Mme Annie David. Vous le citiez moins quand il était Premier président de la Cour des comptes !

M. Gérard Longuet. À la tribune de l’Assemblée nationale, il déclarait : « S’agissant de la retraite à 60 ans, j’ose dire que nous sommes probablement à la veille d’une des plus gigantesques mystifications sociales de ces dernières décennies. » (M. Daniel Dubois applaudit.) Plus intéressant encore, il citait un grand responsable socialiste, Robert Lion, à qui la gauche avait, à juste titre, confié à l’époque des responsabilités éminentes. Dès 1981, ce dernier affirmait : « La solution n’est pas de généraliser l’abaissement à 60 ans de l’âge de la retraite. Pour certains, une telle mesure pourrait être provisoire. Erreur, une telle mesure, sacralisant un seuil d’âge, serait l’image de l’irréversible. Au nom de l’avenir, il faut l’écarter. »

Sur cette question des retraites, toutefois, il serait faux de dire que la gauche n’a pas été lucide. Dès 1991, le Livre blanc voulu par Michel Rocard rappelait trois exigences auxquelles chacun d’entre nous peut souscrire, chers collègues, et qui constituent aujourd’hui le ressort de la démarche gouvernementale.

La première demande formulée par Michel Rocard était l’équité entre les générations, avec l’objectif de ne plus envoyer les factures aux générations à venir. La deuxième était l’équité au sein d’une même génération, notamment en fixant le principe d’un régime universel de solidarité – c’est précisément ce que nous anticipons et ce que nous préparons aujourd’hui. Enfin, la troisième exigence était, tout simplement, l’équilibre financier, afin de ne pas accumuler les déficits.

M. Roland Courteau. Vous en êtes loin avec cette réforme !

M. Gérard Longuet. Or la gauche n’a pas répondu à cet appel de Michel Rocard, bien qu’elle en ait mesuré la pertinence.

Le rapport Charpin confirmait cette absolue nécessité, mais vous n’en avez tiré aucune mesure. Il y eut ensuite le rapport Teulade, qui semblait montrer, dans un premier temps, le bon fonctionnement du système.

M. Guy Fischer. Son auteur est présent parmi nous !

M. Gérard Longuet. Ce rapport reposait sur l’hypothèse d’une croissance annuelle continue de 3,5 % jusqu’en 2040, alors que son auteur savait lui-même que c’était parfaitement impossible !

Aussi, je considère que la gauche n’a pas traité la question, si l’on excepte le petit héritage de 1999, avec la création du Conseil d’orientation des retraites, le COR, et du Fonds de réserve pour les retraites, le FRR. Cela me permet d’ailleurs de citer Mme Aubry, qui, en novembre 1999, lors de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, déclarait à l'Assemblée nationale que l’équilibre démographique devait figurer au cœur de la réflexion sur ce sujet. Elle n’en a toutefois tiré aucune conclusion pratique.

Certes, chers collègues de l’opposition, vous avez mis en place le COR, ce qui est tout à fait positif, mais encore eût-il fallu que vous acceptiez d’en suivre les conclusions ! (M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales et Mme Catherine Dumas applaudissent.)

Certes, vous avez créé le FRR, mais nous proposons aujourd’hui de lui donner sa véritable vocation, à savoir assurer la soudure entre les réalités d’aujourd’hui et le résultat des efforts que nous demandons à travers cette réforme et qui, demain, conduiront à l’équilibre !

M. Guy Fischer. Vous l’utilisez avec dix ans d’avance !

M. Gérard Longuet. S’il y a donc une force politique qui a répondu effectivement et avec réalisme à l’appel lancé par Michel Rocard en 1991, c’est bien la majorité à laquelle nous appartenons !

Dès lors, chers collègues socialistes, faites un petit effort pour revenir à davantage de réalisme ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Acceptez ces évidences que Martine Aubry, dans sa sagesse – il lui arrive de l’exprimer ! –, évoquait avec clarté, pas plus tard qu’en janvier dernier, quand elle affirmait qu’il fallait envisager de travailler au-delà de 60 ans.

Mme Bariza Khiari et M. David Assouline. Mais c’est déjà le cas !

