendre, on applique un système général à toute la France, et il n’y a pas de particularités,…

M. Bernard Vera. Très bien !

M. Jean-Pierre Fourcade. … soit on prend acte des projets en cours, notamment de la loi relative au Grand Paris qui a été publiée au Journal officiel la semaine dernière, et on adopte une formule particulière.

Nous, sénateurs des Hauts-de-Seine, sommes satisfaits du système qui nous est appliqué et qui fonctionne, car il comprend un échelon départemental avec un président, un bureau, des personnes importantes qui organisent des réunions. Néanmoins, chaque fois que c’est nécessaire, nous avons la possibilité de travailler avec les services de la chambre de commerce et d’industrie de Paris. Cette organisation est légère, peu coûteuse et nous donne satisfaction.

M. Denis Badré. Absolument !

M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le secrétaire d'État, nous ne voyons pas pourquoi les Hauts-de-Seine devraient réclamer la création d’une chambre territoriale. C’est parfaitement inutile à l’ère de la mondialisation et dans les circonstances économiques que nous traversons !

M. Jean-Pierre Fourcade. Il me semble que certains, dans ce débat, oublient un peu trop vite les circonstances économiques dans lesquelles les entreprises se débattent. Il est évident que l’objectif est d’économiser et de rationaliser les efforts en faveur du développement économique, de la création d’entreprises, du développement des PME. L’objectif n’est pas de maintenir tel ou tel directeur, telle ou telle structure, tel ou tel président, quel que soit son âge,… et j’en parle en connaissance de cause. (Sourires.)

Pour toutes ces raisons, je voterai le texte de la commission sans autres amendements que ceux qui seront acceptés par le Gouvernement.

Je félicite M. le rapporteur qui a conduit beaucoup d’auditions et a rédigé un rapport tout à fait remarquable.

Cette position, qui est la voie de la sagesse, sera celle de la majorité du groupe de l’UMP et, je l’espère, d’une très large majorité. J’ai cru comprendre que dans d’autres groupes certains sont également favorables à cette position. Quoi qu’il en soit, vous pouvez être assuré, monsieur le secrétaire d'État, du soutien du groupe de l’UMP à ce texte bien présenté par la commission de l’économie du Sénat. (Applaudissements sur les travées de lUMP et au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat. (MM. Daniel Raoul et Marc Daunis applaudissent.)

M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au moment d’entamer ce débat, j’éprouve comme un sentiment de déjà-vu.

En effet, la discussion sur l’avenir des collectivités territoriales nous avait préparés à l’idée moderne selon laquelle, désormais, dans la France du XXIe siècle, comme dans celle du XVIIIe siècle, l’autorité et le pouvoir doivent venir d’en haut.

Avec la réforme du réseau consulaire, à laquelle je consacrerai la totalité de mon propos, nous entrons donc de plain-pied dans la modernité : fini les CCIT autonomes et innovantes, place aux chambres régionales de commerce et d’industrie toutes puissantes et, osons l’oxymore, place au « centralisme régional ».

Dorénavant, la logique est descendante. La stratégie, les moyens, les financements : tout vient d’en haut. Tant pis pour les CCIT qui souhaiteraient définir elles-mêmes leur propre stratégie.

Je ne crois pas que cette réforme soit un progrès. Je sais, en revanche, que les solutions proposées sont très loin de correspondre aux besoins du réseau consulaire.

Je considère que ce projet de loi est, en réalité, un jeu de dupes. Et ce ne sont pas les ententes préalables conclues en Île-de-France qui me feront changer d’avis.

Nous avons tous vu et entendu les acteurs du réseau. Ils se sont effectivement prononcés en novembre 2008 pour une réforme ; mais ils ne sont pas prononcés pour cette réforme-ci. C’est pourquoi ils s’estiment dupés, et ils ont raison.

Je ne reviendrai pas sur le cas de l’Île-de-France. Je dirai simplement que cette région est le point de fixation d’une réforme contre laquelle des réticences de fond se sont légitimement fait jour.

Ces réticences, il faut donc les entendre, car ce projet de loi tend à transformer radicalement l’organisation locale de nos territoires.

En effet, la première question qu’il faut se poser est de savoir quel est l’échelon pertinent de l’action des chambres de commerce et d’industrie.

À mes yeux, c’est une question centrale. J’ai pu mesurer, pour l’avoir vécu, à quel point une CCI impulse et coordonne les initiatives qui valorisent le tissu économique local.

