M. Éric Woerth, ministre. … sur le concept de la retraite à 60 ans, à 61 ans ou à 62 ans, mais à cette réalité : les retraites ne sont plus financées. Par conséquent, elles ne sont plus durables et il nous faut dès lors réagir de manière très concrète, en réformant le régime de retraite par répartition par des éléments qui le composent.

On peut décider d’intervenir sur le niveau des pensions. Dans ce cas, il faut le baisser de 15 %. Personne ne le veut, vous le premier.

M. David Assouline. Vous le baissez automatiquement !

M. Éric Woerth, ministre. On peut aussi décider d’allonger la durée de cotisation au-delà du normal : il faudrait la porter à 47 ans. Personne ne le veut non plus. De la même façon, personne ne veut augmenter les impôts des Français à un moment où nous sortons d’une crise et où le pouvoir d’achat et l’emploi doivent être préservés.

Par conséquent, monsieur le Premier ministre, la seule variable d’ajustement, c’est l’âge. Vous l’avez d’ailleurs utilisée à un moment donné. Il est bien naturel de se poser à nouveau la question de l’âge du départ à la retraite au regard de l’espérance de vie des Français. (Marques d’exaspération sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Raymonde Le Texier. Vous devriez vous arrêter, monsieur le ministre !

M. Éric Woerth, ministre. J’ai bien conscience de me répéter, mais nous le faisons tous ! C’est bien logique du reste, car nos convictions ne varient pas à chaque instant.

Nous sommes persuadés que le temps de la retraite, comme celui des études, du travail et, après, du quatrième âge sont des temps de vie. Monsieur le Premier ministre, vous avez raison, il y a une ligne de vie, mais cette ligne bouge. C'est la raison pour laquelle il faut à un moment donné faire évoluer l’âge de la retraite. Nous avons le sentiment que celui que nous avons fixé est responsable, raisonnable.

Mme Raymonde Le Texier. C’est épouvantable !

M. Éric Woerth, ministre. Par ailleurs, nous avons également tenu compte du fait qu’un certain nombre de Français ne pourront pas travailler jusqu’à 62 ans. C'est la raison pour laquelle nous avons prévu plusieurs critères : la pénibilité, la carrière des femmes à certaines époques, les carrières longues.

Toutes ces singularités n’existaient pas à l’époque où vous aviez fixé le même âge pour tous. Nous avons tendance à penser que, sur la question de l’âge, il faut aller plus loin et protéger nos concitoyens les plus fragiles. C’est une attitude responsable et raisonnable. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur plusieurs travées de lUnion centriste.)

Mme Raymonde Le Texier. Nous ne parlons pas du même monde !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous défendez votre caste !

M. Roland Courteau. Vous n’avez rien compris !

M. le président. La parole est à M. Bernard Angels, pour explication de vote.

M. Bernard Angels. Monsieur le ministre, il est évident que nous sommes d’accord sur un point : le financement de la retraite pose problème. En revanche, ce que vous proposez est complètement différent de ce que nous proposons ; nous n’avons absolument pas la même ligne politique.

Dans votre projet de réforme, qui paiera la facture ? C’est simple, ce seront d’abord les salariés, à commencer par les plus modestes d’entre eux. Vous entendez également procéder – là encore, vous faites preuve de simplicité – au siphonage en règle du Fonds de réserve pour les retraites. Créé par le gouvernement Jospin, celui-ci avait vocation à sécuriser les retraites des générations futures. Depuis 2002, vous refusez de l’abonder. Aujourd’hui, vous annoncez tranquillement qu’il servira à autre chose.

Qui seront les heureux contributeurs épargnés par ce texte ? Les détenteurs de revenus du capital ! D’ailleurs, vos propositions pour 2010 sont dérisoires : pas plus de 2 milliards d’euros, là où nous proposons 10 milliards d’euros aujourd’hui et 25 milliards d’euros dès 2025.

Monsieur le ministre, vous avez renoncé, et cela devient une habitude chez vous, à la justice fiscale la plus élémentaire. Nous vous proposons une autre cohérence.

En effet, en attendant une politique permettant une reprise future de l’emploi et des salaires, base de cette indispensable réforme, il faut impérativement élargir l’assiette de financement du régime. Vous le faites timidement. Nous vous suggérons de le faire franchement.

Le financement envisagé par le parti socialiste combine augmentation des cotisations et élargissement de l’assiette de financement.

