M. le président. La parole est à M. Michel Doublet.

M. Michel Doublet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, lorsqu’on ne passe pas en vedette américaine, le risque est de répéter ce qui s’est dit auparavant… (Sourires.)

Le 28 février dernier, la tempête Xynthia a meurtri et endeuillé la Charente-Maritime et la Vendée. Quatre mois après ce drame, je crois que nous pouvons avoir une pensée pour les victimes et leurs familles. En cet instant, je n’oublie pas non plus les victimes des intempéries qui ont frappé hier le département du Var.

Malgré la charge de responsabilité dont on a voulu « parer » les élus, ce sont bien les maires qui ont été en première ligne pour faire face. Saluons l’action exemplaire des services publics, des collectivités locales et de l’ensemble des acteurs concernés pour remettre nos départements en état !

À l’aube de la saison estivale, rappelons que nous sommes prêts pour accueillir les vacanciers. Cette ressource est vitale pour notre économie locale, et vous êtes donc les bienvenus en Charente-Maritime et en Vendée, mes chers collègues ! (Sourires.)

Je ne reviendrai pas sur la problématique des digues, qui vient d’être développée par mon collègue Daniel Laurent, mais j’évoquerai une question particulièrement sensible, celle de la cartographie des zones à risques, qui a provoqué, dès son annonce, ire, incompréhension, exaspération ou encore sentiment d’injustice,… la liste des qualificatifs n’étant malheureusement pas exhaustive.

Une fois encore, ce sont les élus et les sinistrés, qui se sont constitués en associations, qui doivent faire l’interface avec les services de l’État pour que l’intérêt collectif, mais également individuel, soit pris en compte.

En effet, l’annonce de la cartographie des « zones noires ou de solidarité » – à vrai dire, on s’y perd ! – a suscité une vive émotion parmi la population. Nous avons tous reçu, au lendemain de l’annonce, pléthore de messages circonstanciés arguant du caractère ubuesque de ces classifications, d’appels à l’aide – le mot n’est pas trop fort –, d’expertises fortement documentées ; je pense notamment aux travaux de l’université de La Rochelle sur l’histoire des submersions marines, ou vimers, pour reprendre une terminologie rétaise, ou encore au colloque actuellement en préparation sur les littoraux à l’heure des changements climatiques.

Ce sentiment d’injustice a été décuplé par le manque total de transparence du processus de zonage et le refus de communication aux victimes et aux élus des études ayant servi à l’élaboration de la cartographie, entraînant de facto suspicion et confusion.

Aux termes de la circulaire du 18 mars 2010, sont considérées comme « zones de solidarité » les zones remplissant au moins deux des critères suivants : hauteur d’eau constatée sur le terrain supérieure à un mètre ; zone située à moins de 110 mètres d’une digue ; phénomènes hydrauliques induisant une forte vitesse de montée des eaux ; habitations fortement endommagées ne pouvant être reconstruites avec un refuge ; zone formant un ensemble cohérent et homogène et ne créant pas de mitage – le maintien de propriétés éparses risque en effet de rendre l’évacuation plus difficile.

Ce zonage est complété par les « zones jaunes », définies comme zones à risques, qui seront grevées de prescriptions particulières de protection, et les « zones orange », pour lesquelles une expertise complémentaire est en cours.

Ainsi, des maisons ont été classées en « zone de solidarité » alors qu’il n’y avait pas eu de submersion, tandis que d’autres sinistrés demandaient en vain leur classement « en zone de solidarité » ; je pense notamment au secteur de Pied-du-Coteau sur la commune de Port-des-Barques, déjà fortement touché par la tempête de 1999, et dont les résidents demandent leur classement en « zone de solidarité » ou, comme le souhaite la mission sénatoriale, en « zone d’acquisition amiable ». L’incompréhension est donc totale.

En voulant éviter de maintenir les sinistrés dans une situation d’incertitude, on a établi une cartographie en un temps record, en faisant l’impasse sur de nombreuses données pourtant essentielles, mais surtout en omettant de procéder à une vérification in situ et de mener une concertation avec la population et les élus.

Par exemple, le plan de submersion de l’île d’Aix, remis par les services du département, comportait, d’après ce que le maire nous a rapporté, de nombreuses lacunes, les « experts » ayant travaillé sur un plan de nivellement incomplet et n’ayant pas pris l’attache de la mairie.

