M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je tiens à vous rassurer à ce sujet : dans le cadre des assises des territoires ruraux, nous avons souhaité que l’État s’engage, en secteur rural, aux côtés des collectivités territoriales, en apportant notamment un appui en matière d’ingénierie, par le biais des sous-préfets, appelés d’ailleurs autrefois « sous-préfets développeurs ». Le rôle de ces derniers sera confirmé, et les moyens techniques et financiers seront renforcés, je vous l’annonce, par des dotations spécifiques destinées à soutenir l’ingénierie locale. Je pense que, en tant qu’élus locaux, nous ne pouvons tous que nous en féliciter.

En conclusion, permettez-moi de me réjouir de la tenue de ce débat, qui constitue une première à la Haute Assemblée et illustre la qualité des travaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Je sors enrichi de cet échange, qui permettra de nourrir la réflexion du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Débat interactif et spontané

M. le président. Mes chers collègues, nous allons procéder au débat interactif et spontané, dont la durée, qui avait été fixée à une heure par la conférence des présidents, devra être raccourcie, car je dois impérativement suspendre la séance à treize heures.

Chaque sénateur peut intervenir pour deux minutes au maximum. La délégation ou le Gouvernement peuvent répondre s’ils sont sollicités.

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Plusieurs orateurs socialistes ont eu l’occasion de le dire, le débat auquel nous venons d’assister est en complet décalage avec la réalité.

Vous nous avez présenté, monsieur le secrétaire d'État, une vision aimable de l’évolution du fonctionnement des collectivités territoriales, en expliquant que l’optimisation de leurs moyens était une bonne chose. Vous avez porté un regard presque étranger sur la situation, comme si tout se passait pour le mieux dans le meilleur des mondes !

Or, comme l’a brillamment rappelé mon collègue Claude Jeannerot, cette optimisation ne peut s’analyser que par rapport aux précédents transferts de charge de l’État vers collectivités et, singulièrement, vers les départements.

On a évoqué tout à l’heure la montée en puissance des charges liées à l’action sociale. Dans mon département, celle-ci a représenté, sur les quatre ou cinq dernières années, quelque 400 millions d’euros.

Je n’évoquerai ni les routes nationales, transformées en routes départementales, ni le transfert de la gestion des personnels techniciens, ouvriers et de services, les TOS, ou des personnels de la DDE. Toutes ces mesures ont considérablement restreint les marges de manœuvre des départements et se répercuteront inévitablement sur le fonctionnement des communes, déjà fragilisé par la suppression de la taxe professionnelle. Les départements seront obligés, encore une fois, de réduire la voilure !

Dans ces conditions, ce débat me paraît un peu surréaliste. En tout état de cause, la mutualisation de dix structures communales pauvres ne conduit jamais à la création d’une structure intercommunale riche ! Je m’étonne donc, monsieur le secrétaire d'État, que vous portiez un regard aussi indulgent sur une situation qui risque malheureusement de s’aggraver, et dans laquelle vous et vos amis politiques ont une lourde responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le président de la délégation.

M. Alain Lambert, président de la délégation, rapporteur. Notre délégation n’a jamais conçu la mutualisation, qui consiste à mettre en commun des moyens matériels et humains de manière à en dégager d’autres au profit de l’action locale, comme un substitut à l’action de l’État. Nous avons simplement eu pour ambition de recenser les différents instruments de mutualisation existants et d’envisager des perspectives en la matière.

Il nous a semblé que le droit s’appliquait différemment selon les départements, en fonction du contrôle de légalité qu’y exerce chaque préfet. Afin d’homogénéiser les situations, nous avons voulu proposer des instruments qui soient utilisables sur l’ensemble du territoire.

Vous comprendrez, cher collègue Mirassou, que je ne puisse guère être convaincu du caractère surréaliste de nos débats… Tout à l’heure, l’un de nos collègues semblait penser que la mutualisation ne soulevait aucun problème juridique et que cette pratique n’était contrainte par aucune règle de droit. Or je ne suis pas certain qu’il continue longtemps à nager en plein bonheur, car, contrairement à ce qu’il pense, le cadre juridique de la mutualisation ne me paraît pas si sûr que cela.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie des réponses que vous avez apportées à mes questions.