Nous proposons ainsi d’augmenter les cotisations salariales et patronales de 0,1 % par an chacune, entre 2012 et 2021. Le rendement d’une telle mesure serait de 12 milliards d’euros en 2025.

Quant à l’autre volet, l’élargissement de l’assiette, il consisterait premièrement à taxer les revenus du capital – stock-options et bonus – au taux de 38 %. Cela rapporterait 2,3 milliards d’euros.

Deuxièmement, à supprimer les niches sociales sur l’intéressement et la participation en taxant ces revenus à hauteur de 20 %. Le rendement de cette mesure serait de 3 milliards d’euros.

Troisièmement, à appliquer la CSG sur les revenus du capital exonérés de cet impôt, à l’exception, bien entendu, du livret A et des plus-values sur la résidence principale. Cela rapporterait 7 milliards d’euros.

Quatrièmement, à créer une contribution sur la valeur ajoutée, dérivée de la nouvelle taxe professionnelle, tout en exonérant les PME. Le gain serait de 7 milliards d’euros.

Cinquièmement, à créer une surtaxe de 15 % sur l’impôt sur les sociétés payé par les banques. Le produit de cet impôt doit abonder le Fonds de réserve pour les retraites dont les intérêts devraient s’accroître de 3 milliards d’euros par an.

Ainsi, nous vous proposons une autre réforme, équitable et efficace.

Équitable, car il est normal de faire participer les revenus du capital et des banques au financement de la réforme.

Équitable, car notre projet s’attaque à de nombreuses niches sociales et fiscales injustifiées.

Équitable, car il fait contribuer les profits au financement du régime en étendant aussi l’assiette de financement à la valeur ajoutée des entreprises.

Efficace, enfin, parce qu’il fait jouer la solidarité nationale à travers l’impôt, par le biais de l’élargissement de l’assiette, plutôt que de l’assurer par la seule augmentation des cotisations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Guillaume. Voilà des propositions !

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Les raisons pour lesquelles nous nous opposons à cet article 5, nous n’arrêtons pas de les évoquer. Et, je veux le dire politiquement à M. le ministre, nous continuerons à le faire au-delà de la discussion de l’article 5 et jusqu’au terme de l’examen de l’article 33, parce que c’est au cœur du sujet et qu’en découle tout ce que nous discutons à travers cette loi.

Je veux dire aussi que si nous voulons chercher à comprendre la manœuvre qui a consisté à vouloir, avant l’article 1er, discuter des articles 5 et 6, la réponse apparaît comme une évidence. Il s’agit de dire aux Français, tout à l’heure quand sera voté l’article 5 : « Circulez, il n’y a plus rien à voir, car, même s’il y a quelques agités au Sénat qui pourront encore discuter pendant trois semaines, ce droit fondamental n’existe plus dans notre pays ». Il faut que les Français, et tous ceux qui sont chargés de véhiculer l’information réelle, sachent qu’en aucun cas, après le vote de l’article 5, tout à l’heure, le droit à la retraite à 60 ans aura été aboli. En effet, aucune disposition n’est votée tant que la loi n’est pas elle-même votée. C’est seulement quand la loi sera votée que cette disposition aura « sauté » du droit social français. Et je veux dire à tous ceux qui vont manifester le 12 octobre que c’est encore plus nécessaire car jusqu’au bout le Gouvernement, qui l’a parfois fort mal utilisé, a le droit, avant la fin de la discussion de l’article 33, de revenir sur le vote de l’article 5 pour satisfaire les aspirations des Français.

Je voulais le dire de façon très nette car nous savons déjà que le plan de communication va se déclencher dans quelques heures et que, tout le week-end, nous allons entendre la petite musique : « c’est fini, il n’y a plus de raison de manifester ; vous pourrez sur les autres articles, à la marge obtenir des petites choses, mais la retraite à 60 ans, c’est fini, maintenant c’est 62 ans ». Ce n’est pas vrai, et si l’ensemble des parlementaires ici présents veulent encore défendre la dignité, voire même seulement l’utilité, de leur fonction, ils doivent le dire avec nous. Sinon, qu’est-ce que cela signifie ? Qu’à partir de tout à l’heure nous ne discuterons de plus rien, que nous discuterons pour la galerie, que nous sommes des pantins ?

