Mme Annie David. Et les conseillers territoriaux !

M. Guy Fischer. Oui, les conseillers territoriaux !

Mme Michèle André. Sans oublier les conseillers territoriaux, évidemment !

Regardez les dispositions actuelles pour l’égalité des hommes et des femmes : il faut maintenant des actes ! Les femmes ne croient plus aux promesses !

Mme Annie David. Elles n’y ont jamais cru !

Mme Michèle André. Et je soutiens que, dans ce gouvernement, on manque de volonté politique ! Oui, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous manquez de volonté politique sur cette question !

Mme Annie David. Exactement !

Mme Michèle André. Monsieur le ministre du travail, vous êtes chargé de l’égalité et des droits des femmes. Je vous demande donc solennellement de bien y penser en ce moment. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Le droit des femmes, c’est aussi d’avoir une retraite financée. Le droit à la retraite est celui des hommes et des femmes. Avant qu’il y ait des Françaises, d’un côté, et des Français, de l’autre, il y a des Français de manière générale,…

M. René-Pierre Signé. Mais ils sont traités différemment, ils n’ont pas les mêmes salaires !

M. Éric Woerth, ministre. … et ces derniers ont droit à leur retraite.

Vous pouvez toujours considérer que toute mesure est une mesure de trop, une mesure inégalitaire mais, au fond, vous ne proposez pas de réforme des retraites ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Éric Woerth, ministre. Vous proposez une réforme fiscale. Vous avez une vision électoraliste forcenée de ce débat sur les retraites !

M. René-Pierre Signé. Les femmes ont plus de charges !

M. Éric Woerth, ministre. Vous essayez de vous adresser à chaque public en leur promettant que vous ferez plus et mieux, mais vous oubliez qu’il y a 30 milliards d’euros de déficit !

Mme Nicole Bricq. Et que faites-vous du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires ?

M. Éric Woerth, ministre. Qui va les payer ? Ce sont les futurs retraités, ce sont les jeunes de ce pays !

Nous sommes bien obligés, à un moment donné, de réformer le système de retraite si nous voulons que la répartition fonctionne à plein. Tous les autres pays l’ont fait, nous l’avons déjà dit dix fois et nous le répéterons s’il le faut.

C’est trop facile, vraiment trop facile de découvrir tout d’un coup, comme le fait le parti socialiste, que les retraites des femmes posent problème ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mais si ! Vous découvrez les choses !

La retraite à 60 ans a été faite pour les hommes. Vous n’avez jamais tenu compte des femmes pour cette réforme ! Lorsque vous étiez au gouvernement, vous ne vous êtes jamais posé la question des 65 ans. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Quand vous êtes-vous posé la question ? Quand Mme Aubry, qui était ministre des affaires sociales, s’est-elle posé la question des 65 ans ? Il n’y a pas plus d’injustice à 67 ans qu’à 65 ans ! Où est la réponse concrète du parti socialiste ?

La justice sociale, pour vous, c’est juste un thème de discours. Pour nous, c’est un ensemble d’actions au quotidien. (Vives exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste), et nous le prouvons.

L’assurance vieillesse des parents au foyer, l’AVPF, c’est cette majorité qui l’a faite, ce n’est pas le parti socialiste. Lorsque des mesures doivent être prises pour réformer les retraites, c’est toujours cette majorité qui le fait. Personne ne vous a obligés à ne rien faire pour les femmes, comme cela a été le cas pendant des années de la part du parti socialiste. Il est facile de découvrir les choses et puis de mettre son cœur en bandoulière pour mieux dire qu’il faudrait faire ceci, qu’il faudrait faire cela !

Nous sommes confrontés à quelques questions simples : voulons-nous, oui ou non, sauver le système des retraites par répartition? Faut-il continuer, ou pas, à réserver, au sein du système des retraites par répartition une place importante à la solidarité, qui est largement destinée – et heureusement ! – à la population féminine ?

On en voit les effets aujourd’hui. Lorsque les femmes nées au milieu des années soixante-dix auront 15 trimestres de plus que les hommes, ce sera bien grâce au système de solidarité, et pas grâce à autre chose. Vous ne pouvez pas le nier, c’est la vérité, c’est la réalité !