Résultat : aujourd’hui, l’incertitude demeure sur l’avenir de ces maisons, et cette situation est fortement anxiogène. Aux Boucholeurs, chez notre collègue député Jean-Louis Léonard, un nouveau zonage a été réalisé à la suite d’expertises complémentaires : des maisons passeraient ainsi en zone jaune, quand d’autres deviendraient « noires ». Or ce nouveau zonage ne convient absolument pas aux élus, en raison de son manque de réalisme.

Les communes et les riverains qui demandent leur classement en « zone d’acquisition amiable », pour reprendre la terminologie idoine, ont déjà travaillé sur des plans de reconstruction, mais n’ont à ce jour aucune visibilité sur une programmation éventuelle, alors que les conséquences sont vitales pour l’avenir et la pérennité même de communes comme Charron.

Les maires des communes de Fouras et d’Yves nous faisaient part de l’absence de dialogue et de concertation qui a précédé l’annonce du zonage, laissant les élus seuls face à une population qui commence à se diviser en comparant les propositions faites aux uns et aux autres. Avec les nouveaux zonages proposés hier, ils ont de nouveau l’impression que leur expertise du terrain n’a jamais été prise en compte. On s’achemine vers de douloureux contentieux.

Selon les conclusions d’une expertise rédigée par M. Thierry Sauzeau, géohistorien du littoral, sur le quartier de La Perrotine dans l’île d’Oléron, « le système hydraulique peut être remis en état pour un coût raisonnable. Malgré l’abandon dont a fait l’objet ses défenses traditionnelles, le village de La Perrotine apparaît bien moins exposé que sa submersion, durant sept marées consécutives, ne le laisse croire ».

Les élus des zones insulaires ont demandé une étude au cas par cas, en tenant compte d’éléments objectifs d’évaluation, la restauration des protections existantes et la mise en œuvre effective d’un plan communal de sauvegarde. Les îliens sont exposés à des risques spécifiques dont ils ont parfaitement conscience et qu’ils ont acceptés.

Bien entendu, le zonage est un travail difficile et délicat, mais les sinistrés ont besoin d’avoir des réponses rapides. Tous veulent tourner la page au plus vite, on doit les écouter et les entendre.

L’indemnisation des « zones d’acquisition amiable » doit être recherchée en priorité, et gageons qu’il ne sera pas nécessaire de recourir à des expropriations.

Il y a donc des alternatives à la « destruction ou à la délocalisation ». Ayons une approche raisonnée et raisonnable du principe de précaution. Nous avons des efforts à faire en matière de gestion du risque, à l’instar de ce qui existe aux Pays-Bas.

Le renforcement de la protection de nos côtes doit être une priorité et les moyens financiers doivent être à la hauteur de l’ampleur de la tâche, tout comme la protection et la sauvegarde des populations. Une réflexion doit également être engagée sur les modes de construction adaptés au risque de submersion.

Aujourd’hui, quelles réponses concrètes peut-on apporter aux élus et aux sinistrés sur l’arrêt définitif de la cartographie, notamment celle des « zones orange », et sur les délais d’indemnisation des particuliers et des agriculteurs ? (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.

M. Dominique de Legge. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, mes premiers mots vont au président et au rapporteur de notre mission, afin de leur rendre hommage. Ils ont en effet su conduire nos travaux avec l’humanité et l’humilité qui s’imposent face à un drame d’une telle ampleur. Tout en veillant à cerner et révéler tous les aspects de cet événement douloureux, ils ont évité l’écueil de la surenchère émotionnelle et de la désignation de boucs-émissaires, pour mieux tenter de tirer les enseignements de cette catastrophe.

Je me retrouve pleinement dans leurs propos, ainsi que, plus généralement, dans ceux qui ont été tenus par nos collègues membres de la mission. Je me bornerai, pour ma part, à insister plus particulièrement sur deux points.

Le premier est celui de l’alerte : quel maire n’a pas reçu de la préfecture un appel sur son portable, sous forme de message téléphonique ou de SMS, l’alertant sur une tempête, des averses violentes, du gel ou de la neige à venir ?

