M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Mais si ! C’est sa fonction !

Par ailleurs, le Gouvernement est l’expression de l’actionnaire majoritaire d’EDF. Ce sont des points de vue et des préoccupations nécessairement un peu contradictoires. Les préoccupations de régulation générale peuvent ne pas recouper, à un moment donné, les préoccupations de l’actionnaire qui se trouve aussi, par ailleurs, être un actionnaire significatif du second énergéticien, GDF Suez.

Si le Gouvernement ne peut pas remplir ce rôle, c’est tout naturellement au régulateur que ce dernier incombe, c’est-à-dire à la Commission de régulation de l’énergie, la CRE. C’est dans cette logique que je demande avec constance, sans être pour le moment entendu par la commission et par le Gouvernement – mais peu importe, cela viendra un jour – que la CRE, comme d’autres régulateurs, bénéficie de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Cela me semblerait de nature à renforcer sa position et à améliorer encore la perception de son impartialité, notamment du point de vue des autorités communautaires.

M. Jean-Jacques Mirassou. Ça, c’est vrai !

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, je suis heureux d’apporter, au nom de la commission des finances, mon soutien total à la commission de l’économie et au travail très impressionnant qu’elle a réalisé. (M. Roland Courteau s’exclame.)

Je dirai à présent quelques mots sur l’article 12 du projet de loi, puisque c’était l’objet de la saisine plus particulière de la commission des finances. Nous devons cet article à l’initiative toujours fertile et utile de notre collègue député de la Marne, Charles de Courson ; il s’agit en effet d’une réforme d’importance pour les collectivités territoriales car les taxes locales sur l’électricité représentent un produit de l’ordre de 1,4 milliard d’euros pour les communes, les groupements de communes, les syndicats intercommunaux exerçant la compétence d’autorité organisatrice de la distribution d’électricité et les départements.

Là encore, il s’agit de se mettre en conformité avec le droit communautaire, à savoir une directive de 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité.

Notre régime en vigueur contrevient à plusieurs principes figurant dans cette directive. En particulier, les taxes visées par le texte doivent être assises sur des quantités et non sur le prix de l’électricité consommée ; en outre, elles ne doivent pas présenter de caractère optionnel. Nous sommes déjà très en retard et la Commission a adressé à la France le 18 mars dernier un avis motivé, ce qui est l’ultime étape avant la saisine de la Cour de justice de l’Union européenne. (M. Roland Courteau s’exclame de nouveau.)

Il nous est donc proposé ici de transformer les taxes locales en accises, dont les fournisseurs d’électricité seraient les redevables. Ces accises auraient deux tarifs et il appartiendrait ensuite aux collectivités bénéficiaires d’appliquer un coefficient multiplicateur.

Pour 2011, une traduction automatique des taux actuellement pratiqués par les collectivités territoriales bénéficiaires serait effectuée. Même s’il est difficile de comparer de manière rigoureuse les assiettes, il nous a semblé que les nouveaux tarifs retenus correspondent à une bonne sauvegarde des recettes des collectivités territoriales dont il s’agit et même à une légère majoration du rendement actuel des taxes locales sur l’électricité.

Comme actuellement, les syndicats intercommunaux – ou, le cas échéant, les départements – exerçant la compétence d’autorité organisatrice de distribution d’électricité pourront se substituer aux communes pour encaisser la taxe, cette substitution étant de droit pour les communes de moins de 2 000 habitants relevant d’un tel syndicat.

Pour compléter le dispositif, il est prévu, au profit de l’État, une taxe intérieure sur les consommations finales d’électricité – nous n’avons pas le choix au plan du droit communautaire, mais c’est finalement une bonne opportunité –, qui sera perçue par la direction générale des douanes et des droits indirects ; elle s’appliquera aux consommations des clients dont la puissance souscrite dépassera 250 kVA. Ces entreprises n’entrent pas dans le champ des taxes locales sur l’électricité ; or la directive, dont je vous disais qu’elle n’autorise plus de système optionnel, impose de taxer tout le monde.

Monsieur le ministre d’État, c’est une œuvre utile que vous faites pour le budget de l’État puisque cela représentera 75 millions d'euros en année pleine. Ce n’est pas un montant considérable, mais cela mérite d’être salué.

