Mme la présidente. Veuillez conclure.

M. Yvon Collin. Mes chers collègues, ce débat nous offre l’occasion d’ouvrir de nouvelles portes et de proposer de nouvelles options. Nos collectivités attendent non pas des solutions miracles, mais des mesures innovantes et pragmatiques, pour que décentralisation, réforme de la fiscalité locale et réforme des institutions ne riment plus avec paupérisation.

Soucieux d’assurer leur équilibre financier et de renforcer leur capacité à investir, notre groupe sera très vigilant lors des prochains débats budgétaires et défendra avec conviction l’intérêt des collectivités les plus fragiles !

Je vous remercie de votre indulgence, madame la présidente. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. Malheureusement, je crains de ne pouvoir continuer à faire preuve d’indulgence, car le nombre des orateurs inscrits dans ce débat est considérable. Si chacun des intervenants dépasse son temps de parole, nous ne pourrons pas le mener à son terme.

La parole est à M. Charles Guené.

M. Charles Guené. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord dire combien nous devons nous féliciter de la tenue de ce débat attendu dans le cadre de la « clause de revoyure »… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Bricq. Ne nous prenez pas pour des imbéciles !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Parce qu’il ne faudrait pas débattre, ma chère collègue ?

M. Charles Guené. Ce débat honore notre institution et notre groupe, qui l’avaient demandé et obtenu, mais aussi le Gouvernement, qui répond à la demande du Parlement ainsi qu’à l’ensemble des élus locaux, et vient satisfaire les exigences de clarté et de suivi d’une réforme complexe mais déterminante pour notre pays.

Mme Nicole Bricq. Si c’était pour en arriver là, il ne fallait pas l’inscrire dans la loi !

M. Charles Guené. Ce rendez-vous est important parce que, au-delà de la simple ponctualité dont nous avons déjà débattu, il s’inscrit véritablement dans le processus parlementaire et marque une étape dans l’établissement de la loi fiscale. Il constitue un moment autonome, ainsi que nous l’avions souhaité dans la loi de finances initiale pour 2010.

Je voudrais, à cet égard, remercier le président du Sénat et le président de notre groupe, qui n’ont fait aucune concession par rapport à cette exigence, et vous remercier aussi, madame le ministre, de vous y être pliée, en respectant totalement l’esprit de l’exercice et en nous apportant des réponses dont je salue la grande qualité.

Le sursis que nous venons de nous accorder mutuellement a été très profitable puisque, tenant compte du rapport Durieux, du rapport parlementaire que j’ai eu l’honneur de commettre avec mes collègues Alain Chatillon et François-Noël Buffet ainsi que des « remontées » du terrain, vous avez su, madame le ministre, esquisser un grand nombre de corrections que les entreprises, comme les élus, apprécieront. Nous en prenons la mesure.

Notre réflexion a également évolué, mais je ne peux m’empêcher d’établir le parallèle avec les demandes que nous avions formulées dans notre rapport parlementaire.

Si nous sommes satisfaits et même flattés de la prise en compte du plus grand nombre de nos remarques, je ne puis m’en contenter au regard de plusieurs points essentiels.

Je n’évoquerai pas le nécessaire rééquilibrage au profit des territoires industriels ni la réactualisation des bases, qu’abordera mon collègue Alain Chatillon. Je m’attacherai, en revanche, à plusieurs aspects sur lesquels nous pensons que le compte n’y est pas tout à fait et qui appellent une réflexion plus approfondie.

Mon propos portera tout d’abord sur la péréquation, et plus particulièrement sur la péréquation horizontale, c’est-à-dire entre collectivités.

Pour la première fois de l’histoire parlementaire et de la fiscalité moderne, notre rapport ose faire passer la péréquation du statut de notion intellectuelle et conceptuelle à une réalité mathématique pouvant faire l’objet d’une déclinaison pratique, d’ailleurs appliquée par nos voisins allemands.

Jusqu’alors, chacun s’accordait à dire qu’il s’agissait d’une nécessité mais pour laquelle il fallait surtout prendre le temps de la réflexion.

