compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

Secrétaires :

Mme Sylvie Desmarescaux,

M. Jean-Pierre Godefroy.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 11 juin 2010, deux décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité (nos 2010-2 QPC et 2010-6/7 QPC).

Acte est donné de ces communications.

3

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat le 11 juin 2010 que le Conseil d’État lui a adressé deux décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2010-20 QPC et 2010-21 QPC) et, le 14 juin 2010, que la Cour de cassation lui a adressé une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2010-23 QPC), en application de l’article 61-1 de la Constitution.

Le texte de ces décisions de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

4

Décision du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 11 juin 2010, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

Acte est donné de cette communication.

5

Renvoi pour avis

M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi n° 527 (2009-2010), modifié par l’Assemblée nationale, de réforme des collectivités territoriales, dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond et la commission des finances est saisie pour avis, est également renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

6

Mise au point au sujet d’un vote

M. le président. La parole est à M. Michel Doublet.

M. Michel Doublet. Monsieur le président, la semaine dernière, lors du scrutin public n° 228 du jeudi 10 juin sur l’ensemble du projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services, M. Louis Nègre a été déclaré comme votant contre alors qu’il souhaitait voter pour.

Mon collègue souhaiterait que cette rectification soit consignée dans le compte rendu.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, monsieur Doublet. Elle sera publiée au Journal officiel.

7

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

déduction fiscale des cotisations à des associations d'anciens combattants

M. le président. La parole est à M. Jacques Berthou, auteur de la question n° 828, adressée à M. le secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.

M. Jacques Berthou. Je souhaite appeler l’attention sur les possibilités de déduction fiscale des cotisations et dons attribués à des associations d’anciens combattants.

Actuellement, les cotisations des adhérents ou les dons individuels non attribués à une action particulière versés à des associations d’anciens combattants ne sont pas éligibles au régime de réduction d’impôt visé à l’article 200 du code général des impôts. Une telle situation est justifiée par le fait que ces associations, profitant à un cercle restreint de personnes, ne sont pas considérées comme étant d’intérêt général.

Or, aujourd’hui, le rôle des anciens combattants s’est beaucoup développé et ne doit pas être sous-estimé. Leurs associations ont pour objet, entre autres, d’assurer le devoir de mémoire, la défense de la paix, la solidarité entre les peuples, ainsi que la promotion des valeurs patriotiques, démocratiques et républicaines.

Elles contribuent également à entretenir un lien intergénérationnel et à transmettre des valeurs civiques aux plus jeunes via différentes activités pédagogiques. Ces actions civiques sont, sans aucun doute, de l’intérêt de tous. À l’heure actuelle, seuls les dons distincts de la cotisation annuelle, clairement identifiés dans la comptabilité de l’association et destinés à une action particulière, comme la réalisation d’un monument aux morts, peuvent être éligibles à la réduction d’impôt. Considérant l’action globale de ces associations, financée par les cotisations annuelles et les dons individuels, il serait juste de permettre aux adhérents et aux donateurs de déduire, au moins en partie, le montant de leur versement.

En conséquence, je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de bien vouloir me faire connaître la position du Gouvernement sur ce sujet.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, la question soulevée relève de la compétence du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, qui m’a chargée de vous communiquer les éléments de réponse suivants.

Aux termes de l’article 200 du code général des impôts, ouvrent droit à une réduction d’impôt sur le revenu les sommes qui correspondent à des dons et versements – cotisations ou abandon de revenus – effectués au profit « d’œuvres ou d’organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique […], à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ».

La condition d’intérêt général suppose, notamment, que l’association ne fonctionne pas au profit d’un cercle restreint de personnes.

En ce qui concerne les associations d’anciens combattants, certaines de leurs activités relèvent de l’intérêt général, par exemple l’érection ou l’entretien d’un monument aux morts, mais d’autres, alimentées par les cotisations, sont destinées à un cercle restreint.

Pour ces dernières, les associations d’anciens combattants ne présentent pas les caractères visés à l’article 200 du code général des impôts.

En dépit de la valeur éminente de leurs activités, ces associations ne jouent pas non plus le rôle d’organismes d’intérêt général puisque leur objet social consiste généralement, pour la partie alimentée par les cotisations, en la défense des intérêts matériels et moraux de leurs membres, c’est-à-dire d’une catégorie bien précise de personnes. C'est la raison pour laquelle les sommes versées à ces associations par les particuliers ne sont pas éligibles à la réduction d’impôt.

Dans le cadre de sa politique générale en matière fiscale, le Gouvernement n’entend pas modifier cet état du droit.