En conclusion, la réforme des taxes locales sur l’électricité a beaucoup évolué, et dans le bon sens, depuis que le Gouvernement a essayé de l’insérer dans le collectif budgétaire de la fin de l’année 2008. À ce moment-là, nous n’avions pas pu soutenir le Gouvernement dans son initiative, car il s’agissait d’imposer un taux unique sur l’ensemble du pays, censé rendre « en moyenne » aux collectivités le produit qu’elles collectaient.

Dans le nouveau schéma, l’autonomie fiscale des collectivités territoriales est totalement respectée puisque lesdites collectivités garderont la maîtrise de leurs recettes et devraient presque toutes retrouver leur produit actuel, beaucoup pouvant même escompter un produit supérieur.

Il vous est donc proposé, mes chers collègues, d’adopter cet article, au prix de quelques améliorations que je présenterai le moment venu.

Nous avons souhaité étudier de près cet article 12 dans le contexte actuel des finances locales, contexte que nous avons évoqué depuis le début de l’après-midi et qui conduit naturellement à ne négliger aucune espèce de recette, dans la mesure où elle est nécessaire à la poursuite de nos activités d’intérêt général. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans une discussion générale, il est normal de rappeler les principes auxquels nous sommes attachés.

S’il est en effet un domaine dans lequel la France peut être fière de la politique menée par deux républiques successives, c’est bien la production et la distribution d’électricité. Si aujourd'hui la France est mise en demeure par l’Europe, c’est qu’elle a résisté, à juste titre, mais la résistance à certains choix européens est à géométrie variable selon les dossiers.

M. Martial Bourquin. Très bien !

M. Jacques Mézard. Le préambule de la constitution de 1946 disposait : « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».

Le 8 avril 1946, c’était la loi de nationalisation de 1 450 entreprises qui donna naissance à EDF, établissement public à caractère industriel et commercial, devenu un fleuron de notre économie et de notre pays.

M. Roland Courteau. C’est bien de le rappeler !

M. Jacques Mézard. De l’hydroélectricité avec le barrage de Tignes en 1952 jusqu’au lancement en 1963 de la centrale de Chinon, puis l’aventure réussie de la filière nucléaire, toutes les politiques furent assumées et partagées par la grande majorité des Français.

Nous disposons donc d’un appareil de production performant, exemplaire dans le monde, et d’une énergie électrique à un coût très raisonnable pour nos concitoyens.

Pourquoi remettre en cause ce qui fonctionnait très bien, à la satisfaction générale ?

MM. Roland Courteau et Martial Bourquin. Très bien !

M. Jacques Mézard. Pour l’Europe, les entreprises d’État sont-elles un anachronisme, un frein au développement, alors qu’aujourd’hui même en Chine les sociétés sous contrôle de l’État – leur puissance, leurs bénéfices – sont le fer de lance, l’arme lourde de ce pays-continent en pleine expansion ?

M. Jacques Mézard. La construction européenne à laquelle notre groupe est très attaché se poursuit économiquement autour d’un dogme, d’une obnubilation : la concurrence partout, pour tout, quelles qu’en soient les conséquences.

Mme Mireille Schurch. C’est exact !

M. Roland Courteau. Effectivement !

M. Jacques Mézard. Au nom de ce dogme, fallait-il que la France fragilise l’un de ses plus beaux fleurons ?

M. Jacques Mézard. Fallait-il que le France admette un système qui, loin de préserver les tarifs raisonnables pour les consommateurs, augure pour l’avenir – et c’est un comble au nom de la concurrence – un renchérissement du coût de l’énergie électrique ?

M. Jacques Mézard. Certes, monsieur le secrétaire d’État, il faudra augmenter les tarifs, mais pour financer l’allongement de la durée de vie des centrales nucléaires et aussi, il faut le dire, pour alléger le poids du rachat de l’électricité solaire.

Nous ne doutons pas que le projet de loi que vous nous présentez et le travail réalisé par notre rapporteur, Ladislas Poniatowski, aient pour objet de limiter les conséquences néfastes pour notre filière nationale des directives européennes. Ce texte sera-t-il un rempart suffisant ? Malheureusement, rien n’est moins sûr.