Je veux conclure en disant que cette façon de faire de Nicolas Sarkozy – car tout vient de là ! – ne peut pas être viable encore dix-huit mois !

On ne peut pas penser qu’il est possible de gouverner un pays aussi ancien, avec de telles traditions démocratiques, avec de telles traditions d’accueil, de concorde, d’ouverture sur le monde, en mettant le feu tout l’été en désignant des étrangers, en désignant des Roms à la vindicte.

On ne peut pas penser qu’il est possible de gouverner en refusant d’écouter les syndicats, la démocratie sociale, en refusant d’écouter ceux qui manifestent, en refusant d’écouter même les enquêtes d’opinion dont Nicolas Sarkozy est si friand et qui disent que sept Français sur dix ne sont pas d’accord.

On ne peut pas penser qu’il est possible de gouverner en refusant d’écouter l’Assemblée nationale, en refusant d’écouter le Sénat et en le brutalisant au bout de quarante-huit heures en faisant venir les amendements directement de l’Élysée à l’AFP avant même qu’en séance le ministre ait pu faire semblant qu’ils venaient de lui…

M. Didier Guillaume. Oui, c’est ça !

M. David Assouline. … ou du groupe UMP. De telles traditions, de telles conquêtes sociales aussi fortement enracinées, comme l’a rappelé tout à l’heure le Premier ministre Pierre Mauroy, ne peuvent être effacées par de la communication.

Je ne vois pas comment au-delà du 12 octobre cette situation pourra perdurer sans prendre le risque de quelque chose qui devienne ingouvernable. Alors, nous espérons que le Gouvernement va se ressaisir, parce que personne n’a intérêt, pour la France, au blocage total et à l’incommunication absolue entre les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Jack Ralite et Jean-Claude Danglot applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.

Mme Isabelle Pasquet. Voilà donc l’une des dispositions phares de ce texte. Une disposition qui, selon vous, est à la fois inéluctable, juste et non négociable. Presque un progrès social, à vous entendre. Quel déni des réalités ! Quelle faculté est la vôtre de continuer à nier la vérité même quand tout accuse et accable. Votre projet est une régression sociale et vous devez l’entendre.

Votre sombre dessein semble prendre l’eau et les choses ne se passent pas comme vous l’espériez, ici et dans la rue. Par conséquent, vous vous radicalisez et nous assistons depuis mardi aux tentatives désespérées de l’Élysée, dont vous n’êtes que le relais, pour sauver ce qui pourrait encore l’être.

La manière dont vous entendez confisquer le débat sur l’examen de ce texte au Sénat en dit long sur la parodie de démocratie à laquelle nous assistons sous votre gouvernement. Il ne vous a pas suffi de dire dès juin 2010 que votre texte était non négociable et de mépriser tous les partenaires sociaux. Il ne vous a pas suffi de couper court à tout débat devant l’Assemblée nationale dans les conditions que nous connaissons. Il ne vous a pas suffi d’introduire dans ce texte deux cavaliers législatifs sur des questions qui auraient dû faire l’objet de textes distincts. Il faut maintenant que vous avanciez l’examen des articles 5 et 6 afin de pouvoir clamer le 12 octobre prochain que la réforme est votée !

C’est un vrai coup de force. Une honte dont ce gouvernement et le locataire de l’Élysée porteront longtemps le fardeau. Car, ne vous y trompez pas, tout cela produit l’effet exactement inverse et l’opposition à votre texte et à vos manières a encore pris de l’ampleur aujourd’hui.

Vous n’avez voulu entendre ni les partenaires sociaux, ni le Parlement, ni le peuple et ses millions de manifestants. Tout cela va se retourner contre vous.

Vous devriez apprendre de vos erreurs actuelles. Vous devriez changer de méthode de gouvernance et ne plus imposer des réformes du haut. Or, malheureusement, nous constatons que vous continuez dans cette démarche, à la fois autoritaire et condescendante car, à vous écouter encore aujourd’hui, il n’y a que vous qui savez et qui êtes crédibles. Nous pensons le contraire.

Votre texte est partisan et il est le reflet d’une législation de classe. Avant même que nos concitoyens n’aient pu commencer à réfléchir par eux-mêmes, vous leur avez martelé dans tous les medias que vos mesures étaient indispensables, les seules envisageables, justes et non négociables. Ce n’est pas audible. De quoi avez-vous peur en voulant ainsi confisquer le débat ?