M. Gérard Longuet. Comme j’aimerais vous convaincre de cheminer avec nous, chers collègues de l’opposition (Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.),…

M. David Assouline. Certainement pas !

M. Guy Fischer. Cela ne risque pas !

M. Gérard Longuet. … ou, à tout le moins, de reconnaître que ce diagnostic, présenté par le Gouvernement, partagé par M. le rapporteur, confirmé par les travaux de la commission, a éclairé vos réflexions par le passé.

Si d’aventure le suffrage universel vous donnait de nouveau des responsabilités,…

M. Jean-Louis Carrère. Ce ne serait pas une aventure !

M. Bertrand Auban. Cela ne saurait tarder ! (Sourires.)

M. Gérard Longuet. … vous seriez bien obligés d’en tenir compte.

Dès lors, ne paralysez pas une réforme dont vous savez au fond de vous-mêmes qu’elle est absolument nécessaire au pays ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

C’est en revanche l’honneur de cette majorité de reprendre un chemin qui a été jalonné par de véritables rendez-vous de courage. Que ce soit en juillet 1993, avec Michel Giraud, sous l’autorité d’Édouard Balladur, durant l’été 2003, avec François Fillon, sous l’autorité de Jean-Pierre Raffarin, ou, plus récemment, avec Xavier Bertrand, sous l’autorité de François Fillon,…

M. Roland Courteau. On voit où cela nous a menés !

M. Gérard Longuet. … nous avons répondu avec constance aux exigences d’adaptation d’un système de retraite par répartition. En effet, nous avons la volonté de sauver ce régime, qui ne supporterait en aucune façon le conservatisme excessif dont vous faites preuve en ce moment. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Roland Courteau. C’est plutôt vous, le conservateur !

M. Gérard Longuet. En revanche, à l’occasion de ce débat, le groupe UMP a la ferme intention de poser des questions sur notre société.

M. Bertrand Auban. Là, vous nous impressionnez ! (Sourires sur les mêmes travées.)

M. Gérard Longuet. Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, nous ne pouvons demander au régime des retraites de régler des problèmes de société qui se posent dans notre pays depuis plusieurs décennies.

Ce n’est pas parce que des gouvernements ont, par manque de courage ou de vision, créé des situations qui ne sont pas réglées à ce jour qu’il faut faire supporter au seul régime des retraites la solution de ces difficultés, dont les majorités successives partagent la responsabilité.

M. Roland Courteau. Mais depuis combien de temps êtes-vous au pouvoir ?

M. Gérard Longuet. Je prends l’exemple des pensions de retraite versées aux femmes. Notre pays accuse, il est vrai, un certain retard en la matière. Vous en connaissez aussi bien que moi les raisons, madame Dini.

Mme Michelle Demessine. Êtes-vous sûrs de n’avoir aucune responsabilité dans cette situation ?

M. Gérard Longuet. Relèvent-elles exclusivement de l’organisation des régimes de retraite ? Non, bien entendu ! C’est en amont, à travers la parité, le respect du travail féminin et l’organisation de la vie professionnelle et familiale des femmes qu’il convient d’apporter des solutions. Il serait injuste de méconnaître et d’oublier cette réalité.

De la même façon, M. le rapporteur nous a parfaitement démontré qu’en matière de pénibilité on ne pouvait pas demander au régime des retraites de régler des problèmes qui n’avaient pas été posés et traités suffisamment clairement antérieurement. (Mme Raymonde Le Texier s’exclame.)

M. Nicolas About. Très bien !

M. Gérard Longuet. Ce serait faire porter à un régime de retraite de solidarité par répartition la réponse à des questions qui se sont posées bien avant lui et indépendamment de lui.

De la même façon, le rapprochement entre la fonction publique et le régime général est une question de société qui mérite d’être posée. Les pensions, il est vrai, sont nées de la fonction publique, mais à une certaine époque, c’était sans doute le seul atout de la fonction publique. Le secteur privé offrait alors des salaires plus attractifs et les fonctionnaires se résignaient à un pouvoir d’achat plus modeste parce qu’ils avaient la sécurité de l’avenir.

Mme Michelle Demessine. Tout le monde gagnait moins !