M. le président. La parole est à M. Jacques Berthou.

M. Jacques Berthou. Madame la secrétaire d’État, le rôle des associations d’anciens combattants dépasse aujourd’hui largement le cadre de leurs activités traditionnelles.

Il me semble que lorsque leurs membres se déplacent dans les écoles pour promouvoir la citoyenneté et le devoir de mémoire, leur action peut être considérée comme étant d’intérêt général.

réforme du classement des meublés de tourisme

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry, auteur de la question n° 902, adressée à M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.

M. Jean-Paul Amoudry. Je souhaite attirer l’attention sur la réforme du classement des meublés de tourisme.

La loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques a introduit de profondes modifications dans la procédure de classement des hébergements touristiques.

Cette réforme fixe un certain nombre de principes qui s’appliquent à tous types d’hébergements touristiques et généralise, lors de la demande de classement, le contrôle par un organisme évaluateur de type A ou C accrédité par le Comité français d’accréditation, le COFRAC, ou tout autre organisme européen équivalent.

En ce qui concerne les meublés de tourisme, l’article 12 de la loi précitée prévoit un dispositif particulier puisqu’elle précise que « sont réputés détenir l’accréditation […] les organismes qui, à la date de la promulgation de la présente loi, étaient titulaires de l’agrément requis pour la délivrance des certificats de visite des meublés de tourisme ».

Ainsi, cette disposition donne la possibilité aux organismes jusqu’alors agréés de poursuivre leur mission.

Cependant la rédaction de l’article 10 du décret n° 2009-1652 du 23 décembre 2009 portant application de cette loi interpelle les élus locaux et les professionnels. En effet, cet article prévoit que les organismes qui étaient titulaires, à la date de la promulgation de la loi, de l’agrément délivré par le représentant de l’État dans le département garderont cette qualité dès lors qu’ils pourront justifier de leur adhésion, à cette même date, à un réseau national de promotion et de contrôle des meublés signataire d’une convention passée avec le ministre chargé du tourisme.

En d’autres termes, les organismes que la loi avait déclarés réputés détenir l’accréditation perdront leur agrément s’ils n’adhéraient pas, à la date du 22 juillet 2009, à un tel réseau.

Cette mesure a pour effet d’exclure les organismes associatifs et les collectivités publiques locales qui, depuis 1993, en Haute-Savoie par exemple, soutiennent la procédure de classement des meublés de tourisme, avec compétence, indépendance et impartialité.

Aujourd’hui, plus de 20 000 meublés classés et quelque 300 agents formés aux démarches d’amélioration de l’offre touristique contribuent à faire de la Haute-Savoie l’un des départements français de tout premier rang en matière touristique.

Ne me résignant pas à voir remis en question cet inestimable acquis, je demande à M. le secrétaire d’État chargé du tourisme de bien vouloir réexaminer cette condition d’adhésion et de la remplacer dans la mesure du possible par un système de critères permettant aux organismes publics agréés de poursuivre leur politique de classement et d’amélioration de l’offre touristique, dès lors que leur action est garante d’un hébergement touristique de qualité.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur Amoudry, je tiens tout d’abord à saluer votre engagement pour le développement touristique de la Haute-Savoie et à vous dire d’emblée, au nom de M. Novelli, que vos préoccupations ont été entendues.

La réforme du classement des meublés de tourisme s’inscrit dans la réforme globale du classement des hébergements touristiques marchands. Elle vise à améliorer la qualité de l’offre touristique française, très appréciée, mais dont l’état général, parfois critiqué, souffre d’un manque d’investissements.

La qualité et la lisibilité de l’offre touristique française constituent des éléments très importants pour continuer à attirer les touristes et faire en sorte que la première destination mondiale en nombre de visiteurs – la France a accueilli en 2009, malgré la crise, 77 millions de touristes – soit également la première en termes de recettes, ce qui n’est pas le cas actuellement puisque nous n’occupons que la troisième place à ce titre, derrière l’Espagne et les États-Unis. Nous devons donc améliorer la qualité de notre offre touristique.

Le système de classement qui a été conçu pour concourir à atteindre cet objectif doit apporter toutes garanties de professionnalisme et d’indépendance.

C’est ainsi que la réforme du classement des hébergements touristiques marchands, qui n’avait pas été révisée, pour l’hôtellerie notamment, depuis 1986, repose sur un certain nombre de principes : un référentiel entièrement revu et enrichi grâce à l’intégration de critères liés au confort, aux services, à l’accessibilité et au développement durable ; le caractère volontaire de la démarche ; une durée de validité limitée à cinq ans, alors qu’elle était illimitée auparavant, ce qui contraint les hébergeurs à maintenir leurs efforts ; un contrôle à la charge de l’exploitant effectué par des cabinets privés retenus pour leur compétence, leur indépendance et leur impartialité, et accrédités par le Comité français d’accréditation, le COFRAC.