Il a été plusieurs fois question des SDIS. Or j’ai vu passer, lors de l’examen en commission du projet de loi de réforme des collectivités territoriales en vue de sa deuxième lecture par notre assemblée, un amendement relatif aux relations entre les communes et les SDIS – un thème qui m’est cher – qui m’a un peu inquiétée. Si la mutualisation entre les départements et les SDIS est sûrement une mesure intéressante, pour autant, je ne voudrais pas qu’on rompe tout lien entre ces derniers et les communes. Je rappelle que, aux termes de la loi, les maires sont membres de droit du conseil d’administration des SDIS, ne serait-ce que parce que les communes, on l’oublie trop souvent, contribuent à leur financement, au côté des conseils généraux.

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, vous avez commencé votre propos en évoquant les moyens financiers. À cet égard, le Gouvernement doit savoir que non seulement les parlementaires, mais aussi les élus locaux sont profondément déçus qu’on n’entende plus parler de clause de revoyure.

M. le président. La parole est à M. le président de la délégation.

M. Alain Lambert, président de la délégation, rapporteur. Je voudrais apporter à la question de Mme Gourault une réponse un peu encourageante au regard de la coopération horizontale.

Dans la proposition n° 1 du rapport de Bruno Sido sur la mutualisation des moyens de conseils généraux, il est indiqué que les mutualisations conventionnelles ont vocation à s’appliquer « entre personnes morales de droit public ». En l’espèce, nous devons faire preuve d’audace et faire évoluer dans ce sens notre législation.

À ce sujet, j’indique à M. le secrétaire d'État que, si le mot « timoré » a pu apparaître sur un document, pour ma part, je ne l’ai pas employé tout à l’heure. En effet, j’ai dit qu’il fallait se garder d’une « prudence excessive ». Je vous invite donc à faire preuve d’audace législative en la matière parce que j’ai le sentiment que la position de la Cour de justice de l’Union européenne est plus ouverte que celle de la Commission européenne. Cette dernière, qui prend connaissance de nos travaux, doit savoir que le Parlement français, sans ambiguïté aucune, est déterminé à aller de l’avant en la matière. En tout cas, chère Jacqueline Gourault, je n’ai aucun doute quant à votre propre détermination. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État, à titre exceptionnel puisqu’une question ne donne normalement lieu qu’à une seule réponse.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Avec votre permission, monsieur le président, et avec celle de M. Alain Lambert, je compléterai aussi succinctement que modestement les excellents propos qu’il vient de tenir.

Madame Gourault, il est essentiel que les communes prennent part à la gouvernance des SDIS. À ce jour, tel est le cas, puisque, comme l’a rappelé Alain Lambert, les maires siègent au conseil d’administration des SDIS et, de toute façon, dirigent les opérations de secours dans leur commune. Cet élément de proximité est en outre un moyen important pour promouvoir le volontariat. Chacun sait que, dans un certain nombre de départements, les SDIS ont du mal à recruter des volontaires. C’est pourquoi il faut valoriser leur coopération avec les communes.

S’agissant de la clause de revoyure, conformément aux engagements qu’il avait pris, le Gouvernement a remis au Parlement – le président du Luart l’a annoncé à l’ouverture de la séance – le rapport présentant des simulations sur les effets de la réforme de la taxe professionnelle, rapport préparé par Bruno Durieux, ancien ministre, et Patrick Subrémon, ancien préfet d’Indre-et-Loire. Ce rapport confirme que le Gouvernement a apporté toutes garanties aux collectivités territoriales quant au maintien de leurs niveaux de ressources à court et à moyen terme, ainsi qu’au caractère dynamique des nouvelles ressources fiscales, comme l’attestent les simulations : cela signifie qu’elles augmenteront.

Ainsi, l’autonomie financière des collectivités territoriales est respectée puisque l’essentiel de la compensation est assuré sous la forme d’impôts. De plus, cette autonomie financière devrait se renforcer à l’avenir.

En tout cas, madame la sénatrice, je vous donne rendez-vous au mois de septembre, lorsque votre commission des finances examinera le projet de loi de finances pour 2011.