M. Gérard Longuet. Aujourd’hui, ces problèmes de société méritent d’être pris en considération. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.) On ne peut pas demander de les régler dans le seul texte sur les retraites car ce sont d’abord et avant tout des problèmes collectifs, et non des problèmes de régime.

Mme Michelle Demessine. Circulez, il n’y a rien à voir !

M. Gérard Longuet. Monsieur le ministre, je voudrais poser un principe simple : ce débat sur les retraites est constant.

Aujourd’hui, vous proposez à notre pays de franchir une étape importante, décisive…

M. Gérard Longuet. … mais le besoin de rendez-vous sera constant car les problèmes de notre société posés en amont de la cessation d’activité ne pourront pas être réglés par la seule surcharge des régimes de retraite. Ce que nous ne réglons pas en amont, nous le retrouvons en aval et l’aval ne peut pas supporter les faiblesses de notre pays.

Mme Michelle Demessine. C’est bien l’amont qui crée l’aval pour les retraites !

M. Gérard Longuet. C’est la raison pour laquelle seule une vision globale de notre société permettra d’équilibrer durablement les régimes de retraite, et non pas la surcharge d’un système qui ne pourrait répondre de ce que nous n’aurions pas su faire pour les personnes âgées et pour les handicapés ou en ce qui concerne la pénibilité subie par les travailleurs,… (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme Michelle Demessine. Circulez, il n’y a rien à voir !

M. Gérard Longuet. … ou encore au profit d’un aspect qu’il ne faut pas négliger, la liberté individuelle dans la conduite de sa carrière, qui explique que certains se retrouvent, en effet, l’âge venu avec une retraite moins importante. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

M. Gérard Longuet. Cher collègue About, vous avez évoqué la réforme systémique. Aujourd’hui et à cet instant, elle n’est pas à l’ordre du jour. Mais vous avez raison de poser d’une façon claire le principe de l’exigence absolue de la réflexion systémique. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.)

La réflexion aujourd’hui est paramétrique, parce qu’il y a une urgence absolue. Cependant, la réflexion systémique est un devoir collectif car nous devons assurer sur le long terme un équilibre tenant compte de la diversité des modes de vie et du libre arbitrage de nos compatriotes, dès lors qu’ils ont été suffisamment informés en amont des risques pouvant les menacer l’âge venant. L’âge viendra, c’est une certitude, mais les plus jeunes l’oublient, c’est une évidence, et il vaut mieux y réfléchir plus tôt. Notre travail de parlementaire est de préparer des règles de long terme pour ceux qui, à juste titre, parce qu’ils ont l’appétit de vivre, ont d’abord et avant tout le souci de l’immédiat. (M. David Assouline s’exclame.)

Mes chers collègues, en conclusion et pour ne pas alourdir un débat qui durera plusieurs jours et sans doute plusieurs nuits et qui permettra à chacun d’aller au fond de ses convictions, j’évoquerai trois certitudes.

M. Roland Courteau. Que de certitudes !

M. Gérard Longuet. Nous avons besoin d’un véritable régime universel.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Bravo !

M. Gérard Longuet. Nous avons progressivement rapproché et aggloméré des systèmes nés dans le sens de la responsabilité, mais – pourquoi ne pas le dire ? – dans un certain isolement. Allons vers le plus d’universalité possible, vers une vraie répartition et non pas une fausse capitalisation. (M. Roland Courteau s’exclame.) C’est le système par points qui est une véritable répartition car c’est bien l’argent d’un instant qui revient sur la dépense d’un instant.

Or, nous sommes dans une équivoque française dont nous avons le secret, où nous voulons faire un régime par répartition dans la logique des droits, mais d’un système par capitalisation dans les revendications du passé de chacun. Il faut donc clarifier les choses, c’est une nécessité absolue. Ce débat le permettra et les rendez-vous que vous nous proposerez ultérieurement offriront la possibilité de l’approfondir.