Vous devez retirer votre texte. Vous devez entendre que les Françaises et les Français sont attachés à leur droit à la retraite.

L’article 5 que vous nous obligez à examiner en priorité constitue l’une des bornes d’âge que vous entendez reculer. Ce recul, tout le monde l’a dit, est un coup très dur porté au droit à la retraite pour des millions de Françaises et de Français.

Dans le monde occidental post-industrialisé les techniques de rationalisation du travail n’ont cessé de progresser. Les gains de productivité ont en moyenne été multiplié par cinq – c’est bien plus dans certains secteurs – au cours des cinquante dernières années.

Après le fordisme, le taylorisme, nous connaissons maintenant le lean management où les scientifiques de l’ergonomie font tout pour traquer de précieuses secondes et où au final le salarié est encore plus transformé en une espèce de machine exécutant des gestes répétitifs toute la journée.

Vous savez pertinemment que les salariés français ont un des taux de productivité à l’heure le plus élevé d’Europe. Cette réalité, souvent évoquée, est un des effets indirects des lois sur les 35 heures. Je ne reviens pas sur ce débat. Pourtant, ce haut taux de productivité à l’heure a des conséquences en termes de conditions de travail des salariés. Dans notre pays, le travail use peut-être plus qu’ailleurs et notamment en Europe.

Mais vous ignorez totalement ces réalités. Et vous tracez un trait comme un comptable qui dit qu’il veut 20 % de profit pour l’année prochaine sans se soucier du fait que cela va entraîner un plan social. Ce n’est pas votre problème.

Vous, vos objectifs sont tout autres : rassurer les agences de notation, dont le FMI fait finalement partie, appliquer le programme du MEDEF et rassurer la France du Fouquet’s et du « premier cercle ». C’est tout. Non, ce n’est pas tout ! C’est aussi faire adopter ce texte le plus rapidement possible, et peu importe son contenu, pour que M. Sarkozy puisse ensuite aller parader à la tête du G20 sans avoir la honte d’avoir reculé. Car le Président a fait de l’adoption de ce texte une affaire personnelle, comme du maintien du bouclier fiscal. C’est donc pour satisfaire à l’oukase d’un seul homme que cette réforme est bâclée, injuste et brutale.

Nos concitoyennes et concitoyens refusent de perdre leurs deux meilleures années de retraite, de 60 à 62 ans de cette manière. Vous devez retirer votre texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Didier Guillaume applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour cette explication de vote, je me contenterai de rappeler les caractéristiques de ceux qui font liquider leur retraite à 65 ans. Ils prennent souvent leur retraite à cet âge-là non pas au titre des annuités acquises, mais parce qu’ils attendent ce seuil afin d’éviter la décote.

En moyenne, la durée sans emploi avant ce départ à la retraite est de vingt ans pour les femmes, et de onze ans et demi pour les hommes. Au regard de ces réalités, que la majorité refuse obstinément de voir, cet article est vraiment le grand scandale de ce texte.

Le passage de 65 à 67 ans est une mesure injuste. C’est une discrimination indirecte dont les effets sont dévastateurs, notamment pour les femmes, et ce qu’elles aient un, deux, trois enfants, ou pas d’enfant du tout. Je veux le redire encore, les femmes ont une retraite nettement inférieure à celle des hommes, moins de la moitié des femmes mènent une carrière complète, un tiers d’entre elles travaillent jusqu’à 65 ans pour éviter la décote et il faudrait les faire patienter jusqu’à 67 ans. Quelle injustice !

Elles ont des carrières en dents de scie parce qu’elles mettent au monde des enfants, qui vont, eux, assurer la retraite de tous. Paradoxe, elles sont pénalisées pour cela au moment de leur propre retraite.

Vous venez tout juste de réaliser que la solution résiderait dans une loi ou des sanctions pour l’égalité salariale. Mais, enfin, regardez autour de vous : en dépit d’une loi sur la parité, incluant des sanctions financières, combien y a-t-il de femmes au Parlement ? Combien sont-elles à siéger dans un conseil général, à être à la tête d’un exécutif local ?

Mme Odette Herviaux. Il y en aura de moins en moins !

Mme Bariza Khiari. Avec la création du conseiller territorial, c’est clair ! De ce point de vue, il y a vraiment un recul de la parité. Mais là n’est pas le sujet.