Nous avons proposé deux systèmes cohérents susceptibles de constituer une base sérieuse de discussion. Nous n’avons pas envisagé une application immédiate, mais seulement la fixation de principes et de mécanismes, ainsi que leur développement en 2011, dans le cadre d’une deuxième « revoyure » et de la loi de finances suivante, une fois les chiffres de la réforme connus et sécurisés.

Je rappelle, à cet égard, que notre rapport prévoit le remplacement de la péréquation des départements et des régions, telle que nous l’avons votée l’an passé et dont les critères nous sont apparus inopérants, par une péréquation basée sur un prélèvement de 50 % de la croissance, répartie en fonction de critères fiscaux et de charges, dont nous avons listé les caractéristiques pour les rendre plus efficaces, et cela indépendamment des nouveaux financements à venir pour la dépendance.

Madame le ministre, vous nous avez orientés dans cette voie, ainsi que vers le partage des droits de mutations à titre onéreux, les DMTO, cher à notre collègue député Marc Laffineur, et dont le rapporteur général vient de dire tout le bien qu’il pensait.

Pour le bloc communal, nous proposons de maintenir durant un an les fonds départementaux de la taxe professionnelle et le Fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France, le FSRIF. Nous profitons de l’occasion pour fixer les principes d’une péréquation susceptible d’intervenir dès 2012, sur la base de la constitution de deux fonds qui prélèveront, au niveau national comme au niveau régional, le flux dépassant un certain seuil de richesse.

Cela implique d’établir un nouveau potentiel fiscal et de tenir compte de l’ensemble de la richesse, et non plus de la simple richesse économique, puisque les paramètres ont changé. Il faudra aussi, bien sûr, territorialiser la décentralisation, comme vous le suggérez, monsieur Mézard.

J’appelle votre attention sur ce point, chers collègues : cette péréquation sera réalisée sur les seuls flux et non sur la totalité de l’existant. En outre, nous disposerons d’une année pour arrêter ce que nous conservons des fonds départementaux et du FSRIF afin, notamment, de ne pas pénaliser les départements qui ont effectué des choix courageux et qui bénéficient de légitimes retombées.

Par ailleurs, lorsque nous parlons de « péréquation au niveau régional », il ne s’agit pas de gouvernance, mais du niveau de partage. Autrement dit, la répartition n’est pas conférée aux régions, mais elle relève de critères établis par la loi ; je tenais à apporter ces précisions afin de dissiper certaines inquiétudes.

Si ces dispositions sont audacieuses dans le principe, avouez qu’elles ne constituent qu’un démarrage progressif de la future péréquation territoriale. Aussi, il me semble que le Sénat s’honorerait en dépassant, dans ce domaine, la simple incantation.

Nos collègues maires et présidents d’EPCI attendent que nous remplissions le rôle que nous a confié la Constitution au regard des collectivités locales. Ils savent que le Parlement a refusé la péréquation géographique totale, initialement proposée par le Gouvernement. Je vous rappelle, à cet égard, madame Bricq, que, en commission mixte paritaire, ce sont les représentants de la gauche du Sénat qui ont fait basculer la décision dans ce sens...

La quasi-totalité des maires de France, dont beaucoup de nos collègues des zones urbaines défavorisées, ne peuvent se satisfaire d’un statu quo dans ce domaine.

Nous sommes actuellement sur les bases d’une croissance relativement faible, ce qui rendra moins sensible l’amorce de la mise en œuvre du système. Nous sommes aussi à un moment charnière où tout est possible.

Il faut donner un signe à cette France qui est située en dehors des courants d’échanges économiques pour de multiples raisons, et pas seulement parce qu’elle ne disposait pas d’élus capables de les attirer. Elle ne peut se satisfaire de la promesse d’un Grand Soir à venir, qui rassemblera péréquation horizontale et péréquation verticale dans un même mouvement, et où une générosité nouvelle viendra changer son sort.

Je crois, au contraire, que la mise en œuvre de la péréquation horizontale, qui représente une très faible part comparativement à la péréquation verticale, doit justement être annoncée dans cette loi de finances en termes suffisamment précis pour baliser le chemin d’un véritable changement.

Le temps m’étant compté, je n’irai pas plus loin, mais nous reviendrons, chaque fois que possible, pour incliner les textes dans ce sens. Je ne doute pas que le Sénat saura nous entendre.