J’évoquerai, ensuite, le rôle indispensable du sens de la responsabilité individuelle. Tout système collectif est bien venu, mais nous avons le devoir absolu de rappeler à nos compatriotes qu’ils sont aussi individuellement responsables de leur avenir. Et sans évoquer une quelconque guerre de régimes, je rappelle que la capitalisation, dans notre pays, représente 3 % des recettes des retraites au maximum. Nous avons le devoir d’éveiller chacun de nos compatriotes à une vérité simple : nous allons sans doute vieillir, c’est plutôt une divine providence, mais il faut en avoir la responsabilité collective – ce que nous faisons aujourd’hui – et individuelle profondément ancrée dans notre culture, car il vaut mieux réfléchir avant que de se retourner vers la collectivité et de lui demander de régler les problèmes que, en toute responsabilité, nous n’aurions pas su assumer comme citoyens.

La troisième certitude est que rien n’est possible demain si l’on ne construit pas l’équilibre aujourd’hui. (Très bien ! et applaudissements prolongés sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Je rappelle simplement que la commission des affaires sociales va se réunir immédiatement.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, personne ne peut nier la réalité des chiffres.

Si notre système actuel de retraite par répartition, contributif et solidaire, a pu assurer une protection aux pensionnés pendant soixante-cinq ans, l’évolution démographique et économique de notre société a créé un déséquilibre financier insoutenable. Face à un tel constat, je pense, comme mes collègues centristes, que réformer notre système de retraite est une absolue nécessité.

Les Français sont conscients de cette situation : ils savent que l’effort est incontournable, mais ils souhaitent un système juste et équitable.

Mme Catherine Morin-Desailly. Pour ce qui concerne les femmes, rien n’est moins sûr, hélas !

Je concentrerai mon propos sur cette question, consternée de voir que, malgré un constat répété depuis 2003 et de nombreux rapports, non seulement les écarts considérables persistent en matière de pensions entre les hommes et les femmes, mais ils risquent d’être aggravés si la présente loi est votée en l’état.

Je ne rappellerai pas les chiffres donnés tout à l'heure par notre collègue Jacqueline Panis, car ils parlent d’eux-mêmes.

Deux facteurs expliquent ces fortes disparités.

Le premier concerne les inégalités professionnelles et les discriminations que les femmes subissent en amont et tout au long de leur carrière, au rang desquelles les inégalités salariales qui leur sont très préjudiciables. En effet, c’est à partir de ce que les femmes auront touché durant leur vie professionnelle que se constituera leur retraite. Or, vous le savez, celles-ci touchent un revenu annuel moyen brut inférieur de 19 % à celui des hommes.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

Mme Catherine Morin-Desailly. Même celles qui n’ont pas interrompu leur carrière pour des raisons familiales sont moins bien rémunérées. Et la différence est encore plus marquée pour les femmes cadres, qui perçoivent, en moyenne, un revenu de 23 % inférieur à celui des hommes.

M. Roland Courteau. C’est également vrai !

Mme Catherine Morin-Desailly. Malgré nos tentatives de régulation, une salariée à temps complet gagne aujourd’hui moins que son homologue masculin !

Dès 2006, lors de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, notre groupe avait souhaité inscrire dans le texte un dispositif de sanctions applicables à l’issue du délai de cinq ans accordé aux entreprises pour se mettre en conformité avec l’objectif d’égalité professionnelle.

À l’époque, j’avais souligné qu’une loi de plus, sans mécanisme coercitif, risquait d’échouer, comme les précédentes. Cependant, ma proposition avait été rejetée. Certes, avec la réécriture de l’article 31 par l'Assemblée nationale, ma demande a enfin été prise en compte. Mais, sincèrement, que de temps perdu !

Mme Catherine Morin-Desailly. Le second facteur ayant un impact sur la retraite des femmes concerne le morcellement de la vie professionnelle de celles-ci, avec, bien sûr, les conséquences de la maternité sur le déroulement de leur carrière et leur rémunération, et la répartition des responsabilités en matière de garde d’enfants et de personnes dépendantes.

Par ailleurs, les femmes sont aussi plus touchées par le chômage et le temps partiel.

Non, monsieur le ministre, le manque de trimestres ne concerne pas que certaines générations, hélas ! Une étude de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, montre que la durée totale durant laquelle les femmes se sont arrêtées de travailler est beaucoup plus élevée que celle des hommes : 3 ans et 3 mois en moyenne, contre 1 an et 4 mois, et cela concerne toutes les générations.

