Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L’ARS conserve la possibilité de supprimer à tout moment leur autorisation en cas de non-respect du cahier de charges. Une chose au moins nous réunit, comme j’ai pu le constater à travers nos débats, c’est notre attachement aux centres de santé et je suis formelle sur ces deux conditions.

Les ARS devront relever un défi majeur : garantir l’accès aux soins à tous nos concitoyens. Cette exigence constitue, vous le savez, le fil rouge de mon action depuis trois ans.

Beaucoup d’entre vous se sont exprimés sur ces sujets de démographie, le dernier, notre cher Jacques Blanc avec la passion et l’enthousiasme qu’on lui connaît ! Je n’ignore pas ses difficultés en Lozère. Qu’il me soit permis de lui dire que ce n’est pas parce que j’augmenterai le numerus clausus de l’université de Montpellier que les médecins iront jusqu’en Lozère !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je crains hélas qu’ils ne restent sur la côte ! L’héliotropisme est un phénomène connu ! Je tiens à redire que je n’ai pas réduit le nombre des étudiants en médecine. Au contraire, je l’ai constamment augmenté et je continuerai bien entendu à le faire.

Garantir l’accès aux soins pour tous nos concitoyens est un des piliers du pacte solidaire de santé sur lequel je m’engage auprès des Français et qui constitue le socle de ma politique pour les deux années à venir. Les décrets sur la permanence des soins, que je viens de signer, donneront aux ARS la possibilité d’adapter précisément leur organisation aux besoins de la population et de moduler les astreintes versées aux médecins en fonction de la spécificité de chaque territoire.

Pour la première fois, tous les leviers de la permanence des soins se trouvent rassemblés en une seule main et, dès les prochains mois, un nouveau dispositif de permanence des soins sera effectif dans chaque région. Il s’appuiera sur un important travail de concertation avec l’ensemble des acteurs, notamment au sein de la CRSA, qui comprend un collège d’élus, de même qu’avec les unions régionales de professionnels de santé.

Cette permanence des soins sera d’ailleurs un critère sur lequel les directeurs généraux d’agences régionales de santé seront évalués, et ce dès cette année, comme je les en ai avertis très clairement.

Les unions régionales seront les partenaires professionnels légitimes des ARS en région. Elles seront constituées de représentants professionnels libéraux élus par leurs pairs au sein de listes syndicales.

Monsieur Gilles, la mise en place des unions régionales traduit la volonté très forte d’associer les professionnels de santé libéraux à la modernisation de l’offre de soins. Jamais les professionnels de santé libéraux n’auront été autant associés à l’élaboration des politiques de santé, notamment au travers du projet régional de santé. C’est, j’en suis convaincue, une des conditions sine qua non de la réussite de la réforme.

Le décret relatif aux unions régionales de professionnels de santé libéraux a été publié. Les élections professionnelles seront organisées le 29 septembre prochain pour les médecins libéraux et avant la fin de l’année pour les autres professionnels libéraux.

Afin de réduire les inégalités territoriales de l’offre de soins, les ARS disposeront de plusieurs leviers d’action au niveau de la formation initiale des médecins. Le nombre d’internes formés dans chaque région et dans chaque discipline sera, dès la rentrée prochaine, fixé en fonction des besoins de la population.

Monsieur Jacques Blanc, les ARS pourront, chaque année, proposer à 400 étudiants et internes des contrats d’engagement de service public. Je vous assure qu’il y en aura pour la Lozère, qui connaît des problèmes de démographie médicale. En contrepartie du versement d’une allocation mensuelle, ces étudiants s’engageront à exercer dans des zones identifiées comme sous-dotées.

Toujours afin de relever le défi de la démographie médicale, je veux faciliter de nouveaux modes d’exercice qui répondent mieux aux aspirations des médecins.

Plusieurs outils créés par la loi HPST sont d’ores et déjà à la disposition des professionnels de santé. C’est le cas des protocoles de coopération, qui permettent aux médecins de répartir autrement leurs tâches avec les autres professionnels de santé, et donc d’assurer aux patients une meilleure prise en charge, tout en optimisant leur temps de travail et en valorisant mieux leurs compétences.