Comment ne pas regretter l’incapacité de notre pays sous des gouvernements divers – et je ne me lancerai pas dans la polémique sur la responsabilité des uns et des autres – à peser davantage sur la rédaction des directives européennes qui, aujourd’hui, nous posent problème – celle du 19 décembre 1996, puis celle du 26 juin 2003 abrogeant la précédente et généralisant la concurrence dans le secteur privé ?

C’est sur ces bases que la Commission européenne conteste la compatibilité du fonctionnement actuel du marché français avec les deux procédures d’infraction, l’une pour défaut de transposition de la directive de 2003, et l’autre remettant en cause les tarifs réglementés vert et jaune ainsi que le tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché, avec, pour couronner le tout, la décision du 30 décembre 2006 du Conseil constitutionnel…

Le projet de loi vise manifestement à limiter les dégâts face aux foudres de Bruxelles. Nous le comprenons et nous ne doutons pas, monsieur le secrétaire d’État, de votre attachement à la préservation de la filière française de production et de distribution de l’électricité. De là à dire que nous approuvons ce qui se réalise, il y a un large pas, que ne franchira pas la grande majorité du groupe RDSE.

La nouvelle organisation du marché de l’électricité a notamment pour objet de réguler l’accès à la production nucléaire des fournisseurs actifs en France en mettant en place à titre transitoire un accès régulé et limité à l’électricité nucléaire historique, l’objectif étant de permettre aux concurrents d’EDF de disposer d’une production nucléaire compétitive et non d’augmenter les prix pour les consommateurs. Cela n’est-il pas très optimiste ? J’ai bien écouté M. le rapporteur pour avis, qui nous a fait part de ses inquiétudes.

Certes, le mécanisme de cession forcée du quart de la production aux concurrents devra assurer une juste rémunération à EDF. On va vers une régulation « en amont ».

L’article 4 du projet de loi prévoit que tous les fournisseurs alternatifs pourront concurrencer les tarifs réglementés d’EDF d’ici à cinq ans, mais au terme d’un mécanisme complexe dont on ne discerne pas clairement les véritables effets.

De la même manière, l’avenir est incertain en ce qui concerne l’évolution de la quantité d’électricité nucléaire à céder. Pour nous, il est primordial que, sur le sol national, l’investissement productif soit privilégié afin de sécuriser l’approvisionnement de la France. Et qui, mieux qu’EDF, peut le faire ? Placer entre les mains de multinationales étrangères la capacité de production énergétique de la France ne serait pas raisonnable. Nous nous inquiétons pour le service public et pour notre indépendance énergétique, comme nous nous inquiétons de la destruction des tarifs réglementés et des risques d’augmentation des coûts pour les usagers.

Je tirerai deux conclusions. La première est positive, mes chers collègues : manifestement, la grande majorité de cet hémicycle affirme son soutien à la filière nucléaire nationale,…

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Jacques Mézard. … comme en atteste d’ailleurs la motion tendant à opposer la question préalable de nos collègues socialistes. Nous nous en réjouissons.

La seconde est moins positive : ce débat montre une fois de plus que nos concitoyens ne peuvent avoir une bonne image de la construction européenne, le dédale réglementaire servant à enrober une approche qui se veut libérale. Pour notre part, nous considérons que libérer doit se conjuguer et se moduler, même si c’est difficile, avec des dispositifs de régulation. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Danglot.

M. Jean-Claude Danglot. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en 1946, Électricité de France et Gaz de France naissaient, « dressés comme des cathédrales ». Il s’agissait, en application des décisions du Conseil national de la Résistance,…

M. Jean-Claude Danglot. … de mettre sur pied deux grands ensembles industriels au service de la nation.

Cette victoire industrielle retentissante a rendu possible une autre victoire, celle du statut national qui s’est traduit pour les électriciens et les gaziers par une avancée sociale et démocratique en termes de garantie d’emploi, de rémunération et de retraite.

Aujourd’hui, le Gouvernement, que ce soit avec le projet de loi NOME ou le texte relatif aux retraites, revient sur ces décisions uniques qui ont marqué un tournant décisif pour notre pays.