Incontestablement, les maires de Charente-Maritime, de Gironde ou de Vendée, tout comme ceux d’autres départements, ont bien été alertés. Les messages étaient-ils clairs ? Oui, même si, au départ, seul l’épisode venteux était annoncé, ce qui a conduit certains collègues à inviter leurs habitants à rentrer ou rester chez eux. Ce n’est que plus tard que sont parvenus les messages annonçant les risques d’inondation.

La question qui se pose est de savoir si ces messages sont opérationnels et quel usage concret les maires peuvent en faire.

C’est là une première observation. Il me semble souhaitable de travailler, non seulement à la diffusion d’une information aussi précise et fiable que possible, mais aussi à l’accompagnement de conseils faisant référence, le cas échéant, à une cellule de crise. Les plans de prévention des risques naturels ou les plans de prévention des risques d’inondation, lorsqu’ils existent, ne peuvent faire face à tout, même s’ils sont dotés d’un volet opérationnel en cas de sinistre.

Les élus locaux, confrontés à l’information brute qui leur est délivrée, doivent être assurés de bénéficier d’un accompagnement et d’un dialogue, le cas échéant, avec les services de l’émetteur des messages. Cette remarque ne vise en rien la mobilisation et la réactivité des services départementaux de l’État ou de sécurité, qui ont assumé la situation de façon exemplaire et courageuse. Il s’agit tout simplement de mieux fluidifier les relations et les initiatives.

Par ailleurs, de l’avis même des maires rencontrés, il ressort, selon leur expression, que « trop d’alertes finissent par tuer l’alerte », comme l’a dit Alain Anziani. La multiplication de celles-ci – lesquelles, fort heureusement, ne se traduisent que rarement par des préjudices –, finit par inciter les élus à ne pas répercuter l’information, pour autant qu’ils en aient les moyens, auprès des habitants, qui eux-mêmes ne prendraient plus au sérieux ces alertes si elles s’avéraient infondées.

Enfin, faute de préconisations concrètes ou de propositions d’accompagnement, la multiplication de ces messages d’alerte peut être vécue par leurs destinataires comme une recherche préventive de responsables, en cas de difficultés.

Cela me conduit à considérer qu’une véritable prévention des risques repose sur une mobilisation de tous les acteurs locaux et de l’État, dans la recherche de réponses graduées et adaptées aux réalités du terrain, et non sur la transmission brute et systématique d’informations souvent difficiles à exploiter.

Le deuxième point que je souhaite relever est celui des digues. Nous avons déjà évoqué leur statut, la question de leur propriété, de leur entretien ou de leur état général.

Le Gouvernement doit faire des propositions sur ce sujet mais, au-delà des mesures d’urgence, pour faire face aux prochaines grandes marées, je souhaite insister sur le fait qu’un plan digues ne vaudra que par l’affirmation des objectifs assignés à ces protections.

S’agit-il, pour autant que ce soit possible techniquement et souhaitable écologiquement et financièrement, d’envisager une protection qui se voudrait sinon totale, du moins maximale et en tout point du littoral ?

Ces digues ont-elles vocation à protéger les habitations, ce qui pose de nouveau la question des documents d’urbanisme ?

Ces digues sont-elles des éléments de préservation de la biodiversité animale et de la flore, ou des humains et de leurs activités ?

Sont-elles un élément destiné à optimiser l’usage des sols à vocation agricole ou conchylicole ?

Peut-on envisager que des espaces soient considérés comme des espaces d’expansion des crues ?

Peut-on imaginer des digues sans penser à la gestion des flux, notamment pour l’évacuation des eaux en cas de surverse ?

Je n’ai pas de réponse à ces questions.

Mais un plan digues construit sans référence à l’histoire de la côte, sans intégrer la question de l’élévation du niveau de la mer et qui se contenterait, sans distinction de territoire et de topologie, de prescrire des travaux serait voué à l’échec.

Un plan digues, qui ne ferait aucune différenciation entre les ouvrages selon leur finalité, ne s’inscrirait pas dans la durée. Un plan digues, qui s’affranchirait de l’urbanisme, comme un urbanisme qui s’en remettrait au plan digues pour justifier ses choix, ne serait pas le meilleur moyen d’éviter une nouvelle catastrophe.