Monsieur Fischer, il me semble que vous avez parlé de la décote. Celle que vous avez retenue lors du vote de la retraite à 60 ans était de 10 % par année. C’est François Fillon qui l’a ramenée à 5 %. Qui est-ce qui payait les 10 % de décote ? Les femmes ! Cela ne vous a pas émus, mais pas du tout ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Vous avez beau avoir été au gouvernement, je n’ai jamais vu le parti socialiste ni le parti communiste s’émouvoir de la décote à 10 %. Jamais, jamais, jamais ! Sauf que là, tout d’un coup, vous le découvrez. Vous auriez dû, à ce moment-là, voter la réforme de 2003. Il fallait voter cette réforme de François Fillon comme il fallait soutenir son projet sur les carrières longues. Vous ne l’avez pas fait non plus !

Enfin, monsieur Sueur, sur le fait de savoir qui paye, vous dites qu’il s’agit à 85° % ou 90 % les salariés. D’abord, ce pourcentage n’est pas tout à fait exact, car, sur les 20 milliards d’euros de mesures d’âge, une moitié est financée par le report du paiement des pensions et l’autre est financée par les cotisations, car les personnes restent plus longtemps au travail. Mais, sur ces 10 milliards d’euros de cotisations, 6 milliards proviennent des employeurs, des entreprises, et donc ne sont pas financés par les employés.

M. Jean-Pierre Sueur. Vous faites une confusion !

M. Éric Woerth, ministre. Sur le « swap UNEDIC », 3,3 milliards d’euros sont financés par les entreprises. En ce qui concerne les mesures de recettes, les 4,7 milliards d’euros sont bien financés par les employeurs et les ménages aisés. On a donc au total, sur 30 milliards d’euros de financement, en dehors de l’effort de l’État, j’en conviens, 14 milliards d’euros qui proviennent des entreprises ou des ménages aisés.

Par ailleurs, je le répète car j’y crois profondément, dans un système par répartition, monsieur Sueur, il est au fond assez logique que ceux qui travaillent cotisent au régime. Nous ne sommes pas dans un système par capitalisation ; nous sommes dans un système par répartition ! Dans un tel régime, les actifs d’aujourd’hui payent les retraites d’aujourd’hui, c’est ainsi que cela fonctionne. On peut ne pas approuver ce système par répartition et vouloir en changer, et c’est un autre débat, mais on ne peut pas se dire très attaché au régime par répartition en se désintéressant de ses modalités de financement. (Applaudissements sur certaines travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. Je mets aux voix les sous-amendements identiques nos 1184 et 1197.

(Les sous-amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1185.

Mme Annie David. Ce sous-amendement a pour objet, je le rappelle, de remplacer les mots « trois enfants » par les mots « un enfant » dans l’amendement présenté par le Gouvernement. Il a reçu un avis défavorable tant de la commission que du Gouvernement et, vu le sort réservé au sous-amendement de Mme Panis, nous nous dirigeons vers l’adoption de l’amendement du Gouvernement n° 1182 non modifié. Or il ne prévoit pas de financement, celui-ci étant renvoyé à la future loi de finances.

Pourtant, M. le ministre nous le disait à l’instant, il y a un impératif financier, car les femmes et les hommes ont droit à une retraite financée. Il nous annonce une mesure qui coûterait 3,4 milliards d’euros mais dont le financement sera déterminé ultérieurement, au moment de l’examen du projet de loi de finances.

Je propose, pour ma part, de nouveaux financements.

D’ailleurs, nous contestons encore le fait que nos sous-amendements financiers n’aient pas été pris en compte, puisque ces dispositifs devaient justement servir à financer l’amendement du Gouvernement.

M. Guy Fischer. Les voilà ! (M. Guy Fischer se lève et brandit une liasse de documents.)

Mme Annie David. Nous avions déposé toute une série de sous-amendements financiers.

M. Guy Fischer. Tout ce travail pour rien !

M. le président. Laissez parler l’orateur, monsieur Fischer, ou bien demandez la parole pour un rappel au règlement.

Veuillez poursuivre, chère collègue.

Mme Annie David. Je proposais de relever le taux d’imposition à 33 %, ce qui aurait apporté des ressources nouvelles au Gouvernement pour financer ces mesures.

