Mme Christiane Demontès, rapporteur. Enfin, le rapport met l’accent sur l’urgente nécessité de penser une réforme pour construire un système pérenne, adapté au contexte démographique, économique et financier.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. C’est ce que nous faisons !

Mme Christiane Demontès, rapporteur. La crédibilité du système de retraite est aujourd’hui gravement entamée par la méthode de réforme.

Sur le principe, le choix d’un pilotage par rendez-vous, retenu en 2003, relève des bonnes pratiques, s’il laisse le temps de la réflexion et de la concertation.

Cependant, par manque de pédagogie et de transparence sur les objectifs qui leur sont assignés, on constate que ces rendez-vous sont perçus par l’opinion publique comme l’occasion d’une réforme de fond du système. Cela contribue à créer un climat anxiogène, qui encourage, comme nous avons pu le constater, certains assurés à anticiper leur départ à la retraite afin de ne pas être pénalisés par des règles futures plus strictes.

Au lieu de constituer des bilans d’étape constructifs, les rendez-vous deviennent ainsi des moments de crispation et de réactivation des tensions sociales. Nous l’avons encore constaté lorsque le COR a remis ses travaux d’expertise préparatoires.

Dans ces conditions, sans attendre le retour, d’ailleurs incertain, à l’équilibre financier du système actuel, un débat national doit être engagé, posant le principe de la mise à plat complète du dispositif et de l’étude d’un système par points dans les régimes de base qui identifierait mieux les mécanismes de solidarité et serait donc un gage de clarté pour les jeunes générations, ce qui est important.

La refondation du pacte intergénérationnel qui a présidé en 1945 à la création de l’assurance vieillesse doit être engagée dès 2010, sans que nous nous contentions d’un ajustement qui nous contraindrait à recommencer dans quelques années. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Leclerc, rapporteur. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le rendez-vous de 2010 sur les retraites est maintenant largement engagé et nous connaissons depuis ce matin les grandes orientations du projet de loi que déposera le Gouvernement le mois prochain. Il nous reviendra, à l’automne, de statuer sur cette réforme et de prendre nos responsabilités de parlementaires.

Sous la présidence d’Alain Vasselle, la MECSS a donc décidé de conduire un travail approfondi, dont le débat d’aujourd’hui est l’aboutissement. Christiane Demontès et moi-même avons tenté de balayer tout le champ des possibles et de tracer des perspectives pour l’avenir.

Plutôt que de résumer le rapport que nous avons présenté, et dont vous avez pu prendre connaissance, je concentrerai mon propos sur quelques points qui me paraissent essentiels.

Tout d’abord, nous devons faire face à un problème financier considérable, qui ne doit pas masquer le fait que le régime de retraite exprime d’abord une conception du projet de société. Face à l’accroissement de l’espérance de vie, au vieillissement de la population et à toutes les conséquences que ces phénomènes entraînent, quel modèle de société souhaitons-nous défendre ?

Notre système de protection sociale, notamment le système de retraite, a eu des effets bénéfiques incontestables en permettant l’élévation progressive du niveau de vie des retraités, qui est aujourd’hui proche de celui de la moyenne des actifs.

Ce modèle est aujourd’hui en difficulté : au-delà des déficits, il est également menacé par la grave perte de confiance que l’on observe chez les jeunes générations. Le vieillissement de la population, tel qu’il est actuellement géré, ébranle les fondements du pacte générationnel.

Jusqu’à présent, la norme était celle d’un contrat social passé entre la génération des parents et celle des enfants. Or celui-ci engage aujourd’hui la génération des petits-enfants, car les pensions servies aux retraités actuels sont financées par la dette dont hériteront leurs petits-enfants.

Le risque de voir les jeunes actifs, actuels et à venir, refuser de cotiser plus et de travailler plus longtemps est réel. Il est impératif de leur redonner confiance dans les retraites. C’est donc par la préparation du système de retraite de demain, celui de la France de 2030, que passe la refondation du pacte intergénérationnel.

