Mme Françoise Laborde, rapporteur de la délégation aux droits des femmes. Notre délégation recommande néanmoins le maintien de cette nouvelle incrimination, sur le fondement de trois arguments.

Tout d’abord, il s’agit d’adresser un message particulièrement clair à la fois aux auteurs et aux victimes de harcèlement sur le caractère punissable de ces comportements.

Ensuite, il a été observé, notamment au Canada, que l’aggravation de la sanction des violences physiques se traduisait par une augmentation de la pression psychologique au sein des couples. Le législateur doit donc fixer un nouveau palier de protection adapté à l’évolution des comportements.

Enfin, la mise en œuvre de tous les moyens permettant de pacifier les relations de couple se justifie, en fin de compte, par le devoir de protection des enfants témoins, dont le sort est trop souvent passé sous silence.

Nous préconisons de parier que cette mesure pénale présentera plus d’effets bénéfiques que d’inconvénients et de surmonter les objections liées à la difficulté de prouver les violences psychologiques en améliorant la capacité de détection de celles-ci par les médecins et les magistrats.

Par symétrie, il nous a semblé logique, dès lors que nous transposons la notion de harcèlement moral du monde de l’entreprise aux relations de couple, de rappeler, en matière de prévention, l’existence d’un certain nombre de stages au cours desquels les salariés apprennent à réagir efficacement aux agressions : ils ont fait la preuve de leur efficacité dans les relations de travail.

Notre délégation propose de s’en inspirer, afin de créer ou perfectionner les outils permettant à chacun de maîtriser ses émotions et de réguler son comportement au sein du couple. Nous apporterions ainsi un éclairage utile et concret à l’article 11 A, lequel précise que l’enseignement de l’éducation civique ainsi que la formation initiale et continue délivrée aux enseignants doivent intégrer des éléments portant sur l’égalité entre les femmes et les hommes et des actions de sensibilisation aux violences faites aux femmes.

Je conclurai par une série de remarques tournées vers l’avenir.

À court terme, les conditions d’application concrètes des mesures que nous examinons seront déterminantes. La délégation aux droits des femmes a insisté sur la nécessité de favoriser les groupes de parole de victimes ou d’auteurs de violence : ils aident les femmes à surmonter le traumatisme qu’elles subissent et ont également démontré leur efficacité en diminuant le taux de récidive des agresseurs qui y participent dans le cadre de leur suivi socio-judiciaire. En pensant aux victimes successives des agresseurs, la délégation a également tenu à rappeler l’importance du traitement médical des conjoints violents.

À moyen terme, et c’est la plus profonde conviction de la délégation, la mobilisation des volets répressif et curatif sera réduite, grâce à un effort de prévention et d’éducation énergique, global et efficace. Au-delà des affirmations de principe, il faut mettre en œuvre concrètement l’exigence de prévention en ciblant les actions les plus performantes.

La délégation recommande d’abord de diffuser de façon plus large, y compris dans le cercle familial, les supports de formation, les conseils ou les stages relatifs à la gestion des situations de violence. Elle préconise aussi de décloisonner la formation initiale et continue des professionnels qui sont en contact avec les victimes, en favorisant la mixité des publics en formation, ce qui facilitera la mutualisation des actions des différents intervenants.

M. Roland Courteau. C’est une bonne idée !

Mme Françoise Laborde, rapporteur de la délégation aux droits des femmes. Elle attache une importance particulière à l’information et à la sensibilisation des enseignants dans le cadre de leur formation professionnelle initiale et continue.

Chacun le reconnaît, les violences familiales sont un facteur d’anéantissement des performances scolaires des enfants : les enseignants ne peuvent donc pas se désintéresser de la question. Il convient également, en s’inspirant des méthodes suivies chez nos voisins scandinaves, d’apprendre aux élèves, dès leur plus jeune âge et tout au long de leur scolarité, les exigences de la vie en groupe ou en famille et le respect des autres.