C’est pourquoi la proximité est, selon moi, la clé du succès. Cette réforme va rompre ce lien avec le territoire et va briser le dynamisme des CCI territoriales.

Je ne vous donnerai qu’un seul exemple. La CCI de la Dordogne, que je connais particulièrement bien, gère un parc des expositions qu’elle a créé et dont elle est propriétaire. En Aquitaine, il y a, vous vous en doutez, d’autres CCIT qui gèrent des équipements de ce type : il en existe à Bordeaux, à Agen et à Pau. Si demain la région impulse l’action consulaire, cela exacerbera la concurrence entre les CCIT. Rien n’empêchera alors qu’un salon innovant organisé dans un parc des expositions de CCI territoriale ne soit « délocalisé » dans un parc des expositions régional, au nom de la rentabilité et de la rationalisation.

On le voit, au lieu de renforcer la coopération entre les chambres, la régionalisation risque d’accentuer les inégalités qui existent déjà entre elles.

Cette concurrence s’étendra à toutes les activités des CCI, notamment à la formation première, aux écoles supérieures de commerce ou de management… La liste est loin d’être exhaustive.

Avec la régionalisation proposée, on oublie que la proximité, l’innovation et l’efficacité sont les trois pivots de l’action consulaire.

La proximité laissera place à l’éloignement. L’innovation sera remplacée par la pesanteur bureaucratique. L’efficacité, enfin, cédera le pas au formalisme administratif.

Avons-nous pourtant la certitude que l’échelon régional est effectivement le plus pertinent dans l’économie mondialisée actuelle ?

Le texte dote les chambres régionales d’une personnalité morale. Il leur donne un pouvoir budgétaire inédit et leur octroie la gestion des agents publics. Il leur donne la possibilité de définir une stratégie d’action globale à leur niveau, c'est-à-dire qu’il inverse la logique actuelle des chambres de commerce et d’industrie.

Les CCIT sont donc complètement mises sous tutelle. Je conteste cette nouvelle architecture du réseau consulaire, d’autant plus qu’elle est profondément contradictoire.

En effet, la régionalisation du réseau ne vise qu’un objectif : réaliser – cela a été dit à cette tribune – des économies, dans la logique de la RGPP.

Toutefois, cet argument n’est absolument pas valable : la commission des finances du Sénat l’a bien montré, malgré les précautions oratoires de M. le rapporteur.

La taxe pour frais de CCI transférée aux chambres régionales en est la meilleure preuve. Elle s’élèvera, selon la commission des finances, à 1,2 milliard d’euros tandis que le transfert des agents publics coûtera, lui, 1,7 milliard d’euros.

M. Bernard Vera. C’est vrai !

M. Claude Bérit-Débat. Autrement dit, les CCIT financeront un transfert de personnel censé permettre des économies globales au niveau régional : on complique, là où il faudrait faciliter ! Qu’on en juge : les agents publics, qui relevaient jusqu’à présent des CCIT, relèveront des chambres régionales, lesquelles les mettront à disposition des CCIT et sous leur responsabilité. Ce système est kafkaïen et, à mes yeux, il ne fera qu’étrangler les « petites » chambres de commerce et d’industrie. Ce n’est rien d’autre que le nouvel avatar de l’organisation institutionnelle de notre pays que le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d’État, met en place à marche forcée. Le rapport de la commission n’hésite d’ailleurs pas à affirmer que cette réforme préfigure la réforme des collectivités territoriales.

Le projet de loi lui-même ne fait que marteler l’idée selon laquelle l’échelon départemental n’a plus d’avenir, tant en termes économiques qu’en termes administratifs. Les dispositions relatives aux métropoles sont très explicites de ce point de vue : vous proposez la création de chambres consulaires métropolitaines, lesquelles absorberont l’activité au détriment des CCIT, à l’instar des départements qui seront, à terme, cantonnés à la gestion de l’action sociale. La proximité, le lien social et l’ancrage local, ces idées semblent perdre toute leur valeur.

Je ne suis pourtant pas convaincu que cette vision de la France constitue un progrès. Je crois surtout qu’elle ignore un élément fondamental, je parle bien sûr de l’intelligence territoriale. Vous nous dites que le mouvement de réorganisation du réseau engagé ces dernières années n’est pas suffisant. Pourtant, de 2000 à 2008, quarante chambres de commerce et d’industrie ont fusionné et, à terme, il n’en restera plus que cent vingt-six. Ce mouvement est donc loin d’être négligeable et ces fusions ont été décidées par les acteurs locaux concernés.