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Monsieur le secrétaire d'État, à l’époque de la taxe professionnelle, voilà fort longtemps (Sourires.), il existait un outil particulièrement efficace de mutualisation et de péréquation, à savoir le fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle.

Comment était-il alimenté ? À qui était-il redistribué ? Je n’entrerai pas dans les détails techniques, mais il faut savoir qu’il était alimenté par les établissements dits « exceptionnels », écrêté au niveau communal ou intercommunal et redistribué ensuite par le conseil général ou une commission interdépartementale. Dans un département comme le mien, qui compte 594 communes, près de 500 d’entre elles en étaient bénéficiaires.

Pour certaines communes, ce fonds représentait près de 20 % de leurs capacités d’investissement. Or, compte tenu de l’incertitude qui pèse aujourd’hui sur l’avenir de ce fonds, les communes de mon département – et je ne pense pas que celui-ci soit une exception – ont dû différer leurs investissements, dans l’ignorance de ce qu’il adviendra de ce fonds.

Alors, monsieur le secrétaire d'État, puisque vous partagez notre volonté de promouvoir la mutualisation et la péréquation, rassurez-nous sur l’avenir de ce fonds.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, le Gouvernement n’a évidemment pas l’intention de supprimer ce fonds ; il souhaite simplement le recalibrer, ainsi que la loi de finances pour 2010 nous incite à le faire. Je vous annonce d’ores et déjà que le projet de loi de finances pour 2011 contiendra des dispositions relatives à ce fonds.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Monsieur le secrétaire d'État, au préalable, permettez-moi de vous dire qu’il conviendra d’examiner plus attentivement les conséquences juridiques de la mutualisation entre les départements et les SDIS, notamment les conséquences sur la gestion des matériels, des bâtiments, etc.

Je veux également dire à Jacqueline Gourault que les maires, dont nous reconnaissons pleinement le rôle, sont parfaitement libres d’augmenter la participation financière des communes au SDIS. (Mme Jacqueline Gourault s’exclame de manière amusée.) Peut-être la loi pourrait-elle en prendre acte…

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez plus particulièrement évoqué les problèmes financiers des départements.

Certains prétendent que l’État doit 5 milliards d’euros aux collectivités. Dans mon département, l’opposition affirme que l’État nous doit 50 millions d’euros, ce qui est faux. Compte tenu des transferts de compétences que nous avons demandés, nous devons supporter des charges supplémentaires, en raison, notamment, de la croissance des charges sociales.

Il est exact que l’État est encore redevable à l’égard des départements de quelques centaines de milliers d’euros, mais certainement pas de milliards d’euros !

Cela dit, en dépit des trois questions que je lui ai déjà posées à ce sujet, le Gouvernement ne m’a pas indiqué s’il était exact qu’il existait toujours une réserve de l’ordre de 500 à 800 millions d’euros sur le RSA « chapeau ». Si tel est le cas, ce dont je suis certain, ces fonds ne pourraient-ils pas être utilisés pour aider les quelques départements confrontés à de graves difficultés ?

De plus, il me semblait que départements étaient censés bénéficier partiellement de l’augmentation de la CSG. Les masses financières en jeu ne sont pas négligeables.

Je ne voudrais pas que, du fait de manipulations budgétaires – cette formule n’a, en l’espèce, aucune connotation péjorative –, les départements se voient privés de ces fonds qui leur seraient grandement utiles pour faire face, à l’avenir, c'est-à-dire en fait dès 2011, au cinquième risque.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Monsieur Doligé, la question du RSA « chapeau », qui relève de la compétence de François Baroin et d’Éric Woerth, sera traitée dans le cadre de la future discussion budgétaire, notamment lors de l’examen du prochain projet de loi de règlement. Vous obtiendrez alors des réponses très concrètes.

Quant à la mutualisation entre les départements et les SDIS, sujet qui vous est cher, elle fera l’objet d’un groupe de travail chargé d’explorer en particulier les propositions novatrices formulées dans le rapport Jamet.

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le secrétaire d'État, j’ai bien écouté la réponse que vous m’avez faite tout à l’heure. Comprenez-moi bien : en faisant référence à la RGPP, au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, j’ai essayé de décrire le contexte contraint dans lequel s’inscrit la mutualisation. J’ai ajouté que, en matière d’urbanisme et d’assainissement, un certain nombre de communes étaient amenées aujourd’hui à pallier les carences de l’État.