Enfin, la délégation, tout en soulignant que les femmes sont, dans la pratique, les principales victimes des violences conjugales, a rappelé que les dispositions protectrices de la loi s’appliquent conformément au principe d’égalité. Humainement, un certain nombre d’hommes sont également victimes de violences et ils ont bien des difficultés à en faire état.

Mme Françoise Laborde, rapporteur de la délégation aux droits des femmes. Aussi, nous préconisons de modifier l’intitulé du texte, afin de le rendre plus neutre, en s’inspirant de celui de la proposition de loi présentée par notre collègue Roland Courteau. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Roland Courteau, auteur de la proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, permettez-moi de vous lire un entrefilet relevé dans un journal : « Alors qu’un individu rend visite à son ex-épouse et ses trois enfants, âgés de trois à douze ans, il porte à celle-ci plusieurs dizaines de coups de couteau et l’égorge, sous les yeux des enfants. L’auteur n’avait pas accepté la séparation. »

Comme le précisait Amnesty International, cette mère est l’une des 156 femmes tuées par leur compagnon en 2008. Il s’agit d’un « chiffre alarmant, derrière lequel se cachent cris étouffés, souffrances secrètes et existences détruites ». Mais connait-on l’exacte ampleur de ce fléau, alors que la loi du silence existe encore, par peur de représailles, par honte ou parce que les victimes ignorent encore leurs droits ?

Les violences au sein des couples sont les violations des droits humains les plus répandues en France et dans le monde. Elles constituent surtout une grave atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine.

Cela a été dit et écrit, dans la grande majorité des cas, « la violence installée de façon répétitive est un moyen d’affirmer l’emprise de l’agresseur à l’égard de sa compagne qu’il instrumentalise mais aussi comme moyen pathologique de s’inscrire dans une relation de couple ».

De grâce, ne confondons pas, mes chers collègues, le conflit et la violence ! Le conflit est un mode relationnel interactif fondé sur un désaccord ponctuel et auquel il faut trouver une solution, alors que le propre de la violence est de refuser de placer l’autre sur un pied d’égalité et de nier sa qualité de sujet.

Je reste convaincu que la violence au sein des couples est souvent la conséquence de certains conditionnements socioculturels, les causes étant à rechercher dans un modèle de société qui situe les femmes dans une position d’infériorité. (Mme Gisèle Printz applaudit.) En d’autres termes, les violences prennent souvent leur source dans les inégalités persistantes entre les hommes et les femmes.

Il était donc important et urgent que le Parlement démontre que le domicile familial n’était plus une zone de non-droit. (Mme Gisèle Printz applaudit de nouveau.) C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avions déposé notre première proposition de loi sur ce sujet, laquelle, avec celle du groupe CRC-SPG, fut à l’origine de la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein des couples ou commises contre les mineurs.

Force était en effet de constater que, à cette époque, notre législation en la matière ne comportait que des textes épars, preuve du peu d’importance accordé à un tel problème, certainement par ignorance. Peut-être considérait-on aussi que le meilleur moyen de s’accommoder d’un mal qui dérange est de l’ignorer.

Mme Michèle André. Absolument !

M. Roland Courteau. Songez qu’il fallut attendre 1989 et les premières initiatives prises par Michèle André, alors secrétaire d’État chargée des droits des femmes et de l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, pour que l’on se préoccupe enfin de ce mal. Peu d’évolutions intervinrent ensuite, et ce jusqu’à l’adoption de la loi du 4 avril 2006.

Pour la première fois, un texte spécifique était soumis à l’examen du Parlement. C’était d’ailleurs tout à l’honneur du Sénat, précurseur en ce domaine, ce dont je me réjouis, même si le groupe socialiste n’avait pas été totalement suivi pour ce qui concerne l’élaboration d’une loi-cadre, comme a su s’en doter l’Espagne.