Un plan digues ne peut se réduire à la seule approche technique. Il devra être politique, au sens le plus noble du terme, car il sous-tend des choix économiques, environnementaux et urbains. Il a une vocation pédagogique au regard de la culture du risque. Autant d’arbitrages qui doivent être rendus en toute transparence et en toute objectivité et sans tabou.

Tels sont les quelques points que je souhaitais développer. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le président, monsieur le président de la mission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, Nîmes en 1988, Vaison-la-Romaine en 1992, Xynthia en février dernier et hier le Var, la nature nous rappelle sa puissance avec toujours un peu plus de brutalité par le nombre de morts. Elle nous renvoie souvent à notre méconnaissance et parfois un peu aussi à notre inconséquence collective.

En votre nom à tous, je voudrais en cet instant rendre hommage aux victimes de Xynthia et aux victimes du Var, qui sont dix-neuf ce soir, mais qui, malheureusement, seront probablement encore plus demain. Les images que nous voyons ce soir nous rappellent dramatiquement celles de la tempête Xynthia.

Je souhaite à mon tour saluer le travail remarquable qui a été réalisé par votre mission d’information, un travail collectif qui a rassemblé l’ensemble des partis, un travail de responsabilité, mais aussi un travail qui a effectivement évité l’écueil – vous l’avez rappelé, monsieur de Legge – de stigmatiser certains. Est en cause en effet la responsabilité collective de l’ensemble des décideurs publics à l’égard de nos concitoyens, qu’il s’agisse de l’État ou des élus, et dans ce domaine, personne, me semble-t-il, n’a de leçon à donner aux autres.

Je souscris pleinement aux conclusions de votre mission : le risque de submersion a été insuffisamment pris en compte, nous ne nous y sommes pas assez préparés ; globalement, le risque d’inondation est sous-estimé en France ; les mesures de prévention n’ont pas été suffisamment mises en œuvre.

Je rappellerai juste quelques évidences parce qu’il faut replacer ce débat dans un contexte global.

Première évidence, nous ne pouvons pas nous référer à notre seule mémoire pour juger du bon niveau des préventions. Dans le Var, un tel cumul de pluie n’avait jamais été vu depuis 1827. Quant à Xynthia, la conjonction des différents phénomènes était totalement inconnue et improbable.

Deuxième évidence, le nombre de catastrophes augmente dans le monde comme en France : on dénombra vingt-trois très grandes catastrophes en 2001 à travers le monde, quarante-trois en 2007, et cette augmentation devrait se confirmer sur le long terme selon les perspectives du GIEC.

Troisième évidence, nous ne cessons de courir après la réalité, avec la prise en compte d’abord du risque d’inondation, ensuite, du risque de ruissellement, enfin, du risque de submersion.

Comme les autres pays, mis à part certains qui sont un peu plus exemplaires, nous avons sous-estimé le risque de submersion et de ruissellement, l’élévation future du niveau de la mer, l’augmentation évidente de l’occurrence de ces événements et le niveau de risque global.

Cela a été dit par la plupart d’entre vous, il est urgent d’accélérer la prévention, et mieux vaut surestimer un peu le risque plutôt que de le sous-estimer. À défaut, nous allons le payer en nombre de morts et surtout, vous l’avez rappelé, nous n’aurons pas les moyens financiers de répondre à toutes les demandes.

Il faut effectivement arrêter de tergiverser sur l’estimation du risque, c’est le travail des experts et je ne le remettrai pas en question. En revanche, il y a un choix politique à effectuer sur le niveau de risque que nous voulons assumer collectivement et, en ce sens, le futur « plan digues » – je n’ai pas encore trouvé de terme plus adéquat –, devra faire l’objet d’une concertation entre l’État et les élus.

Je répondrai maintenant à vos différentes observations, mesdames, messieurs les sénateurs.

Quelle a été l’action de l’État depuis la tempête ?

Vous l’avez tous rappelé, la surcote a été bien prévue par Météo France, le vent aussi, mais, comme l’a dit très clairement M. Retailleau, le risque de submersion, donc l’impact sur terre, n’a pas été anticipé et c’est la raison pour laquelle les consignes n’ont pas été adaptées.

La qualité de l’intervention des secours a été unanimement reconnue. C’est vrai, on peut être satisfait d’avoir en France des services de sécurité civile et d’urgence qui interviennent toujours avec une grande efficacité.