Le classement des meublés, qui représentent près de 14 % de l’offre de lits de tous les hébergements marchands, doit respecter les mêmes principes.

La loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques prévoit, néanmoins, un dispositif dérogatoire en matière de contrôle des meublés. En effet, les organismes qui, à la date de la promulgation de cette loi, étaient titulaires de l’agrément requis pour la délivrance des certificats de visite des meublés de tourisme sont réputés détenir l’accréditation nécessaire pour effectuer le contrôle des meublés.

Le décret d’application du 23 décembre 2009 précise que ces dispositions s’appliquent aux organismes départementaux disposant d’un agrément préfectoral et adhérant à un réseau national de promotion et de contrôle des meublés, signataire d’une convention passée avec le ministre chargé du tourisme.

Votre crainte, monsieur le sénateur, de voir disparaître ces organismes associatifs locaux œuvrant pour l’animation du secteur et des territoires, mais aussi pour la structuration de l’offre touristique, a été entendue par le Gouvernement. Ainsi, M. Novelli a souhaité assouplir l’application de ces dispositions. À cette fin, un décret portant diverses dispositions relatives au tourisme est en cours de rédaction. Ce décret rapportera l’obligation, pour les organismes agrées départementaux, d’être adhérents à un réseau national de promotion et de contrôle des meublés.

En conséquence, tous les organismes agréés par les préfets de département à la date du 22 juillet 2009 seront réputés accrédités et pourront effectuer les visites de contrôle des meublés dans le cadre de la nouvelle procédure de classement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.

M. Jean-Paul Amoudry. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de cette réponse.

Je forme le vœu que le décret à venir réponde aux attentes que j’ai exprimées dès qu’il s’agit de mettre en place d’authentiques politiques de qualité.

application du nouveau dispositif sur les droits de mutation

M. le président. La parole est à M. Jacques Berthou, en remplacement de M. Rachel Mazuir, auteur de la question n° 890, adressée à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.

M. Jacques Berthou. Mon collègue Rachel Mazuir, bloqué dans un TGV, m’a demandé de le suppléer pour attirer l’attention du Gouvernement sur la date de mise en œuvre du dispositif créé par l’article 78 de la loi de finances pour 2010.

À ce jour, aucune précision n’a été apportée, alors même que le Gouvernement s’était engagé à transmettre d’ici au 1er juin à l’Assemblée nationale et au Sénat un rapport qui devait présenter, par catégorie de collectivités et pour chaque collectivité, des simulations détaillées de recettes ainsi qu’une estimation de leur variation à court, moyen et long termes.

Aux termes du 4.5 de l’article 78 de la loi de finances pour 2010, est institué un fonds départemental de péréquation sur les droits de mutation. Ce dernier est abondé par des prélèvements dus par les départements lorsque, au titre d’une année, l’évolution du produit des droits d’enregistrement est supérieure au double de l’inflation prévisionnelle.

Ce prélèvement n’est opéré que si le montant par habitant des droits d’enregistrement pour le département est supérieur à 75 % de la moyenne nationale du montant par habitant de ces droits pour l’ensemble des départements.

Les ressources de ce fonds, ainsi constituées, sont réparties ensuite chaque année entre les départements dont le potentiel financier par habitant est inférieur à la moyenne de l’ensemble des départements.

Cet écart, ne pouvant être constaté qu’à la fin d’un exercice, c'est-à-dire l’année « n+1 », est prélevé sur les versements mensuels de fiscalité. Afin de pallier l’imprécision de l’article 78 de la loi de finances pour 2010, mon collègue Rachel Mazuir souhaite connaître la date d’entrée en application du nouveau dispositif. Une telle précision permettrait aux collectivités territoriales concernées de réfléchir d’ores et déjà à l’élaboration de leur futur budget.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. M. Mazuir appelle l’attention du Gouvernement sur la date de mise en œuvre du fonds départemental de péréquation des droits d’enregistrement créé par l’article 78 de la loi de finances pour 2010, qui est un des éléments de la réforme de la taxe professionnelle.

Ce fonds départemental de péréquation des droits d’enregistrement sera alimenté par un prélèvement opéré sur l’augmentation des droits de mutation à titre onéreux perçus par les départements.