Pour ce faire, tous les leviers disponibles doivent être actionnés, car aucun ne pourra à lui seul permettre de rétablir les comptes de l’assurance vieillesse. Selon le COR, si nous voulions y parvenir en intervenant sur un seul paramètre, il faudrait d’ici à 2020 soit relever l’âge effectif moyen de départ de près de cinq ans, soit augmenter les cotisations de 5 points, soit diminuer de plus de 20 % le niveau relatif des pensions…

Pis encore, dans le même cas de figure, cette fois à l’horizon de 2050, il faudrait soit relever l’âge effectif moyen de départ de près de dix ans, soit augmenter les cotisations d’environ 10 points, soit diminuer le niveau relatif des pensions de plus de 35 %. Cela n’est pas acceptable.

Il convient donc d’examiner tous les moyens d’action à notre disposition. Ceux-ci sont au nombre de quatre.

Premièrement, il s’agirait de diminuer le taux de remplacement et le montant des pensions. Disons d’emblée qu’il ne nous paraît pas envisageable de procéder à cette baisse, d’autant que leur niveau relatif est déjà en diminution dans le secteur privé. En effet, les pensions et les salaires portés au compte sont indexés sur les prix, qui progressent moins vite que les salaires des actifs. En outre, si elle n’est pas mauvaise, la moyenne du niveau de vie des retraités masque des disparités fortes : un grand nombre de nos concitoyens retraités vivent encore avec des pensions très faibles. C’est le point essentiel que nous avons retenu des auditions que nous avons menées.

Deuxièmement, nous pourrions décider d’agir sur l’âge effectif de départ à la retraite, élément à l’évidence essentiel pour le redressement financier du système de retraite.

Chacun le sait, en France, l’âge de cessation d’activité est particulièrement bas : 58,3 ans pour le régime général. L’âge de liquidation des droits à la retraite s’établit, pour sa part, autour de 61,5 ans, ce qui montre qu’un grand nombre de salariés ne sont plus en activité au moment de la liquidation de leur retraite.

Compte tenu de la progression continue de l’espérance de vie, il est absolument nécessaire de prolonger la durée d’activité. Il existe deux moyens d’y parvenir : augmenter la durée de cotisation nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein, d’une part ; relever les âges légaux d’ouverture des droits et d’obtention d’une pension à taux plein, d’autre part.

Sur la durée de cotisation, d’abord, la loi de 2003 a posé un principe très fort consistant à faire en sorte de maintenir stable, au fil du temps, le rapport entre la durée d’assurance nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein et la durée moyenne de retraite, qui correspond à peu près à l’espérance de vie à 60 ans.

En application de ce principe, la durée de cotisation pour une retraite à taux plein serait de 41 ans en 2012, conformément au calendrier de la loi Fillon. Pour la suite, l’application des principes posés par cette même loi pourrait impliquer un passage à 41,5 ans de cotisations en 2020, puis à 42,25 ans en 2030 et à 43,5 ans en 2050.

La MECSS considère que les règles posées par la loi de 2003 méritent d’être conservées et propose de poursuivre l’augmentation de la durée de cotisation en fonction de l’allongement de l’espérance de vie, sans l’accélérer mais sans l’interrompre. Le projet de loi pourrait poser le principe d’un passage de 41 ans à 41,5 ans de cotisation entre 2012 et 2020 et prévoir des évolutions réglementaires ultérieures avec l’intervention de la Commission de garantie des retraites et du COR.

Troisièmement, il serait possible de procéder à un relèvement des âges légaux. La France figure parmi les rares pays à avoir conservé l’âge de la retraite à 60 ans, malgré l’allongement de l’espérance de vie. Il va donc de soi que l’âge minimal de départ à la retraite fait partie des leviers à activer en 2010, à deux conditions toutefois : engager une politique très active en faveur de l’emploi des seniors et des jeunes ; prendre en compte la pénibilité de certains métiers pour ne pas pénaliser les travailleurs dont elle a réduit l’espérance de vie.