En effet, à travers ce sous-amendement, nous souhaitions modifier de façon non négligeable la fiscalité des entreprises, en mettant en place un taux unique d’imposition des plus-values de cessions d’actifs. Pour le coup, nous sommes bien dans un système par répartition, comme le disait à l’instant M. le ministre, puisque nous demandons que chacun paye sa part de l’impôt pour pouvoir financer notre système de protection sociale, en l’occurrence par l’imposition des plus-values de cessions d’actifs, qu’il s’agisse de biens, de matériels, de brevets et d’éléments immatériels du patrimoine de l’entreprise comme d’actifs financiers purs.

Ce serait une mesure d’équité entre les entreprises, améliorant singulièrement la lisibilité d’un dispositif qui, au fil du temps, s’est très profondément « technicisé », qu’il s’agisse en l’espèce de jouer sur les principes et dérogations de l’article 219 du code général des impôts ou sur les autres dispositions correctrices de l’impôt, crédits d’impôt divers, entre autres.

Ce serait aussi une mesure de rendement, puisque les plus-values perçues par les entreprises se chiffrent à plusieurs dizaines de milliards d’euros et qu’une progression du moindre point de cette imposition est donc génératrice de plusieurs centaines de millions d’euros de recettes nouvelles.

Vous le voyez, nous proposons des recettes nouvelles pour pouvoir financer les projets du Gouvernement. C’est donc bien le souci de sauvegarder notre système de retraite par répartition qui nous anime.

Certains vont évidemment s’élever contre ce que nous préconisons au nom de la fameuse concurrence fiscale internationale. Si M. Fourcade était là, il protesterait, c’est certain ! C’est oublier que les taux plus faibles pratiqués ailleurs ont souvent comme origine des assiettes différentes de l’imposition des résultats des entreprises.

Il s’agit en outre d’une mesure de cohérence avec celle que nous avons promue quant à la fiscalité des plus-values des particuliers. Il n’y a en effet aucune raison que seuls les particuliers soient mis à contribution pour renforcer les moyens de financement des régimes de retraite solidaires et il est logique qu’un effort particulier soit demandé aux entreprises.

Je ne peux donc que regretter de nouveau que nous n’ayons pas pu mettre en débat ces sous-amendements puisque, précisément, il est ici question de financement et d’équilibre financier, et M. le ministre lui-même a manifesté le souci d’une retraite financée. Malheureusement, à aucun moment vous n’avez voulu mettre en débat d’autres propositions pour un financement nouveau. Vous refusez systématiquement, catégoriquement !

Nous y voyons, pour notre part, une volonté tout à fait délibérée de faire peser 85 %, voire plus, de cette réforme sur le dos des travailleurs, alors que les entreprises et la part de rémunération qui a été déviée vers le capital ne sont absolument pas prises en compte dans ce financement. Nous ne pouvons que le regretter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Bel. Nous avons eu l’occasion de dire les uns et les autres comment nous percevions le débat de ce matin. Le fait de nous exprimer sur ces sujets ne signifie pas que nous ayons la volonté hégémonique de nous faire les uniques défenseurs de la cause. Simplement, au Sénat, lorsqu’on examine un texte, chacun a le droit de s’exprimer et de défendre ses amendements.

Pour autant le ministre ne peut pas non plus dire n’importe quoi, et prétendre que les socialistes ont été jusque-là totalement indifférents aux problèmes des femmes ! La présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a, je crois, pleinement répondu sur ce point.

Si vous voulez vraiment que nous puissions débattre, alors ne nous forcez pas à vous répliquer systématiquement en nous lançant à la figure que nous n’avons rien à vous opposer sinon l’abandon du système par répartition. Je veux rappeler, ce matin, qu’une autre réforme est possible et légitime. Vous devez également, vous aussi, prendre en considération nos propositions, peut-être même les expertiser.

En tout cas, vous ne pouvez pas nous dire que nous n’avons aucune proposition à faire sur la réforme des retraites. J’ai conscience d’en avoir déjà parlé, notamment à l’occasion de la discussion de la motion référendaire. Permettez-moi de vous rappeler quelques points qui sont essentiels pour nous.

La réforme globale des retraites que nous proposons vise notamment à garantir le niveau de vie des retraités. Nous considérons en effet, et nous l’avons dit, que les réformes antérieures ont conduit aujourd’hui à une diminution des retraites des Françaises et des Français.