De ce point de vue, la féminisation de la profession est fréquemment évoquée. Je le ressens parfois comme une culpabilisation.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les jeunes hommes aspirent, eux aussi, à d’autres modes d’exercice.

Les ARS ont également commencé à accompagner les professionnels de santé libéraux dans leurs projets de terrain, comme l’organisation de maisons de santé pluridisciplinaires.

Il s’agit pour ces derniers d’une évidente simplification puisqu’ils auront affaire, pour la première fois, à un interlocuteur unique pour accompagner et financer leur projet. J’ai rencontré des internes et de jeunes médecins et j’ai constaté que le cheminement technocratique auquel ils étaient contraints pour trouver des financements et des aides en décourageait plus d’un. Établir le dialogue avec les professionnels de santé libéraux est d’ailleurs une des priorités des ARS et elles s’y sont attachées dès leur mise en place.

Les ARS sont ainsi prêtes pour répondre à l’engagement pris par le Président de la République de financer deux cent cinquante maisons de santé pluridisciplinaires avant la fin de son mandat.

En se fondant sur les expérimentations qui sont actuellement en cours, sur mon initiative, les ARS pourront consolider ces projets en proposant aux professionnels de santé libéraux des contrats collectifs d’objectifs et de moyens ou de nouveaux modes de rémunération.

De plus, les volets ambulatoires des schémas régionaux d’organisation sanitaire, les SROS, seront préparés à partir de la rentrée. Ils feront l’objet d’une intense concertation sur le terrain avec les professionnels de santé libéraux, mais aussi avec les élus locaux. Ils apporteront un cadre explicite pour faire converger les aides et les politiques incitatives et soutenir les projets qui correspondent à de vrais besoins de santé.

Les dispositifs de télémédecine compléteront ces mesures en facilitant l’accès aux soins dans des zones sous-dotées ainsi que les consultations dans certaines spécialités.

De ce point de vue, je tiens à préciser que, aux côtés de l’Agence nationale d’appui à la performance, l’ANAP, l’Agence des systèmes d’information partagés de santé, l’ASIP Santé, sur laquelle vous m’avez interrogée, constitue un remarquable outil pour le développement de ces techniques qui vont bien entendu révolutionner tout à la fois la médecine de pointe et la médecine de proximité. J’ajoute que, dans quelques semaines, pour ne pas dire dans quelques jours, j’irai apprécier sur le terrain les développements de l’expérimentation du dossier médical personnel, le DMP. Vous pouvez donc constater, monsieur Milon, que l’engagement que j’avais pris devant vous de faire de l’année 2010 l’année du lancement du DMP sera tenu.

Un décret définit l’activité de télémédecine et permet sa mise en œuvre ainsi que son financement. Il est en cours d’examen au Conseil d’État et sera publié au début du mois de juillet. Dès à présent, mes services se mobilisent pour développer les outils nécessaires au développement de cette activité sur le terrain, sous la responsabilité des ARS.

Tout est donc mis en œuvre dès à présent pour répondre à notre impératif commun : une plus juste répartition de l’offre de soins sur l’ensemble du territoire.

Monsieur Milon, je tiens à protéger la ressource d’offre de soins de proximité. C’est d’ailleurs ce souci qui a guidé mon choix lorsqu’il s’est agi de déterminer le mode de vaccination contre la grippe A/H1N1. Je n’avais bien évidemment aucune défiance quant à la capacité des professionnels de santé de procéder à ces vaccinations, mais je savais que la demande maximale surviendrait au moment où ils seraient eux-mêmes surchargés de travail dans leur cabinet. Et c’est d’ailleurs ce qui s’est passé. Nous avons atteint un rythme de 300 000 vaccinations par jour alors que l’on recensait par ailleurs un million de consultations supplémentaires par semaine dans les cabinets libéraux. Je voulais protéger la ressource humaine que constituent les professionnels de santé, car elle est trop précieuse pour être dilapidée.