J’en viens aux modalités de relèvement de l’âge légal de départ à la retraite. Il nous paraît souhaitable de retenir la même méthode que pour la durée d’assurance, c’est-à-dire un relèvement progressif, assorti de bilans d’étape dans lesquels pourrait intervenir, là encore, la Commission de garantie des retraites, notamment pour suivre l’évolution du taux d’emploi des seniors et vérifier que la réforme n’a pas pour effet d’augmenter le taux de chômage.

Le maintien du dispositif de cessation anticipée d’activité pour carrière longue introduit par la loi de 2003 pourrait permettre d’éviter que le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite ne pénalise trop fortement ceux qui ont commencé à travailler le plus tôt.

Le relèvement de l’âge légal ne peut être compris que s’il concerne l’ensemble de nos concitoyens, c’est-à-dire également ceux qui partent aujourd’hui avant 60 ans en raison des bonifications dont ils bénéficient.

Quoi qu’il en soit, le relèvement de l’âge effectif de départ à la retraite est un pilier de la réforme, mais ne sera pas suffisant. Les mesures relatives à l’âge et à la durée de cotisation ne permettent de faire face, au mieux, qu’à 50 % des besoins de financement de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, et ce à l’horizon 2030. En outre, ces mesures d’âge ont des effets progressifs et laissent entière la question des déficits actuels.

Il est donc indispensable de rechercher de nouvelles recettes, sauf à accepter l’accumulation des déficits et, ce faisant, la constitution d’une dette sociale considérable dont la charge reposera sur les générations futures.

Sur la question des recettes, la MECSS a envisagé plusieurs hypothèses. Là encore, la mobilisation d’une seule catégorie de revenus ne pourra pas suffire. En effet, ce sont non pas quelques dizaines ou centaines de millions d’euros qu’il faut trouver, mais bien plusieurs milliards d’euros !

S’agissant des cotisations sociales, les marges sont évidemment étroites, puisque leur niveau est déjà élevé. Il conviendra cependant d’opérer le redéploiement de cotisations chômage vers la branche vieillesse prévu en 2003, et ce dès que la croissance et le niveau du chômage le permettront.

L’assiette de ces cotisations pourrait par ailleurs être élargie, notamment en limitant certains mécanismes d’exonération, d’exemption ou de réduction. La commission des affaires sociales a ainsi préconisé, dès l’année 2009, une annualisation du calcul des exonérations de charges, dont on pourrait attendre 2 milliards d’euros d’économies par an.

Naturellement, la recherche de recettes complémentaires exige la poursuite de l’examen de la pertinence de l’ensemble des niches sociales.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a créé le forfait social, mais certains éléments en demeurent exclus. Le taux de ce forfait, fixé initialement à 2 %, a été doublé dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. Son rendement est estimé à un peu moins de 800 millions d’euros cette année.

Plusieurs pistes sont envisageables pour aller plus loin dans la remise en cause des niches sociales : élargissement de l’assiette du forfait social ; relèvement du taux de ce forfait, dont le montant reste faible même pour un taux fixé à 4 % ; relèvement du taux spécifique applicable aux attributions de stock-options et d’actions gratuites. En outre, l’incohérence entre les différents régimes de rupture permet aujourd’hui des optimisations qui ne sont pas acceptables et nécessiterait que soit remise à plat la taxation des indemnités de rupture. Il conviendrait également que soit instaurée une taxation des retraites chapeaux.

Quatrièmement, enfin, le rééquilibrage du système des retraites doit sans doute passer par la mobilisation de ressources nouvelles.