Permettez-moi, monsieur le secrétaire d’État, de citer une nouvelle fois l’exemple de mon département. La chambre de commerce et d’industrie de Dordogne est issue de la fusion réussie de deux chambres de commerce et d’industrie pourtant longtemps antagonistes, celle de Périgueux et celle de Bergerac. Après cette fusion, la chambre d’agriculture, la chambre de commerce et d’industrie et la chambre de métiers et de l’artisanat du département ont décidé de créer en commun un pôle interconsulaire, dans lequel elles se sont installées depuis le début de 2010 et que j’aurai l’honneur d’inaugurer ce mois-ci.

La création de ce pôle a permis une vraie mutualisation des moyens, dans un bâtiment construit en commun, dont ces trois chambres partagent l’utilisation, notamment en ce qui concerne les salles de réunion, de vidéoconférence, d’accueil, de réception, ainsi qu’un certain nombre de services de logistique, permettant de réaliser de substantielles économies d’échelle, au niveau de ce que l’on appelle le back office.

L’initiative va même plus loin, puisqu’elle s’inscrit dans une véritable politique d’aménagement et de valorisation du territoire. Ce pôle interconsulaire a été construit sur une zone d’activité économique aménagée par la communauté d’agglomération périgourdine, à proximité d’une pépinière d’entreprises, de l’Institut du goût du Périgord et de son laboratoire d’analyse sensorielle, créés également par la communauté d’agglomération. L’ensemble de ces réalisations est donc le fruit d’une étroite collaboration entre les collectivités locales et les acteurs économiques.

Au total, cette initiative pionnière est un puissant vecteur de synergies. J’ai l’audace de penser que cet exemple constitue la preuve indiscutable que l’échelon départemental peut être le vecteur d’un profond changement au profit du développement économique.

J’ajouterai que les chambres de métiers et de l’artisanat ont également fourni la preuve qu’elles savent préparer l’avenir, en se mettant largement d’accord, contrairement aux chambres de commerce et d’industrie, sur un projet de réforme. En Aquitaine, les chambres de métiers de la Gironde, de la Dordogne et du Lot-et-Garonne ont choisi de fusionner à l’échelon régional avec une représentation paritaire des élus de chaque chambre. Ces exemples montrent qu’il ne faut pas sous-estimer la capacité d’innovation du réseau consulaire à l’échelon local.

Vous l’aurez compris à travers les nombreux cas que j’ai cités, mes chers collègues, je défendrai dans ce débat une certaine conception des territoires. Pour moi, nos territoires ne sont pas un anachronisme, ni un facteur d’immobilisme, mais bien une chance et une richesse pour la France.

Nous vous ferons des propositions qui tiennent compte de cette réalité, monsieur le secrétaire d’État, et j’espère que vous les entendrez. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Bernard Vera et Robert Tropeano applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté aujourd’hui fait suite à une proposition de réforme élaborée par l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie en avril 2009, qui avait donné lieu à un débat au cours de l’année 2008. Tout cela a été dit.

Plus exactement, ce projet de loi a pour principal objet de rationaliser l’organisation administrative et territoriale des chambres de commerce et d’industrie, ainsi que celle de plusieurs professions réglementées dans les domaines du commerce et des services. Sa logique générale consiste à renforcer le niveau régional des chambres consulaires, conformément aux objectifs de la révision générale des politiques publiques. Cette réforme devrait permettre d’atteindre une efficacité accrue, objectif auquel nous ne pouvons pas nous opposer de façon systématique.

Mais nous n’avons aucune assurance quant à ce résultat. En effet, le regroupement régional, s’il est tout à fait satisfaisant intellectuellement, a aussi montré qu’il portait atteinte, qu’on le veuille ou non, à la décentralisation. Car l’esprit de la décentralisation consiste à rapprocher le citoyen utilisateur du décideur ou de l’opérateur.

Dès l’instant où l’on recentralise une activité dans la capitale régionale – la région Midi-Pyrénées, où je suis élu, est plus grande que la Belgique –, cet esprit disparaît. Si l’on donne à ces chambres régionales – aujourd’hui, coquilles vides, elles deviendront demain de véritables usines à gaz – la possibilité financière de jouer un rôle important, il est évident qu’elles vont affaiblir à terme les CCI territoriales.