Monsieur Retailleau, vous m’avez interrogé en particulier sur la question des aides aux agriculteurs.

Le plan de 30 millions d’euros prévu par Bruno Le Maire pour couvrir les calamités agricoles et la remise en état des sols tarde à être mis en œuvre. Nous attendons la réponse de la Commission européenne et je suis tout à fait d’accord avec vous, face à ce type d’événements, il faut mettre en place une procédure d’approbation accélérée.

À l’inverse, l’aide aux conchyliculteurs a été rapidement octroyée. À ce jour, il est vrai, nous avons très peu de dossiers puisque nous ne sommes qu’à 10 % des demandes attendues.

Monsieur Merceron, je me ferai votre interprète auprès de Bruno Le Maire pour qu’il active un peu la Commission européenne – il le fait très bien d’ailleurs – afin d’avoir une réponse un peu plus rapide.

S’agissant de la mobilisation du fonds de solidarité de l’Union européenne, il est a priori difficile d’avoir une réponse positive car les conditions d’engagement sont assez compliquées à réunir : d’une part, les dégâts doivent être supérieurs à 3,4 milliards d’euros, ce qui a priori aujourd'hui n’est pas le cas pour la tempête Xynthia et, d’autre part, il faut que l’impact sur une majorité de la population s’étale sur plus d’un an.

Je ne vous cache pas que très peu d’événements peuvent, à mon sens, rassembler de telles conditions.

Cet événement mortel a mis en lumière des zones d’extrême danger, ces fameuses zones dont vous avez tous parlé.

Le Président de la République a pris un engagement clair : ne pas laisser d’habitants exposés à des risques mortels, soit en rachetant les maisons par solidarité, soit, en cas de refus, par expropriation.

Monsieur Anziani, c’est un objectif auquel vous avez souscrit, mais dont, ensuite, vous avez contesté les modalités.

La détermination des niveaux de danger a été définie par une circulaire et les services locaux ont appliqué les critères que nous avions retenus. Ces critères ont été rappelés : une hauteur d’eau constatée supérieure à un mètre, la prise en compte de la vitesse de montée des eaux, la nécessité – en tout cas dans un premier temps – d’avoir des zones cohérentes et homogènes pour éviter autant que possible le mitage, et la possibilité ou non de protéger ou d’évacuer ces lieux.

Deux types de zones, initialement appelées « zones noires » et « zones jaunes », ont été identifiés.

Les « zones d’extrême danger », qui ont été rebaptisées « zones de solidarité », ouvrent un droit à rachat par l’État. Au total, plus de 1 650 habitations sont concernées à ce jour.

S’agissant des zones d’extrême danger avec possibilité de protection, les fameuses « zones jaunes », qui nécessitent des systèmes de protection individuelle ou collective, nous avons demandé aux préfets de définir pour le 30 juin un programme de protection.

Il faut être très clair sur le zonage qui a été défini par les experts. Ces zones sont globalement de danger extrême, madame Escoffier : elles peuvent comprendre des monticules sur lesquels ont été construites des maisons qui n’ont pas été inondées.

Oui, nous avons été vite – vous avez parlé de précipitation, monsieur Anziani – mais cette rapidité était volontaire de la part du ministre d’État et de l’ensemble des ministres. Pourquoi ?

Les zones de solidarité ont été annoncées le 7 avril pour donner à ceux dont la maison était complètement inondée ou détruite et qui étaient logés soit chez des amis, soit à l’hôtel, ne pouvaient ni réemménager, ni vendre leur maison, une possibilité immédiate de se défaire de cette maison.

L’incertitude demeurait sur seulement quatre zones dites « orange », qui nécessitaient des expertises supplémentaires, et le doute a été levé par M. le ministre d’État le 10 juin dernier. Ce sont les seules zones qui ont réellement bougé.

M. Anziani m’a interrogé sur la possibilité ou non d’obtenir un rachat en dehors des zones de solidarité.

Ce rachat est possible en dehors des zones de solidarité si les dégâts sont supérieurs à 50 %. C’était un souhait de M. le ministre d’État afin d’éviter des injustices.

Par ailleurs, nous reconnaissons que, lors de notre déplacement le 15 avril, nous n’avons pas été assez clairs sur l’objectif de ces zones et surtout sur les procédures.

