M. Éric Woerth, ministre. Je remarque aussi qu’aux yeux de l’opposition l’herbe est toujours plus verte ailleurs. Vous critiquez les réformes engagées par la France, mais ce qu’on fait dans les autres pays, c’est formidable ! Le seul problème, c’est que vous n’auriez voté aucune – je dis bien aucune – des réformes qui ont été menées dans ces pays ! (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Et cela vaut également pour la Finlande, où l’âge de départ à la retraite a été porté de 63 à 68 ans, avec une surcote, il est vrai : plus on prend sa retraite tard, mieux celle-ci est rémunérée. Mais, même avec ces conditions, je ne suis pas sûr que vous auriez accepté une telle réforme.

En ce qui concerne la réforme menée en Allemagne, vous trompez les Français. Monsieur Assouline, vous n’auriez jamais accepté une durée de cotisation de 35 années pour des gens qui ont 63 ans. Vous n’auriez pas davantage admis la montée du taux plein à 67 ans. Et ces 67 ans allemands, ils correspondent aux 62 ans français !

M. David Assouline. Non, aux 65 ans français !

M. Christian Cambon. Il faut lire l’article jusqu’au bout !

M. Éric Woerth, ministre. Et vos amis suédois ? Seraient-ils toujours proches de vous si nous demandions aux Français…

M. Jean-Louis Carrère. Vous allez voir ce qu’ils vont vous dire en 2012, les Français !

M. Éric Woerth, ministre. … de consentir les efforts qu’ils ont imposés à leurs compatriotes, à savoir une baisse de leurs pensions de retraite de 3 % en 2010 et probablement d’autant en 2011 ?

M. David Assouline. Et les 15 milliards d'euros ?

M. Éric Woerth, ministre. Pour réformer, il faut regarder la réalité telle qu’elle est et non telle qu’on voudrait qu’elle soit !

Bien entendu, cet article entérine le passage de l’âge de la retraite sans décote à 67 ans. Bien sûr, il aurait été plus facile d’en rester à 65 ans. Pourtant, cette réforme, il faut la faire. (Non ! sur les travées du groupe socialistes et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Louis Carrère. C’est le pape qui l’a dit ! (Sourires sur les mêmes travées.)

M. Éric Woerth, ministre. En effet, la logique qui s’imposait pour les 62 ans vaut aussi pour les 67 ans, nous en avons débattu toute la journée.

M. Daniel Raoul. C’est très injuste !

M. Jean-Jacques Mirassou. Chassez le naturel, il revient au galop !

M. Éric Woerth, ministre. De ce report à 67 ans nous exemptons certaines catégories tout à fait particulières qui seraient normalement concernées – nous en avons assez parlé pour que je n’y revienne pas.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n’avez pas bougé d’un pouce !

M. Éric Woerth, ministre. En outre, bien entendu, il y a le fait que la population française vieillit. Il est donc bien naturel qu’il existe un écart entre l’âge légal et l’âge de la retraite sans décote.

Au demeurant, je le rappelle parce que vous l’avez totalement oublié, la période de décote de cinq ans, c’est vous-mêmes qui l’avez créée ! (Protestations sur les mêmes travées.) En effet, vous affirmez être les auteurs de la retraite à 60 ans, mais vous êtes aussi ceux de la retraite à 65 ans, mesdames, messieurs de l’opposition ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.) Ce n’est pas la droite qui a inventé cette mesure, c’est vous ! Et vous l’avez créée en 1982, c'est-à-dire à une époque où l’espérance de vie à 60 ans était de cinq ans inférieure à ce qu’elle est aujourd'hui,…

M. David Assouline. Elle n’a pas augmenté pour tout le monde !

M. Éric Woerth, ministre. … ce qui, alors, ne vous gênait pas !

Ces vérités vous dérangent parce que, je le répète, vous n’êtes pas capables de les affronter.

J’en viens à vos propositions censées permettre le maintien de la retraite à 60 ans, que M. Carrère a eu l’amabilité de me remettre, et je l’en remercie.

M. David Assouline. Je n’ai pas cessé de vous les expliquer !

M. Éric Woerth, ministre. Je les connaissais, mais cela m’a permis de les relire avec plaisir. (Sourires sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Jean-Louis Carrère. Espérons surtout que cela vous a permis de les comprendre !

M. Éric Woerth, ministre. Ces propositions sont fondées sur du sable et sur du vent. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Il faut appeler un chat un chat, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition. La plupart – pas toutes – des recettes que vous suggérez pour les couvrir n’existent pas.

Ainsi, vous proposez de récupérer 3 milliards d'euros sur l’intéressement et la participation, mais c’est en multipliant par cinq la taxation actuelle de ces dispositifs, au détriment des 5,5 millions de salariés français qui en bénéficient. (Protestations continues sur les mêmes travées.)