Normalement, la loi est là pour corriger les grandes inégalités.

Nous souhaitons maintenir l’âge légal de la retraite à 60 ans. Pierre Mauroy a rappelé l’avancée sociale qu’a représentée la retraite à 60 ans pour des millions de salariés.

Mais nous voulons aussi laisser la liberté de choix, pour que chacun puisse décider de ce qui lui est le plus favorable. Les règles communes sont importantes, mais les choix doivent rester individuels.

Avec le report de l’âge légal à 62 ans et la retraite à taux plein à 67 ans, vous ajoutez de l’injustice à l’injustice. Et ça, c’est du lourd, Pierre Mauroy l’a bien illustré.

Pour toutes les raisons invoquées sur les travées de l’opposition, nous voterons résolument contre cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé, pour explication de vote.

M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’instant est effectivement solennel, et je voudrais inscrire le vote que nous allons opérer dans quelques instants dans la perspective de l’évolution de la société française.

Rien n’a été acquis au premier jour. Si la société du XIXe siècle était celle de la souffrance des travailleurs, qui n’avaient qu’une seule vie, placée sous le signe de la pénibilité, la seconde partie du XXe siècle a été marquée par des conquêtes sociales, faisant suite à l’apparition, notamment, des congés payés,…

M. Roland Courteau. Grâce à qui ?

M. Jean-Paul Virapoullé. … pour lesquels j’ai des souvenirs très précis, qui remontent à 1955, lorsque j’étais à Aix-en-Provence. Monsieur Courteau, ce n’est pas une question de gauche ou de droite ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. François Autain. C’est trop facile sinon !

M. Jean-Paul Virapoullé. Avez-vous oublié tout ce qu’a fait le général de Gaulle ? (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Mme Catherine Procaccia. Laissez-le parler !

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Virapoullé.

M. Jean-Paul Virapoullé. Mes chers collègues, je vous ai écoutés religieusement. Vous êtes tellement peu sûrs de vos arguments (Mêmes mouvements.)

M. Jean-Claude Danglot. À droite, toute !

M. Jean-Paul Virapoullé. … que la moindre parole de vérité vous excite. Ne soyez pas excités par la vérité !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ne vous inquiétez pas pour nous !

M. Jean-Paul Virapoullé. Écoutez-la !

À l’époque, disais-je, on a vu apparaître les premières conquêtes sociales, et la vie a changé.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Beaucoup de choses ont changé !

M. Jean-Paul Virapoullé. Le travail n’était plus perçu sous le seul angle de la pénibilité, mais il était un droit à la dignité, qui lui-même ouvrait d’autres droits : le droit aux congés, le droit au logement, le droit à l’éducation des enfants.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le droit au logement, ce n’est pas gagné !

M. Jean-Paul Virapoullé. Puis il y a eu de nouvelles conquêtes, dans le domaine de la médecine, de la politique alimentaire, du mieux-être.

Avant, les personnes âgées, on les accueillait dans nos villages du troisième âge, comme tous ceux d’entre nous qui ont été maires l’ont fait de 1965 à 1970 ; elles mouraient entre 60 et 65 ans. Aujourd’hui, celles qui ont le même âge ont droit à une troisième vie.

M. Jean-Paul Virapoullé. Car c’est vrai qu’il y a une troisième vie ! D’ailleurs, si l’on rendait obligatoire la retraite à 60 ou 65 ans dans cette assemblée, il n’y aurait plus grand monde ! (Sourires.)

M. Didier Guillaume. Il en resterait quelques-uns ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Paul Virapoullé. Nous ne pouvons pas concevoir la société française dans les années à venir en fermant les yeux sur l’évolution que nous vivons aujourd’hui.

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Jean-Paul Virapoullé. Le débat l’a montré, notamment au travers de vos arguments que j’ai écoutés avec attention, ce texte n’est pas une loi punitive à l’égard de qui que ce soit.

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Oh !

M. Jean-Paul Virapoullé. Comme vous, nous sommes comptables du principe constitutionnel selon lequel il faut participer au bonheur du peuple.

M. Jean-Paul Virapoullé. Comme vous, nous veillons à ce que les travailleurs aient droit à une retraite.

M. Jean-François Voguet. Ils vont travailler encore plus !

M. Jean-Paul Virapoullé. Écoutez bien, nous n’avons rien aboli. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Je remarque qu’on vous écoute, mais que, vous, vous ne souhaitez pas écouter les autres.