La loi HPST vise aussi à garantir à la population l’accès aux soins en sanctionnant les refus de soins exercés par les professionnels de santé. Je viens de signer le décret d’application de cette mesure.

D’autres dispositions sont d’ores et déjà applicables, je pense notamment à la remise d’un devis aux patients.

Certaines mesures concernent les pharmaciens et la biologie médicale. La loi définit précisément les missions qui incombent aux pharmaciens. Les décrets d’application sont en cours d’examen par le Conseil d’État.

La réforme ouvre la voie à une meilleure prise en charge par les pharmaciens, en renforçant leur rôle dans la prévention, l’éducation thérapeutique, le suivi, la coordination avec les autres acteurs de santé.

La réforme de la biologie médicale a pour objectif de permettre à chacun d’avoir accès à une biologie de qualité prouvée, payée à son juste prix, dans un cadre européen. L’ordonnance est parue le 13 janvier dernier, les premiers textes d’application sont publiés ces jours-ci.

Cette réforme commence à porter ses fruits, avec la création de plateaux techniques regroupant plusieurs laboratoires, ce qui permet de rationnaliser et de moderniser notre réseau de laboratoires.

Améliorer l’état de santé de nos concitoyens, les aider à préserver le plus longtemps possible leur autonomie : la loi HPST, qui est aussi une loi de prévention, entend répondre à cet impératif.

L’essentiel des mesures portant sur la santé publique, qui sont des mesures de protection, sont en vigueur.

Il en est ainsi de la protection des jeunes, avec la lutte contre l’expérience précoce du tabac et les pratiques d’alcoolisation. Personne n’a évoqué cette question au cours de ce débat, et je le regrette, car cette loi a permis – et c’est important – de simplifier et d’harmoniser la réglementation en instaurant l’interdiction de vente d’alcool et de cigarettes aux mineurs.

Il en est également ainsi de la protection des populations, avec l’adaptation du règlement sanitaire international. Le projet de décret sera publié dès le mois de juillet. Ce titre vise également à replacer le patient au cœur de sa propre prise en charge, grâce aux mesures relatives à l’éducation thérapeutique et à l’éducation à la santé.

Mesdames, messieurs les sénateurs, un an après, je suis fière de tout le chemin que nous avons parcouru ensemble. Cette réforme était nécessaire, indispensable, si nous voulions préserver notre système de santé et les valeurs solidaires qui le fondent. Malgré l’ampleur de la tâche, grâce à vous, grâce à mes services et à tous ceux qui travaillent sur le terrain, j’ai tenu les engagements pris devant vous et devant les Français.

Un an après la publication de la loi, je suis au rendez-vous de sa mise en œuvre et je suis fière du travail accompli, parce que nos concitoyens et nos concitoyennes pourront désormais, dans leur quotidien, apprécier de façon concrète tous les apports de cette réforme. Cette loi, je ne l’ai faite que pour eux et pour elles. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur « la loi hôpital, patients santé et territoires, un an après ».

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente, sous la présidence de M. Roland du Luart.)

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

9

Politique de contraception et d’interruption volontaire de grossesse

Discussion d’une question orale avec débat

(Salle Médicis)

M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, la discussion de la question orale avec débat n° 59 de Mme Michèle André à Mme la ministre de la santé et des sports relative à la politique de contraception et d’interruption volontaire de grossesse.

Cette question est ainsi libellée :

« Mme Michèle André demande à Mme la ministre de la santé et des sports de lui exposer les conclusions qu’elle tire de l’évaluation des politiques de prévention des grossesses non désirées et de la prise en charge des interruptions volontaires de grossesse, à laquelle vient de procéder l’Inspection générale des affaires sociales. Elle lui demande notamment les mesures que le Gouvernement envisage de prendre pour lutter contre le taux d’échec important des moyens de contraception ainsi que pour garantir un égal accès à l’interruption volontaire de grossesse sur l’ensemble du territoire, et un meilleur choix pour les femmes des techniques utilisées. »

La parole est à Mme Michèle André, auteur de la question.