Le projet de loi NOME, comme la privatisation de GDF et la logique libérale qui guide désormais la gestion des opérateurs historiques, pose la question de la dimension que l’on veut donner aux politiques industrielles, en particulier aux politiques énergétiques.

Il y a plus de soixante ans, Marcel Paul, ministre communiste, défendait la nationalisation d’EDF en expliquant qu’il fallait « créer les conditions d’un équipement énergétique du pays conforme aux besoins de la nation, adapté à ses besoins tant dans les domaines de l’industrie que dans celui des usages domestiques » et il clamait haut et fort devant l’Assemblée nationale constituante : « il s’agit d’un problème de vie pour le pays ».

Mes chers collègues, nous nous trouvons à un tournant crucial, et ce problème de vie se pose avec une urgence et une actualité édifiantes.

Comme hier, il s’agit de déterminer la politique énergétique de demain, de définir les nouveaux moyens de production, de garantir notre indépendance énergétique, la pérennité de nos installations et le droit d’accès à l’énergie. Mais il s’agit également de permettre à notre industrie d’exister et à nos bassins d’emploi, saignés à blanc par les logiques de marché, de survivre et de vivre.

Depuis l’an 2000, le secteur énergétique a été très gravement touché par l’introduction de la concurrence et de la déréglementation. Les conséquences ont été nombreuses : hausse des prix de l’énergie, comme en témoigne la mise en place du TARTAM, le tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché, pour les consommateurs non domestiques ; implantation anarchique des moyens de production ; absence de cohérence des investissements ; insuffisance des investissements sur les réseaux de transport et de distribution ; fermeture des moyens de production de proximité. Et c’est encore la concurrence qui a justifié le découpage des entreprises en filiales, la destruction des monopoles publics et la création d’oligopoles privés !

Face aux défis économiques et sociaux qu’il nous faut relever, le projet de loi NOME porte une atteinte sans précédente, inédite, tant dans la forme que sur le fond, à la production énergétique en s’attaquant à la production d’origine nucléaire et en détournant les atouts qu’elle présente.

Et cela dans quel but ? Sauver nos usines, aider nos concitoyens à supporter le coût des besoins énergétiques, financer la recherche fondamentale ? Évidemment, non ! Il s’agit, au nom de la concurrence, en raison de tarifs que le Gouvernement juge trop bas, de favoriser les opérateurs privés sur le marché français.

Avec ce projet de loi, monsieur le secrétaire d’État, vous renoncez au but unique qui devrait guider l’action de n’importe quel gouvernant : la satisfaction de l’intérêt général. Ce texte constitue non pas une politique industrielle, mais un simple accord commercial.

Ainsi, au nom de la concurrence libre et non faussée, on impose à EDF de vendre un quart de sa production d’énergie nucléaire. On lui impose les contrats, leur contenu, leur durée, les cocontractants, le prix.

Au nom de ce principe dicté par l’Europe, l’État va garantir aux opérateurs privés des profits, au seul bénéfice de leurs actionnaires. Le Gouvernement brade une part substantielle de la production des centrales nucléaires, lesquelles ont été construites grâce à des emprunts souscrits par EDF, garantis par l’État et remboursés par le produit de la vente de l’électricité.

Cette conception des missions de l’État et le détournement de ses outils industriels suffisent à eux seuls à rendre inacceptable le projet de loi qui nous est soumis.

Cependant, il me semble utile d’entrer dans le détail du dispositif pour montrer à quel point il serait irresponsable de s’engager dans une telle voie.

Le dispositif acté à l’article 1er, en sus du hold-up qu’il organise, présente l’inconvénient majeur d’être assez obscur.

D’une part, il est prévu que le volume global d’électricité de base pouvant être cédé ne peut excéder 100 térawattheures par an. Or M. Fillon, dans la lettre qu’il a adressée au commissaire européen Neelie Kroes en septembre 2009, parlait déjà de ce plafond, mais en le présentant comme un plancher. Il ajoutait : « Une clause de rendez-vous garantira en tout état de cause l’adaptation à la hausse du niveau du plafond si celui-ci est atteint de manière répétée ou bien si la concurrence se développait de manière déséquilibrée ». Peut-être, monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous donner des indications afin que nous puissions lire la loi à la lumière des arrangements passés avec la Commission ?