Or vous vous contentez de me renvoyer à des propos qu’ont tenus certains de mes amis. Alors, je soulève à nouveau ce problème.

Pour ma part, je suis favorable à la mutualisation, mais une mutualisation volontaire, non forcée. Aujourd’hui, sous couvert de mutualisation, les élus locaux sont contraints de prendre des décisions qu’ils n’approuvent pas. Par exemple, en matière d’aide à l’assainissement, l’ingénierie publique a disparu, ce qui oblige les communes à faire appel à des prestataires privés, facteur de renchérissement du coût des opérations. Bien entendu, elles ont alors tendance à chercher à mutualiser, mais cette mutualisation se construit sur la défaillance des services de l’État.

Et il en va exactement de même pour l’instruction des permis de construire. Que vous le vouliez ou non, monsieur le secrétaire d’État, les délais sont de plus en plus longs. Les intercommunalités sont donc tentées d’imiter la commune-centre et d’instruire elles-mêmes les permis de construire. La mutualisation leur apparaît alors comme une bonne solution, mais cela coûte quand même plus cher que lorsque c’est l’État qui assure lui-même ce service.

Monsieur le secrétaire d’État, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas voulu dire : je constate simplement que nous sommes dans un système contraint.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. On ne peut qu’être très favorable à la mutualisation. Il y a, cependant, un écueil à éviter : la mutualisation doit se traduire par une simplification et non par une complexification des procédures.

Lorsque l’État impose des normes, il est dans son rôle. Toutefois, les collectivités locales sont logiquement en droit d’attendre qu’il finance majoritairement leur mise en œuvre lorsque cela entraîne des surcoûts.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Monsieur Fortassin, le moratoire sur les normes a été annoncé par le Président de la République, confirmé par le Premier ministre, et je puis vous assurer qu’il sera scrupuleusement respecté.

J’ajoute que ce sujet douloureux, qu’en tant qu’élus locaux nous connaissons tous – hélas ! –, a récemment fait l’objet d’une circulaire du Premier ministre.

M. le président. La parole est à M. Rachel Mazuir.

M. Rachel Mazuir. Dans le contexte actuel, le présent débat me paraît surréaliste. Il semble justifier a posteriori les déclarations du Président de la République, notamment à Toulon, selon lesquelles l’organisation territoriale française coûterait très cher, trop cher, tout comme les élus.

Mes chers collègues, rien ne démontre que ces allégations soient avérées. En revanche, elles ont abouti à ce qu’il y a de pire dans une démocratie : la désignation d’un bouc émissaire, en l’occurrence les élus. C’est détestable, mais aussi et surtout dangereux !

On nous parle beaucoup d’optimisation – on peut imaginer que l’on pense à une meilleure rentabilité – et de mutualisation des moyens des collectivités territoriales. Mais de quels moyens s’agit-il ?

Monsieur le secrétaire d’État, vouloir associer les élus locaux à votre démarche, à vos responsabilités face à la crise est tout à fait surprenant. Sauf à considérer que nous sommes la solution à tout – mutualisez, optimisez, et la crise disparaîtra comme par miracle ! –, ce débat me semble complètement décalé, à contretemps, à contre-emploi. Il ne s’agit que d’occuper l’esprit des sénateurs. Au-delà d’une culpabilisation des collectivités territoriales et de leurs élus, car telle est bien la réalité, la discussion d’aujourd'hui sert d’écran de fumée, mais l’objectif recherché, lui, est clair !

L’optimisation et la mutualisation, qui se sont généralisées bien avant ce débat, ne sont pas, vous l’aurez compris, ma priorité en tant que président de conseil général. L’autonomie fiscale des départements était de 43 % avant la suppression de la taxe professionnelle ; elle n’est plus aujourd’hui que de 13 %. Dans ces conditions, quelles recettes nouvelles l’État envisage-t-il d’affecter aux départements ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, les recettes nouvelles résulteront de la réforme de la taxe professionnelle. Il s’agira de recettes plus dynamiques, parce que basées sur des normes elles-mêmes plus dynamiques. Vous en aurez la preuve dans quelques mois.