Mme Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, auteur de la question. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur les conclusions tirées par votre ministère de l’évaluation des politiques de prévention des grossesses non désirées et de la prise en charge des interruptions volontaires de grossesse à la suite du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS.

Nous partageons, madame la ministre, la conviction que le droit à disposer de son corps, tout comme celui de choisir ses maternités et d’avoir accès aux soins en matière de santé reproductive, sont constitutifs d’une société démocratique égalitaire.

Le rapport très détaillé de l’IGAS est venu confirmer les progrès réalisés trente-cinq ans après la promulgation de la loi Veil, qui autorisait et médicalisait l’avortement en France.

D’une part, les Françaises bénéficient aujourd’hui d’une couverture contraceptive remarquable, puisque 95 % des femmes qui le nécessitent utilisent un moyen de contraception, médical dans 80 % des cas.

D’autre part, la prise en charge de l’IVG a marqué des progrès réels et les délais sont globalement mieux maîtrisés.

Même s’il reste encore beaucoup à faire, je me réjouis de ces avancées, notamment parce qu’elles vont dans le sens d’une société plus égalitaire entre les femmes et les hommes.

Permettez-moi d’avoir une pensée particulière pour ceux, femmes et hommes politiques, mais aussi médecins et responsables associatifs, qui ont consacré une partie de leur vie au service des femmes, pour que leur soit reconnu le droit fondamental de choisir leur maternité et d’interrompre leur grossesse dans de bonnes conditions psychologiques, sanitaires et économiques. Cette conquête a été le fruit de batailles menées contre les préjugés et contre les conservatismes. Nos sociétés, même les plus avancées, n’en sont pas à l’abri.

Les associations et les praticiens qui accompagnent les femmes sur le terrain nous alertent en effet régulièrement. Tout d’abord, des groupuscules « pro-vie » et des lobbies anti-IVG continuent d’organiser des « marches », à Paris en janvier dernier, à Toulouse et à Avignon récemment encore. Ensuite, les pressions psychologiques exercées par les familles, mais aussi par certains éléments du corps médical, rendent plus difficile pour les femmes l’exercice de leurs droits. Enfin, certains médecins sont encore réticents à accomplir des actes d’IVG.

Je tiens ici à rendre un hommage particulier aux hommes et aux femmes du réseau des soixante-dix associations du Mouvement français pour le planning familial : investis sur le terrain quotidiennement, ils sensibilisent, accompagnent, écoutent et orientent les femmes, sans distinction d’âge ni de catégorie sociale.

Ils constituent les véritables relais de nos politiques et, sans le travail renouvelé et permanent de leurs équipes, les droits que nous nous efforçons de garantir aux femmes resteraient souvent au stade des principes.

Ils nous rappellent que notre rôle, en une matière si délicate qui touche à l’intime et aux convictions personnelles de chacun, consiste, loin des postures et des déclarations d’intention, à permettre, à informer, mais surtout à garantir les moyens nécessaires pour répondre aux besoins des femmes.

Or, vous le savez, les crédits budgétaires alloués à ces associations sont encore aléatoires : fractionnés entre différentes missions et programmes, leur obtention relève souvent du parcours d’obstacles.

Au début de l’année 2009 déjà, la baisse des crédits budgétaires permettant de subventionner les établissements d’information, de consultation et de conseil familial nous avait fortement alarmés. Nos interventions et la mobilisation des réseaux associatifs avaient finalement conduit le ministre du travail de l’époque, Brice Hortefeux, à signer avec la présidente du Mouvement français pour le planning familial un protocole garantissant le maintien à niveau des crédits budgétaires pour les années 2009, 2010 et 2011.

Mais, alors que de nouvelles associations soutenant les droits des femmes sont aujourd’hui menacées, le réseau associatif s’interroge : faudra-t-il se mobiliser chaque année pour que soient garantis les budgets qui leur permettent simplement de fonctionner ?