Les principes de fonctionnement du fonds nécessitent de connaître les droits perçus au titre d’une année « n » pour en calculer l’augmentation par rapport à l’année « n-1 », et donc le prélèvement à opérer l’année « n+1 ».

Les ressources du fonds seront réparties chaque année entre les départements dont le potentiel financier est inférieur à la moyenne des potentiels des départements, et ce au prorata de l’écart avec ladite moyenne.

S’agissant de la mise en œuvre de ce nouveau dispositif, comme vous l’avez signalé, monsieur le sénateur, la loi ne prévoit aucune date.

Par conséquent, le dispositif aurait vocation à s’appliquer dès 2010, c'est-à-dire à la date d’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2010, en fonction de la croissance des droits de mutation constatée entre 2009 et 2010, ce qui induit des prélèvements et des reversements en 2011.

Or la crise a entraîné un très net ralentissement des transactions immobilières en 2009, avec une forte chute des droits de mutation, tandis qu’une reprise a été constatée dans de nombreux départements au début de l’année 2010.

Une entrée en vigueur immédiate du dispositif de péréquation engendrerait des prélèvements très élevés pour certains départements au profit du fonds, et ce sans réelle justification.

Surtout, ce dispositif est étroitement lié à la suppression de la taxe professionnelle et à la mise en place des nouvelles ressources fiscales dont les collectivités bénéficieront à compter de 2011. Or, s’agissant des droits de mutation, l’article 77 de la loi de finances pour 2010 prévoit, à compter de 2011, le transfert aux départements du droit budgétaire perçu par l’État sur les mutations immobilières.

C’est pourquoi le Gouvernement se propose d’apporter certains correctifs au dispositif départemental de péréquation des droits de mutation à l’occasion du prochain projet de loi de finances.

Afin de lever toute ambiguïté sur la question que vous soulevez, Mme Lagarde m’a chargée de vous indiquer qu’il sera proposé d’ajuster l’entrée en vigueur de ce dispositif en fixant à 2012 la première année des prélèvements et des reversements.

M. le président. La parole est à M. Jacques Berthou.

M. Jacques Berthou. Madame la secrétaire d'État, j’ai écouté attentivement votre réponse et noté que le dispositif en question entrerait en vigueur non pas en 2011, mais en 2012.

Le directeur général des collectivités locales du ministère de l’intérieur avait précisé qu’il devait s’appliquer dès le 1er janvier 2010. Il y a donc un décalage !

place accordée aux sciences humaines, économiques et sociales et à leurs enseignants dans le projet de réforme du lycée

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la question n° 896, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Lors de la consultation sur l’organisation et les programmes de la classe de seconde, les propositions de M. Chatel ont soulevé de vives protestations chez les enseignants en sciences économiques et sociales, et suscité des inquiétudes parmi les enseignants d’économie et de gestion.

Leurs associations ont dénoncé l’ingérence du ministère dans l’instance consultative, prétendument indépendante. Elles craignent la mise en concurrence des disciplines en question par la création de deux enseignements d’exploration aux contenus pourtant très proches, l’évacuation des questions de société, au mépris de la dimension citoyenne des enseignements généraux du lycée, et la fin des dédoublements de classe, ce qui exclurait le travail en petits groupes.

Le programme de seconde retenu au final, malgré quelques ajustements, ne donne pas entière satisfaction, ne serait-ce qu’en raison de l’indigence des horaires arrêtés – une heure trente par semaine seulement ! – et d’un cloisonnement disciplinaire inadapté à la curiosité d’élèves âgés de quinze à seize ans.

Vous ouvrez maintenant un nouveau chantier pour le programme de première. Outre le fait que certains membres du groupe d’experts sont totalement déconnectés du lycée et que les enseignants siégeant en son sein ont été choisis dans la plus totale opacité et ne sont aucunement représentatifs de la majorité de leurs collègues, on voit bien que le contenu de la réforme était réglé d’avance.

Les filières vont devenir hyperspécialisées, sur le modèle des cursus universitaires. Il est même question de supprimer l’histoire-géographie en terminale S, ce qui serait inédit !

En tenant les élèves à l’écart des réalités du monde contemporain, ces enseignements vont être complètement dénaturés.

De plus, les contenus sont beaucoup trop lourds : par exemple, près de 170 notions et 38 chapitres sont proposés en sciences économiques et sociales par les experts pour l’année de première.

Par ailleurs, aucune évaluation des programmes en vigueur cette année n’a été menée. On comprend pourquoi beaucoup d’enseignants vivent ces nouvelles modifications comme un signe de mépris des pouvoirs publics pour leur métier !

