M. Alain Vasselle. Ah ! Vous voyez !

M. Guy Fischer. Je le reconnais, mon cher collègue. Je suis toujours honnête, moi ! (Exclamations amusées sur les travées de lUMP.)

M. Alain Vasselle. Vous n’avez pas commencé votre intervention de cette façon !

M. Guy Fischer. De source syndicale, 90 % de ceux qui n’ont pas d’autres revenus que leur retraite de travailleur non-salarié agricole n’atteindraient pas ce niveau.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 6 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.

L'amendement n° 134 est présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 6.

Mme Annie David. L’article 7 du projet de loi prévoit d’appliquer aux non-salariés agricoles le recul de l’âge légal de départ à la retraite et celui de l’âge ouvrant droit à une retraite à taux plein.

Or les métiers agricoles sont difficiles, physiquement mais aussi nerveusement, notamment en raison de la crise économique sans précédent que traverse le secteur. Pour ces métiers, repousser l’âge de départ à la retraite serait une nouvelle provocation au regard de la situation actuelle. Faire croire qu’il serait impossible, pour notre société, de trouver les ressources nécessaires pour financer durablement et à un bon niveau les pensions ou, pis encore, omettre d’aborder la question des retraites agricoles relève du déni de solidarité.

La prise en compte de l’apport fondamental de cette catégorie sociale à la richesse de notre pays passe par une politique volontaire et ambitieuse. C’est en gardant à l’esprit cet objectif que nous proposons d’autres solutions pour répondre à l’exigence, que Guy Fischer vient de rappeler, d’instaurer une retraite agricole d’un montant au moins égal à 85 % du SMIC pour une carrière complète, pour satisfaire à la nécessité de combler la différence de traitement entre les sexes en matière de pensions et pour mettre en œuvre rapidement l’indispensable revalorisation des retraites les plus modestes.

Cela suppose d’abonder le fonds de financement de ce régime pour assurer sa pérennité, notamment en garantissant aux agriculteurs des revenus suffisants tout au long de leur carrière, à travers une politique publique au service du maintien de prix rémunérateurs pour les productions agricoles. En effet, c’est la condition sine qua non d’un bon niveau de cotisation.

Cela suppose également de mener une véritable bataille pour instaurer une cotisation nouvelle sur les revenus financiers et les institutions financières du secteur agricole et agroalimentaire. Ce serait là une mesure de justice, quand certaines transnationales de la distribution ou certains géants du secteur bancaire et assurantiel réalisent des milliards d’euros de bénéfices nets annuels, en partie sur le dos des agriculteurs.

Cela suppose aussi de donner la priorité à l’installation agricole pour garantir le renouvellement des actifs, qui est à la base du maintien du régime par répartition, notamment en rénovant en profondeur les politiques d’accès au foncier par le biais des commissions départementales d’orientation de l’agriculture.

Il faut enfin permettre l’accès de tous les agriculteurs, conjoints et aides familiaux à la retraite complémentaire obligatoire instituée en 2003.

Compte tenu du niveau particulièrement faible des salaires et des pensions de retraite des travailleurs des secteurs de la pêche et de l’agriculture, mais également de la pénibilité de leurs conditions de travail, nous nous opposons au relèvement des deux bornes d’âge et nous proposons donc la suppression de l’article 7. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Alquier, pour présenter l'amendement n° 134.

Mme Jacqueline Alquier. L’article 7 vise à modifier le code rural et de la pêche maritime pour relever l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans et l’âge de cessation d’activité ouvrant droit au taux plein, c'est-à-dire à une pension sans décote, de 65 à 67 ans.

Bien évidemment, nous demandons la suppression de cet article, compte tenu du niveau particulièrement faible des salaires et pensions de retraite des travailleurs de ce secteur, mais aussi de la pénibilité de leurs conditions de travail.