Fournir des données chiffrées stables et garantir des procédures simples me paraît aujourd’hui être une priorité : les responsables associatifs sont prêts à ouvrir un dialogue constructif et j’espère, madame la ministre, que vous y répondrez favorablement.

C’est avec le même souci d’efficacité que j’aborderai les deux questions qui nous préoccupent aujourd’hui : la prévention des grossesses non désirées et la prise en charge des interruptions volontaires de grossesse.

En ce qui concerne la prévention des grossesses non désirées, les campagnes d’information et l’amélioration de la prise en charge des méthodes contraceptives ont, semble-t-il, porté leurs fruits, puisque, comme l’a confirmé le rapport de l’IGAS, les Françaises bénéficient d’une couverture contraceptive remarquable.

Pourtant, 72 % des 200 000 IVG pratiquées en France concernent des femmes qui utilisent un moyen de contraception, selon l’IGAS. Force est donc de constater que la diffusion massive de la contraception n’a pas eu encore l’efficacité escomptée.

Ce relatif échec s’explique, selon les praticiens et les travailleurs associatifs, par le fait que les méthodes contraceptives ne sont pas toujours adaptées aux conditions de vie et aux attentes des femmes.

Il faut donc aller plus loin que la seule diffusion, en permettant aux femmes de faire un réel choix en matière de contraception, qui soit adapté à leurs besoins et à leurs modes de vie.

Permettre le remboursement de l’ensemble des moyens de contraception prescrits est une étape nécessaire.

Vous avez annoncé que vous alliez examiner avec les laboratoires pharmaceutiques les moyens de parvenir à un remboursement par l’assurance-maladie de certaines méthodes de contraception non prises en charge, comme les patchs et les anneaux. J’espère que ces négociations aboutiront.

Mais cette prise en charge ne sera efficace que si l’accès aux méthodes de contraception est garanti.

La possibilité pour les infirmières de renouveler les ordonnances de pilules contraceptives datant de moins d’un an va dans ce sens, de même que celle qui est donnée aux pharmaciens de les délivrer lorsque la prescription est « périmée » de quelques jours. Je me félicite de ces mesures.

En tout état de cause, il me semble que nous avons aujourd’hui intérêt à ce que les acteurs de terrain travaillent au maillage du territoire, en s’appuyant sur les ressources existantes, et en développant les lieux d’accueil.

Certains départements soutiennent cette démarche de réseau, et je m’en réjouis. Ainsi, dans l’Hérault, un dispositif tripartite, liant le conseil général au planning familial et aux médecins, a permis un partage des rôles efficace : une conseillère du planning, installée dans une structure « banalisée », oriente les femmes vers les professionnels de santé conventionnés, les soins étant pris en charge financièrement par le conseil général via le planning familial. Des démarches similaires ont vu le jour dans le département du Bas-Rhin, ainsi que dans les régions Pays de la Loire et Poitou-Charentes. Comment pourrions-nous les soutenir et les encourager ?

En matière de contraception, les jeunes majeures restent vulnérables et il me semble qu’il nous revient de leur porter une attention particulière.

Si 10 000 IVG par an sont pratiquées sur des mineures, beaucoup concernent des jeunes majeures de dix-huit à vingt-cinq ans.

Le rapport de l’IGAS a mis en lumière la persistance de carences importantes dans l’information : l’éducation à la sexualité à l’école, obligation légale depuis la loi du 4 juillet 2001, n’est que très inégalement et partiellement appliquée. La situation des jeunes femmes non scolarisées est la plus délicate. Le fait que la sexualité des jeunes soit encore un tabou pour les parents, les éducateurs, et parfois même les médecins, conduit à « dramatiser » des situations qui pourraient être simplement expliquées et prises en charge.

L’accès à l’information et à la contraception reste par ailleurs encore trop inégal en fonction du territoire où l’on vit, des moyens financiers dont on dispose, de la couverture sociale et de la façon dont peuvent être garantis anonymat et confidentialité.

Je pense qu’il n’est pas inutile de rappeler ici que, si les jeunes peuvent recourir de façon gratuite et anonyme à la contraception d’urgence et à l’IVG, ils n’ont pas accès gratuitement à la contraception régulière, sauf dans les centres d’éducation et de planification familiale, dont l’accessibilité demeure limitée.