M. Alain Gournac. Quelle honte !

M. Christian Cambon. C’est scandaleux ! On voit que nos collègues socialistes n’ont jamais travaillé en entreprise.

M. Jean-Louis Carrère. Tiens, vous savez parler, chers collègues de la majorité ?...

M. Éric Woerth, ministre. Il est vrai que vous augmentez également la CSG sur les produits du capital. Mais cette mesure frapperait surtout les classes moyennes, car elle concernerait d'abord les 20 millions de contrats d’assurance vie qui existent en France.

Mme Bariza Khiari. C’est caricatural !

M. Éric Woerth, ministre. Vous proposez d’augmenter les cotisations de 0,1 point par an pendant dix ans. Cette mesure se ferait au détriment du pouvoir d’achat des Français, mais cela ne vous arrête pas ! Vous avez raison de considérer qu’elle rapporterait 4,5 milliards d'euros au bout de dix ans, mais vous faites le choix d’augmenter les charges sociales.

M. David Assouline. Et les 15 milliards d'euros ?

M. Éric Woerth, ministre. Vous prévoyez aussi de prélever 2 milliards d'euros sur les stock-options et sur les bonus, ce qui est tout à fait extraordinaire, car cette mesure s’appliquerait sur une assiette de 2,7 milliards d'euros.

M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !

M. Éric Woerth, ministre. D'ailleurs, qui a allégé la fiscalité sur les stock-options ? Ce n’est pas la droite, c’est M. Fabius ! Je veux bien que l’on revienne sur cette décision, mais notez tout de même que ce sont ce gouvernement et l’actuelle majorité qui ont augmenté à la fois la fiscalité et les charges sociales sur les stock-options.

Vous voulez prélever 3 milliards d'euros supplémentaires sur les banques, ce qui représente une augmentation de près de 50 points du taux de l’impôt sur les sociétés pour ces établissements puisqu’il passerait de 33 % à 80 % environ.

M. Marc Daunis et M. David Assouline. C’est moins que ce que vous avez remboursé à la Société Générale !

M. Éric Woerth, ministre. Or les banques prêtent à l’économie. Voulez-vous augmenter dans une telle proportion le coût des emprunts pour les entreprises et les ménages ? (Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Vous proposez de supprimer la « niche Copé ».

M. Éric Woerth, ministre. Or tous les pays sont revenus sur la fiscalisation des plus-values de cessions de titres, sauf la Grèce.

M. Alain Gournac. Bel exemple !

M. Jean-Louis Carrère. Ce sont vos amis qui ont naguère gouverné la Grèce !

M. Éric Woerth, ministre. D'ailleurs, M. Fabius lui-même avait baissé cette imposition,…

M. David Assouline. Baisser n’est pas supprimer !

M. Éric Woerth, ministre. … tout simplement parce qu’elle fait fuir la matière fiscale et qu’il ne reste bientôt plus rien à taxer.

Donc, encore une fois, les recettes que vous proposez ne reposent sur rien !

Cerise sur le gâteau, par une sorte de miracle, vous dégagez 6 milliards d'euros de recettes supplémentaires issues de la hausse du taux d’emploi des seniors ! (Rires sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

En réalité, on se demande comment vous parvenez à de tels montants, d’autant que vous oubliez complètement, bien sûr, que la plupart des mesures que vous proposez susciteraient des baisses de recettes de l’impôt sur les sociétés. En effet, les hausses de taxes que vous préconisez constitueraient pour les entreprises des charges supplémentaires, qui diminueraient d’autant l’impôt sur les sociétés. Tout cela n’est pas sérieux !

M. Alain Gournac. Exactement !

M. Éric Woerth, ministre. Les recettes que vous proposez à l’appui de votre projet sont fantaisistes,…

M. Jean-Louis Carrère. Vous reconnaissez donc enfin que nous avons un projet !

M. Éric Woerth, ministre. … je souhaitais vous le dire, comme je l’ai fait à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mais il existe une deuxième version de ce projet : celle que révèlent les propos tenus récemment par Mme Aubry, lorsqu’elle a affirmé que vous maintiendriez la retraite à 60 ans. Vous tiendriez parole, c’est sûr, mais en faisant de 60 ans un âge pivot, ce qui signifierait, en réalité, la fin de la retraite à taux plein à cet âge !

Mme Jacqueline Gourault. C’est tout à fait vrai !

M. Éric Woerth, ministre. Si voulez diminuer de 10 % ou de 20 % les retraites versées à 60 ans, le problème se pose différemment, mais alors, dites-le aux Français, plutôt que de prétendre que vous reviendrez sur notre réforme. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Marc Daunis. Vous l’avez déjà dit !

M. Éric Woerth, ministre. En réalité, vous ne reviendrez jamais sur ce texte, comme vous n’êtes jamais revenus sur aucune des réformes des retraites qui ont été réalisées par les gouvernements de droite successifs, et dont nous pouvons être fiers !

Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous êtes enfermés dans une posture idéologique,…

M. Éric Woerth, ministre. … et je ne crois pas que cette attitude soit la plus adaptée pour réformer les retraites.

L’une de vos oratrices a affirmé que les pensions de retraite en France étaient inférieures à celles qui sont versées dans beaucoup d’autres pays. Car, je le répète, vous citez toujours les autres pays quand cela vous arrange, alors que vous n’auriez jamais voté les réformes qu’ils ont engagées. (Marques d’approbation sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Quoi qu'il en soit, ce n’est pas exact. Le Conseil d’orientation des retraites a justement procédé à cette comparaison. Vous devriez en prendre connaissance, car vous y découvririez que le revenu des plus de 65 ans est en France, en pourcentage du revenu moyen de la population, le plus élevé de l’ensemble des pays de l’OCDE. Toutes ces données sont évidemment disponibles, avec de beaux graphiques pour les illustrer (M. le ministre montre un document.).

D'ailleurs, en France, le revenu des retraités est aussi important en moyenne que celui des actifs, ce que l’on rencontre rarement dans d’autres pays.

M. Didier Guillaume. Il y a d’énormes écarts parmi les retraités !

M. Éric Woerth, ministre. Nous disposons donc d’un système de retraite performant, qui permet de gommer au fur et à mesure du temps les inégalités dans les carrières.

M. David Assouline. Expliquez-le aux plus défavorisés !

M. Marc Daunis. Dites-le donc aux Français !

M. Éric Woerth, ministre. Enfin, j’en viens à votre hypothèse concernant le chômage.

M. Jean-Jacques Mirassou. Contre lequel vous ne faites rien !

M. Éric Woerth, ministre. En l’occurrence, nous reprenons à notre compte celle du COR qui prévoit un taux de chômage de 4,4 % dans dix ans. Je vous ferai remarquer que, dans le pseudo-projet socialiste, vous retenez des hypothèses bien plus favorables, puisque vous suivez le scénario A du COR, qui est optimiste, alors que le Gouvernement s’appuie sur le scénario médian, qui n’est pas aussi favorable.

M. Didier Guillaume. Nous protégeons les salariés !

M. Éric Woerth, ministre. Bref, il faut augmenter l’âge de la retraite, comme tous les pays comparables l’ont fait. Cela fait maintenant une bonne centaine de fois que je le dis.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous l’avez dit 150 000 fois !

M. Éric Woerth, ministre. On ne peut pas affirmer : « Je veux un départ à la retraite à 62 ans, mais je refuse une retraite sans décote à 67 ans ». Il doit exister un écart entre les deux, car les Français prennent leur retraite à 62 ans à taux plein : s’ils ne disposent pas des annuités nécessaires, il faut leur laisser du temps pour les acquérir. C’est le principe de la décote.

À un âge donné, que l’on considère comme responsable compte tenu de l’espérance de vie, cette décote doit prendre fin. Vous avez fixé cet âge à 65 ans voilà maintenant trente ans ; aujourd'hui, on peut considérer que deux ans de plus sont nécessaires.

M. Marc Daunis. Combien ça coûte ?

M. Éric Woerth, ministre. Compte tenu de toutes les mesures que nous avons prises en faveur des femmes, des handicapés, des carrières longues et de la pénibilité, je pense que le Gouvernement défend véritablement une vision juste et responsable. (Vifs applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est du pipeau !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 6, modifié.

Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG et du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 16 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 333
Majorité absolue des suffrages exprimés 167
Pour l’adoption 174
Contre 159

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mes chers collègues, à cette heure, je crois raisonnable de renvoyer la suite de la discussion à la prochaine séance. (Marques d’assentiment.)

M. Jean-Louis Carrère. Demain, chers collègues de la majorité, bien sûr, vous serez tous à la manif ?... (Sourires.)

M. Alain Gournac. C’est ça ! On vendra les saucisses !

Article 6 (Texte non modifié par la commission) (priorité) (début)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Discussion générale

4

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 12 octobre 2010 :

À quatorze heures trente :

1. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (n° 713, 2009-2010).

Rapport de M. Dominique Leclerc, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 733, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 734, 2009-2010).

Avis de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances (n° 727, 2009-2010).

Rapport d’information de Mme Jacqueline Panis, fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (n° 721, 2009-2010).

De dix-sept heures à dix-sept heures quarante-cinq :

2. Questions cribles thématiques : « L’accès au logement ».

À dix-huit heures, le soir et la nuit :

3. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (n° 713, 2009-2010).

Rapport de M. Dominique Leclerc, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 733, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 734, 2009-2010).

Avis de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances (n° 727, 2009-2010).

Rapport d’information de Mme Jacqueline Panis, fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (n° 721, 2009-2010).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures trente.)

Le Directeur adjoint

du service du compte rendu intégral,

FRANÇOISE WIART