Cela dit, tant mieux si, comme le mentionnait Françoise Laborde, cette loi de 2006 a provoqué un déclic, à la fois social, judiciaire et législatif, et enclenché une dynamique générale se traduisant par la montée du taux de révélation et de judiciarisation de ces violences. Tant mieux si les tabous ont commencé à tomber ; tant mieux si, par ce premier texte, le droit et la justice ont pu pénétrer, enfin, dans la sphère privée. Et tant mieux, en outre, si la parole s’est libérée. C’est bien la preuve qu’une action volontariste permet de mieux lutter contre ce fléau, même s’il est vrai que des chansons aussi scandaleuses que celle d’Orelsan ne nous aident guère à progresser.

En fait, c’est bien parce que la lutte contre les violences au sein du couple ne peut souffrir aucun répit que nous avons déposé deux autres propositions de loi, l’une en juin 2007, et l’autre en décembre 2009. C’est cette dernière que nous examinons concomitamment avec le texte adopté par l’Assemblée nationale, afin de parvenir à un texte unique.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’ampleur du phénomène auquel nous sommes confrontés exige que nous mettions en œuvre une prévention massive. Il est vrai que la situation nous faisait d’abord obligation de mettre en place un arsenal juridique, afin de lutter contre ces violences. Ce fut principalement le rôle de la loi de 2006, laquelle prévoyait une aggravation des sanctions, l’éloignement du domicile de l’auteur des violences, la lutte contre les violences faites aux mineurs, la lutte contre les mariages forcés, l’incrimination du viol au sein du couple, ou encore la prise en charge sanitaire, sociale et psychologique, y compris dans le cadre du PACS ou des anciens conjoints, anciens concubins et anciens partenaires pacsés.

Si ces dispositions ont apporté une première réponse, elles doivent être relayées par d’autres dynamiques, afin de changer profondément certains schémas ancrés dans les mentalités. Punir sévèrement est nécessaire. Mais si nous voulons changer les mentalités, et donc réduire ces violences jusqu’à – pourquoi pas ? – les éradiquer, il faut agir très en amont, c’est-à-dire à l’école, au collège et au lycée : informer, éduquer, prévenir. Comme le disait Romain Rolland, « tout commence sur les bancs de l’école ».

L’une de ces dynamiques consiste en un vrai travail d’éducation sur le respect mutuel entre les garçons et les filles, l’égalité entre les sexes, le respect des différences et la lutte contre le sexisme. Qu’est-ce que le sexisme, si ce n’est « cette tendance à vouloir inscrire la différence entre les garçons et les filles dans un rapport hiérarchique de domination, où le masculin l’emporte sur le féminin » ? (Mme Gisèle Printz applaudit.)

Puisqu’il s’agit d’une construction purement humaine, convenons qu’elle puisse être déconstruite par les humains, en commençant un travail d’éducation sur l’égalité entre les sexes dans les établissements scolaires.

Voilà pourquoi nous avions proposé, déjà, en 2006, dans le cadre de notre première proposition de loi, d’introduire dans les programmes scolaires des mesures qui s’inscrivaient dans ce sens.

Nous insistons, cette fois encore, pour que de telles dispositions soient gravées dans le marbre de la loi. À cet égard, je remercie la commission d’avoir émis un avis favorable sur l’amendement que nous avons déposé sur ce point.

Nous proposons par ailleurs d’instituer une journée nationale de sensibilisation aux violences faites aux femmes, dont la date pourrait être fixée au 25 novembre, en coordination avec la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.

Plus on évoquera ce sujet, plus on en parlera, plus on informera et plus on sensibilisera, plus efficacement on fera reculer ce fléau. Mais la prévention passe également par le repérage des personnes victimes de violences, et ce le plus précocement possible. Il est donc particulièrement important –  je vous rejoins sur ce point, madame Dini – que tous les professionnels qui se trouvent en première ligne – professionnels de santé, policiers, gendarmes, travailleurs sociaux –, sans oublier les magistrats, les avocats et les enseignants bénéficient d’une formation systématique initiale et continue.

Nous touchons là, mes chers collègues, à l’essentiel, car les violences au sein du couple sont complexes. Il est donc impératif que les intervenants connaissent particulièrement bien ce phénomène, pour mieux détecter les violences et mieux accompagner les victimes, car, sans une véritable formation, il est difficile d’évaluer une ITT, de rédiger dans certains cas un certificat médical. Il n’est pas non plus évident de détecter un manipulateur.