Or le texte qui nous est aujourd'hui présenté risque d’aggraver la situation. La transition de 65 ans à 67 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein est notamment profondément injuste pour les femmes qui n’auraient pas acquis le nombre d’annuités nécessaires. Or ce qui leur est proposé, c’est ni plus ni moins de travailler plus pour gagner moins !

Mme Catherine Morin-Desailly. Ce constat est d’ailleurs partagé par notre délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, qui a formulé un certain nombre de recommandations qu’on serait bien avisé de suivre lorsqu’elles ont été traduites sous forme d’amendements.

Certes, le texte résultant des travaux de l'Assemblée nationale est amélioré, mais il est encore très perfectible.

Ainsi, dans les objectifs de l’assurance vieillesse, il faudrait inscrire à l’article 1er A du projet de loi non seulement l’équilibre intergénérationnel, mais également l’équité entre les hommes et les femmes. Ce serait un minimum !

Par ailleurs, j’évoquerai la réécriture de l’article 31, qui prévoit désormais une sanction financière pour les entreprises ne respectant pas leurs obligations en matière d’égalité professionnelle. Voilà qui constitue une nette amélioration, mais la rédaction de l’article doit garantir une logique de résultats, et pas seulement de moyens.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Catherine Morin-Desailly. De même, nous pourrions corriger certaines inégalités en reprenant les préconisations de la HALDE, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, afin de compenser notamment les effets pervers du temps partiel, qui est bien souvent subi et assorti de faibles rémunérations.

S’agissant des bornes 65/67 ans, il faut maintenir à 65 ans l’âge de départ à la retraite à taux plein pour les personnes, donc les hommes comme les femmes, ayant pris un congé parental, surtout dans des circonstances particulières : lorsque ces personnes ont dû, par exemple, apporter des soins particuliers à un enfant ou une personne dépendante dans un laps de temps minimal. Ce sont d’ailleurs souvent les femmes qui sont concernées.

Monsieur le ministre, voilà quelques avancées.

Pour autant, tout ce qui a été évoqué ne pourra être que transitoire.

En effet, comme Nicolas About l’a rappelé, cette réforme, à l’instar de celles de 1993 et 2003, ne peut être qu’une étape, qui doit, à terme, conduire à une réforme structurelle.

Comme les parlementaires centristes le défendent depuis 2003, un système de retraite par points serait plus lisible, plus équitable et plus équilibré, et les femmes y trouveraient sans doute leur compte.

Il faut mettre en place un système qui mesure la problématique des retraites à l’aune des évolutions de notre société.

Certes, il convient de prendre en compte l’allongement de l’espérance de vie, mais la vie et la carrière des femmes ont beaucoup changé au cours des trente dernières années.

Autrefois, la question de l’égalité des retraites entre les hommes et les femmes n’était guère posée, nombre de femmes ne travaillant pas toujours et partageant les ressources de leur mari durant la vie professionnelle de celui-ci, puis pendant la période de retraite, et bénéficiant, enfin, lorsqu’elles devenaient veuves, d’une pension de réversion.

L’arrivée massive des femmes sur le marché du travail, l’augmentation du nombre de divorces et d’unions hors mariage remet en question l’efficacité d’un tel système. Un nombre croissant de femmes séparées, divorcées, célibataires vivront isolées au moment de leur retraite ; leur niveau de vie dépendra alors plus étroitement de leurs droits propres. Comment faire en sorte que ceux-ci soient suffisants ?

Si les droits dits dérivés restent fondamentaux notamment pour la génération avant 1960, ils auront un rôle moindre dans un contexte de structures conjugales plus diverses. Ces droits reposent bien évidemment sur un engagement et un traitement similaires des deux sexes sur le marché du travail. Plusieurs de nos voisins européens tels que l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni et la Suède ont exploré des pistes sur ce point. Aussi est-il dommage que le texte qui nous est soumis ne comporte pas d’avancée en la matière.