Nous sommes opposés à une mesure particulièrement injuste et inadaptée à la réalité sociale et économique de notre pays, qui a une incidence directe sur les populations les plus fragiles, c'est-à-dire les femmes, les jeunes, les travailleurs pauvres et tous ceux dont la carrière a été irrégulière.

Monsieur le ministre, au travers de cette disposition, vous faites payer votre réforme par ceux qui sont entrés très jeunes dans le monde du travail, qui ont donc fait le moins d’études et qui ont travaillé le plus durement.

Tel est bien le cas des agriculteurs qui, à 60 ans, ont souvent déjà une ou deux années de cotisation de plus que le nombre requis, mais qui devront encore poursuivre leur activité et continuer à cotiser, sans obtenir plus d’avantages, avant de pouvoir accéder à une retraite pourtant bien méritée, alors qu’ils sont souvent usés par un travail pénible.

Monsieur le secrétaire d’État, votre dispositif « carrières longues » associe invalidité et pénibilité. Vous méconnaissez ainsi délibérément combien il est fragilisant de travailler, surtout pour les éleveurs, par tous les temps, très tôt le matin ou très tard le soir, au gré des besoins de la saison, en prenant très peu de vacances. Faut-il se présenter à la retraite sur une chaise roulante pour que la pénibilité soit reconnue et prise en compte ?

Nous nous battons contre un processus de fragilisation et de paupérisation des futurs retraités et relayons les craintes de nos concitoyens, qui ne se trompent pas en manifestant leur rejet d’une réforme indigne et bâclée, alors que l’enjeu, de taille, rejaillira gravement sur les générations futures.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons, mes chers collègues, de supprimer l’article 7. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques, dans la mesure où ils tendent à revenir sur des mesures d’ensemble examinées ces derniers jours.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Même avis, pour les mêmes raisons.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'amendement n° 6.

M. Guy Fischer. M’intéressant particulièrement aux problèmes agricoles et très lié à ce milieu, j’ai essayé de prolonger notre réflexion et nos recherches sur ce sujet.

Le Gouvernement ne veut pas entendre l’appel de l’Association nationale des retraités agricoles de France, l’ANRAF, qui s’est réunie en congrès annuel cet été. Ses revendications, à savoir une pension décente assurant l’égalité entre les hommes et les femmes, ne sont pas nouvelles. Face aux promesses sans lendemain de la droite, elles revêtent aujourd’hui une actualité particulière.

Selon les chiffres officiels de la Mutualité sociale agricole – et non pas d’un syndicat ! –, la retraite moyenne actuelle d’un agriculteur s’élève à 400 euros. Un homme touche près de 650 euros ; une femme, 350 euros.

Le plan d’urgence de l’Élysée prêterait à rire si la situation n’était pas à pleurer. En effet, sur 1 700 000 retraités agricoles que compte l’Hexagone, seuls 170 000 ont bénéficié d’une augmentation de leur pension depuis le 1er janvier. En moyenne, la hausse a été de 29 centimes d’euro ! « C’est totalement dérisoire. La pension d’un retraité reste en dessous du seuil de pauvreté, qui s’élève à 900 euros. C’est inadmissible », déclare Roger Tréneule, le président de l’ANRAF de Dordogne.

Dans la profession, le malaise est grand. On a assisté cette année à une augmentation non négligeable des exploitants qui perçoivent le RSA. En deux ans, en effet, les revenus ont baissé de 50 %, ce qui a entraîné la liquidation de 30 % des exploitations. « Nous enregistrons un suicide par jour au niveau national », affirmait Pierre Esquerré, président de l’ANRAF du Gers.

La situation dramatique dans laquelle se trouvent les retraités agricoles est le reflet de la crise que traverse l’agriculture. Rien n’est fait pour assurer aux agriculteurs et aux éleveurs un revenu décent. Voilà quelques mois, au Sénat, on entendait en commission des élus de tous bords dénoncer l’absence de régulation des prix et des volumes, conséquence de la PAC, la politique agricole commune.