Pour le moment, ces formations sont limitées en nombre et souvent effectuées sur la base du volontariat, ce qui s’avère insuffisant. Je regrette par conséquent que l’article 40 de la Constitution ait été invoqué pour repousser la disposition que nous avions prévue en la matière.

Par ailleurs, il paraîtrait que certains commissariats ou gendarmeries aient une fâcheuse tendance à abuser des mains courantes, au lieu d’enregistrer les plaintes. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Sylvie Desmarescaux approuve également.) Est-ce par ignorance du phénomène, donc par manque de formation ? Ou bien par souci de faire en sorte que, dans les statistiques, les chiffres n’augmentent pas trop, ce que je n’ose croire ? Quoi qu’il en soit, ne nous étonnons pas, dans ce cas, que la victime ne revienne plus jamais au commissariat !

Toujours en ce qui concerne la prévention, nous avons été alertés sur les situations de danger dans lesquelles se trouvent des femmes et leurs enfants. On a en effet pu noter que les victimes de violences hésitaient très souvent à porter plainte, et ce pour plusieurs raisons : d’abord, la crainte de représailles, ensuite, les problèmes d’urgence liés au logement, à la garde des enfants ou à la régularité du séjour pour les personnes étrangères.

Il nous a semblé nécessaire de mettre en place, modestement, certes, une procédure permettant de protéger, avant tout dépôt de plainte, la victime et ses enfants, en saisissant le juge aux affaires familiales, comme le prévoit l’article 220-1 du code civil pour les couples mariés. Nous avons donc souhaité, par souci de cohérence, élargir cette compétence du juge aux affaires familiales aux partenaires liés par un PACS et aux concubins. Je me réjouis, monsieur le rapporteur, que notre préoccupation soit satisfaite par le texte proposé par la commission.

J’en viens à notre proposition de créer un délit pour violences psychologiques. Il s’agit pour nous d’un dossier ancien. Certes, je n’ignore pas que le repérage de ce type de violences peut, dans certains cas, s’avérer difficile. En effet, les violences psychologiques ne laissent pas de traces aisément identifiables et médicalement objectivables. Faut-il pour autant persister à ne rien faire, sous prétexte que le sujet serait difficile ? Je rappelle qu’il s’agit d’un phénomène de société alarmant, particulièrement destructeur et qui consiste en une mise à sac de la confiance en soi et de l’estime de soi.

Bref, un vrai travail de harcèlement, un vrai travail de démolition morale, qui, souvent, précède, prépare l’arrivée des violences physiques, lesquelles sont autant de blessures parfaitement préméditées, organisées et planifiées. Certes, ces blessures sont peut-être parfois invisibles, mais elles sont « indélébiles » et détruisent un être à petit feu.

La menace itérative est une autre technique d’usure : « Si pars, tu le regretteras ! » ; « Si tu me quittes, je te tue ! » ; « Si tu t’en vas, tu ne verras plus tes enfants, et je me tue après... ». C’est du vécu, mes chers collègues !

Selon certains psychologues, la séparation, dans ces cas-là, ne peut avoir lieu que si l’auteur des menaces est soumis à la justice. Il ne renoncera à ces violences que s’il connaît les risques qu’il court sur le plan judiciaire.

Or, aujourd’hui, comme le soulignait justement l’avocate maître Yaël Mellul, « lorsque la violence psychologique s’exerce à l’intérieur du couple, la justice, elle, reste à la porte ».

Que reste-t-il à faire pour la victime, s’interrogeait récemment le docteur Feldman ? Rester ? Se soumettre, et donc aller, à brève échéance, vers la destruction ? Ou bien partir, sans savoir ce que deviendront les enfants ? Combien de victimes de ces violences psychologiques ont-elles mis fin à leur calvaire en se donnant la mort ?