Je terminerai par deux sujets annexes, mais d’importance pour les élus de terrain.

D’une part, nous avions signalé la problématique des abattements sur la taxe d’habitation, et vous nous avez entendus, madame le ministre, en accordant un délai supplémentaire d’un mois pour la prise de décision. C’est bien, mais ce n’est pas suffisant.

Il faut trouver des solutions aux problèmes rencontrés. En effet, les collectivités doivent choisir, lorsqu’un département a été trop généreux en pratiquant de larges abattements entre conserver leur produit et pénaliser le contribuable ou satisfaire le contribuable au détriment de leur budget.

Je vous propose, à cet égard, de compléter cette alternative en leur offrant la possibilité, à l’occasion de cette année de transfert, de jouer librement sur le facteur taux, à condition de conserver le produit attendu. Cette dérogation permettrait de déterminer les abattements optimaux, en lissant en partie l’effet vis-à-vis des budgets et des contribuables. Ce n’est pas parfait, mais cela ajoute une solution et, en outre, disculpera pour partie l’État concernant certaines options maximalistes qui ne manqueront pas de lui être imputées.

Il serait important que vous puissiez expertiser et valider cette idée avant la fin du mois d’octobre, de manière à laisser une plus grande latitude aux collectivités en temps opportun. Nous pourrions ainsi en voter l’aménagement en loi de finances.

D’autre part, je reviendrai sur la question de l’éolien. J’avais attiré votre attention sur la nécessité de respecter le pacte conclu avec les communes qui avaient fait le pari de l’éolien. Le nouveau dispositif réduit de deux tiers les rentrées attendues, et cette fois sans aucune contrepartie de garantie, alors que les choix effectués ont des impacts paysagers importants. Il s’applique de plus de manière inéquitable puisque sa mise en œuvre dépend du degré d’instruction du dossier au moment de la promulgation de la loi.

Nous sommes face à une rétroactivité fiscale insoutenable, qui remet en cause la parole même de l’État.

Notre rapport préconisait d’augmenter significativement le tarif de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER, en la faisant passer à 6 euros, et d’en affecter totalement le produit au bloc communal sans partage avec les départements qui ne se sont pas engagés politiquement dans ces choix. Les départements percevraient, bien sûr, une légitime compensation. Cette solution est la seule qui soit de nature à satisfaire le bloc communal et vos engagements.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cela dépend des départements !

M. Charles Guené. Nous souhaiterions que vous vous y rangiez, madame le ministre.

La solution consistant à se référer à la date d’urbanisme est inégalitaire et condamnerait la filière. Si nous voulons conserver la position actuelle au profit des départements en la figeant, je vous rappelle que le tarif devrait atteindre au moins 9 euros. Là aussi, nous comptons sur vous et sur le Parlement.

Sous le bénéfice de ces réserves importantes, étant entendu que la péréquation doit absolument rester le point de mire du Sénat comme le nécessaire élément d’une solidarité nationale entre toutes les collectivités de France – comme une marque de fabrique, dirai-je – et de ces quelques considérations techniques apparemment secondaires – mais que les 36 000 communes et les 3 000 communautés surveillent comme le lait sur le feu –, je reconnais les modifications substantielles et les orientations intéressantes que le Gouvernement a apportées dans cette clause de revoyure.

Tous les parlementaires de bonne foi peuvent s’en féliciter. Mais je demande instamment à mes collègues de considérer qu’il s’agit d’une plateforme de base, qui attend nos améliorations puisque, pour l’essentiel, elles n’auront pas d’incidence sur le budget de l’État.

Nous serons comptables devant les collectivités de notre pays, qui attendent de nos travaux lisibilité et solidarité, à travers une péréquation nouvelle enfin engagée. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.

M. Jean-Jacques Lozach. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les questions relatives aux ressources et aux charges des collectivités locales sont, par essence, au cœur des préoccupations du Sénat.

Le rapport d’information sénatorial élaboré au printemps 2009 au nom de la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales mettait en avant la nécessité de passer à l’acte pour favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales et améliorer la péréquation, tant verticale – par un renforcement des dotations péréquatrices de l’État – qu’horizontale – avec une péréquation forte et mieux ciblée –, permettant non seulement d’éviter le creusement des inégalités, mais surtout de corriger les déséquilibres entre les territoires.