Pour tenir compte de l’évolution des modes de vie, j’avais proposé que les cocontractants d’un pacte civil de solidarité puissent bénéficier des droits à la pension de réversion. Je regrette que l’on ne puisse pas discuter de cet amendement, retoqué en vertu de l’article 40 de la Constitution, à l’instar de bien d’autres d’ailleurs, nous privant ainsi d’une vraie réflexion.

Avant de conclure, je tiens à dire que nous avons bien évidemment conscience que ce n’est pas la présente loi qui pourra répondre complètement à des inégalités antérieures. C’est pourquoi j’ai demandé il y a quelques jours, au nom du groupe de l’Union centriste, l’organisation d’un débat sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes à l’issue de cette discussion. Ainsi, nous pourrons dresser le bilan de dix ans de politiques fondées sur la volonté de convaincre et non de contraindre, et enfin prendre les mesures nécessaires et adéquates pour lutter efficacement contre les inégalités existantes, qui restent scandaleuses.

Au travers de vos propos, j’ai cru comprendre, monsieur le ministre, que, lors des débats à venir, vous laissiez la porte ouverte, reconnaissant qu’il était incontestable qu’il existait des injustices et qu’il fallait tenter d’y trouver une réponse.

M. Roland Courteau. Il a quasiment fermé la porte !

Mme Catherine Morin-Desailly. Aussi, le groupe de l’Union centriste sera particulièrement attentif au sort qui sera réservé aux amendements qu’il défendra. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et sur quelques travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, Mme Christiane Demontès étant intervenue tout à l'heure sur l’économie générale de ce projet de loi, je concentrerai mon propos sur le titre IV.

Avant les congés d’été, je me souviens vous avoir entendu dire, monsieur le ministre, que la réforme était « une première mondiale » – rien que ça ! – et que jamais aucun gouvernement en Europe n’avait intégré la pénibilité comme vous le faisiez.

Bien que ce soit tout à fait présomptueux, vous continuez de prétendre que la réforme proposée ferait du système français « le plus avancé et le plus généreux d’Europe ».

M. Charles Gautier. Or c’est faux !

M. Jean-Pierre Godefroy. Permettez-moi d’en douter sérieusement, et, d’ailleurs, je ne suis pas le seul !

Je ne veux pas vous chagriner, mais, en ce domaine, vous n’êtes pas un précurseur. D’autres pays que la France se sont inquiétés avant nous de cette problématique et ont imaginé des solutions permettant un départ anticipé des salariés réalisant un travail usant, parmi lesquels la Belgique, les Pays-Bas, la Pologne et l’Italie, même si la loi votée par le gouvernement Prodi n’est jamais entrée en vigueur faute de publication, par le gouvernement Berlusconi, des décrets d’application nécessaires. Ce fut aussi le cas du gouvernement Jospin avec la création du FCAATA, le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, dont le fonctionnement, je le dois le dire ici, nous inquiète aussi, mais nous y reviendrons au cours de la discussion des articles.

Concernant la générosité du dispositif proposé, il suffit de comparer les chiffres.

Ainsi, vous estimez que ce dispositif pourrait concerner, après sa montée en charge, 30 000 personnes, alors qu’on évalue à plus de 2 millions le nombre de personnes concernées par des conditions de travail pénibles dans notre pays. D’ailleurs, les propos tenus récemment par le Président de la République et selon lesquels « il n’existe plus aucun métier pénible » en France…

M. Jean-Pierre Godefroy. … m’ont choqué. Soit il s’agit d’une nouvelle provocation,…

Mme Christiane Demontès. Travailler plus pour gagner moins !

M. Jean-Pierre Godefroy. … soit le Président ignore totalement la réalité vécue par ses concitoyens.

M. Charles Gautier. Il voyage !

M. Jean-Pierre Godefroy. Cela me rappelle étrangement ce qu’il avait déclaré sur les grèves il y a deux ou trois ans : « Quand il y a grève dans ce pays, cela ne se voit plus. » la situation a bien changé !

M. Guy Fischer. Il est à côté de la plaque !

M. Jean-Pierre Godefroy. Je ne sais pas s’il s’agit de cécité ou de cynisme ! Je vous laisse le libre choix, mes chers collègues !