On aurait pu atteindre le même résultat sur la base du volontariat : aujourd’hui, certains départements comptent deux, trois ou quatre chambres de commerce et d’industrie, il est évident qu’il fallait rationaliser leur organisation et on aurait même pu envisager de les regrouper au niveau de deux, voire trois départements. Le projet de loi a tendance à imposer cette rationalisation et je crains que ce choix ne soit pas des meilleurs.

Ensuite, j’évoquerai le problème des experts-comptables, auxquels le projet de loi donne la possibilité, à la fois dangereuse et controversée, d’assister les personnes physiques dans leurs démarches déclaratives. En réalité, cette innovation risque de porter atteinte à la profession d’avocat, notamment dans les zones rurales ou dans les petits départements. Je crains, là aussi, que le citoyen de base ne soit le grand perdant. En effet, la formation et la culture de l’avocat le rendent très proche des citoyens : il est l’intermédiaire indispensable pour leur faire comprendre le fonctionnement d’un appareil judiciaire souvent ésotérique et abscons. Je ne suis pas certain que les experts-comptables, compte tenu de leur formation, rendent un service de même niveau. Donc, les citoyens, notamment les plus démunis d’entre eux, risquent d’en subir les conséquences.

Enfin, je suis tout à fait d’accord avec la suppression des monopoles des marchés d’intérêt national, les MIN. Au fond, nous savons très bien que les producteurs sont la variable d’ajustement des circuits économiques et qu’ils sont victimes d’un véritable racket : si l’on veut être aux côtés des 28 000 épiciers ainsi que des 37 000 commerces indépendants, on doit approuver cette suppression. Monsieur le président de la commission de l’économie, monsieur le rapporteur, j’appuierai donc votre action dans ce domaine.

J’évoquerai simplement pour mémoire les massages faciaux. Je crains que vous n’ayez rien résolu, monsieur le secrétaire d’État. On nous dit que le projet de loi apporte une simplification destinée à faciliter la compréhension. Or, en France, les disciplines comme la chirurgie réparatrice ou la chirurgie plastique existent officiellement ; en revanche, la chirurgie ou la médecine esthétique n’existent pas, et pourtant, un certain nombre de professionnels en font leurs choux gras ! Je vois, monsieur le secrétaire d’État, que vous n’avez pas inclus dans la liste de ces professions certains salons de massages, parce que vous avez peut-être craint de paraître un peu trop scabreux ! (Rires. – Applaudissements sur les travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je ne dirai que quelques mots sur cette réforme.

Qui, mieux que les élus locaux, peut prétendre bien connaître les chambres de commerce et d’industrie ? Je suis élu dans un département très proche de celui où est élu M. le secrétaire d’État, la Vienne : ce qui se passe dans la Vienne se passe ailleurs, et je connais aussi un certain nombre de responsables de chambres de commerce d’autres départements.

Le vrai travail de proximité se fait dans les chambres départementales – en ce qui me concerne, à Poitiers. La gestion et le suivi des écoles de commerce, dans toute la France, sont assurés par les chambres départementales : je ne connais pas d’exemple de chambre régionale qui suive le fonctionnement des écoles de commerce. Avec les élus, les chambres de commerce départementales effectuent le vrai travail auprès des adhérents et des territoires : les opérations de restructuration du commerce et de l’artisanat, la défense du commerce de proximité ou du commerce rural qui existe encore.

M. Alain Fouché. J’ouvre une parenthèse pour rappeler que j’avais combattu la loi de modernisation de l’économie et d’autres textes relatifs aux grandes surfaces : j’avais raison, car leurs résultats n’ont pas été formidables !

Les chambres régionales sont de toutes petites structures à activité réduite. Dans les départements, les chambres de commerce et d’industrie sont, il est vrai, très disparates : certaines sont très puissantes, d’autres très modestes. Demander une réforme des petites chambres – celles qui ne comptent que 7 000 ou 8 000 adhérents – au niveau départemental ne me paraît pas déraisonnable, et c’est même par là qu’il aurait fallu commencer !

Je crains que la proximité ne fasse les frais de cette réforme, monsieur le secrétaire d’État. La mutualisation si nécessaire de certaines activités, largement invoquée, n’a pas besoin de l’échelon régional pour se concrétiser. Certaines actions peuvent être réalisées sur la base d’accords interdépartementaux. Quand on supprime, comme cela va être le cas, les moyens affectés aux chambres départementales pour effectuer leur travail, c’est une vraie régionalisation !