Je ne peux pas vous laisser dire que le Gouvernement stigmatise les élus au travers de la réforme des collectivités territoriales. C’est même tout le contraire, et je tiens à souligner, devant la Haute Assemblée qui les représente, que les 600 000 élus locaux français – pour la plupart des bénévoles formidables – jouent un rôle indispensable non seulement pour faire vivre la démocratie locale et de proximité, mais aussi pour assurer à notre pays un développement économique et social harmonieux. Ils sont une richesse que le Gouvernement entend préserver.

La réforme des collectivités territoriales vise, vous le savez, à supprimer l’empilement des structures, source de multiples redondances : cette spécificité française coûte cher aux contribuables et, au-delà, à la nation tout entière. Il s’agit donc d’encourager l’intercommunalité, ce qui va dans le sens de lois antérieures, notamment des lois Chevènement.

La carte de l’intercommunalité est entrée dans sa phase finale. Notre pays compte aujourd’hui 16 000 syndicats intercommunaux à vocation multiple. Si certains ont toujours leur utilité, je pense notamment à ceux qui exercent des compétences dans les domaines de l’électrification, de la gestion des eaux ou du traitement des ordures ménagères, la moitié d’entre eux subsistent alors qu’ils ont perdu toute raison d’être, qu’ils ne sont plus que des coquilles vides. Or, ces syndicats absorbent un budget de 16 milliards d’euros, consacré, à 50 %, à des dépenses de fonctionnement ! C’est une charge considérable qui pèse sur les épaules des contribuables.

J’ai choisi cet exemple, mais je pourrais en citer d’autres. Le Gouvernement ne cherche donc en aucun cas à stigmatiser les élus. Bien au contraire, il reconnaît le rôle, l’utilité et le dévouement de ce formidable réseau d’élus locaux qui fait la richesse de notre pays.

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, rapporteur.

M. Yves Détraigne, rapporteur. Monsieur Mazuir, la démarche qui a été lancée par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation n’a pas pour objectif d’appuyer ou de valider une initiative du Gouvernement, la révision générale des politiques publiques ou une autre. Elle vise simplement à faciliter la vie des responsables des exécutifs locaux, à sécuriser les actions qui ont déjà été prises, et celles que l’on souhaiterait pouvoir prendre, en matière de mutualisation des moyens. Il s’agit de tendre vers l’optimisation des services et de rendre la tâche des élus locaux plus facile.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le secrétaire d'État, dans votre réponse aux orateurs, vous avez indiqué que c’est sous la gauche qu’avait été dénoncée la tutelle trop lourde des services de l’État sur les collectivités locales.

Il s’agit d’un temps révolu. Certes, à une époque, il n’était pas rare que l’ingénieur de la DDE et le trésorier de la commune imposent leur choix aux élus. Avec les lois de décentralisation, la situation avait changé. Les services de l’État accompagnaient les élus dans leurs décisions et jouaient le rôle de tiers objectifs. Les élus disposaient ainsi d’une bonne analyse des contrats qui leur étaient proposés au titre de la contractualisation avec des services extérieurs, des multinationales, des entreprises privées.

Or tel n’est plus le cas aujourd’hui, et je le regrette. J’entends quotidiennement des élus locaux me dire combien leur situation devient difficile. Privés de la capacité d’étudier les dossiers, ils ont le sentiment de se faire avoir.

Les syndicats intercommunaux, dont il a fort peu été question dans ce débat, ont joué leur rôle, accompli leurs missions. D’ailleurs, le syndicat intercommunal à vocation unique, le SIVU, correspondait à une forme d’optimisation et de mutualisation entre les collectivités.

Mme Jacqueline Gourault. C’est vrai !