Une première piste consisterait à examiner les avantages fiscaux spécifiques dont bénéficient les retraités, notamment un taux réduit de contribution sociale généralisée sur les pensions. Il pourrait donc être envisagé d’aligner la CSG des retraités imposables sur celle des actifs, ce qui permettrait d’épargner les petites retraites et rapporterait environ 2 milliards d’euros. Cette uniformisation des taux correspondrait davantage à la nature de la CSG, censée être un prélèvement universel.

Une autre hypothèse consisterait à instaurer un prélèvement spécifique sur les revenus du capital, qui pourrait s’ajouter aux prélèvements existants. Relever d’un point le taux global de ces prélèvements rapporterait un peu plus d’1,1 milliard d’euros. Il serait également possible de mettre à contribution les contribuables ayant un revenu particulièrement élevé, et ce à travers l’impôt sur le revenu.

Je dirai à présent quelques mots sur l’épargne retraite. Celle-ci a vocation à être un complément à la retraite par répartition, mais elle ne doit pas pour autant être négligée.

L’objectif, dans ce domaine, doit être non pas de créer de nouveaux produits, mais d’assouplir le fonctionnement des contrats existants, qu’il s’agisse d’épargne individuelle ou d’épargne collective, pour les rendre plus attractifs, en visant spécifiquement les jeunes, qui doivent être incités à épargner tôt,…

Mme Gisèle Printz. Ils n’ont pas de travail !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. … ainsi que les salariés des petites et très petites entreprises, qui n’ont pas accès à une épargne retraite collective, et les personnes aux revenus très modestes. Puisque cette mesure est appliquée en Allemagne, elle est envisageable dans notre pays. Il devrait en particulier être possible de convertir des contrats d’assurance vie dans leur continuité en contrats d’épargne retraite.

Au-delà des mesures d’urgence nécessaires pour rétablir l’équilibre financier des régimes de retraite, nous considérons, au sein de la MECSS, que des évolutions plus substantielles sont souhaitables, notamment parce que le déficit n’est pas le seul mal dont souffrent nos régimes de retraite, par ailleurs trop complexes, opaques et souvent inéquitables.

Certes, les réformes intervenues depuis 2003 ont organisé une convergence des principaux paramètres de calcul des pensions des régimes de base, mais certaines spécificités perdurent et la multiplicité des régimes de base et des régimes complémentaires demeure une source de complexité, en particulier pour les assurés ayant relevé de plusieurs régimes au cours de leur carrière professionnelle.

Il en résulte aussi l’inconvénient majeur de créer des situations inéquitables entre assurés. Plusieurs points nous semblent particulièrement révélateurs de cet état de fait.

Pour commencer, les bonifications permettant de partir plus tôt en retraite sont maintenues, sans que cet avantage soit nécessairement lié à une pénibilité réelle du travail.

Par ailleurs, les règles de calcul des pensions demeurent différentes suivant les régimes, en ce qui concerne notamment le salaire de référence pris en compte.

En outre, la répartition de l’effort contributif entre les assurés reste inégale et les taux de rendement demeurent différents selon les régimes.

Ensuite, les droits familiaux et conjugaux conservent une très grande hétérogénéité et il existe toujours une différence de traitement entre monopensionnés et polypensionnés.

Enfin, je citerai les inégalités constatées dans les mécanismes de compensation.

Dans ces conditions, nous pensons que des évolutions plus profondes du système doivent désormais être engagées. Face aux iniquités, à l’opacité et à la complexité, la réforme à venir doit, à notre sens, poser des jalons en vue d’un rapprochement des paramètres et des régimes de retraite.

Concernant les règles de calcul, ce rapprochement pourrait porter sur le salaire de référence pris en compte pour le calcul de la pension, les âges d’ouverture des droits ou les taux de cotisation.

Naturellement, on ne peut envisager que des évolutions progressives, puisque les régimes spéciaux ont été réformés voilà seulement deux ans.

Quant aux rapprochements entre les régimes, il s’agit non pas de créer un régime unique, mais bien d’opérer des regroupements qui peuvent avoir un sens.