Nous voulons également une réforme juste, qui permette des efforts partagés, alors qu’aujourd’hui ils reposent à près de 90 % sur les seuls salariés. Nous voulons aussi une réforme durable, parce que nous considérons que, malgré la réforme que vous allez faire adopter, dès l’année prochaine le problème se posera de nouveau. Nous voulons, enfin, permettre davantage de choix individuels dans le cadre de garanties collectives.

J’anticipe la question : « Comment faire pour payer tout cela ? ». Je vous l’explique à nouveau.

En premier lieu, il faut mettre à contribution les revenus du capital. Comment ? Par l’augmentation des prélèvements sociaux sur les bonus et stock-options en élevant le taux de 5 % à 38 %, comme le propose la Cour des comptes ; par le relèvement du forfait appliqué à l’intéressement et à la participation de 4 à 20 % ; par l’application de la CSG sur les revenus du capital actuellement exonérés et par la remise en cause de la défiscalisation des plus-values sur les cessions de filiales.

À partir de ce programme-là, nous obtenons 19 milliards d’euros en 2010 et 25 milliards d’euros en 2025.

En second lieu, nous prônons l’augmentation modérée et étalée dans le temps des cotisations patronales et salariales. De 2012 à 2021, nous proposons une augmentation de 0,1 point de cotisation salariale et employeur chaque année, pour un gain estimé à 12 milliards d’euros en 2025.

En troisième lieu, nous en avons beaucoup parlé et Claude Domeizel s’est exprimé avec sa grande connaissance du sujet, n’oublions pas le Fonds de réserve pour les retraites pour faire face à toutes les situations. Mes chers collègues, vous vous souvenez de sa création par le gouvernement Jospin. Le FRR avait pour vocation de sécuriser les jeunes générations d’actifs et de compenser leurs efforts. Depuis 2002, malheureusement, il n’a pas été alimenté. Nous voulons le financer de manière régulière par la création d’une surtaxe de 15 % de l’impôt sur les sociétés acquitté par les banques, soit un gain de 3 milliards d’euros par an avec un rendement de 4 %. Voilà pour les ressources.

J’aurais pu également évoquer la question essentielle de l’emploi des seniors. Je rappelle, en effet, que seul un salarié de plus de 55 ans sur trois est aujourd’hui en activité.

Après les ressources nouvelles, l’emploi des seniors, la prise en compte de la pénibilité, qui doit être une priorité, est le troisième pilier de notre réforme. Toute période de travail pénible doit donner droit à une majoration des annuités, permettant aux salariés concernés de partir plus tôt à la retraite.

Le quatrième pilier de notre projet est la retraite choisie, une mesure que d’autres préconisent aussi, notamment des leaders syndicaux. Il s’agit d’un système universel et personnalisé, qui permettrait à chacun de faire de vrais choix individuels et d’assurer le financement des retraites.

Ces mesures, nous les avons déjà présentées. Alors, cessez de dire que votre réforme est la seule possible et qu’elle est inéluctable ! D’autres que vous peuvent proposer des projets légèrement ou profondément différents.

Nous avons un projet de réforme des retraites et nous sommes bien décidés à le présenter aux Français. Et peut-être aurons-nous à le mettre en œuvre très rapidement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Carrère. Oui, nous avons, entre autres, un projet de réforme des retraites !

Même si nous n’approuvons absolument pas vos orientations, monsieur le ministre, nous n’avons jamais nié que vous ayez un projet. Nous vous avons présenté le nôtre : reconnaissez donc qu’il existe un projet alternatif !

Au lieu de cela, vous balayez nos propos d’un revers de main : « Circulez, il n’y a rien à voir ; notre projet est le seul possible, car il est financé et permet de conserver le système par répartition. » Fort bien, monsieur le ministre, mais tout cela est faux !

Votre projet ne permet pas de maintenir le système par répartition, car il n’est pas financé. Loin de le sauvegarder, il lui portera un coup !

Avec vous, nous l’avons bien compris, tout est affaire de communication ! Vous en avez le droit, d’ailleurs, mais permettez-nous de dénoncer ces pratiques...

Chaque fois que vous prenez la parole, en torero averti, vous agitez devant les socialistes, ou d’autres, le petit chiffon rouge de vos arguments fallacieux. Et nous fonçons – moi le premier ! –, ce en quoi nous avons bien tort.