Pourtant, au cours de l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, tous nos amendements visant à introduire une telle régulation afin de garantir aux agriculteurs un prix rémunérateur pour leur production ont systématiquement été refusés.

On ne peut comprendre cette réforme des retraites sans garder à l’esprit les décisions déjà prises par le Gouvernement dans certains secteurs d’activité.

Si aucune décision importante n’est arrêtée, nous assisterons, nous le disons sans exagération, à la mort programmée du secteur agricole : la concentration déjà à l’œuvre s’intensifiera, faisant disparaître des milliers d’exploitations, ce qui signera la fin de l’indépendance alimentaire de la France et, plus largement, de l’Europe.

Nous souhaitons donc la suppression de l’article 7, dont l’adoption aggravera la situation des non-salariés agricoles.

Les Français sont loin d’être égaux devant la cure d’austérité que le Gouvernement prépare. Nous l’avons rappelé, Lars Olofsson, débauché de Nestlé par le groupe Carrefour, qui a encaissé 6 millions d’euros de rémunération en stock-options, bénéficie d’une retraite annuelle de près de 500 000 euros par an.

Les écarts abyssaux en matière de revenus ou de retraite, révélés de plus en plus souvent par la presse, n’ont plus de sens. Il est temps d’arrêter de demander aux travailleurs de se sacrifier. La logique consisterait, nous pourrions tous en tomber d’accord, à œuvrer en faveur d’une autre répartition des richesses, qui soit plus égalitaire.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 et 134.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L'amendement n° 776, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéas 1 et 2

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Madame la présidente, je considère que cet amendement de repli vient d’être défendu par M. Fischer.

Toutefois, je souhaite profiter de l’occasion qui m’est donnée pour saluer le courage et la détermination des paysans de la Confédération paysanne, qui se battent actuellement – trois d’entre eux ont entamé une grève de la faim – pour obtenir simplement la représentativité de la pluralité syndicale au sein des interprofessions.

J’appelle de mes vœux la prise en compte, par vous-mêmes, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, de leurs revendications. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 776.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 777, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. La situation des retraités s’aggravera sensiblement à l’avenir, et ce malgré cette réforme.

Cependant, si les Français sont loin d’être égaux devant la cure d’austérité que le Gouvernement entend mettre en œuvre, certaines situations sont particulièrement choquantes, notamment lorsque les politiques gouvernementales font porter l’effort de solidarité sur ceux-là mêmes qui en auraient le plus besoin.

À cet égard, la situation du secteur agricole en France est révélatrice des inégalités sociales profondes qui touchent les différentes activités du secteur. La production et l’élevage sont aujourd’hui en péril, alors que la transformation et la distribution engrangent des bénéfices mirobolants, au détriment, d’ailleurs, des consommateurs.

Après la réforme Fillon, qui a porté la durée de cotisation des paysans de 37,5 ans à 40 ans, on impose à ces derniers de travailler deux ans de plus pour bénéficier d’une retraite amplement méritée.

Face à cette situation, considérons l’exemple de Lars Olofsson, débauché de Nestlé par le groupe Carrefour, qui s’est vu offrir un véritable pont d’or pour sa future retraite, en 2012, à l’âge de 61 ans. Après avoir travaillé mille jours au service du groupe et encaissé 6 millions d’euros de rémunération en stock-options, sa rente annuelle s’élèvera à près de 500 000 euros.

M. Guy Fischer. Scandaleux !

M. François Autain. Les écarts abyssaux en matière de revenus ou de retraites n’ont plus de sens. Il est temps de cesser de demander uniquement aux travailleurs de se sacrifier.

M. Le Maire l’a affirmé cet été, « les petites pensions des agriculteurs doivent être revalorisées. » Lors de l’examen de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, il nous assurait que la question des retraites agricoles serait envisagée dans le cadre du projet de loi portant réforme des retraites.