D’autre part, rien n’est inscrit précisément dans le projet de loi en ce qui concerne l’augmentation du plafond en raison des pertes de réseaux, qui seraient de 30 térawattheures selon le rapport. Il est renvoyé à un décret.

Ensuite, sur le prix de cession, le flou artistique règne. Nous avons entendu Henri Proglio dénoncer un « pillage » au-dessous de 42 euros le mégawattheure. M. Borloo, lui, se veut rassurant. Il s’est interrogé devant les députés : « Pourquoi donc êtes-vous angoissés à l’idée que c’est le Parlement de la France qui va décider de la composition du prix de l’énergie nucléaire ? » La réponse est pourtant limpide : en l’état actuel, la liste des éléments qui devraient être pris en compte est insuffisante et cela ne gêne pas la majorité parlementaire !

En outre, il est inscrit noir sur blanc que c’est la Commission de régulation de l’énergie qui propose le prix.

Enfin, le problème des conséquences de cette vente sur la hausse des tarifs reste entier.

La CRE l’a dit elle-même : si le prix de 42 euros le mégawattheure est retenu, cela représentera un coût « supérieur de 36 % au coût actuel de l’électricité de base d’origine nucléaire », qui est de 30,9 euros.

Selon l’autorité administrative indépendante, EDF va donc naturellement relever les tarifs bleus de 11,4 % une fois la réforme votée, puis de 3,5 % par an entre 2011 et 2025.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Jean-Claude Danglot. Il en sera de même pour les tarifs consentis aux entreprises. Cela étant dit, un prix inférieur mettrait EDF encore plus en péril. En bref, le dispositif est bancal et ne permet pas d’assurer des tarifs justes.

Dans ce contexte, si la disparition en 2015 des tarifs verts et jaunes pour les professionnels est actée dans le projet de loi, l’évolution des tarifs appliqués aux particuliers va sérieusement les dénaturer.

En bref, il ressort des articles 4 et 5 que le Gouvernement maintient sémantiquement les tarifs réglementés, mais qu’il n’assure plus leur réglementation.

M. Jean-Claude Danglot. Au-delà des tarifs, on constate une accélération du désengagement de l’État, qui se double d’ailleurs d’une externalisation des missions régaliennes attachées à la politique énergétique.

Le rôle accru de la Commission de régulation de l’énergie, qui est l’un des grands axes du texte, et la règle selon laquelle le silence du ministre vaut acceptation et son refus doit être motivé sont révélateurs de cette tendance.

M. Jean-Claude Danglot. La seule et unique préoccupation est d’aligner les tarifs de l’énergie vers le haut afin de favoriser les distributeurs privés.

À aucun moment il n’est question du financement des installations et des réseaux. À aucun moment il n’est prévu de solution sérieuse pour assurer le développement des moyens de production de demain, pour favoriser l’efficacité énergétique.

M. le rapporteur nous contredira certainement en brandissant l’article 2, censé assurer la sécurité d’approvisionnement et constituer la contrepartie du cadeau fait au privé.

Contrairement à l’article 1er, cet article n’est guère contraignant. Les fournisseurs d’électricité devraient disposer de capacités de production ou d’effacement, et ce dans un futur incertain puisque le délai de trois ans incompressible ne court qu’à partir de la publication du décret d’application.

De plus, il est aussitôt mentionné que ces capacités peuvent être directes ou indirectes, ce qui permet la création d’un marché d’échanges.

Si l’intention est louable, monsieur le rapporteur, il reste que, pour assurer la sécurité d’approvisionnement et développer une filière industrielle, il est nécessaire d’anticiper sur le développement des moyens de production, sur les infrastructures nécessaires et sur les compétences dans toutes les filières.

L’article 2 est loin du compte ! Cela n’est guère étonnant quand on sait que, depuis le début du processus de libéralisation des privatisations et d’éclatement du secteur énergétique, l’État ne s’est jamais préoccupé de mettre en cohérence les projets des différents groupes industriels intervenant dans le secteur.