Pour mémoire, je rappelle que 97 % des recettes sont affectées aux chambres départementales, alors que les chambres régionales n’en reçoivent que 3 %. La réforme va inverser la situation, en augmentant considérablement les recettes des chambres régionales : je ne suis pas hostile à ce que celles-ci augmentent, mais pas dans ces proportions ! La réforme va rendre les chambres départementales, qui assurent le travail de proximité que j’ai évoqué, dépendantes des chambres régionales.

Monsieur le secrétaire d’État, vous aurez compris que je n’approuve pas entièrement ce projet de loi : quand on gouverne, on gère son budget et on gère son personnel ! Je souhaite que ces réflexions soient entendues. (MM. René Garrec, Roland du Luart et Bernard Saugey applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Marc Daunis.

M. Marc Daunis. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur de la commission de l’économie, mes chers collègues, mon propos portera plus particulièrement sur la réforme des chambres de commerce et d’industrie.

Permettez-moi tout d’abord de m’associer à l’hommage rendu par notre collègue Bariza Khiari.

En tant qu’élu local, j’ai pu mesurer l’importance de ces chambres de commerce et d’industrie. Ainsi, je ne suis pas persuadé que tout le monde le sache – c’est d’ailleurs bien normal –, la technopole de Sophia-Antipolis, projet dont certains tirent fierté au niveau national, a été créée grâce à un mandat de la chambre de commerce et d’industrie des Alpes-Maritimes et développée par cette même chambre.

Nous pourrions multiplier les exemples de ce type, qui démontrent l’importance des chambres de commerce et d’industrie de proximité pour le développement de nos territoires.

Avec ce projet de loi, le Gouvernement affichait le souhait de réorganiser le paysage consulaire pour plus d’efficacité et de rationalité. Pour cela, plusieurs objectifs étaient fixés : renforcer le niveau régional du réseau consulaire, mutualiser au niveau régional des fonctions supports et maintenir des CCI locales de plein exercice.

Telle peut être résumée l’ambition, louable – presque partagée, dirai-je –, du Gouvernement.

Tels sont aussi, je le crains et je le regrette, monsieur le secrétaire d’État, les échecs potentiels de votre projet de loi.

Ces regrets, je les exprime, avec mes collègues socialistes, en toute responsabilité.

Dans le contexte que nous connaissons, qui ne serait pas favorable à la recherche d’une mutualisation des services et d’une optimisation des dépenses ? Nous y sommes naturellement favorables, mais à la condition expresse que cela se traduise par une réelle efficacité pour les entreprises et se fasse au profit de l’emploi sur les territoires, en particulier s’agissant des missions de service public et d’intérêt général que les organismes consulaires assurent auprès des acteurs économiques.

La situation actuelle présente une difficulté : le paysage est d’une grande diversité, avec des situations variant d’une région à l’autre. Face à cela, un certain pragmatisme doit prévaloir. Nous ne pouvons pas nous contenter d’un débat figeant des situations locales et niant le fait régional, ou nous placer dans une démarche qui consisterait à créer des oppositions, parce qu’un fait régional serait pertinent dans un département et ne le serait pas dans un autre.

La remarque que notre collègue Jean-Pierre Fourcade a faite pendant son intervention était parfaitement juste : nous ne pouvons que regretter qu’il n’y ait pas eu, à l’échelon des chambres de commerce et d’industrie, un mouvement identique à celui qui a été constaté au niveau des chambres de métiers et de l'artisanat.

Ces regrets sont d’autant plus vifs que nous mesurons les effets de la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Avec une honorable franchise, M. le rapporteur a d’ailleurs rappelé le contexte dans lequel le projet de loi s’inscrit, à savoir la RGPP, mais également la réforme des collectivités territoriales. Le texte en porte les pervers stigmates !

Nous pouvions néanmoins penser que, sur un tel sujet, un consensus se dégagerait. Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, vous nous avez même présenté ce projet de loi comme étant consensuel. Or, par courrier en date du 8 juin dernier, le conseil des présidents des chambres de commerce et d’industrie nous invite à « corriger à la fois les incohérences du texte et les grands déséquilibres locaux qui s’en suivraient ».

Sommes-nous face à une bronca de dangereux…