Or elles sont concernées, c’est vrai, par ce texte, mais, d’une part, pour leur appliquer une réforme injuste et, d’autre part, sans qu’un véritable débat de fond ait eu lieu. En effet, les amendements que nous avions déposés sur cette question, notamment aux articles 28 et suivants, ont été déclarés irrecevables en vertu de l’application de l’article 40 de la Constitution.

Nous considérons que d’autres choix sont possibles. Il convient notamment de taxer les revenus financiers des grosses entreprises et d’opérer un prélèvement sur les bénéfices des entreprises de l’agroalimentaire, de la grande distribution et des industries de l’agrochimie, qui ont spolié les paysans du produit de leur travail. (M. Guy Fischer applaudit.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, qui vise à supprimer l’alinéa 3 de l’article 7.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Même avis défavorable, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'amendement n° 777.

Mme Odette Terrade. Sur cet article, notre vote sera cohérent avec notre position sur le relèvement de l’âge de départ à la retraite et de l’âge du bénéfice d’une retraite à taux plein, qui fait l’objet des articles 5 et 6 du projet de loi.

La crise que connaît aujourd’hui le monde rural n’est plus à démontrer. La situation économique et sociale des agriculteurs se dégrade de façon dramatique, nous en avons largement discuté au cours du débat sur la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

Je rappellerai quelques chiffres, mes chers collègues, pour vous rafraîchir la mémoire : depuis juin 2009, plus de 40 200 dossiers ont été acceptés au titre du RSA, alors que la Mutualité sociale agricole, en raison d’une baisse de 34 % du revenu agricole, évalue à 75 000 le nombre des agriculteurs éligibles à cette prestation.

« Un paysan français se suicide chaque jour » titrait Le Figaro en avril dernier. Comme l’a rappelé à l’instant notre collègue Guy Fischer, le taux de suicide le plus élevé de toutes les catégories socioprofessionnelles est celui des agriculteurs.

Les conditions de travail dans ces secteurs sont particulièrement difficiles : pénibilité, exposition à des produits dangereux, risques professionnels importants, stress, charge de travail, absence de loisirs, paperasserie administrative de plus en plus importante, et ce sans avoir la possibilité de dégager des revenus ou des loisirs. Tout au long de leur vie, les paysans consacrent leur temps et leur énergie à un travail rude et mal reconnu, se levant tôt chaque matin, quel que soit le temps.

La modestie de leurs pensions, les plus basses de notre pays, d’un montant mensuel d’environ 500 euros, rend le report de l’âge du bénéfice d’une retraite à taux plein à 67 ans encore plus insupportable, en particulier pour les agricultrices.

Et pourtant, le 23 février 2008, le Président de la République s’était engagé à maintenir le pouvoir d’achat des retraités agricoles et à réduire les « poches de pauvreté », en s’attachant, en particulier, à améliorer la situation des conjointes et des veuves d’agriculteurs.

Pour ce qui concerne le monde agricole, le prétexte de l’allongement de l’espérance de vie n’a aucun sens, nous vous l’avons longuement rappelé. En effet, 40 ans d’activité dans cette profession contraignante usent autant aujourd’hui qu’il y a vingt ou trente ans.

Le comportement inflexible du Gouvernement à la suite des nombreuses et massives mobilisations de la rue démontre à quel point il est guidé par des orientations dogmatiques fondées sur l’iniquité sociale et le refus de dialogue.

Monsieur le ministre, vous avez abandonné depuis longtemps le monde paysan, désormais seul face à ses difficultés. Cela a été dit, la présidence de Nicolas Sarkozy sera celle des riches. Mais elle sera plus que cela, elle sera la fin d’un modèle envié en Europe et dans le monde. Il n’y a pas de mot pour qualifier ce grand gâchis.

En affaiblissant le niveau des retraites, en rendant inatteignable le nombre d’annuités, en fragilisant les plus démunis, vous ouvrez le champ aux assurances individuelles, complémentaires, aux retraites individualisées contre la retraite par répartition.