La création d’une caisse unique pour l’ensemble des fonctionnaires – une mesure demandée depuis longtemps – mériterait par exemple d’être étudiée. Ces rapprochements pourraient être facilités par l’échange d’informations sur les modes de fonctionnement des régimes entre les gestionnaires respectifs de ces derniers. Il serait également important que les architectures des différents régimes soient harmonisées, ce qui permettrait une plus grande cohérence des gouvernances.

Enfin, et c’est important, nous souhaitons que le rendez-vous 2010 sur les retraites permette d’engager une refondation du système et de préparer une réforme structurelle, laquelle ne peut être conduite que sur une longue période, par exemple vingt ans.

La situation actuelle, caractérisée par la montée sourde de tensions intergénérationnelles, ne peut perdurer. C’est pourquoi nous proposons qu’un passage progressif à un système par points dans les régimes de base soit envisagé.

Les avantages attendus d’un régime par points sont en effet nombreux.

D’abord, toutes les cotisations versées au cours d’une carrière donnent des droits à pension et la pension versée est directement dépendante des cotisations cumulées.

Ensuite, les éléments de solidarité du système sont isolés et identifiables.

Enfin, un régime par points permet d’éviter de prendre des engagements qui ne peuvent être tenus : la valeur de service du point, contrôlée par les gestionnaires du régime – souvent les partenaires sociaux en France –, devient l’élément central de régulation tout en permettant un relèvement des cotisations. Celles-ci donnent alors de nouveaux droits à pension.

Un tel système est surtout particulièrement lisible pour les assurés, et donc susceptible de rassurer les jeunes générations, qui ne croient plus actuellement en notre modèle de retraite.

Le passage à un régime par points pourrait être accompagné de l’introduction de la neutralité actuarielle par génération, un élément essentiel du système de retraite suédois qui consiste à faire en sorte que chaque génération reçoive en pensions ce qu’elle a versé en cotisations. Le mécanisme est assorti d’un taux d’actualisation.

Ainsi, progressivement, ces évolutions permettraient d’instaurer une retraite choisie, puisque les salariés pourraient arbitrer de façon éclairée entre une durée d’activité plus longue ouvrant droit à une meilleure pension et une durée d’activité plus courte ouvrant droit à une pension plus faible. Une telle liberté de choix apparaît primordiale à nos yeux.

Nous avons volontairement rédigé cette proposition de manière imprécise, car une telle réforme ne peut qu’être le fruit d’un processus de débat bien plus large que la concertation organisée dans le cadre des rendez-vous périodiques sur les retraites. En Suède, le processus de refondation du système des retraites s’est étalé sur une quinzaine d’années.

Le projet de loi que nous examinerons à l’automne pourrait donc également devenir l’occasion de poser le principe de cette réforme et d’engager un grand débat dans le temps.

Ce débat pourrait permettre d’aborder globalement les conséquences du vieillissement de la population par le biais de sujets tels que les retraites, la maladie, la dépendance et le logement. On le sait, bien que les besoins soient en la matière considérables, les moyens financiers ne sont pas extensibles à l’infini. Il faudra donc faire des choix et fixer des priorités.

Pour conclure, permettez-moi de souhaiter que le rendez-vous de 2010, loin d’être uniquement financier et comptable, soit aussi l’occasion d’engager une véritable refondation du pacte intergénérationnel qui a autrefois présidé à la création de l’assurance vieillesse. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le président de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de féliciter la MECSS du Sénat.

Je tiens à saluer cette dernière, bien sûr, pour la très grande qualité de son travail – nous n’en attendions pas moins –, mais surtout pour sa très grande clairvoyance, qui l’a conduite voilà plusieurs semaines à inscrire à l’ordre du jour de la Haute Assemblée un débat sur les retraites précisément le jour où le Gouvernement présente, après deux mois d’intense consultation, la réforme des retraites !

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Nous sommes perspicaces !