Madame Bonnefoy, c’est la raison pour laquelle nous avons envoyé des délégués à la solidarité pour expliquer un peu plus concrètement les choses et entendre les doléances des habitants. Nous avons clairement rappelé que, dans un premier temps, ces fameuses zones ouvrent un droit de rachat à l’amiable fixé – j’y reviendrai ultérieurement – sur la base du prix du marché avant la tempête.

Dans un second temps, puisque nous ne sommes pas dans un pays de non-droit, madame Beaufils, mais dans un pays où les procédures d’expropriation sont extrêmement encadrées, des périmètres seront définis pour la déclaration d’utilité publique, sur la base d’une enquête publique et d’une expertise précise parcelle par parcelle, et l’expropriation ne pourra être accordée que s’il n’y a pas de protection possible. Elle ne se fera que sous le contrôle du juge.

Notre souci était que les personnes puissent reconstruire leur vie et donc qu’elles puissent vendre leur maison à un prix tout à fait satisfaisant, celui du marché avant la tempête.

Les évaluations ont été faites par France Domaine. Madame Bonnefoy, je vous rappelle que France Domaine, c’est l’État, et que les évaluations sont a priori plutôt satisfaisantes, puisque nous avons d’ores et déjà 166 réponses positives au prix proposé.

Monsieur Doublet, je vous rassure, nous irons très vite pour indemniser ces personnes. Les rachats seront financés par le fonds Barnier. Nous aurons les moyens de payer car, à la trésorerie de l’année 2010, s’ajoutera un reliquat de l’année précédente, et nous pourrons avoir recours à des avances de trésorerie en cas de besoin. Il n’y a pas de difficultés sur ce point.

Monsieur Anziani, vous avez proposé d’opérer un prélèvement supplémentaire sur la CCR. Nous le ferons si nécessaire, mais il n’y aura pas d’augmentation des cotisations. Ces hypothèses sont à l’étude.

Enfin, Mme Bonnefoy m’a interrogée sur la possibilité d’aider les communes à mettre en place un nouveau projet urbain ou à reloger les personnes résidant dans les zones rendues inhabitables ou inhabitées. De fait, la mission a formulé dans son rapport des propositions concernant des aménagements de nature fiscale. Ces points ne sont évidemment pas tranchés à ce jour, mais nous allons les étudier.

J’en viens aux travaux sur les digues. La plupart des travaux de réparation ou de confortement de première urgence ont été réalisés. Il reste maintenant à se préparer aux marées d’équinoxe. Le ministère du développement durable prendra à sa charge tous les travaux sous maîtrise d’ouvrage d’État, dont le montant est estimé à environ 12,9 millions d’euros. Il a d’ores et déjà délégué aux préfets 7,4 millions d’euros et dispose des moyens nécessaires pour financer le reste.

Quant aux travaux d’urgence sur les digues sous maîtrise d’ouvrage des collectivités locales, question soulevée par M. Retailleau et M. Laurent, le principe d’un cofinancement de l’État et du FEDER est acté. Le Premier ministre est sur le point de rendre son arbitrage sur la somme que consentira l’État, sachant que nous avons sur ce sujet un engagement très précis du Président de la République.

M. Bruno Retailleau, président de la mission commune d’information. Quand cet arbitrage sera-t-il connu ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Très rapidement, a priori demain.

M. Bruno Retailleau, président de la mission commune d’information. Peut-être pouvez-vous nous en dire déjà un mot ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Nous n’avons pas passé minuit, je n’ai pas encore la réponse ! (Sourires.)

M. Bruno Retailleau, président de la mission commune d’information. Nous pouvons attendre quelques minutes, si vous voulez ! (Nouveaux sourires.)

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Il nous faut tirer les enseignements de cette catastrophe, et j’évoquerai les mesures que nous prenons actuellement pour le long terme.

Tout d’abord, comme vous l’avez unanimement souligné, le système d’alerte doit être amélioré. Il faut revoir non seulement les moyens techniques à mettre en œuvre, mais aussi les mesures à prendre en cas d’alerte.

Météo-France mène actuellement un travail, qui doit être achevé d’ici à l’été 2011, pour mieux caractériser le risque de submersion. Il s’agit d’en améliorer la prévision en fonction des paramètres météorologiques et topographiques et, surtout, de coordonner l’ensemble des alertes.