M. Christian Cambon. Ils n’écoutent jamais !

M. Jean-Paul Virapoullé. Cela montre la faiblesse de votre position !

Parce que, comme vous, nous veillons à ce que les travailleurs aient droit à une retraite, nous déplaçons simplement le curseur,…

M. Roland Courteau. Dans le mauvais sens !

M. Jean-Paul Virapoullé. … qui ouvre droit à la retraite pleine et entière, de deux ans ! Nous le faisons parce que c’est l’évolution qui le veut.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Non, c’est vous qui l’avez décrété !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les marchés financiers le veulent !

M. Jean-Paul Virapoullé. Nous le déplaçons non pas brutalement, mais par séquences successives. De votre volonté de semer la discorde dans le cadre d’une sorte de psychodrame politico-médiatique au cours des dernières semaines, il ne restera rien.

M. Jean-Claude Danglot. Vous méprisez les salariés !

M. Jean-Paul Virapoullé. De ce débat, on se souviendra seulement d’une réalité objective : la retraite est garantie par cette réforme.

M. Jean-Pierre Caffet. C’est faux !

M. Jean-Paul Virapoullé. Ce que nous ne voulons pas, c’est qu’en 2018 le gouvernement qui sera au pouvoir soit obligé de faire des réformes brutales.

En déplaçant le curseur aujourd’hui, en faisant une réforme progressive, nous mettons en place – écoutez bien, car tout le monde apprend en écoutant les autres, moi comme vous ! – les fondements d’une garantie de la retraite.

M. Jean-Pierre Caffet. On en reparlera !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La Bourse ou la vie !

M. Jean-Paul Virapoullé. Nous mettons en place une condition nécessaire, qu’il faudra encore faire évoluer.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La retraite à 80 ans !

M. Jean-Paul Virapoullé. Et là, nous avons un point commun dans la réflexion. Oui, c’est vrai, quand on regarde l’évolution des choses, on s’aperçoit que le facteur de production « travail » supporte trop de charges par rapport au facteur de production « capital ». En ce sens, il faut une réforme menée sinon au niveau international, du moins à l’échelon européen, pour accroître les charges pesant sur le facteur « capital », rééquilibrer l'ensemble et ainsi sauver le système social.

Mais ce n’est pas en niant cette réforme que vous favoriserez l’autre. Faisons cette réforme, votons ce projet de loi, et encourageons le Président de la République,…

M. Jean-Claude Danglot. Vous voulez être ministre ?

M. Jean-Paul Virapoullé. … et les gouvernements de l'Europe occidentale à exiger, sur la scène internationale, une mondialisation loyale et non une mondialisation débridée. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Je voterai cette réforme au nom de la garantie du droit à la retraite. Nous voterons cette réforme parce qu’elle est utile au pays,…

M. Roland Courteau. Pas du tout !

M. Jean-Paul Virapoullé. … utile aux travailleurs, utile aux familles et qu’elle garantit un droit fondamental : celui d’avoir une troisième vie après le travail ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP et sur plusieurs travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Pour notre part, nous ne voterons pas cette réforme. (Mme Claire-Lise Campion applaudit. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)

M. Guy Fischer. Nous ne voterons pas le recul de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans, car cette réforme va se révéler, au fil des jours et des années, comme étant la plus brutale de l'Union européenne. Voilà la vérité ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. Guy Fischer. Elle touchera les hommes et, contrairement à ce que vous dites, particulièrement les femmes.

Au terme de plus de quatre jours de débats, nous voici amenés à exprimer notre vote sur l’un des articles les plus iniques du projet de loi, à savoir le recul de l’âge légal à 62 ans. Le Gouvernement entend faire adopter en urgence les mesures d’âge, les mesures les plus rétrogrades de son texte. Aurait-il peur de l’opinion publique ?

Pourtant, ce que pensent les Français est clair : ils rejettent la réforme, en se prononçant à plus de 70 % pour le maintien de l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans.

En contestant cet état de fait, ce gouvernement est dans le déni et la mystification !

N’a-t-on pas entendu, ici même, Éric Woerth nous dire que la réforme qu’on nous soumet est « profondément juste » et que ce « projet est profondément humain » ? (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)

C’est du cynisme pur.

M. Didier Guillaume. Absolument !