M. Éric Woerth, ministre. La MECSS a fait preuve d’une clairvoyance particulièrement exceptionnelle !

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Avouez-le, monsieur le ministre, vous l’avez fait exprès !

M. Gérard Longuet. C’est bien joué !

M. Éric Woerth, ministre. Je suis donc évidemment incité à porter une attention toute particulière aux propositions de la mission d’évaluation et de contrôle : la clairvoyance dont celle-ci a fait preuve sur le calendrier doit, je n’en doute pas, se retrouver sur le fond. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Vous dressez, madame, monsieur les rapporteurs, un constat que nous partageons tous : en matière de retraite, nous avons devant nous, si nous ne faisons rien, des années de déficit absolument inconcevables, des années de pensions payées à crédit – le COR l’a très bien montré voilà trois semaines –, des années d’affaiblissement d’un système par répartition qui assurait jusqu’à présent la solidarité entre les générations et que nous ne pourrons transmettre à nos enfants si nous n’avons pas su le réformer.

Je l’affirme clairement : nous refusons cette fatalité. Notre système de retraite, nous voulons le sauvegarder. Comment ? Notre méthode est simple : en regardant la réalité en face, sans faux-fuyant ni dogmatisme.

Nous vivons plus longtemps ; nous devons donc l’assumer en travaillant plus longtemps.

M. Guy Fischer. C’est facile !

M. Éric Woerth, ministre. Tous nos partenaires en Europe, les Italiens, les Anglais, les Allemands, les Norvégiens, les Suédois, les Espagnols, tous l’ont fait !

M. Guy Fischer. Ils sont simplement tous plus réactionnaires que nous !

M. Éric Woerth, ministre. Nous sommes certainement beaucoup plus intelligents que les autres (Sourires), mais il faut bien, à un moment, regarder ce qui se passe dans les autres pays, qu’ils soient gouvernés par la droite ou par la gauche.

Mme Annie David. Ce n’est pas un argument !

M. Éric Woerth, ministre. Cette réforme répond à un changement de société auquel il serait illusoire, et même irresponsable, de vouloir s’opposer.

On ne peut pas prétendre que le problème des retraites peut se régler d’abord par des recettes nouvelles, comme si la France était une sorte de gigantesque réservoir d’impôts nouveaux. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

On ne peut pas non plus promettre que l’on peut à la fois travailler moins longtemps, augmenter les pensions et ne plus avoir de déficits.

Il n’y a pas de magie dans la réforme des retraites, pas plus qu’il n’y en a ailleurs, du reste.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la réforme que nous présentons aujourd’hui est donc à la fois responsable et juste. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. Les salariés paieront !

M. Alain Vasselle, président de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale. Pas seulement ! Il y a aussi les hauts revenus et le capital !

M. Guy Fischer. Le capital, vous ne faites que l’égratigner !

M. Éric Woerth, ministre. Être juste, c’est d’abord ne pas baisser les retraites.

Être juste, c’est demander aux Français de faire un effort et de travailler plus longtemps, sans cependant exiger le même effort de tous les Français.

Être juste, c’est aussi considérer que ceux qui ont plus de moyens que les autres doivent contribuer plus que les autres au financement de nos retraites.

Mesdames, messieurs les sénateurs, notre objectif, je l’ai souvent répété ces derniers mois, c’est l’équilibre financier du système de retraite, équilibre sans lequel il ne peut y avoir ni pérennité ni garantie du système.

Ce n’est pas moins de déficit, c’est un déficit zéro dès 2018. Et ce déficit zéro dépend d’un certain nombre d’hypothèses économiques raisonnables. Je le dis notamment à l’intention de M. Vasselle, parmi les scénarios qui ont été imaginés par le Conseil d’orientation des retraites, nous retenons plus particulièrement le scénario intermédiaire selon lequel la croissance de la productivité serait de 1,5 % par an et le retour au plein emploi interviendrait d’ici à 2024. Les taux de chômage que le COR envisage sont de 7,7 % pour 2015 et 5,7 % pour 2020.