La réduction drastique des horaires de seconde, de première et de terminale prouve que la seule logique retenue est celle de la diminution du nombre de postes, au détriment d’une amélioration pédagogique.

Le succès de la consultation lancée par l’Association des professeurs de sciences économiques et sociales, l’APSES, sur ses programmes alternatifs de première ne devrait-il pas amener M. le ministre de l’éducation nationale à engager une véritable concertation ?

Alors que les arbitrages sur ces nouveaux programmes doivent être rendus demain, le Gouvernement entendra-t-il les enseignants, les parents, les élèves, qui tous aspirent à faire valoir leurs propositions dans le cadre d’un débat qu’ils souhaitent démocratique ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser M. Chatel, qui m’a chargé de vous répondre.

Vous attirez son attention sur la réforme des programmes du lycée en sciences économiques et sociales. Dans le cadre de la réforme du lycée, M. Chatel a voulu que, en classe de seconde, tous les élèves bénéficient d’une initiation aux questions économiques. Jusqu’alors, un lycéen pouvait quitter le lycée sans avoir jamais reçu aucune notion de base en économie. Est-ce acceptable, alors même que l’économie constitue une clé incontournable pour comprendre le monde d’aujourd’hui, comme l’a révélé la récente crise ?

Tous les sondages témoignent d’une attente forte des Français, qui ne veulent plus que l’économie reste l’affaire de quelques initiés. Parce qu’elle concerne leur vie quotidienne, ils souhaitent mieux la comprendre. Bref, l’économie doit enfin être mise à la portée de tous.

Cette réforme des programmes a été menée à bien : dès la rentrée prochaine, les nouveaux lycéens entrant en seconde se verront proposer deux enseignements d’exploration ; ils devront en choisir au moins un dans le domaine de l’économie.

C’est là une des innovations majeures de la réforme du lycée : initier tous les lycéens à l’économie afin qu’ils disposent d’un bagage commun leur permettant de comprendre et de construire leur avenir, qui est aussi le nôtre.

Quant à l’élaboration des programmes, elle a été confiée à des groupes d’experts composés d’inspecteurs, d’universitaires de renom – Christian de Boissieu pour la seconde, Jacques Le Cacheux pour la première – et de professeurs de lycée. Grâce à cette diversité, les groupes ont conjugué expertise académique et expertise pédagogique.

Concernant plus spécifiquement le programme de première ES, son élaboration s’appuie sur les recommandations du rapport rédigé en 2008 par M. Guesnerie, l’un des plus éminents économistes français, professeur au Collège de France. Ce rapport fait l’objet d’un large consensus au sein de la communauté des économistes et des sociologues.

Enfin, je rappelle que la démarche mise en œuvre pour la rédaction des programmes de première est la même que celle qui a prévalu pour la rédaction des programmes de seconde. Cela avait alors donné toute satisfaction.

Jusqu’à demain 16 juin, les projets sont soumis à la consultation des professeurs, qui ont ainsi la possibilité de transmettre leurs remarques et suggestions. Ces propositions seront prises en compte par la commission en vue d’améliorer le texte des programmes, lesquels seront soumis pour avis, le 1er juillet, au Conseil supérieur de l’éducation.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La réforme des programmes du lycée, notamment de la classe de seconde pour la rentrée de 2010, vient s’ajouter à une avalanche de réformes ayant pour dénominateur commun des coupes budgétaires drastiques. La rentrée risque donc d’être pour le moins difficile !

Il faudra gérer les problèmes de remplacement liés à la suppression de 3 000 postes de remplaçant titulaire, pallier la perte de 2 millions d’heures de cours dans le secondaire en 2009, assumer les conséquences de la réforme de la formation des enseignants et de la suppression de 16 000 postes, et faire face à la mise en œuvre dès 2011 du plan pluriannuel de suppression de postes, laquelle aboutira à la disparition de 17 000 emplois.

De fait, c’est tout le corps enseignant qui est maltraité. Ce sont bien entendu les familles et les élèves qui pâtiront de ce dérèglement organisé de l’enseignement.

Les résultats de la consultation de l’Association des professeurs de sciences économiques et sociales, l’APSES, sur les programmes des classes de première sont sans appel : la proposition du groupe d’experts est considérée comme illégitime, car elle est éloignée des demandes des enseignants.

Or une réforme réussie du lycée ne pourra être qu’une réforme concertée. Mais le Gouvernement fait peu de cas de la concertation, et même de la représentation parlementaire. En effet, il est inadmissible qu’aucun parlementaire de ma sensibilité politique ne soit associé au comité de pilotage de la conférence nationale sur les rythmes scolaires.