Nous connaissons tous les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle sur les finances locales : amputation des recettes et diminution subséquente des services publics locaux.

À l’évidence, les engagements du Gouvernement n’ont pas été tenus : la clause de revoyure prévue par l’article 76 de la loi de finances pour 2010 a été ignorée. Le débat d’aujourd’hui apparaît comme une maigre concession à la mise en œuvre de cette clause de rendez-vous avortée.

Le rapport sur les conséquences de la réforme de la taxe professionnelle sur les collectivités territoriales, remis par M. Charles Guené et M. Marc Laffineur, le 30 juin dernier au Premier ministre, relève que la suppression de la taxe professionnelle allège la charge fiscale des entreprises. Mais quid du lien entre l’impact sur les finances publiques et l’efficacité économique ?

En outre, cette mission parlementaire note que les mécanismes de péréquation mis en place dans le cadre de la suppression de la taxe sont fort insuffisants. Ils ne permettent pas une réduction des inégalités. Ainsi l’inefficacité se marie-t-elle à l’injustice !

Les disparités de richesse et les inégalités de ressources nécessitent des mesures vigoureuses et pérennes, ainsi qu’une péréquation dynamique et aussi lisible que possible, tous les rapports le reconnaissent.

Le potentiel fiscal par habitant varie du simple au double entre les régions et du simple au quadruple entre les départements. Il est ainsi de 232 euros par habitant pour le département de la Creuse et de 991 euros par habitant pour celui des Hauts-de-Seine ! Entre communes, les écarts sont également considérables.

S’agissant des régions et des départements, le rapport préconise de fusionner les différents mécanismes de péréquation instaurés dans le cadre de la loi de finances pour 2010 et de redéfinir la notion de potentiel fiscal. Il propose la mise en place d’un fonds national et de fonds régionaux de péréquation pour le bloc communal. Jusqu’à présent, le Gouvernement a poliment fait part de son intérêt vis-à-vis de ces idées, tout en nous renvoyant aux résultats des arbitrages de préparation du projet de loi de finances pour 2011 !

Le 28 juillet, le Conseil des ministres s’est livré à un exercice de communication autosatisfaite au sujet de la réforme de la taxe professionnelle, les ministres enchérissant sur sa réussite : vous-même, madame la ministre, vous êtes félicitée de ce que les objectifs aient été atteints « sans pour autant peser sur les finances locales », tandis que M. Marleix affirmait que le « dynamisme des nouvelles ressources fiscales issues de la réforme » améliorerait les ressources de collectivités locales…

Ce refus d’assumer les conséquences des choix nationaux sur la gestion des collectivités locales est de nature à inquiéter sérieusement celles et ceux qui, au quotidien, gèrent lesdites collectivités !

Voilà un dossier majeur sur lequel les élus ont été grossièrement, mais méthodiquement circonvenus.

Concernant l’épine de l’implosion des finances locales et des inégalités de richesses, la devise du Gouvernement pourrait être, en inversant la célèbre formule attribuée à Gambetta : « En parler toujours, n’y penser jamais ! » Et, après votre intervention, madame la ministre, j’ajouterai : « Agir à doses homéopathiques ! » (M. François Marc acquiesce.)

En effet, au cours de ces dernières décennies, combien de colloques sur l’aménagement du territoire ont préconisé un renforcement de la péréquation ? Combien d’expertises, à l’image des rapports sénatoriaux de MM. Jean François-Poncet Claude Belot de 2003 et 2004 sur les péréquations interdépartementale et interrégionale, ont prôné une action déterminée et ciblée, afin de rendre attractif l’ensemble de l’espace national ?

Il y va de l’égalité des chances des collectivités et des territoires face au défi du développement et du progrès pour tous !

La Constitution précise : « La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales. » Donnons donc consistance à cet article 72-2, en mettant dès à présent en place, comme le proposent le Conseil des prélèvements obligatoires et le Conseil national des villes, un objectif chiffré annuel de réduction des inégalités entre collectivités et en créant un observatoire national des inégalités territoriales.