Il me semble essentiel d’intensifier le travail de sensibilisation des enseignants, des éducateurs et des animateurs sur ces questions.

Vous avez annoncé, madame la ministre, lors de la Journée internationale de la femme, vouloir améliorer l’éducation sexuelle et l’accès à la contraception des jeunes. Pouvez-vous nous expliquer comment et avec quels moyens ?

J’en viens maintenant à la question de la prise en charge des interruptions volontaires de grossesse.

En cette matière, on a beaucoup commenté le paradoxe du contexte français, la diffusion massive de la contraception n’ayant pas fait diminuer le nombre des IVG, qui se maintient aux environs de 200 000 par an.

Je ne m’attarderai pas sur ces commentaires et je m’en tiendrai aux faits.

En premier lieu, il ressort des données produites par le rapport de l’IGAS que les deux dispositions qui avaient suscité le plus de contestations lors de l’adoption de la loi du 4 juillet 2001 ont, en réalité, permis d’améliorer le dispositif : l’assouplissement du régime d’autorisation parentale pour les mineures, d’une part, l’allongement du délai légal de douze à quatorze semaines, d’autre part, n’ont pas produit les dérives que certains annonçaient. À cet égard, les demandes d’IVG tardives ne concernent, aujourd’hui, pas plus de 10 % de l’ensemble des demandes. Elles restent préoccupantes, bien évidemment. Je suis persuadée que vous partagez mon souci.

En second lieu, l’évaluation remise en février a confirmé les progrès réels de prise en charge de l’IVG.

Les délais d’accès à l’IVG dans les établissements se sont dans l’ensemble améliorés pour se rapprocher, dans la plupart des cas, de la norme de cinq jours définie par la Haute Autorité de santé.

Mais ces progrès demeurent fragiles et, vous le savez, mes chers collègues, tant les experts de l’IGAS que les acteurs de terrain s’inquiètent légitimement de la persistance de goulots d’étranglement dans certaines zones de fortes demandes à certaines périodes de l’année, notamment lors des congés, problème que la fermeture d’un certain nombre de centres d’IVG ne fait qu’aggraver.

Les causes de cette situation sont maintenant bien connues. D’une part, en dépit de plusieurs revalorisations successives, la tarification de l’IVG instrumentale ne prend en charge qu’une partie de son coût réel. D’autre part, la pratique de l’IVG reste une activité peu gratifiante pour les personnels de santé : le recours à la clause de conscience de la part des professionnels semble avoir été renforcé par l’allongement du délai légal de recours à l’IVG.

Vous avez annoncé, madame la ministre, l’augmentation des forfaits IVG et l’amélioration des conditions de prise en charge des IVG médicamenteuses. Permettez-moi cependant de rappeler que, malgré les revalorisations tarifaires de 20 % en 2008 et 34 % en 2009, les fermetures des centres d’IVG ont continué : le 5 juin dernier, un collectif d’associations de femmes appelait à manifester à Paris pour la réouverture du centre d’IVG de l’hôpital Tenon, le maintien de tous les services de pédiatrie de l’hôpital Trousseau, ainsi que le maintien de la maternité, du service de pédiatrie, du centre d’IVG et de l’école de sages-femmes de l’hôpital Saint-Antoine.

Le résultat de ces fermetures, nous le connaissons : trop de femmes sont confrontées à des refus par manque de place et sont réorientées sans entretien préalable et sans information pratique. Les délais de rendez-vous continuent de dépasser ceux que recommande la Haute Autorité de santé ; quant aux délais de prise en charge, ils restent supérieurs à quinze jours dans un établissement sur vingt, plus particulièrement dans ceux qui ont le plus de centres d’IVG en activité.

D’après les informations fournies par le réseau du planning familial, le délai d’accès pour un avortement en Île-de-France peut aller jusqu’à trois semaines.