Oui, monsieur Anziani, nous allons améliorer ce travail d’alerte et coordonner l’action des différents bureaux pour qu’ils ne travaillent plus séparément. Et non, madame Beaufils, nous ne disposons pas, à ce jour, d’outil de simulation immédiat en cas de submersion.

Par ailleurs, nous sommes tout à fait favorables à ce que les communes à risque soient contraintes d’adopter des plans communaux de sauvegarde, que la mission d’inspection interministérielle recommande de réaliser en même temps que les PPR. Je souscris également tout à fait à la proposition d’organiser des exercices d’évacuation.

Enfin, le ministère de l’intérieur travaille à la rénovation de notre système d’alerte et d’information des populations, qui sera déployé sur les sites réputés exposés à des risques majeurs. J’y insiste, monsieur Kerdraon, monsieur de Legge : c’est là une priorité pour Brice Hortefeux.

Après l’alerte, il nous faut envisager la mise en œuvre à l’échelon local de la politique de prévention des risques.

Oui, monsieur Retailleau, c’est très clair : Xynthia nous a révélé que trop peu de communes littorales disposaient d’un plan de prévention des risques, pour des raisons d’ailleurs fort diverses. Par une circulaire du 7 avril 2010, le ministre du développement durable et le ministre de l’intérieur ont demandé aux préfets d’accélérer la mise en œuvre de ces plans. Mme Bonnefoy l’a rappelé, dans les 864 communes situées en zone basse, 46 plans de prévention des risques ont été approuvés et 71 ont été prescrits.

La circulaire demande également aux préfets de prendre des mesures d’urbanisme conservatoires et de recenser pour le 30 juin les zones basses du littoral métropolitain.

Enfin, le Gouvernement a déposé un amendement au projet de loi dit « Grenelle II » – nous n’avons par définition pas pu le faire lors de son examen par le Sénat, j’en suis désolée – tendant à éviter que les plans de prévention des risques qui ont été adoptés par anticipation par le préfet ne tombent s’ils n’ont pas été approuvés au bout de trois ans.

Oui, madame Escoffier, vous connaissez bien le sujet : nous avons des outils, ces fameux plans de prévention des risques, mais Xynthia nous a fait prendre conscience que, dans nombre de cas, les risques, les aléas étaient sous-évalués. Pour y remédier, nous avons déposé, lors de la discussion par l’Assemblée nationale du projet de loi Grenelle II, d’autres amendements ayant pour objet d’inscrire dès à présent dans la loi le principe d’une formalisation réglementaire de certains éléments de doctrine d’élaboration des plans de prévention des risques. Il s’agit notamment de fixer l’aléa de référence, afin qu’à l’avenir il ne puisse plus être sous-évalué.

Le très délicat problème du contrôle a été cité, et d’abord celui du contrôle de légalité. Brice Hortefeux a répondu sans ambiguïté sur ce point : il a donné des consignes très claires pour que le contrôle de légalité de l’instruction des permis de construire soit une priorité, notamment dans les situations à risque.

Reste le contrôle des ouvrages, évoqué par M. Kerdraon, en particulier celui des digues. Il faut savoir qu’en 2008 le contrôle des digues était assuré par 20 personnes ; en 2010, elles étaient 60, et l’objectif est d’atteindre en 2013 un effectif de 120. La prise en compte de cette nécessité au sein du ministère a donc connu une forte accélération, et le programme « Prévention des risques » est à nos yeux l’un des plus importants.

Xynthia nous a aussi montré que le risque de submersion n’était pas suffisamment pris en charge par le fonds Barnier. C’est la raison pour laquelle nous avons présenté un amendement, que l’Assemblée nationale a adopté, visant, d’une part, à permettre que le risque de submersion soit explicitement pris en compte dans le cadre du fonds Barnier et, d’autre part, à augmenter les taux d’intervention pour le futur plan digues, au moins pour les ouvrages de prévention. Ce taux passe à 40 % lorsqu’il existe un plan de prévention des risques approuvé, au lieu de 25 % auparavant ; s’y ajoutent évidemment les 10 % provenant du FEDER.