Vous avez l’air inquiet, toutefois, de ce qui pourrait se passer demain, et dans un avenir plus lointain. Je partage votre inquiétude, car on ne sait pas comment peut évoluer un mouvement de cette nature, que vous avez d’ailleurs déclenché.

En revanche, je sais comment on pourrait y mettre fin. Vous n’y parviendrez pas en multipliant les petites ruses, par exemple, en nous faisant examiner par priorité tel ou tel article en vue d’influencer l’opinion publique. Je ne suis pas certain que ces basses manœuvres, censées servir ce qu’il est convenu d’appeler de « grandes causes », soient bien dignes d’une démocratie comme la nôtre !

Je vais vous la donner la clé du problème, monsieur le ministre : commençons par trouver un accord en renonçant à faire de la question de l’âge de départ à la retraite la condition sine qua non qui bloque tout le texte, et travaillons sur la question des durées de cotisation ! Vous verrez que les organisations syndicales seront capables de vous entendre et de revenir à la table des négociations, assez peu fréquentée ces derniers temps.

Vous ne me ferez pas croire que vous n’avez pas compris qu’il y a une forme d’inéluctabilité dans la mobilisation syndicale. Car « ces pauvres gens qui s’apprêtent à faire des grèves reconductibles prenant le risque, pensez ! de bloquer le pays, alors même que l’économie commence à redémarrer », ils ne sont pas les irresponsables que vous dites.

Non, les responsables de cette situation, c’est vous ! Et vous l’êtes pour des raisons idéologiques, parce que le Président de la République veut une victoire idéologique ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Il n’y a pas d’autre raison !

Si vous voulez vraiment vous placer sur le terrain de la démocratie, sur le terrain social, pourquoi ne pas ouvrir immédiatement un Grenelle des retraites, avec pour base de négociation les durées de cotisation ?

Au lieu de cela, nous le savons bien, vous allez recommencer à agiter le chiffon rouge en désignant les socialistes par-ci, les socialistes par-là... Remarquez, à force de parler de nous, monsieur le ministre, vous allez finir par nous faire une publicité extraordinaire ! (Sourires.)

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Vous en avez besoin !

M. Jean-Louis Carrère. Surtout, continuez à parler de nous ! Vous m’entendrez moins parler de votre mouvement... D’ailleurs, je ne sais même pas comment il s’appelle : vous changez de nom tellement souvent ! (Nouveaux sourires.)

Qui pourrait croire, monsieur Woerth, que vous détenez la vérité et que tout ce que vous dites est exact ? (Protestations sur les travées de lUMP.)

Vous évoquez l’absence de projet alternatif des socialistes : vous trouvez cela correct ? Je pensais que vous vouliez donner une autre image et débattre, projet contre projet, plutôt que de nier la réalité.

Feindre d’ignorer l’existence d’un projet alternatif et refuser absolument d’en discuter avec l’opposition, qui représente, bon an mal an, une bonne partie de nos concitoyens, cela ne fait pas grandir la démocratie !

Enfin, cette pantomime que vous jouez avec ce qu’il est convenu d’appeler « le centre », à chaque fois que vous êtes en difficulté, est dramatique et déplorable. Notre démocratie mérite mieux !

Acceptez de débattre des durées de cotisation et, vous verrez, la sérénité reviendra dans notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je souhaite revenir sur deux arguments que vous avez développés, monsieur le ministre, en réponse à ceux que nous avons exposés.

Tout d’abord, selon vous, il serait inexact d’affirmer qu’il y a une si grande disproportion entre la part des salariés et celle du capital, de la rente et de la spéculation, au regard du financement de la réforme, car il faudrait prendre en compte, selon vous, les cotisations des entreprises.

Or les cotisations des entreprises, monsieur le ministre, ce sont celles du monde du travail, celles qui proviennent du travail des salariés ! Ces cotisations se répartissent en deux parts, l’une payée par le salarié et l’autre par l’entreprise.

Vous nous rétorquez, si j’ai bien compris, qu’il y a, d’un côté, les cotisations payées par les salariés et, de l’autre, les cotisations versées par l’entreprise et celles provenant du capital, de la rente et de la spéculation. Nous ne partageons pas du tout cette conception !

Qu’elles soient payées par les salariés ou par les employeurs, ces cotisations - qui représentent 90 % de votre réforme -, proviennent les unes et les autres des revenus du travail. Tout le monde comprend cela !