Ces obstacles, et les conséquences psychologiques et physiques qui s’ensuivent, touchent en priorité les femmes les plus fragiles, nous le savons bien.

Enfin, la réticence de certains praticiens vient s’ajouter aux difficultés pratiques : non seulement les IVG tardives ne sont pas prises en charge partout, mais, surtout, certains modes de prise en charge sont systématiquement privilégiés.

Alors que le choix des femmes en ce domaine devrait être d’autant plus respecté que cet acte a des conséquences importantes sur leur intégrité, le recours quasi exclusif à la technique médicale dans certains établissements reflète plus le choix de l’équipe que celui des femmes.

Madame la ministre, je ne sous-estime pas les efforts déjà accomplis par votre ministère. Je me préoccupe toutefois de savoir ce que vous allez faire pour éviter la fermeture de nouveaux centres d’IVG et de maternités dans les hôpitaux. C’est un enjeu capital pour de nombreuses femmes, et je vous remercie par avance de vos réponses. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai tout d’abord par remercier notre collègue Michèle André d’avoir posé cette question orale avec débat sur un sujet aussi important.

Le 21 septembre 1974, après des débats très animés, le Parlement adoptait la loi Veil, qui autorisait l’interruption volontaire de grossesse. À l’époque, les législateurs pensaient que la généralisation des méthodes contraceptives allait conduire à une réduction progressive du nombre d’IVG. Trente-cinq ans plus tard, ce chiffre reste quasiment identique.

Durant cette période, la contraception s’est très largement généralisée. Alors que 95 % des Françaises utilisent une contraception, le nombre d’IVG reste toujours aussi élevé, à l’inverse de ce qui est observé à l’étranger. Depuis 1975, on compte environ 200 000 avortements par an. Cette situation est très préoccupante, car l’IVG est une épreuve lourde à supporter pour les femmes qui y ont recours.

D’ailleurs, selon le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales sur la prise en charge de l’IVG, la Haute Autorité de santé constate qu’il « existe peu de données concernant le retentissement psychologique de l’IVG » et déclare que celle-ci demeure un événement souvent difficile à vivre sur le plan psychologique. Madame la ministre, pouvez-vous nous dire si une étude sur les conséquences psychologiques de l’IVG a été lancée ? Un éclairage objectif et scientifique sur ce sujet paraît fondamental.

Selon certaines études, un manque d’explications, de conseils et d’informations sur le bon usage de la contraception motiverait en partie le nombre élevé d’IVG.

En effet, il apparaît essentiel de faire connaître les différents modes de contraception. Très peu de femmes, jeunes et moins jeunes, utilisent l’implant, l’anneau vaginal ou encore le patch contraceptif, qui sont pourtant des moyens de contraception moins astreignants au quotidien que la pilule. De même, peu savent que le stérilet est utilisable chez les jeunes femmes, même si elles n’ont pas encore eu d’enfants. Nous devons tenir compte des nouveaux moyens de contraception, plus faciles à utiliser.

Il semblerait que les médecins privilégient certaines contraceptions qui ne seraient pas adaptées aux attentes et au mode de vie des femmes et des couples, d’où l’importance de renforcer la formation initiale et continue des médecins et des sages-femmes.

Selon une étude, 72 % des femmes qui recourent à l’IVG sont sous contraception. Parmi ces femmes, 23 % prenaient la pilule et 19 % utilisaient un préservatif. Pourtant, ces deux modes de contraception sont efficaces s’ils sont utilisés correctement. Il y a donc une mauvaise utilisation des moyens de contraception.

Les femmes de trente à trente-cinq ans oublient plus fréquemment leur pilule. Chez ces femmes, l’oubli peut avoir plusieurs significations : désir d’enfant par rapport au couple, désir de pouvoir encore être mère par rapport à la société, désir de créer un lien avec un nouveau partenaire. Pour ces femmes, les médecins doivent prendre le temps de communiquer.

À l’heure où la sexualité est plus irrégulière, impliquant plus de partenaires, pour certaines femmes la prise journalière d’une pilule est difficile. Il serait donc souhaitable de diversifier et d’adapter la couverture contraceptive en fonction des besoins et des modes de vie des utilisateurs.