D’ailleurs, l’anticipation n’est pas le fort du projet de loi. À ce titre, je voudrais revenir sur l’article 11 qui relègue la question du démantèlement des centrales. Cette décision est très grave. Cela montre que le Gouvernement est conscient qu’il porte un coup dur à EDF. Et le choix est fait de réaliser des économies sur les déchets nucléaires.

De plus – et là je ne parle pas du coût du démantèlement –, la loi NOME risque d’avoir des effets néfastes sur les capacités à investir dans le prolongement de la durée de vie des réacteurs. Après accord de l’Autorité de sûreté nucléaire, il faudrait 600 millions d’euros par tranche, soit 35 milliards s’ajoutant aux investissements liés à la production, mais aussi à toute la chaîne qui va de la production au consommateur.

Enfin, sur la question du nucléaire, il est urgent que l’entreprise publique revienne sur sa décision d’externaliser ses activités de maintenance, cela afin de répondre aux enjeux de sûreté et de garanties sociales de haut niveau pour l’ensemble des salariés travaillant sur le parc nucléaire. Il est important de protéger et de former correctement les salariés du secteur. À ce titre, nous avions demandé que, en conformité avec les engagements que le Gouvernement avait pris en 2004, le statut défini à l’article 47 de la loi de 1946 puisse s’appliquer à tous les « commercialisateurs » d’électricité sans dérogations, ce qui n’est pas acté par l’article 14 du projet de loi.

En ce qui concerne l’article 12, il vise à imposer aux usagers une taxation complémentaire obligatoire au seul motif de l’harmonisation européenne. Notons que, accessoirement, cette petite mesure permettrait à l’État de dégager des recettes complémentaires de TVA.

Au milieu de tout cela, quelques mesures pourraient être sauvées si elles n’étaient pas neutralisées par le dispositif d’ensemble. L’article 1er bis, relatif au fonds de solidarité pour le logement, n’apporte rien de nouveau et, surtout, ne règle nullement les problèmes d’accès à ce fonds et de financement – notamment avec les conséquences financières de la réforme des collectivités territoriales.

L’extension de la contractualisation de capacités d’effacement aux consommateurs raccordés aux réseaux de distribution, prévue à l’article 2 bis, est une pierre au milieu du désert alors qu’il faudrait bâtir une forteresse.

Je tiens à rappeler que l’information du distributeur n’avait même pas été envisagée. C’est dire les cloisonnements existants pour le Gouvernement entre les éléments de l’ancienne entreprise intégrée.

L’article 9 et l’article 9 bis nouveau, qui étend le champ des compétences du médiateur national de l’énergie, ne sont pas négatifs. Cependant, en l’état actuel de la législation et au regard des pratiques abusives de certains opérateurs, on le sait, la protection du consommateur n’est pas encore suffisante. Je prends comme exemple les démarchages abusifs à domicile de commerciaux d’opérateurs privés, qui se faisaient passer pour de faux agents d’EDF, dont ont été victimes des personnes dans ma région.

En définitive, seul l’article 10, qui supprime l’habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnances les directives relatives au marché intérieur de l’énergie, peut trouver grâce à nos yeux.

Mes chers collègues, les sénateurs du groupe communiste, républicain, citoyen et du parti de gauche condamnent fermement le projet de loi de nouvelle organisation du marché de l’électricité. Ils s’opposent au projet futur envisagé de privatisation de centrales nucléaires. Ils constatent que le Gouvernement n’est pas en capacité de mettre en œuvre une politique industrielle qui, au nom de l’intérêt général, assure les moyens de production au niveau des besoins de la population entière et de notre industrie.

En conclusion, je m’adresserai plus particulièrement à M. Marini, qui a beaucoup insisté sur l’Europe : quand cela vous intéresse, vous savez tenir tête à l’Europe, et même détourner la loi communautaire, et disant cela, je pense notamment aux Roms. Et, quand notre peuple se prononce clairement – il ne faut tout de même pas l’oublier – par référendum contre cette Europe libérale, là aussi, vous savez détourner la souveraineté nationale. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Organisation des débats