Le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision du 29 décembre 2009 sur la loi de finances pour 2010, que la péréquation « peut corriger non seulement les inégalités affectant les ressources, mais également les inégalités relatives aux charges ; qu’elle peut également être mise en œuvre par une dotation de l’État ou grâce à un fonds alimenté par des ressources des collectivités territoriales ».

Il est urgent de développer les mécanismes d’aides aux communes et aux départements pauvres, de remettre à plat l’ensemble des concours de l’État afin de mettre en place une nouvelle combinaison des péréquations.

L’État doit y consacrer des ressources substantielles et accompagner une nouvelle étape de la décentralisation, jouer son rôle de stratège dans les investissements d’avenir, assurer sa mission de cohésion et de solidarité sociale et territoriale.

Sur ce plan, vos propos ne m’ont guère rassuré, madame la ministre : vous parlez de première application pour 2013 ou d’évaluation d’objectifs recherchés à compter de 2015 !

Quant à la « large concertation » que vous avez évoquée, elle relève d’une appréciation qui ne me semble guère partagée par les associations nationales d’élus à en juger par les déclarations de leurs principaux responsables.

M. François Marc. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Lozach. Oui, les défis sont immenses. Mais, dans l’immédiat, il y a une urgence : l’État doit rembourser ses dettes !

Par exemple, la charge résiduelle du financement des prestations sociales universelles – allocation personnalisée d’autonomie, revenu de solidarité active, prestation de compensation du handicap – que les conseils généraux mettent en œuvre au nom de la solidarité nationale s’élève aujourd’hui, pour l’ensemble d’entre eux, à 14 milliards d’euros. Pour un département comme le mien, cette charge représente un tiers de son budget annuel. Sur ce point, mon propos rejoint celui du rapporteur général.

Dès à présent, les collectivités territoriales connaissent les pires difficultés pour maintenir un niveau d’investissement nécessaire à l’équipement de la nation. Cette situation de grande tension financière ne peut être traitée uniquement par une péréquation à caractère financier. Le principe de rééquilibrage doit également s’appliquer dans les schémas nationaux d’infrastructures et de services à la population.

Mme la présidente. Veuillez conclure.

M. Jean-Jacques Lozach. En un mot, il faut corriger au plus vite une impression néfaste de « laisser-faire, laisser-aller » et répondre au sentiment d’abandon éprouvé dans beaucoup de quartiers urbains défavorisés et d’espaces ruraux en voie de dévitalisation. Nos concitoyens, l’ensemble des élus locaux attendent des actes, et non plus des discours purement incantatoires ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si la suppression de la taxe professionnelle pouvait vraiment faire progresser la péréquation, ce serait déjà une avancée positive.

La difficulté de l’exercice est d’autant plus grande que celui-ci intervient au plus mauvais moment, alors que nous subissons une crise financière et que nous tentons de résorber le déficit de l’État avec, dans le meilleur des cas, une stagnation du concours apporté par ce dernier aux collectivités.

La dotation globale de fonctionnement est construite sur un modèle économique assis sur la croissance. Elle est donc contrainte dès que les conditions économiques se dégradent.

D’un tel environnement découleront inéluctablement soit des « mesurettes » destinées à habiller les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle, soit des transferts de ressources entre collectivités par péréquation horizontale et, donc, une diminution des marges de manœuvre des collectivités les plus riches. Voilà un parcours qui ne manquera pas d’être semé d’obstacles par les plus puissants ! Les évolutions manquées de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, au cours des dernières années en furent déjà l’illustration.

Faire référence à la DSU, l’une des composantes de la DGF, me permet de rappeler que des dispositifs de péréquation existent déjà. La DGF en est l’exemple le plus significatif. Son montant est passé de 19 milliards d’euros à 41 milliards d’euros entre 2003 et 2010. Il me semble donc malvenu de prétendre, comme on l’entend constamment, qu’aucun effort n’est réalisé à ce niveau. Celui-ci reste néanmoins modeste, puisque les dotations de péréquation incluses dans la DGF ne représentaient que quelque 3 % des ressources des collectivités locales en 2009.