Tels sont les principes et hypothèses sur lesquels nous fondons cette garantie d’un déficit zéro dès 2010.

C’est ainsi que nous pourrons préserver le système actuel, le système par répartition auquel, et je ne fais ici aucun procès d’intention à quiconque, nous sommes tous attachés.

M. Claude Domeizel. Certains plus que d’autres !

M. Éric Woerth, ministre. Évidemment ! Ceux qui le réforment y sont plus attachés, par principe !

Notre système, c’est la répartition.

Notre système, c’est la solidarité à l’intérieur de la répartition.

Notre système, c’est la protection contre les aléas de la vie et les aléas de la carrière.

Tel est le véritable « acquis social » que nous devons transmettre aux jeunes générations !

Après vous avoir exposé les principes qui l’inspirent, je vais maintenant vous présenter cette réforme plus en détail.

L’augmentation de la durée d’activité, qui est le cœur de notre réforme, sera progressive et juste : tout le monde ne fera pas le même effort parce que tout le monde ne peut pas faire le même effort.

Comme vous l’avez très bien souligné dans votre rapport, la plupart des pays européens ont augmenté la durée de la vie active par rapport au temps passé à la retraite. Cette évolution, la France l’a engagée avec lucidité en 1993 et poursuivie en 2003, avec la réforme conduite par François Fillon.

La durée de cotisation varie désormais dans notre pays en fonction de l’évolution de l’espérance de vie. Cette règle continuera à s’appliquer. La durée de cotisation sera portée à 41 ans et un trimestre en 2013, et devrait marquer un palier – c’est rarement dit – pour s’établir, selon les prévisions actuelles de l’INSEE, à 41,5 ans en 2020. Pas 43 ans, 44 ans, 45 ans, comme je l’entends ici ou là, non, 41,5 ans, mesdames, messieurs les sénateurs !

Cette augmentation de la durée de cotisation est, bien sûr, absolument indispensable. Cependant, sauf à la porter à des niveaux totalement insupportables, elle est insuffisante pour garantir la pérennité financière de notre système de retraite. La durée de cotisation ne peut donc pas être la solution à nos difficultés dans les dix ans qui viennent.

C’est la raison pour laquelle nous allons relever l’âge légal de départ à la retraite, comme l’ont fait avant nous d’autres pays européens.

L’âge légal de départ à la retraite sera donc repoussé à 62 ans en 2018, contre 60 ans aujourd’hui.

Conformément à votre attente, monsieur le rapporteur, cher Dominique Leclerc, cette augmentation sera, bien entendu, progressive, pour ne pas bouleverser les projets de vie des Français proches de la retraite.

L’âge augmentera de quatre mois par an, à partir du 1er juillet 2011, pour donc atteindre 62 ans en 2018. Cette augmentation se fera par année de naissance : ceux qui sont nés après le 1er juillet 1951, et qui pouvaient partir à la retraite à 60 ans l’année prochaine, devront travailler quatre mois de plus, ceux qui sont nés en 1952, huit mois de plus, et ainsi de suite, jusqu’à atteindre 62 ans en 2018.

Cette augmentation de l’âge légal sera générale. Elle concernera tous les Français. Simplement, pour les régimes spéciaux, nous tiendrons compte du calendrier de montée en charge de la réforme de 2008 : le relèvement de l’âge de la retraite débutera, en conséquence, pour ces régimes, au 1er janvier 2017.

Parallèlement à l’augmentation de l’âge légal, l’âge du « taux plein », c’est-à-dire l’âge à partir duquel la décote s’annule, aujourd’hui fixé à 65 ans, sera progressivement relevé de deux ans.

Relever l’âge légal à 62 ans en 2018, c’est une solution à la fois raisonnable et efficace.

Elle est raisonnable parce que personne ne peut faire croire que c’est un recul social. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)