Les avortements sont plus nombreux chez les mineures. Il ne faut pas oublier que la contraception a un coût et, chez les mineures, il est loin d’être négligeable, en particulier les pilules de dernière génération non prises en charge par l’assurance maladie. Les anneaux, les patchs et les préservatifs ne sont pas remboursés. Le remboursement n’est pas neutre et oriente la demande et la prescription. Cette prescription peut ne pas correspondre à la personne. Le remboursement de tous les contraceptifs et l’accès aux préservatifs à bas prix doivent être envisagés. Les médicaments pour la prostate, eux, sont tous remboursés ! (Rires.) Ce sujet ne devrait pas rester qu’une affaire de femme.

Le recours à « la pilule du lendemain » est également loin d’être systématique en cas de rapport à risque, bien qu’elle soit gratuite pour les mineures. Malheureusement, tous les établissements scolaires n’en disposent pas et certains pharmaciens ne la mettent pas à disposition gratuitement pour les mineures. On constate ici combien il est important de faire appliquer la loi 2001 sur l’IVG dans l’ensemble des établissements et de prendre des mesures pour favoriser l’accès aux moyens de contraception d’urgence pour les femmes et les mineures.

Informer doit être une priorité pour combattre les idées reçues sur la contraception et donner les moyens d’éviter une grossesse non désirée. Inscrite dans la loi depuis 2001, l’éducation sexuelle à l’école, dans les collèges et les lycées se résume le plus souvent à une information et non une éducation. Deux tiers des filles de troisième pensent, par exemple, qu’on ne peut pas tomber enceinte lors du premier rapport sexuel. Madame la ministre, des actions d’information, d’éducation et de prévention ciblées sur les mineures doivent être entreprises et devenir une urgence nationale.

Je souhaite évoquer l’exemple de l’Alsace, qui a un taux d’IVG inférieur au taux national concernant les mineures. La mise en place d’un plan de prévention entre plusieurs institutions a permis de faire baisser ce taux. Grâce à un partenariat entre l’administration hospitalière, la caisse de sécurité sociale, le planning familial et les établissements scolaires, les jeunes ont pu bénéficier d’une prise en charge anonyme et gratuite. De plus, une unité spécifique d’information et d’accueil des adolescents concernant la sexualité, appelée Info-Ado, a été mise en place. Il s’agit de donner des informations précises aux jeunes en matière de contraception et de sexualité. Cela permet de garder une confidentialité de la sexualité vis-à-vis des parents.

Il y a donc des interventions en milieu scolaire et un accueil gratuit, anonyme et sans examen gynécologique, aux heures ouvrables dans les hôpitaux publics pour les jeunes qui souhaitent poser des questions ou qui désirent une contraception. Les pilules et les préservatifs sont offerts gratuitement et sans limite de nombre à chaque adolescent qui le demande. Un examen clinique ou des tests de dépistage sont possibles et demeurent gratuits pour ne pas impliquer la sécurité sociale des parents.

Madame la ministre, l’exemple de l’Alsace devrait pouvoir être soutenu et développé sur tout le territoire. Des réseaux de prévention et de soins impliquant les médecins généralistes devraient être mis en place.

De plus, il devient urgent de réduire les inégalités régionales. Dans le cadre de la mise en place de la tarification à l’activité dans le secteur hospitalier, de plus en plus d’établissements renoncent à pratiquer les IVG faute d’une tarification suffisante. On constate que les restructurations hospitalières ont conduit à la fermeture de services pratiquant l’IVG, souvent déficitaires. On observe de fortes inégalités régionales et des difficultés d’accès aux consultations d’IVG. Des mesures doivent être envisagées à ce niveau.

L’information, l’éducation scolaire, de nouveaux remboursements, le renforcement de la formation médicale, un meilleur maillage du territoire, l’utilisation conjuguée de tous ces moyens devraient permettre de mettre fin au nombre élevé d’IVG en France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)