Ces dispositifs ont incontestablement eu un effet positif. Mais ils sont caractérisés par une complexité qui les rend strictement illisibles pour l’immense majorité de nos concitoyens, voire pour de nombreux élus locaux. Expliquer dans des réunions publiques le coefficient d’intégration fiscale est un exercice, madame la ministre, qui exige que la pédagogie se hisse au niveau d’un art.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jacques Mézard. Cela étant dit, à l’horizon de 2011, était prévue une péréquation à l’échelon régional et départemental de la CVAE, péréquation complétée, pour les départements, par un système fondé sur l’écart du potentiel fiscal entre départements et régions alimenté par une partie de la dynamique de croissance de la CVAE. À cela s’ajoute un fonds départemental de péréquation des droits de mutation, qui permettra de tester la volonté des plus riches de donner plus à ceux qui ont moins. Or sur ce point, madame la ministre, je ne suis pas tout à fait certain que vous nous ayez rassurés tout à l’heure.

M. Jacques Mézard. En cet instant, je tiens à rappeler que les analyses de notre ancien collègue Yves Fréville laissent à penser que la création de la CVAE pourrait aggraver les inégalités, en particulier entre collectivités de même niveau.

En supprimant la taxe professionnelle, le Gouvernement a tiré un fil et ainsi détricote la fiscalité locale ; il en résulte des conséquences en chaîne qui n’avaient pas été anticipées, ce qui explique le report de la clause de revoyure, le casse-tête, pour nombre de collectivités, du problème des abattements et l’incertitude pour chacune des recettes des prochaines années. Si la finalité était de forcer les collectivités à appuyer sur le frein, elle est atteinte. Mais lorsqu’on laisse le pied sur le frein, mes chers collègues, le véhicule s’arrête !

En réalité, tout le système de la fiscalité locale doit être revu. Il est devenu d’une complexité et d’une injustice inacceptable, et sa seule révision par la suppression de la taxe professionnelle et par la refonte de la péréquation ne réglera pas les problèmes de fond, qui ont abouti à un accroissement des déséquilibres entre les territoires et à des iniquités entre les citoyens à l’échelon national, mais aussi très localement.

Il n’est plus tolérable qu’un habitant d’une ville moyenne, à capital égal, paie cinq à dix fois plus d’impôt local – l’écart est parfois plus important – qu’un habitant de Paris ou d’une commune de sa périphérie, par exemple, Neuilly ! Il n’est plus tolérable que le poids du logement social aggrave de plus en plus les déséquilibres !

M. Roland Courteau. C’est sûr !

M. Jacques Mézard. La réforme de la fiscalité locale constitue pour nous une urgence, une priorité. Lorsque la volonté politique donne la possibilité d’imposer la suppression de la taxe professionnelle, elle doit permettre d’exiger la révision des bases – ce problème est devenu une maladie endémique de la fiscalité locale, faute de courage politique – et d’aller vers l’adoption d’un système déclaratif, au moins partiellement. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)

La politique actuelle de péréquation s’est construite au fil des ans, essentiellement sur la base d’accroissements de dotations et de produits fiscaux, accompagnés d’une accumulation de mécanismes compliqués et disparates. Elle a besoin d’une révision complète, en harmonie avec celle des bases, pour éviter les chocs brutaux. Cette réforme ne peut aller de pair qu’avec un lissage sur plusieurs années, comme nombre d’établissements publics de coopération intercommunale l’ont fait lors du passage à la taxe professionnelle unique, la TPU.

Ce que nous souhaitons, madame la ministre, c’est une réforme rapide, courageuse et du temps pour l’appliquer sérieusement ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Chatillon.

M. Alain Chatillon. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, Charles Guené vient fort justement d’évoquer le nécessaire renforcement de la péréquation. Il s’agit là de l’une des principales propositions du rapport de mission que nous avons présenté ensemble, avec François-Noël Buffet et trois députés.

En tant que parlementaire en mission, mais également à titre personnel, j’insisterai sur trois points essentiels.

Le premier concerne la sincérité des simulations transmises par le Gouvernement au Parlement.