M. Jean-Pierre Sueur. Le reste est payé par le capital, la rente et la spéculation. Vous ne pouvez pas dire que ce qui est payé par l’entreprise est payé par le capital ! Ou alors vous avez une bien étrange conception de l’entreprise...

J’en viens à votre second argument. Selon vous, c’est parce qu’il s’agit d’un régime par répartition que la totalité du financement doit provenir des revenus du travail. Or vous faites précisément le contraire puisque, dans votre réforme, une partie du financement ne provient pas des revenus du travail, et par là j’entends la part payée par les salariés ou celle payée par l’entreprise. Mais vous le faites trop peu !

M. Jean-Louis Carrère. Bien trop peu !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous posez donc un postulat : dans un système de retraite par répartition, il ne faut solliciter que les revenus du travail. Sur quoi se fonde ce postulat ? C’est une déclaration a priori !

Vous savez très bien que ce postulat est faux, monsieur le ministre, puisque vous faites le contraire, mais, pour nous, vous faites trop peu le contraire. Voilà le problème !

Nous refusons ces syllogismes et ces fausses évidences. Nous considérons, bien sûr, qu’il faut maintenir la retraite par répartition, à laquelle nous tenons beaucoup,...

Mme Isabelle Debré. Nous aussi !

M. Jean-Pierre Sueur. ... mais que, pour financer ce système, il faut faire appel à tous les revenus, y compris ceux du capital, de la rente et de la spéculation. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)

Et vous concluez que nous serions favorables à la retraite par capitalisation, justement parce que nous souhaitions faire appel à ces revenus. J’espère que tout le monde comprend, y compris vous-même, monsieur le ministre, combien ce raisonnement est faux ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je viens d’apprendre que Mme Parisot était intervenue, ce matin, dans le débat.

M. Jean-Louis Carrère. Une grande pub !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Son avis est évidemment essentiel, puisqu’elle nous explique comment va se dérouler le film ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Elle considère, tout d’abord, que la journée d’action de demain, participe « à une dégradation très préjudiciable » de la « réputation » française.

Pour Mme Parisot, quand les salariés et la population critiquent le Gouvernement, cela nuit à la réputation du pays...

Elle dit ensuite que « cette réforme est le fruit d’une très grande concertation et de beaucoup de compromis ». Elle parle, bien sûr, du compromis...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... avec le patronat, puisque celui-ci veut la retraite par capitalisation ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)

Comme le Gouvernement n’ose pas dire dans l’immédiat qu’il souhaite aller vers un régime de retraite par capitalisation, il accepte un compromis avec Mme Parisot qui, dans sa petite « bible », appelait ce système de ses vœux.

M. Jean-Louis Carrère. Mme Parisot égrène son chapelet...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La patronne du MEDEF accorde, ensuite, un satisfecit à M. Woerth, ainsi formulé : « Le fait majeur qui explique le déficit du système de retraite par répartition, c’est l’évolution de la démographie ». N’est-ce pas ce que nous répète M. Woerth, sans discontinuer, depuis une semaine ?

Pourquoi ne dites-vous pas clairement, monsieur le ministre, que vous voulez faire payer aux salariés 85 % à 90 % de cette réforme ? Du capital, on ne dit rien ! On a bien compris que, pour vous, c’est un gros mot...

Vous n’avez de cesse de répéter que les choses ont beaucoup changé depuis 1945. Je vous l’accorde, en effet : le capital financier, c’est-à-dire l’argent pour l’argent, déconnecté des réalités économiques et sociales, a envahi le paysage économique !

M. René-Pierre Signé. On l’a bien vu avec la crise financière !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On voit ce qu’il en coûte aux salariés, qui paient la crise du capitalisme financier ! Et vous leur demandez encore plus, puisqu’ils devront payer davantage pour leur retraite.

Puisque nous sommes tous d’accord pour conserver le régime de retraite par répartition, comme vous ne cessez de le dire, pourquoi ne pas avoir un vrai débat ?

Discutons du financement de la retraite par répartition, afin de déterminer ce que doivent payer les uns et les autres, plutôt que de répéter sans cesse ce que dit en fait Laurence Parisot ! Ce serait un débat intéressant, digne des parlementaires que nous sommes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)