Vous ne pouvez refuser d’écarter du débat public ceux qui n’acceptent pas la précarisation et la paupérisation : ces manifestants qui, par millions, veulent défendre un modèle qui les protégerait contre les subprimes, les hedge funds, les paradis fiscaux comme les îles Caïmans, rongées par l’inflation et par la spéculation.

Parmi eux se trouvent les travailleurs agricoles qui, trop souvent, ont été les oubliés du Gouvernement, et parfois même les boucs émissaires dans les différents débats. Ils devraient, au contraire, être en première ligne tant ils participent à la conservation de notre patrimoine et de nos territoires.

C’est pourquoi notre groupe vous demande d’adopter cet amendement, mes chers collègues.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 777.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas About.

M. Nicolas About. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’avais déposé deux amendements de coordination avec l’article 6.

Dans la mesure où le rapporteur a décidé aujourd’hui de nous présenter un amendement de coordination avec les dispositions adoptées à l’article 6, et considérant qu’il l’a certainement fait avec beaucoup plus de talent que je n’avais envisagé de le faire, j’ai retiré lesdits amendements au profit de celui de la commission.

Mme la présidente. L'amendement n° 1224, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Compléter cet article par quatre paragraphes ainsi rédigés :

... . - Par dérogation aux dispositions des articles L. 732-25 et L. 762-30 du code rural et de la pêche maritime, l'âge mentionné auxdits articles est fixé à soixante-cinq ans pour les assurés qui bénéficient d'un nombre minimum de trimestres fixé par décret au titre de la majoration de durée d'assurance prévue à l'article L. 351-4-1 du code de la sécurité sociale et pour les assurés qui, pendant une durée et dans des conditions fixées par décret, ont apporté une aide effective à leur enfant bénéficiaire de l'élément de la prestation relevant du 1° de l'article L. 245-3 du code de l'action sociale et des familles.

... . - Par dérogation aux dispositions des articles L. 732-25 et L. 762-30 du code rural et de la pêche maritime, l'âge mentionné auxdits articles est fixé à soixante-cinq ans pour les assurés nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1955 inclus qui remplissent les conditions prévues aux 1° à 3° du IV de l'article 6.

... . - Par dérogation aux dispositions des articles L. 732-25 et L. 762-30 du code rural et de la pêche maritime, l'âge mentionné auxdits articles est fixé à soixante-cinq ans pour les assurés ayant interrompu leur activité professionnelle pour s'occuper d'un membre de leur famille en raison de leur qualité d'aidant familial dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État.

... . - Par dérogation aux dispositions des articles L. 732-25 et L. 762-30 du code rural et de la pêche maritime, l'âge mentionné auxdits articles est fixé à soixante-cinq ans pour les assurés handicapés.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Nous avons présenté cet amendement à la commission voilà seulement quelques heures. Il s’agit de reprendre les dispositions qui ont été votées dans le cadre de l’article 6 concernant les parents de trois enfants sous certaines conditions, les parents d’enfants handicapés, les aidants familiaux et les assurés handicapés afin de les appliquer au régime agricole.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, car s’il convient d’appliquer les règles d’âge à l’ensemble des agriculteurs, il convient tout autant, par mesure d’équité, de les faire bénéficier des dispositifs que nous avons adoptés voilà quelques jours. De fait, c’est un amendement qui s’imposait.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Nous avons examiné cet amendement en commission à l’issue de la séance de ce matin et nous l’avons adopté. Le temps de la réflexion me conduit, malgré tout, à formuler une remarque.

La modification demandée par M. Nicolas About en commission implique que les aidants familiaux ne seront pris en compte que s’ils ont interrompu leur activité professionnelle pour s’occuper d’un membre de leur famille. Dans notre esprit, les aidants familiaux ne devraient pas être restreints aux seules personnes d’une même famille. Nous regrettons qu’une telle restriction ait été apportée en commission.