Monsieur Merceron, vous avez souligné un autre problème mis en évidence par Xynthia : la connaissance lacunaire que nous avons des digues, de leurs propriétaires, de leurs gestionnaires. La tempête nous a montré qu’elles n’étaient pas plus insubmersibles que bien entretenues. Cette question constituera, bien évidemment, l’un des points centraux du plan que je suis désolée de continuer à appeler « plan digues », en attendant de lui trouver un nom plus intelligent. Le recensement des digues est en cours, et nous devrions en avoir un état complet en 2011.

Ainsi, tout concourt à ce que l’élaboration de ce fameux plan digues soit reconnue comme une nécessité. Notre objectif clairement affiché est à la fois de parvenir à un système de gouvernance efficace – et là, je compte sur vous, monsieur Doligé – et de disposer de moyens financiers pérennes – et là, c’est vous qui comptez sur moi. (Sourires.)

Le plan est donc en cours de rédaction, et nous espérons pouvoir en présenter au moins les grandes lignes au mois de juillet. Nous attendrons les conclusions du groupe de travail de M. Doligé pour y mettre le point final, car, dans la logique exacte du Grenelle de l’environnement, nous souhaitons une concertation aussi large que possible.

Ce plan doit s’intégrer dans une politique plus générale de prévention des inondations, dans le cadre de la mise en œuvre de la fameuse directive Inondation. Celle-ci constitue une très bonne base, car elle clarifie bien les choses et tient compte de l’ensemble des risques. Elle a été transposée dans le projet de loi Grenelle II, du moins pour ce qui est de ses éléments législatifs, les autres relevant du règlement. Par ailleurs, nous sommes allés plus loin que ne le demandait la directive, notamment en choisissant de nous doter d’une stratégie nationale.

Bien sûr, ce plan doit également s’intégrer dans une politique de lutte contre la dégradation du trait de côte, l’enjeu étant de définir une stratégie véritablement nationale, conformément, ainsi que l’a rappelé M. Merceron, à l’un des engagements du Grenelle de la mer. Là aussi, nous devons apporter des réponses beaucoup plus larges que les réponses habituelles : cela peut être des reculs stratégiques, comme M. Retailleau les a évoqués à propos des Pays-Bas, cela peut être la création de polders, la consolidation des dunes, la gestion du stock sédimentaire… Un groupe de travail spécifique sera mis en place à la rentrée afin d’élaborer cette stratégie nationale du trait de côte, dans la définition de laquelle les collectivités auront bien évidemment un rôle absolument central, un rôle clef à jouer.

Enfin, le plan digues doit s’intégrer dans la stratégie nationale d’adaptation au changement climatique. Dans cette perspective, nous avons notamment demandé à Jean Jouzel, membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, de définir précisément des scénarios de référence – puisque, cela a été rappelé, l’ampleur de l’élévation du niveau des mers fait l’objet de nombreux débats –, l’un a minima, l’autre a maxima, afin que nous puissions calibrer les différents plans de prévention des risques.

Le plan digues sera élaboré en liaison très étroite, d’une part, ainsi que je l’ai indiqué, avec les collectivités et, d’autre part, avec le Conseil d’orientation pour la prévention des risques naturels majeurs, présidé par le député Christian Kert, dont la réunion de demain sera consacrée une nouvelle fois à ce sujet. Nous mettrons également en place un comité de pilotage qui, j’y insiste, sera partenarial.

Le plan doit permettre de définir les enjeux de protection, les zones habitées étant bien sûr prioritaires. Il est d’ores et déjà acquis qu’il posera également le principe que l’on n’élève plus de digue pour construire derrière. Il nous permettra enfin de définir les meilleurs modes de protection et de sélectionner les ouvrages à renforcer prioritairement. Je tiens à confirmer que, si le pilotage global est national, la mise en œuvre se fera naturellement à un échelon déconcentré.

Les travaux de confortement d’ouvrages seront pris en charge par le fonds Barnier et les fonds structurels européens. À ce stade, les premiers arbitrages montrent que, dans les six prochaines années, 1 200 kilomètres de digues sous maîtrise d’ouvrage des collectivités et 200 kilomètres de digues sous maîtrise d’ouvrage d’État peuvent être confortés.

Le plan définira aussi le régime d’urbanisation et réorganisera la maîtrise d’ouvrage des digues. Sur ce point, je le répète encore, je serai très attentive aux conclusions que M. Doligé nous remettra à la rentrée.