M. Jean-Luc Fichet. Aujourd’hui, nous sommes en train de le réinventer, sous un autre angle.

Les syndicats locaux disparaissent au profit des syndicats départementaux. Ces derniers vont s’empresser de proposer aux collectivités d’embaucher des personnels qui répondront à leurs besoins en mettant en place des services d’expertise et d’ingénierie. Ils se substitueront ainsi aux services de l’État, mais ne feront pas mieux, car des difficultés apparaîtront, en raison, notamment, de l’éloignement géographique.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez indiqué que les sous-préfectures seraient dotées de moyens pour financer des services d’ingénierie auprès des collectivités. Pourriez-vous nous préciser quand ceux-ci se mettront en place, comment, et pour quels objectifs ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je suis moi-même élu local depuis longtemps. Les difficultés que vous évoquez existaient bien avant la réforme, mais elles prenaient souvent des formes différentes. Il n’était pas toujours simple de faire instruire des dossiers par les services de la DDE ou de la DDA, les délais étant souvent très longs.

J’ajoute que l’assistance technique de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire, l’ATESAT, existe toujours. C’est un instrument qu’il ne faut pas négliger, car il apporte un concours précieux à de nombreux élus.

Les intercommunalités ont vocation à fournir une aide à l’ingénierie aux plus petites communes. Ces dernières ont donc tout intérêt à se regrouper au sein d’intercommunalités. Elles peuvent ainsi disposer d’une assistance technique à laquelle elles ne pourraient prétendre si elles restaient seules, faute de disposer des moyens financiers et du capital d’intelligence économique nécessaires. Certes, les bureaux d’études sont très sollicités, les listes d’attente souvent très longues, ce qui ne facilite pas la vie des communes. Mais laissons au système le temps de se mettre en place.

J’en viens à votre question sur les sous-préfectures. Pour la première fois sans doute depuis quarante ans, pas un sous-préfet ne manque à l’appel ! Nous avons pourvu tous les postes vacants dans les sous-préfectures qui, depuis plusieurs années, il faut bien le dire, avaient été, officiellement ou non, fermées. Ce fut notamment le cas à Blaye, où nous avons répondu à une demande du député de la Gironde, et dans des départements de montagne.

Ces hauts fonctionnaires ont un rôle de « sous-préfet développeur », pour reprendre une terminologie un peu ancienne, un rôle d’aide, d’assistance aux collectivités territoriales en vue de faciliter le recours à l’ingénierie, au conseil. Justifiant souvent d’une bonne expérience du terrain, ils apportent un concours très précieux. Je vous assure que, lors des mouvements, les remplacements se font désormais sans délai.

Dans le Cantal, par exemple, je prends M. Mézard à témoin, d’aucuns soutenaient que les sous-préfectures de Saint-Flour et de Mauriac allaient fermer. Eh bien, non seulement elles n’ont pas été fermées, mais il ne s’est pas écoulé vingt-quatre heures entre le départ du sous-préfet vers une autre affectation et l’arrivée de son successeur !

Et le Cantal n’est pas privilégié. Nous faisons preuve de la même célérité dans tous les départements, pour la plus grande satisfaction des maires, et nous prenons l’engagement de ne fermer aucune sous-préfecture.

M. le président. La parole est à M. Edmond Hervé.

M. Edmond Hervé. J’ai toujours pensé que, dans une République telle que la nôtre, un certain nombre de sujets devaient faire consensus, et que parmi ceux-ci figurait la décentralisation. Or je constate que, sur ce point, il y a rupture entre nous.

Ma question s’adresse plus spécialement à M. le président de la délégation, mais j’aimerais aussi connaître l’opinion de M. le secrétaire d’État.

Je crois personnellement qu’il serait important que nous puissions, de manière collective et constructive, établir un bilan du processus de décentralisation, au nom – c’est un point sur lequel nous avons eu de nombreux échanges, monsieur Lambert – de la loyauté du dialogue et de l’avenir qui lui est réservé.

Pour dresser ce bilan, une certaine objectivité est nécessaire. Monsieur le secrétaire d’État, je me permets de vous suggérer de relire la page 130 du rapport soumis à notre sagacité ainsi que ses annexes : il y est en effet écrit que la part des dépenses des départements et des régions dans le produit intérieur brut, à compétences constantes, n’a pas varié. Il ne peut pas y avoir de dialogue républicain sans un minimum de reconnaissance objective de la vérité.

C’est la raison pour laquelle, monsieur le président Lambert, j’aimerais que la délégation puisse aborder cette question du bilan, et je suis persuadé qu’un dialogue fructueux pourra s’engager entre notre assemblée et le Gouvernement.