Vous avez indiqué, monsieur le rapporteur, que certaines des dispositions visées dans ces deux propositions de loi soulevaient des difficultés juridiques ; c’est pourquoi vous y avez apporté plusieurs modifications. Sachez que nous approuvons celles-ci.

Concernant l’article 5 de notre proposition de loi, relatif à l’aide juridictionnelle, nous proposions que cette aide soit accordée à la victime sans condition de ressources et pour tous les cas de violences au sein des couples. Chacun imagine bien que, dans ces situations, il ne faudra pas compter sur l’agresseur pour payer les frais de justice...

Malheureusement, en raison, encore une fois, de l’irrecevabilité financière en application de l’article 40, nous n’aurons pas satisfaction sur ce point précis.

Madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au moment où nous nous apprêtons à compléter la loi du 4 avril 2006, mais aussi la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007, peut-être faudrait-il s’assurer qu’elles sont correctement appliquées, plus particulièrement en matière d’éviction du domicile ou d’injonction de soins pour les auteurs de violences.

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il faudra améliorer le délai de réponse de la justice en matière d’éviction du domicile familial de l’auteur de violences.

Concernant l’injonction de soins, à l’article 12 sont reprises les dispositions de notre proposition de loi visant à incriminer les violences habituelles commises au sein des couples. Vous nous en voyez satisfaits, monsieur le rapporteur, même si nous eussions aimé que la deuxième disposition qui suivait dans notre texte fût, elle aussi, retenue.

Je rappelle que nous proposions que, dans ces cas-là, les auteurs de violences soient condamnés à un suivi socio-judiciaire.

Je rappelle aussi que l’injonction de soins a été généralisée dans le cadre du suivi socio-judiciaire par la loi d’août 2007. Je constate, pour le regretter, qu’une telle mesure a été d’abord écartée par les députés pour les violences habituelles commises au sein du couple. Pourquoi ? Parce que nous manquons de médecins coordonnateurs, ai-je cru comprendre. Mais toute la question est de savoir pourquoi nous manquons de médecins coordonnateurs. La réponse est surprenante : c’est tout simplement parce qu’ils sont insuffisamment ou mal payés !

Or, faute de médecins coordonnateurs, les mesures d’injonction de soins ne peuvent être correctement suivies dans plus de la moitié des tribunaux. Le plus étonnant, c’est que la seule réponse qui ait été apportée à ce problème d’indemnisation des médecins a consisté à limiter l’automaticité du contrôle socio-judicaire et, donc, de l’injonction de soins qui en découle.

En d’autres termes, comme le dirait mon ami Jean-Jacques Mirassou, si vous avez de la fièvre, vous cassez le thermomètre et le tour est joué ! (Mme Gisèle Printz applaudit.)

Je formulerai une autre remarque : si plusieurs dizaines de milliers d’hommes exercent des violences sur leur compagne, seulement quelques centaines d’entre eux font l’objet de soins et sont accueillis dans des structures spécialisées. Or cette prise en charge est importante pour lutter contre la récidive, dont le taux est, semble-t-il, en hausse.

Des expériences intéressantes, conduites par exemple à Douai, ont démontré que les soins dispensés faisaient baisser considérablement le taux de récidive.

Je veux aussi vous dire, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, que cette prévention de la récidive par l’injonction de soins implique l’existence de lieux d’accueil, de structures de soins, d’intervenants qualifiés, et donc de financements.

Aujourd’hui, m’a-t-on dit, le nombre de ces structures est, en France, d’ordre résiduel. Nous avions, par voie d’amendement, proposé de généraliser à tous les tribunaux de grande instance les antennes de psychiatrie et de psychologie légales mises en place par certains parquets. Malheureusement, là encore en raison de l’irrecevabilité financière, nous n’obtiendrons pas satisfaction.

Bien sûr que tout cela a un coût, mais gardons à l’esprit qu’une journée de soins pour l’auteur de violences est certainement d’un coût moins élevé qu’une journée de prison, avec d’immenses souffrances en moins pour les victimes. N’oublions pas non plus que le coût de ces violences, dans notre pays, est évalué à quelque 2,5 milliards d’euros.