Sans revenir sur le retard – regrettable – de la publication de ces simulations, je rappelle avoir souligné, le 28 juin dernier, lors de l’examen de la proposition de résolution, que certaines projections contenues dans le rapport Durieux ne pouvaient être considérées comme fiables, parce que trop lointaines.

Ces simulations reposaient notamment sur des hypothèses de croissance établies à 1,4 % en 2010 et 2,5 % en 2011 et en 2012. Il est évident qu’elles doivent être ajustées aux nouvelles prévisions de croissance.

Il faudrait également prendre en compte la valeur ajoutée effectivement déclarée par les entreprises, et non de simples hypothèses.

Ce n’est pas seulement une question de sincérité. Il s’agit aussi de transparence et de respect à l’égard du Parlement, ainsi que d’un facteur de lisibilité et de confiance pour les élus locaux, qui ont besoin d’une vision à moyen terme de leurs ressources pour pouvoir engager et piloter leurs investissements.

Vous venez de nous apporter des précisions à ce sujet, madame le ministre, et je vous en remercie.

Le deuxième point a trait au développement économique des collectivités territoriales qui ne doit pas être pénalisé par la réforme. Au contraire, il doit être récompensé, encouragé et valorisé.

Certaines communes et intercommunalités ont fait des efforts considérables pour renforcer leur tissu économique, en particulier leur tissu industriel, au prix de sacrifices dans d’autres domaines. Elles peuvent avoir l’impression d’être lésées par les nouveaux calculs.

Il faut vraiment répondre à leurs préoccupations, de manière concrète, sinon nous risquons de décourager les élus locaux qui investissent depuis des années dans le développement économique.

Dans notre rapport de mission, mes collègues et moi-même avons souligné la nécessité de définir un niveau optimal de péréquation qui ne prive pas les collectivités les plus dynamiques du fruit de leurs efforts.

Nous avons aussi estimé que le lien entre l’entreprise et le territoire doit être renforcé pour mieux tenir compte des installations industrielles qui seront implantées postérieurement à la réforme.

Dans le dispositif adopté dans le cadre de la loi de finances pour 2010, la répartition de la CVAE est effectuée à partir des effectifs employés dans chaque commune. Or ce critère nous est paru trop global pour assurer une prise en compte suffisante des charges supportées par les collectivités locales.

Nous avons donc envisagé deux types de correctifs.

Le premier consiste à accroître la prise en compte des emplois, en renforçant encore la pondération prévue au bénéfice des collectivités locales qui accueillent les installations les plus contraignantes pour l’environnement.

Le second revient à compléter le critère des effectifs par celui des valeurs locatives dans tous les cas où celles-ci sont déterminées à partir d’une base comptable.

Je pense que nous pouvons aller beaucoup plus loin dans ce domaine, ce qui m’amène à aborder le troisième point que je voulais évoquer, à savoir la revalorisation des bases de la taxe foncière sur le bâti industriel.

L’adaptation de la fiscalité locale aux enjeux d’aujourd’hui ne se réduit pas à la suppression de la taxe professionnelle ainsi qu’à la création de la contribution économique territoriale et de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux.

Nous pourrions très bien, en 2011, augmenter légèrement les bases de la taxe foncière sur le bâti industriel, qui, je vous le rappelle, n’a pas évolué depuis 1970, soit depuis quarante ans ! Je suis persuadé qu’une hausse assez sensible de ces bases ne poserait pas de problèmes pour les entreprises et, en tout cas, apporterait une très grande sécurité aux collectivités territoriales.

Une telle mesure permettrait de donner un coup de pouce aux communes et aux intercommunalités dites « industrielles », sans remettre en cause l’équilibre général de la réforme, que je sais très délicat. Il serait souhaitable d’exploiter ce gisement et je voudrais connaître les intentions du Gouvernement sur ce point.

En conclusion, je rappelle que j’ai exprimé des réserves, au mois de juin dernier, sur le report à l’automne de la première clause de revoyure. Nous y sommes ! Je souhaite aujourd’hui que cette clause de revoyure en soit vraiment une. Elle doit déboucher sur des mesures concrètes, qui non seulement renforcent la péréquation, mais également récompensent et encouragent les collectivités locales œuvrant au développement économique de leur territoire et donc à celui de la nation tout entière. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)