Nous saluons la coordination opérée avec les dispositions votées à l’article 6, mais nous déplorons la limitation concernant les aidants familiaux. Par conséquent, nous nous abstiendrons sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Cet amendement présenté par le rapporteur, auquel je souscris, me donne l’occasion, après les interventions de nos collègues du groupe CRC-SPG sur cet article concernant la profession agricole, de formuler deux remarques.

D’une part, je suis prêt à partager l’argumentation qu’ils ont développée en ce qui concerne le niveau de vie et le pouvoir d’achat des agriculteurs qui sont soumis, depuis quelque temps, aux aléas du marché. Il est plus que temps que le Gouvernement – le ministre de l’agriculture y travaille, nous le savons – mette en place des outils de régulation pour obtenir une stabilisation des marchés, pour instaurer un filet de sécurité afin que les agriculteurs ne subissent pas, en plus des aléas climatiques, ceux du marché.

Je diverge cependant avec vous sur un point, mes chers collègues : les conditions de travail des agriculteurs et des salariés agricoles – j’exerce encore la profession – n’ont plus rien à voir avec celles qu’ils connaissaient il y a trente, quarante ou cinquante ans ; elles se sont très nettement améliorées.

Cela ne signifie pas pour autant que certains d’entre eux ne sont pas exposés à des produits nocifs. C’est l’une des raisons pour lesquelles le Gouvernement nous a entendus, et vous a entendus, puisque tout un arsenal de mesures est décliné au titre de la pénibilité. Nous en reparlerons au moment de l’examen des articles concernant la pénibilité, mais la situation particulière de celles et ceux qui y ont été confrontés sera prise en considération dans le cadre des mesures de solidarité nationale.

Mme Annie David. Non, justement !

M. Alain Vasselle. D’autre part, je souhaiterais que le Gouvernement, à la fin du texte, puisse nous donner une idée de l’impact financier de l’ensemble des mesures que nous aurons prises au fil de l’examen des articles. La disposition relative aux aidants familiaux, qui n’était pas intégrée dans le texte, qui n’entrait donc pas dans l’équilibre financier général de la réforme, aura évidemment un coût.

Certes, le Gouvernement garde la main puisque l’application du dispositif est renvoyée à un décret d’application. C’est dans ce cadre que vous déplacerez le curseur au niveau que vous le souhaiterez. Il ne faudra pas le mettre trop bas, car cet article ne serait plus opérationnel.

Il sera nécessaire de mesurer le coût de cette opération pour l’intégrer dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 que nous examinerons au cours de la première quinzaine de novembre.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur Vasselle, nous sommes, dans un texte de cette nature, évidemment confrontés à un choix.

La première possibilité consiste à dire en arrivant devant l’Assemblée nationale puis la Haute Assemblée que l’on ne veut toucher à rien, que la discussion ne débouchera sur rien car le financement est assuré.

La seconde possibilité, c’est d’accepter qu’au gré des discussions avec les députés puis les sénateurs le texte évolue. Je tiens à dire que tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, le texte change. Par définition, il y a des avancées.

Vous avez toujours été constant dans votre souci d’être associé à ces avancées, parce que vous en mesurez comme nous la nécessité, notamment pour des populations envers lesquelles il faut faire un geste. Vous avez toujours été très attentif à ce que nous soyons en mesure, puisqu’il s’agit in fine de parvenir à un dispositif globalement équilibré, de préserver l’équilibre entre les recettes et les dépenses engagées.

Je partage parfaitement votre point de vue. Je prends ici l’engagement, au nom du Gouvernement, de faire en sorte qu’à l’issue de cette discussion, ou au plus tard dans le cadre de la discussion du PLFSS au Sénat, nous puissions indiquer le coût des mesures nouvelles qui ont été décidées et, bien entendu, leur mode de financement.