À quoi sert-il que des mesures législatives soient adoptées si, faute de moyens financiers, elles ne peuvent être mises en œuvre ?

Je veux espérer que tel ne sera pas le cas pour l’organisation, par le juge aux affaires familiales, du droit de visite et de la remise de l’enfant dans un espace de rencontre, en présence, j’y insiste, de la personne morale habilitée.

Nous sommes favorables à ces mesures, d’autant que nous les avions suggérées dans notre proposition de loi n° 322, qui n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour.

Cela dit, où seront ces lieux de rencontre ? J’imagine que le Gouvernement espère pouvoir compter sur les associations. Si tel est le cas, il faudra aussi penser à leur donner les moyens afférents !

En fait, je constate que, très souvent, le Gouvernement considère les associations comme ses propres opérateurs, pour des missions qui sont des missions d’État. Alors, s’il vous plaît, ne les désespérons pas en raison de financements trop chichement attribués, quand ils ne sont pas réduits d’une année sur l’autre.

J’en viens à la question du renouvellement du titre de séjour en cas de violences conjugales avérées et à celle de la délivrance d’une carte de séjour aux personnes en situation irrégulière et victimes de violences au sein du couple.

Bien que ce soient là d’excellentes dispositions, nous ne suivrons pas totalement la commission concernant la médiation pénale. Nous préférons en revenir au texte de l’Assemblée nationale, qui prévoit que la victime est présumée ne pas consentir à la médiation pénale non seulement lorsqu’elle a saisi le juge aux affaires familiales d’une ordonnance de protection, mais également dans les cas de violences visés aux articles 222-9 à 222-13 et 222-22 à 222-28 du code pénal.

Nous considérons effectivement que les risques inhérents à une mauvaise utilisation de la médiation pénale sont trop importants. N’oublions pas que nous avons affaire à des violences, et non à de simples disputes ou conflits.

Or, en rendant interactive la responsabilité de l’acte, la médiation pénale rendrait de fait la victime en partie responsable.

Tout de même, frapper quelqu’un dans la rue entraîne des poursuites pénales ; frapper son épouse ou sa compagne ne donnerait lieu qu’à une simple médiation pénale !

Mme Odette Terrade. Très juste !

M. Roland Courteau. Nous aurons en outre l’occasion de nous exprimer sur les autres propositions, en particulier le placement sous surveillance électronique ou les mesures favorisant l’accès au logement. Tout cela va dans le bon sens.

Par ailleurs, je suis tout à fait d’accord également pour que soit précisée la rédaction de l’article 132-80 du code pénal, à la suite de l’arrêt en date du 16 décembre 2009 de la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui aura principalement pour conséquence que le juge n’aura plus les moyens d’agir dès lors que les violences commises par l’ex-conjoint, l’ex-concubin ou l’ex-partenaire du PACS ont occasionné une interruption temporaire de travail inférieure ou égale à huit jours. J’apprécie donc que cet article ait été utilement complété.

Je formulerai une remarque à propos de l’intitulé du texte : nous proposerons, par voie d’amendement, que cet intitulé mentionne non seulement les violences faites aux femmes, mais aussi les violences au sein du couple. Cela nous paraît mieux refléter la réalité des choses et le contenu de ce texte.

Pour conclure, j’aurais aimé que l’on avançât sur la proposition que nous avions faite dans un précédent texte et qui visait à mettre en place un dispositif facilitant l’insertion professionnelle des victimes dès lors que les violences au sein des couples auraient entraîné une longue interruption temporaire de travail. Peut-être verrons-nous cette question en deuxième lecture.

Cela dit, et malgré certains manques, nous nous réjouissons, monsieur le rapporteur, que les deux propositions de loi aient été examinées concomitamment, afin de fédérer les idées et les mesures dans le but de mieux protéger, de mieux prévenir et de mieux réprimer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mmes Anne-Marie Escoffier et Catherine Morin-Desailly ainsi que M. Alain Dufaut applaudissent également.)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes
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